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De la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus
De la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus
Par Marguerite-Marie Alacoque
NOTICE
Sur la vénérable Marguerite-Marie.
Marguerite-Marie Alacoque, née, en 1645, à Leuthecourt, en Bourgogne, montra dès son enfance beaucoup de piété et de vertu ; elle était a peine âgée de dix ans, qu'elle se dévoua à la contemplation, et parut être favorisée de grâces extraordinaires.
En 1671, elle entra au monastère de la Visitation de sainte Marie de Paray le Monial, en Charolais, fut admise au noviciat après trois mois d'épreuve, fit sa profession, et fut jusqu'à la fin de sa vie un modèle de sagesse, de soumission et de patience.
La vénérable Marguerite-Marie mourut, le 17 Octobre 1690 : c'est à elle que fut révélée la dévotion au Cœur de Jésus, dévotion que la sainte Eglise a approuvée, en établissant une fête et une confrérie en l'honneur de ce Sacré-Cœur.
Dieu rendit témoignage à l'excellence de celte dévotion par d'éclatants miracles, entr'autres par la cessation de la peste horrible qui ravageait Marseille.
Beaucoup de grâces et d'indulgences sont attachées à la Confrérie du Sacré-Cœur ; les obligations consistent à réciter un Pater, Ave et Credo, avec l'aspiration suivante, ou telle autre qui aura le même sens :
Sacré-Cœur de Jésus, qu'à tout instant du jour. S'accroisse en moi le feu de votre saint amour.
DE LA DÉVOTION AU SACRÉ-CŒUR.
Il est une dévotion, dont le nom seul, symbole de l'amour, réveillant en nous l'idée des sentiments les plus doux, épanouit l'âme Chrétienne, et répand en elle le parfum de la piété : c'est la Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus.
Toujours connue, toujours pratiquée par les Saints, mais plus clairement manifestée dans ces derniers siècles par N. S. Jésus-Christ lui-même, elle semble être destinée, par sa nature, à ranimer et à perfectionner dans les fidèles le véritable esprit du Christianisme, en leur faisant honorer, servir, aimer Dieu comme leur Père et leur Ami. Dieu est amour, dit saint Jean, et c'est pourquoi saint Augustin fait remarquer, qu'il ne peut être honoré dignement que par l'amour.
La dévotion au Sacré-Cœur est proprement le culte de l'amour ; nous y trouvons Dieu aimant l'homme d'un amour infini, et par ce divin Cœur, nous rendons à Dieu un amour digne de lui. Voilà, en deux mots, le fond et l'idée de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ.
C'est ce Cœur tout embrasé d'amour qui suppléera à la froideur et à l'insuffisance des nôtres ; en lui nous trouvons sans cesse les trésors infinis de richesses et de grâces propres à combler la mesure de l'amour que nous devons à Dieu, et à payer les dettes immenses que nous avons contractées envers sa divine majesté par nos péchés et nos infidélités sans nombre.
Là est la source toujours ouverte et toujours abondante de la miséricorde, où nos cœurs peuvent se désaltérer de la soif infinie qu'ils devraient tous avoir de rendre amour pour amour à un Dieu qui nous a tant aimés, qu'il s'est fait semblable à nous pour mourir sur la Croix, afin de nous racheter de l'esclavage du démon.
Or, c'est dans le Cœur de Jésus que nous pouvons puiser cet amour ; c'est en offrant sans cesse ce Cœur si embrasé de l'Homme-Dieu que nous donnons à Dieu tout ce qu'il a le droit d'attendre de nous, et tout ce que nous pourrions désirer de lui donner.
La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus est encore destinée de nos jours à combattre cette indifférence mortelle dans laquelle la société s'endort, et ce froid égoïsme qui glace tous les cœurs et paralyse toutes les vertus ; mais elle doit aussi guérir les plaies des âmes fidèles en faisant couler sur elles l'onction de la grâce ; elle doit leur communiquer cet esprit d'amour qui réjouit et console ; elle doit, dans ce siècle irréligieux, procurer à Jésus-Christ des cœurs tout spécialement dévoués, qui lui rendent amour pour amour, le consolent de l'oubli de tant de chrétiens, et s'appliquent à réparer les outrages dont il est l'objet.
La dévotion au Cœur amoureux de Jésus-Christ est donc bien essentiellement celle de l'amour.
Amour envers Dieu — puisque par ce divin Cœur il nous est donné d'aimer Dieu parfaitement, et qu'une tendre dévotion envers ce Cœur si embrasé d'amour et qui ne cherche qu'à enflammer les nôtres, nous rendra de plus en plus capables de grandes choses pour le service et la gloire de Dieu.
Amour envers nous-mêmes. — Et quel objet plus capable de satisfaire le besoin insatiable que nous avons tous d'aimer et d'être aimés ?
Où trouverons-nous un cœur plus compatissant, plus aimable, plus noble, plus doux, que celui de Jésus ! Ce Cœur, l'objet des complaisances du Père céleste, qui fait le bonheur et les délices de tout le Ciel, ne sera-t-il pas capable de nous tenir lieu de tout autre amour ? Ne trouverons-nous pas en lui une consolation assurée dans toutes les peines, une lumière vive et sûre dans tous nos doutes, la force et le courage dans toutes nos misères ? Ce Cœur toujours ouvert sur la Croix et dans l'adorable Sacrement de nos autels, ce Cœur qui a voulu éprouver toutes les impressions et tous les sentiments du nôtre, afin de n'en laisser aucun sans consolation et sans remède ! Ah ! pourquoi chercher en vain le bonheur et la consolation parmi les hommes ?
Allons à Jésus-Christ : il n'est pas de cœur si misérable, si indigne, et si ingrat qu'il soit, qui ne trouve un accès facile auprès de lui, et un refuge assuré dans son divin Cœur ; il désire ardemment nous y recevoir tous, pour nous en communiquer tous les secrets, et nous prendre pour ses amis intimes ; mais nous restons sourds aux tendres invitations de ce bon Maître, quoique nous ayons sans cesse ce cœur ouvert devant les yeux. Semblable à une source abondante qui jette incessamment ses eaux rafraîchissantes aux pauvres voyageurs altérés, le Cœur de Jésus déborde d'amour et de consolation, et nos cœurs aveuglés, ainsi qu'il s'en plaint lui-même par son prophète, vont à la recherche des citernes creuses et des puits arides dans la terre sèche et stérile des affections de la terre et des faux biens de la vie.
Ah ! qu'il n'en soit plus ainsi ; courons vers lui pour être transformés en lui !
— Il n'y a personne si pauvre qui n'ait quelque lieu pour y faire sa demeure ; les oiseaux même ont leur nid et les renards leurs tannières, comme dit notre Seigneur : il ne faut pas qu'un Chrétien soit seul sans domicile, errant et vagabond dans le monde. Mais où pourrait-il mieux se fixer que dans le Cœur de Jésus, qui est plus auguste, plus magnifique, plus parfait que tous les palais des monarques ?
Les Saints le savaient bien ; aussi y établissaient-ils leur demeure.
Saint Bonaventure portait une sainte envie au fer de la lance qui nous a ouvert l'entrée de cet aimable Cœur, et il disait que s'il eût été en sa place, il n'en fût jamais sorti.
— Si vous voulez me trouver, écrivait Saint Elzéar à sainte Delphine, cherchez-moi dans la plaie du côté de Jésus-Christ : c'est le lieu de ma demeure.
Apprenez, dit Lansperge, à demeurer dans cette plaie : si vous aimez le repos, c'est le lit de l'épouse semé de lis et de roses ; si vous voulez faire éclore vos désirs et mettre au jour vos bonnes œuvres, c'est le nid de la colombe ;.. si vous aimez le recueillement, c'est la retraite du passereau solitaire ; si vous aimez les larmes et les soupirs, c'est là que la tourterelle fait retentir ses gémissements ; si vous êtes pressé de la faim, vous y trouverez la manne du Ciel qui tombe dans le désert, et si vous êtes altéré, vous y trouverez la fontaine d'eau vive qui sort du paradis, et qui se répand dans le cœur des fidèles avec abondance. Au reste, ne craignez pas d'être mal reçu ; vous n'ignorez pas les caresses que le Fils de Dieu prodigue à ceux qui l'honorent ; il les invite à se reposer doucement sur son Cœur, comme saint Jean ; il leur montre son côté ouvert, comme à saint Thomas, et il les fait boire à cette source.
Avec un tel ami, y a-t-il encore quelque chose qui nous manque ?
Oh ! quand les cœurs de tous les hommes se fermeraient pour vous, ne vous troublez pas, dit un pieux auteur ; le Cœur de Jésus vous sera toujours ouvert.
— Allons donc vers cet ami qui ne nous rebute jamais, et qui est dévoué et tout-puissant pour nous consoler ; confions-lui toutes nos peines, tous nos désirs ; son divin Cœur y compatira.
— Quelque bonne volonté qu'aient nos meilleurs amis, ils sont si souvent empêchés de nous écouter et de nous soulager ; mais le Cœur de Jésus Christ est toujours présent parmi nous au très-saint Sacrement de l'autel pour nous attendre et nous recevoir, pour peu que nous ayons quelque désir d'aller à lui.
Mais hélas ! nous sommes pour la plupart du temps sans ce désir, cherchant mille consolations parmi les créatures.
C'est de quoi il se plaignait à la vénérable Marguerite Marie Alacoque : J'ai une soif ardente à être honoré et aimé des hommes dans le saint Sacrement, lui dit-il un jour, et cependant je ne trouve presque personne qui s'efforce, selon mon désir, de me désaltérer, en usant vers moi de quelque retour.
Enfin, la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus est une source d'amour envers le prochain, puisque par ce divin Cœur nous devenons tous-puissants auprès de Dieu.
Par lui, nous obtiendrons la conversion de tant d'âmes qui, de nos jours, s'égarent de plus en plus dans la voie de l'incrédulité et de l'oubli de tous leurs devoirs.
Avez-vous des inquiétudes sous ce rapport pour un de vos parents, de vos amis, de vos proches ?
Confiez-le au Cœur de Jésus ; représentons-lui l'aveuglement de notre âme et de toutes celles qui nous sont chères ; prions-le sans cesse pour la conversion des pauvres pécheurs ; demandons-lui, conjurons-le, qu'il tourne notre cœur et ceux de tous les hommes vers le sien ; il ne désire rien davantage ; écoutons la pressante invitation qu'il nous en fait :
« 0 vous tous qui demeurez altérés parmi les faux plaisirs du siècle, venez à mon Cœur, le centre des vraies joies, la source des eaux vives ; pauvres, indigents des dons de la grâce, approchez, buvez et désaltérez-vous ; venez, prenez sans argent ; pourquoi vous épuisez-vous à la recherche des biens trompeurs, qui ne peuvent contenter votre cœur insatiable ? Voici les vraies richesses, mon Cœur en est la source ; plus vous y puiserez, plus il sera satisfait.
Ne nous contentons pas de lui demander ces richesses seulement pour nous, mais encore pour tous les hommes qui sont nos frères, et que le Cœur de Jésus-Christ désire tant d'enrichir.
Si à la simple prière d'une pauvre femme pécheresse, Notre Seigneur a ressuscité Lazare, espérons aussi qu'en le priant par son Cœur adorable, il fera des miracles encore plus grands en faveur des pauvres âmes qui sont comme déjà ensevelies dans le tombeau du péché, et mortes à la seule vraie vie, qui est celle de la grâce. Qui d'entre nous, en jetant un coup-d'œil sur le monde, au point de vue de la foi, ne gémira pas, et ne sentira pas son âme oppressée de la plus vive douleur, en voyant, que de nos jours, les âmes ne semblent avoir de l'empressement et de l'avidité que pour courir à leur perte et à leur malheur éternel ! elles s'éloignent de plus en plus de Dieu et de la Religion leur mère ; les cœurs se glacent de plus en plus pour ce Dieu d'amour, notre Père céleste, qui ne désire rien tant que de nous nommer tous ses enfants et de nous donner son royaume ?
Mais que notre douleur ne soit pas stérile ; car nous avons un avocat puissant auprès du tronc de Dieu, et c'est le Cœur de Jésus-Christ.
Opposons-le comme une forte digue à la mer d'iniquités qui inonde la terre ; demandons-lui qu'il daigne avoir pitié de ces âmes qui ne veulent pas avoir pitié d'elles-mêmes ; redoublons d'amour, de ferveur et de confiance envers le Cœur adorable de Jésus-Christ, et espérons que les flammes d'amour qui le consument triompheront de l'indifférence qui glace tous les cœurs.
Oui, c'est par la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus que nous devons obtenir la conversion des pauvres pécheurs ; c'est là ce foyer d'amour où nous irons chercher le feu qu'il est venu apporter sur la terre, et qu'il désire tant devoir allumé dans tous les cœurs, et que Dieu semble vouloir nous donner dans ces derniers temps comme moyen assuré pour gagner toutes les âmes à lui.
C'est aussi par le Cœur de Jésus-Christ que nous arrêterons la colère de Dieu justement irrité contre nous.
Ah ! si nous lui demandons sans cesse grâce et miséricorde pour nous et pour les pauvres pécheurs, par le Cœur adorable de son divin Fils, il ne pourra nous le refuser, et il nous attirera tous à lui ; il comblera les âmes fidèles de grâces et de bénédictions, et pardonnera à tous les pécheurs en faveur de ce Cœur qui sauve son peuple de ses péchés.
Ce que nous pouvons donc faire de plus agréable à Dieu, c'est de lui offrir les hommages et les adorations du Cœur de son Fils ; le moyen le plus assuré d'obtenir l'effet de nos demandes, c'est de les lui adresser par le Cœur de Jésus, en lui disant dans le même esprit que le prophète roi : Seigneur, abaissez vos yeux sur moi dans votre miséricorde ; mais comme vous n'y trouverez rien qui ne soit à punir, reportez-les sur le visage, sur le cœur de votre Fils bien-aimé. Respice in faciem Chrisli lui. Ne me regardez pour ainsi dire qu'à travers ces plaies, qui vous demandent grâce, et qui sont toutes-puissantes pour l'obtenir.
C'était la pratique de la vénérable Mère Marie de l'Incarnation, fondatrice des Urselines dans le Canada ; voici ce qu'elle rapporte à ce sujet au deuxième livre de sa vie écrite par elle même : « Une nuit que je représentais au Père Eternel la grande affaire du salut des âmes, je connus par une lumière intérieure, que sa divine majesté ne m'ècoutait pas et qu'elle ne se rendait pas propice comme à l'ordinaire aux vœux et aux instances que je lui faisais. Je me consumais à ses pieds, je m'abimais au centre de ma bassesse et de mon néant, afin qu'il plût à sa divine bonté de mettre en moi ce qui lui plairait davantage pour être exaucée.
Alors j'entendis ces paroles : Demande-moi par le Cœur de Jésus, mon très-aimable Fils ; c'est par lui que je l'exaucerai, et que je l'accorderai les demandes.
Depuis ce temps, c'est par cette pratique que j'achève mes dévotions du jour.
Elle ajoute en un autre endroit qu'elle recueille chaque jour par ce moyen une nouvelle profusion de grâces qu'il lui est impossible d'exprimer.
Prions donc, prions sans cesse, pour la conversion des pauvres pécheurs, et ne faisons pas une prière qui ne soit unie à celles du Cœur de Jésus ; supplions ardemment ce Sacré-Cœur que lui-même se fasse connaître et aimer par ces lumières, ces touches sécrètes qui éclairent et changent les cœurs.
Oui tout est promis à la prière. Une sainte âme demandant à Dieu pourquoi, dans ce siècle corrompu, il ne suscitait pas quelqu'un de ces Saints dont le zèle change en quelque sorte le monde,
— On ne me prie pas assez, lui fut-il répondu.
Prions donc et prions avec une grande confiance.
La prière, dit Saint Laurent Justinien, apaise le courroux de Dieu, qui pardonne au pécheur, quand il prie avec humilité ; elle obtient tout ce qu'on sollicite ; elle triomphe de tous les efforts des ennemis ; elle purifie, elle change les pécheurs et en fait des Saints.
Je n'eus pas plus tôt recouru à Dieu, dit Salomon, qu'il m'accorda la sagesse.
— Je n'eus pas plus tôt ouvert la bouche pour prier, dit David, que je reçus du secours de Dieu.
Notre Seigneur dit à sainte Brigitte, qu'il surpasse toujours avec beaucoup d'excès nos demandes et nos vœux, et qu'il donnerait à tout moment si nous y apportions les dispositions convenables.
Mais de toutes les prières il n'en est pas qui puisse être plus agréable à Jésus-Christ que celle par laquelle nous lui demandons d'allumer dans nos cœurs et dans celui de tous les hommes, un ardent amour envers son Sacré-Cœur.
Prions, conjurons ; il est impossible de le demander instamment et avec persévérance sans l'obtenir.
Chaque prière, chaque élévation vers ce Cœur adorable est une flèche qui vole droit au but et en fait rejaillir sur nous et sur le monde entier un torrent de grâces et de miséricordes.
Le moyen est aisé, il est efficace ; et l'on peut dire qu'en ceci c'est obtenir ce qu'on demande, que de le demander.
Servez-vous de ce Cœur lui-même pour appuyer votre requête, et ne doutez point qu'elle ne soit favorablement acceptée.
Sainte Mechtilde a assuré, peu de temps avant sa mort, qu'ayant un jour demandé à Notre Seigneur quelque grande grâce pour une personne qui l'en avait priée, Jésus-Christ lui dit : "Ma Fille, dites à la personne pour laquelle vous me priez, que tout ce qu'elle désire, elle le doit chercher dans mon Cœur, et elle l'y trouvera ; qu'elle ait une grande dévotion à ce Sacré-Cœur ; qu'elle me demande tout ce qu'elle désire dans ce même Cœur, comme un enfant qui ne sait d'autre artifice que celui que l'amour lui suggère pour demander à son père tout ce qu'il veut."
Il est dit qu'un jour que sainte Gertrude priait et qu'elle s'efforçait de s'acquitter avec attention de ce saint exercice, elle ne laissait pas de souffrir, par un effet de la faiblesse humaine plusieurs distractions, ce qui la jeta dan une grande affliction, et elle se disait : « Ah ! quel fruit peut-on espérer d'une pareille prière faite avec tant d'égarements d'esprit ? »
Alors Jésus pour la consoler lui présenta son Cœur et lui dit : « Voilà mon Cœur, les délices de la sainte Trinité ; je te le présente, afin que tu t'en serves pour suppléer à ce qui te manque ; recommande lui, avec confiance, toutes les actions, il les rendra parfaites à mes yeux ; mon Cœur sera désormais toujours prêt à te servir, et il suppléera à toute heure pour toi à tes négligences. »
Ce qu'il dit à cette Sainte, il le dit à chacun de nous.
Sachons donc profiter d'une offre si avantageuse ; sachons mettre à profit les richesses immenses que nous possédons dans le Cœur de notre divin Sauveur ; sachons nous en prévaloir devant son Père céleste qui est aussi le nôtre, et demandons-lui en retour un ardent amour pour lui, et la conversion et la sanctification de toutes les âmes, qui sont le prix du sang de sort divin Fils, et de trente-trois années de peines et de travaux !
Que ce Cœur devienne notre cœur et ses désirs les nôtres ; ne vivons, n'aimons et n'agissons plus que par lui ; que ce soit lui qui prie, qui aime, qui travaille et qui souffre en nous ; de cette façon, nos prières et nos actions, unies à celles du Cœur d'un Dieu, deviendront toutes d'un prix infini et très-agréables au Père Eternel ; par ce divin Cœur, nos prières seront toutes exaucées, et nos actions deviendront saintes et dignes de la récompense éternelle.
C'était ce qui ravissait les Saints, et les comblait de joie et de bonheur, en voyant qu'ils trouvaient dans ce divin Cœur de quoi suppléer à tous leurs défauts.
Ecoutons saint Bernard à ce sujet : « 0 très doux Jésus, s'écrie-t il, que vous renfermez de richesses dans votre Cœur ! Se peut-il bien faire que les hommes ne soient que médiocrement touchés de la perte qu'ils font par l'oubli et par l'indifférence qu'ils ont pour cet aimable Cœur ? »
Pour moi, dit ce grand Saint, je ne veux rien oublier pour le gagner, et pour le posséder ; je lui consacrerai désormais toutes mes pensées ; ses sentiments et ses désirs seront les miens ; enfin je donnerai tout pour acheter ce précieux trésor. Mais qu'est-il besoin de l'acheter, puisqu'il est véritablement à moi ? Oui, je dis avec assurance, le Cœur de Jésus est à moi, puisqu'il est à mon Chef, et ce qui est au Chef, n'appartient-il pas aussi à tous les membres ? Ce Sacré-Cœur sera donc désormais et le temple où je ne cesserai de l'adorer, et la victime que je lui offrirai sans cesse, et l'autel où je ferai mes sacrifices, sur lequel les mêmes flammes du divin amour dont le sien brûle, consumeront le mien ; ce sera dans ce Sacré-Cœur que je trouverai et un modèle pour régler les mouvements du mien, et un fonds pour m'acquitter de tout ce que je dois à la divine justice, et un lieu assuré, où, étant à couvert des naufrages et des tempêtes, je dirai avec David : J'ai trouvé mon cœur pour prier mon Dieu ; oui je l'ai trouvé ce cœur dans l'adorable Eucharistie, en y trouvant le Cœur de mon souverain, de mon ami, de mon frère, c'est-à-dire le Cœur de mon aimable Rédempteur. Et après cela, à qui tiendra-t-il que je ne prie avec confiance, et que je n'obtienne ce que j'aurai demandé ? Allons, mes frères, entrons dans cet aimable Cœur pour n'en sortir jamais. Mon Dieu, si l'on resent tant de consolation au seul souvenir de ce Sacré-Cœur, que sera-ce de l'aimer avec tendresse, que sera-ce d'y entrer et d'y demeurer toujours ? Attirez-moi tout-à-fait dans ce Cœur, ô mon aimable Jésus ; ouvrez-le-moi ce Cœur, qui a pour moi tant d'attraits ; mais quoi ! ce côté ouvert ne m'en ouvre-t-il pas l'entrée, et la plaie même de ce Sacré-Cœur ne m'invite-t-elle pas à y entrer ? Votre Cœur, ô Jésus, est à moi, et le mien est à vous. Cela est-il surprenant ? Il est dit de la multitude des premiers fidèles, qu'ils n'avaient tous qu'un cœur. Unissez-moi donc au vôtre, ô mon Sauveur ; introduisez-moi dans votre Cœur, dans ce cœur dilaté par une charité immense et incompréhensible ; que j'y sois purifié, que j'y habite toute ma vie, que j'y étudie, que j'y voie vos volontés, pour y conformer la mienne à jamais. C'est pour nous ouvrir un passage à votre Cœur, qu'il a été percé dans votre passion ; c'est pour nous montrer par l'ouverture profonde qu'on y a faite, quelle était la profonde blessure que l'amour avait faite en notre faveur à ce Cœur divin.
C'est de cette blessure intime dont il parlait lui-même, lorsqu'il disait : Ma sœur, mon Epouse, vous avez blessé mon cœur ; vous l'avez blessé. C'était à son Eglise ; c'était à l'âme fidèle qu'il parlait ainsi. Il l'appelle Epouse, à cause de son amour ; il l'appelle sœur, à cause de la pureté de cet amour ; mais c'est pour elle que son Cœur a été blessé.
Qui n'aimerait cette précieuse blessure ? Qui ne rendrait amour pour amour à cet Epoux qui nous a prévenus de tant de charité, et qui nous adresse encore ces autres paroles : Dites à mon Epouse que l'amour me fait languir.
— Oui le Sacré Cœur de Jésus est le centre des hommes.
Quand notre âme sera distraite et dissipée, il faudra la mener doucement au Cœur de Jésus-Christ pour offrir au Père Eternel les saintes dispositions de ce Cœur adorable, pour unir ce peu que nous faisons avec l'infini que Jésus-Christ fait ; ainsi en ne faisant rien, nous faisons beaucoup par le moyen de Jésus-Christ : ce divin Cœur sera donc désormais votre Oratoire, âme Chrétienne ; c'est dans lui et par lui que vous offrirez toutes vos prières à Dieu le Père, si vous voulez qu'elle lui soient agréables ; ce sera l'école où vous irez apprendre la science sublime de Dieu, contraire aux opinions et aux malheureuses maximes du monde ; ce sera le trésor où vous irez prendre tout ce qu'il vous faudra pour vous enrichir : la pureté, le parfait amour, la fidélité ; mais ce qu'il y a de plus précieux et de plus abondant dans ce trésor, ce sont les humiliations, les souffrances et un ardent amour de la plus grande pauvreté. Apprenez que l'estime et l'amour de toutes ces choses est un don si précieux, qu'il ne se trouve que dans le Cœur d'un Dieu fait homme comme dans sa première source. Les autres cœurs, quelque saints, quelque nobles qu'ils soient, en ont plus ou moins selon qu'ils en vont puiser plus ou moins dans ce trésor, je veux dire dans le Cœur adorable et si aimable de notre Seigneur Jésus Christ. Unissons donc nos cœurs à celui de Jésus, vivons de sa vie.
Saint Augustin dit que Jésus-Christ ne doit pas être considéré comme séparé des hommes auxquels il s'est uni par l'incarnation. Le chef et le corps ne font qu'un seul homme, un seul Christ. Le sauveur du corps et les membres du corps sont réunis en quelque sorte dans une même chair : leur prière est commune, leurs souffrances sont communes, et lorsque le temps de l'iniquité aura passé, le repos et le bonheur leur seront communs.
Or, si dans l'Eglise il n'y a qu'un seul chef qui est Jésus-Christ : Caput Christus, ne doit-on pas dire aussi dans le même sens, qu'il n'y a qu'un seul cœur ?
Oui, dit saint Bernard, votre cœur, ô Jésus, est aussi le mien.
Ne considérons donc pas le Cœur de Jésus-Christ comme le cœur du Fils de Dieu seulement, mais comme le cœur de tous les hommes ; s'il a été rempli de grâce et embrasé d'un amour infini, c'est afin qu'il versât en nous de sa plénitude et que le feu sacré dont il brûle consumât le nôtre : de plenitudine ejus nos omnes accepimus.
Tel est l'office du Cœur adorable de Jésus ; si ce divin Sauveur est justement appelé l'homme par excellence : Ecce Homo, son Cœur doit être aussi regardé comme le seul cœur véritablement saint et digne de Dieu, puisque ce n'est que par lui et en lui que les autres peuvent être agréables à la divine majesté.
Voilà le point de vue auquel il faut se placer pour avoir une idée juste de la dévotion dont il est ici question.
Il nous sera facile maintenant de comprendre quel en est l'objet propre et le véritable esprit, et quelle est la pratique et la fin la plus solide et la plus substantielle à laquelle il convient que s'attachent de préférence et avant tout, ceux qui font profession d'honorer le Cœur de Jésus.
Objet propre de la Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus.
L'objet et le motif principal de cette dévotion est, comme on l'a déjà dit, l'amour immense de Jésus Christ pour les hommes ; et parce que nous avons besoin dans l'exercice des dévotions, même les plus spirituelles, d'objets sensibles, qui nous en renouvellent le souvenir et nous en facilitent la pratique, Jésus-Christ lui-même nous a offert son divin Cœur comme l'objet le plus capable de nous rappeler cet amour qui l'a porté à mourir sur la croix pour nous et à demeurer avec nous jusqu'à la fin des siècles dans l'adorable Eucharistie.
En effet, le cœur de l'homme étant en quelque sorte la source et le siège de l'amour, on lui attribue avec raison les plus tendres sentiments de l'âme. Le cœur étant donc le symbole le plus naturel de l'amour, il doit être l'objet d'une dévotion qui se réduit tout entière à l'amour. L'amour en est l'objet, l'amour en est le motif, l'amour en est la fin ; or, le cœur et l'amour sont comme synonymes parmi les hommes, et l'image du cœur sera toujours prise par eux pour la représentation de l'amour.
C'est ainsi que sous le nom et sous le symbole des sacrées plaies de Jésus-Christ, l'Eglise honore ses souffrances dont ces plaies nous rappellent le souvenir ; c'est dans le même esprit que l'on trouve, dans la représentation du Cœur de Jésus-Christ et dans le symbole de ce Cœur adorable, le souvenir de son amour, et un objet propre à réveiller le nôtre, avec notre reconnaissance ; si son corps et son sang précieux méritent toutes nos adorations, qui ne conviendra que son Sacré-Cœur demande également nos hommages ?
Mais voyons dans la vie de la vénérable Marguerite-Marie Alacoque, humble religieuse de la Visitation, qui vivait au XVIIme siècle dans le monastère de Paray le Monial, au diocèse d'Autun, et dont Jésus-Christ voulut se servir pour propager le culte de son divin Cœur, voyons, dis-je, le désir que Jésus-Christ lui-même a que nous honorions son divin Cœur d'une manière toute spéciale ; voici les propres paroles de sœur Marguerite Marie :
« Le jour de Saint Jean l'Evangéliste, après avoir reçu mon divin Sauveur, il me fit une grâce qui me semble être de la nature de celle que reçut ce bien-aimé disciple le soir de la cène ; le Cœur de Jésus me fut représenté comme dans un trône formé de feu et de flammes, rayonnant de tous côtés plus brillant que le soleil et transparent comme un cristal ; la plaie qu'il reçut sur la croix y paraissait visiblement. Il y avait une couronne d'épines autour de ce Cœur sacré, et une croix au dessus qui y paraissait plantée. Mon divin Maître me fit entendre que ces instruments de sa passion signifiaient que l'amour immense de son Cœur pour les hommes avait a été la source de toutes ses souffrances ; que dès le premier instant de son Incarnation, tous ces tourments lui avaient été présents, et que, dès ce premier moment, la croix fut, pour ainsi dire, plantée dans son cœur ; qu'il accepta dès lors toutes les douleurs que sa sainte humanité devait souffrir pendant le cours de sa vie mortelle, comme aussi tous les outrages auxquels son amour pour les hommes l'exposait jusqu'à la fin des siècles, en demeurant avec eux dans le saint Sacrement... »
Qu'honore-t-on donc par la dévotion au Cœur Sacré de Jésus-Christ. sinon l'ardeur infinie avec laquelle Jésus-Christ a désiré notre salut, et l'a désiré de tout son Cœur ; la tendresse de ce Dieu de bonté, dont le Cœur compatit à nos misères ; le Courage de cet Homme-Dieu, dont le Cœur désintéressé a préféré notre bien à son repos et à sa vie ; la générosité de ce Cœur libéral qui nous a comblés de biens ; la joie de ce Cœur paternel, qui nous reçoit dans son sein, lorsque nous revenons à lui après nos égarements ; l'amertume et la tristesse de ce Cœur si bon, si miséricordieux, sensible aux mépris et aux froideurs des nôtres ; voilà ce que nous concevons, et ce que nous prenons pour l'objet de cette dévotion.
Tout cela se trouve dans l'idée d'un cœur, et d'un cœur parfait, et d'un cœur infiniment aimable ; parce que selon notre manière de parler et de concevoir, c'est au cœur que nous attribuons les affections et les sentiments, de même que nous rapportons les pensées et les raisonnements à l'esprit.
Et puisque Dieu lui-même a voulu prendre dans l'Ecriture le titre de Dieu de notre cœur, n'est-il pas juste que nous devenions les disciples et les adorateurs du sien ?
Non, il n'y a que ceux qui sont sans cœur, et par conséquent sans affection, sans tendresse, sans reconnaissance pour Dieu, qui puissent être insensibles à cet objet adorable, digne de tout notre culte et de tout notre amour.
Fin immédiate de cette Dévotion.
La fin qu'on se propose par cette dévotion est :
Premièrement, de reconnaître et d'honorer, autant qu'il est en nous, par de fréquentes adorations, par un retour d'amour, par des remerciements et par toutes sortes d'hommages, les sentiments d'amour et de tendresse que Jésus-Christ a pour nous, et principalement dans l'adorable Eucharistie, où cependant il est si peu connu des hommes, et même si peu aimé de ceux dont il est connu.
Secondement, de réparer, par tous les moyens possibles, les indignités et les outrages auxquels l'amour l'a exposé durant le cours de sa vie mortelle, et auxquels le même amour l'expose encore chaque jour dans le saint Sacrement de l'autel.
De sorte que toute cette dévotion ne consiste, à proprement parler, qu'à aimer ardemment Jésus-Christ, que nous avons sans cesse dans l'adorable Eucharistie, et à lui témoigner cet ardent amour, par le regret qu'on a de le voir si peu aimé et si peu honoré des hommes, ainsi que par un redoublement de ferveur et d'amour dans tous nos exercices de piété, surtout envers le très saint Sacrement de l'autel ; enfin par toutes les voies qui nous sont possibles pour réparer ce mépris et ce peu d'amour ; mais surtout par une plus grande fidélité aux inspirations de la grâce, une plus grande pureté de vie, et l'imitation de ses vertus, principalement de la douceur et de l'humilité, qui sont celles qu'il nous a montrées comme les plus chères à son divin Cœur, cherchant de plus en plus à conformer nos cœurs au sien si adorable, si pur et si saint, et à ne plus vivre que de sa vie. Connaître, aimer, imiter Jésus-Christ dans son intérieur et dans les dispositions les plus intimes de son âme ; conformer nos pensées et nos jugements, nos sentiments et nos actions à ce que nous admirons en lui, et former, pour ainsi dire, ce divin Sauveur en nous, afin de substituer sa vie à la nôtre : donec formetur Christus in vobis, voilà le fruit le plus immédiat de cette dévotion.
Ecoutons à ce sujet la vénérable Marguerite-Marie : « Tâchez, dit-elle, de former votre vie sur le modèle de l'humilité et de la douceur du Cœur aimable de Jésus, vous unissant à toutes ses intentions. Vous en offrirez la pureté pour réparer ce qu'il y aurait d'impur dans les vôtres.
A l'oraison vous unirez la vôtre à celle qu'il fait pour nous au saint Sacrement ; à votre Office vous vous unirez pareillement aux louanges qu'il donne à son Père dans le même Sacrement. Pour entendre la messe, vous vous unirez aux intentions de Jésus immolé...
Et plus loin elle ajoute : « Vous aimerez Dieu de l'amour de ce divin Cœur, vous l'adorerez par ses adorations, vous le louerez par ses louanges, vous opérerez par ses opérations, et vous ne voudrez rien que par sa volonté. Père Eternel, agréez que je vous offre le Cœur de Jésus-Christ, votre Fils bien aimé, comme il s'offre lui-même à vous en sacrifice. Recevez cette offrande, s'il vous plaît, avec tous les désirs, tous les sentiments, toutes les affections, tous les mouvemements, tous les actes de ce Sacré-Cœur. Recevez-les comme autant d'actes d'amour, d'adoration, de louange, que j'offre â votre divine Majesté, puisque c'est par lui seul que vous êtes dignement adoré et glorifié.
Enfin la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus aura pour effet de régler et de perfectionner nos rapports avec le prochain.
Et d'abord, que nous prêche le Cœur de Jésus, sinon la douceur, l'humilité, l'obéissance, la miséricorde ?
Apprenez de moi, nous dit le divin Sauveur, que je suis doux et humble de cœur. Jésus nous apprend comment nous devons aimer nos frères ; il nous l'apprend par ses exemples plus encore que par ses paroles : sa vie tout entière n'a été qu'un exercice continuel de cet amour, et la raison de tout ce qu'il a fait, de tout ce qu'il a enduré pendant sa vie mortelle, se trouve dans ce mot de l'Evangile : Voilà comment il aimait.
Ce n'est pas assez cependant de nous donner la leçon et de nous montrer l'exemple, Jésus nous communique lui-même cet amour, et c'est de son Cœur que partent les rayons qui échauffent les nôtres.
C'est la dévotion à son divin Cœur qui allumera en nous ce zèle ardent du salut des âmes, qui animait tous les saints et qui faisait que la vénérable Marguerite-Marie s'écriait : « 0 mon Sauveur, déchargez sur moi toute votre colère, plutôt que de perdre ces âmes qui vous ont coûté si cher. »
Réparer les outrages faits à Jésus-Christ pendant sa vie mortelle et maintenant encore dans le très saint Sacrement de nos autels, lui donner un nouveau gage de notre amour, et réchauffer au foyer de son Cœur adorable le feu de notre zèle et de notre ardeur pour notre sanctification et la conversion des pécheurs, telle est la fin de la dévotion au Sacré-Cœur.
Amour, Fidélité et Réparalion, telle est la devise de toute âme qui veut honorer le Cœur de Jésus.
Motifs qui doivent nous engager à pratiquer la dévotion au Sacré-Cœur.
Premier Motif : — Il se tire de l'excellence même de cette dévotion.
Deuxième Motif : — Le désir de Jésus-Christ.
C'est en effet ce divin Sauveur lui-même qui a établi cette dévotion, lui qui a sollicité nos hommages pour son adorable Cœur : pourrions-nous être insensibles à son invitation, sourds à la voix de son amour ?
Ecoutons-le parlant à sa fidèle servante la vénérable Marguerite-Marie : « Tu ne peux me rendre un plus grand amour qu'en faisant ce que je t'ai déjà tant de fois demandé... Je te demande que le premier vendredi après l'octave du saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en lui faisant réparation par une amende honorable, communiant ce jour-là pour réparer les indignités qu'il a souffertes pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels. »
— « Jésus-Christ, dit la vénérable Marguerite-Marie, m'a assuré qu'il prenait une singulière complaisance à voir les sentiments intérieurs de son Cœur et de son amour honorés sous la figure de ce cœur de chair, tel qu'il m'avait été montré, dont il voulait que l'image fût exposée en public, afin, ajouta-t-il, de toucher le cœur insensible des hommes. »
— « Cet aimable Cœur, dit-elle ailleurs, » a un désir infini d'être connu, aimé de ses créatures, dans lesquelles il veut établir son empire, comme étant la source de tout bien, afin de pourvoir à leurs besoins. C'est pourquoi il veut qu'on s'adresse à son Cœur avec confiance. »
Troisième Motif : — l'amour de ce divin Cœur pour les hommes.
« Voilà, disait Jésus à sa servante, voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Voilà mon Cœur, qui est si passionné d'amour pour les hommes et pour toi en particulier, que ne pouvant contenir en lui les flammes de sa charité il faut qu'il les répande par ton moyen.
« Je le dis avec assurance, écrivait cette sainte Religieuse, si l'on savait combien cette dévotion est agréable à Jésus-Christ, il n'est pas un chrétien pour peu d'amour qu'il eût pour cet aimable Rédempteur qui ne la pratiquât d'abord.»
Quatrième Motif : — L'ingratitude des hommes et les outrages faits à Jésus-Christ.
C'est lui-même qui s'en plaint : Pour reconnaissance, dit cet aimable Sauveur, je ne reçois de la plupart des hommes que de l'ingratitude, par les mépris, les irrévérences, les sacrilèges et la froideur qu'ils ont pour mon Cœur dans le Sacrement d'amour ; mais ce qui m'est encore plus sensible, c'est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. »
Un jour, découvrant à sa servante son Cœur amoureux tout déchiré et percé de coups : « Voilà, dit-il, les blessures que je reçois de mon peuple chéri. Les autres se contentent de frapper sur mon corps, mais ceux-ci attaquent mon Cœur, le Cœur qui n'a jamais cessé de les aimer.
Ce qui m'est plus sensible que tout ce que j'ai souffert dans ma passion, c'est l'ingratitude des hommes, d'autant que s'ils rendaient du retour à mon amour, je compterais pour peu de chose ce que j'ai fait pour eux, et je voudrais, s'il se pouvait, faire encore davantage ; mais ils n'ont que des froideurs et des rebuts pour tous mes empressements à leur faire du bien... Du moins donne-moi ce plaisir de suppléer à leur ingratitude autant que tu pourras en être capable. »
Cinquième Motif : — les grâces immenses promises à tous ceux qui pratiqueront cette dévotion.
1° Voyons d'abord les grâces communes à toutes les classes de personnes
— « Les trésors de bénédictions et de grâces que ce Sacré-Cœur renferme, dit la vénérable Marguerite-Marie, sont infinis.
— « Je te promets, lui dit un jour Jésus-Christ, que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur et qui procureront qu'il lui soit rendu : »
Mais entrons en détail :
Etes-vous effrayé des dangers que court votre salut, écoutez saint Pierre Damien :
« C'est dans cet adorable Cœur que nous trouvons des armes pour nous défendre, des remèdes pour nous guérir, des secours puissants contre les tentations, la plus douce consolation dans les peines, et les plus pures délices dans cette vallée de larmes. »
« Etes-vous affligé, dit le même Saint, le souvenir de vos péchés vous trouble t-il ? Ah ! jetez-vous dans le Cœur de Jésus, c'est un asile assuré, c'est le refuge des malheureux et la santé de tous les Chrétiens. »
« Oh ! qu'il est doux et agréable, s'écrie saint Bernard, d'habiter dans le Cœur de Jésus. »
« 0 Sacré-Cœur de Jésus, dit saint François de Sales, ô source du souverain amour ! qui peut assez vous bénir ? qui vous rendra amour pour amour ? Vous êtes la source de toutes les grâces ! »
« Je lui parlerai au Cœur, dit saint Bonaventure, et j'en obtiendrai tout ce que je voudrai. »
« Si vous êtes dans un abîme de faiblesses, de rechutes et de misères, dit la vénérable Marguerite-Marie, le Cœur de Jésus est un abîme de miséricorde et de force ; si vous découvrez en vous un abîme d'orgueil et de vaine estime de vous-même, perdez-vous dans les anéantissements du Cœur de Jésus... Si vous êtes dans le trouble et I'inquiétude, ce Cœur divin est un abîme de paix, et cette paix vous sera communiquée.
Si vous désirez vous prémunir contre les dangers d'une mauvaise mort et vous assurer la grâce de la pénitence finale, sachez-le bien : c'est proprement dans le Sacré Cœur que vous trouverez un lieu de refuge pendant la vie et principalement à l'heure de la mort. »
Une pratique qui était familière à la vénérable Marguerite-Marie et que Notre Seigneur lui avait suggérée, en lui faisant espérer pour ceux qui l'observeraient la grâce de la pénitence finale, et celle de recevoir les Sacrements de l'Eglise avant de mourir, c'est de faire une neuvaine de communions à cette intention, et pour honorer le Cœur de Jésus- Christ en plaçant chacune de ces communions au premier vendredi de chaque mois, neuf mois consécutivement...
Si vous redoutez les rigueurs du jugement de Dieu, recourez au Cœur de Jésus. « Ah ! qu'il est doux de mourir après avoir eu une constante devotion au Sacré-Cœur de Celui qui doit nous juger ! »
2° — Venons en maintenant aux promesses spéciales faites aux différentes classes de personnes ; c'est toujours la vénérable Marguerite-Marie qui parle.
Vivez-vous dans le monde ?
« Les personnes séculières trouveront, par le moyen de cette aimable dévotion, tous les secours nécessaires à leur état, c'est-à-dire la paix dans leur famille, le soulagement dans leurs travaux, les bénédictions du ciel dans leurs entreprises, la consolation dans leurs misères. »
Avez-vous le bonheur de vivre dans une communauté ?
« Les personnes religieuses qui embrasseront cette dévotion en retireront tant de secours qu'il ne faudrait pas d'autre moyen pour établir la ferveur et la plus exacte régularité dans les communautés les moins bien réglées, et pour porter au comble de la perfection celles qui vivent dans la plus exacte régularité, »
Aspirez-vous à la plus haute perfection ?
« Je ne sache pas qu'il y ait nulle dévotion dans la vie spirituelle, qui soit plus propre pour élever en peu de temps une âme à la plus haute perfection, et pour faire goûter les véritables douceurs qu'on trouve au service de Jésus-Christ. Les trésors de bénedictions et de gràces que ce Sacré-Cœur renferme sont infinis. »
Votre vocation vous impose-t-elle la noble tâche de travailler au salut de vos frères ?
« Mon divin Sauveur m'a fait entendre que ceux qui s'emploient au salut des âmes auront l'art de toucher les cœurs les plus endurcis et travailleront avec un succès merveilleux, s'ils sont pénétrés eux-mêmes d'une tendre dévotion envers son divin Cœur. »
3° — Mais si vous voulez attirer sur vous la plénitude de ces grâces, ne vous contentez pas d'honorer vous-même le Cœur adorable de Jésus, efforcez-vous de le faire connaître et honorer.
« Notre Seigneur, dit encore la vénérable Marguerite-Marie, m'a découvert ses trésors d'amour et de grâces pour les personnes qui se consacreront à ce divin Cœur et se dévoueront pour procurer tout l'honneur, l'amour et la gloire qui sera en leur pouvoir, mais des trésors si grands, qu'il m'est impossible de les exprimer.
« Oh ! que nous sommes heureux ! que nous sommes redevables à ce divin Cœur, de ce qu'il daigne se servir de nous pour établir cette dévotion, car il réserve des trésors incompréhensibles pour tous ceux qui s'y employeront selon tout le pouvoir qu'il leur en donne. »
Sixième Motif : — celle dévotion est le remède special que Dieu a voulu opposer aux maux qui désolent l'Eglise dans ces derniers temps ; elle est un puissant moyen de régénerer le monde, et de ranimer dans les chrétiens la Foi qui s'éteint et la charité qui se refroidit.
« Notre Seigneur, dit la sainte Religieuse, me fit connaître que le grand désir qu'il avait d'être parfaitement aimé des hommes lui avait fait former le dessein de leur manifester son Cœur, et de leur donner dans ces derniers temps ce dernier effort de son amour, en leur proposant un objet et un moyen si propres pour les engager à l'aimer et à l'aimer solidement... Qu'en cela il leur ouvrait tous les tresors d'amour, de grâces, de miséricorde, de sanctification et de salut que ce Cœur contient, afin que tous ceux qui voudraient lui rendre et lui procurer tout l'honneur et l'amour qui leur serait possible, fussent enrichis avec profusion des grâces dont ce Cœur adorable est la source, source féconde et inépuisable. »
Quoi de plus consolant que cette promesse dans ces temps malheureux où le démon déchaîné semble être sorti des enfers pour semer dans tout l'univers, avec les idées erronées d'une liberté mensongère, le trouble, le désordre, la licence et tous les crimes ?
Non jamais l'Europe tout entière n'eut un plus pressant besoin d'un secours extraordinaire que dans les maux de tout genre qui l'affligent aujourd'hui.
La dévotion au Sacré-Cœur n'a pas encore atteint sa fin, ses résultats, son but ; elle n'a pas acquis le developpement que Jésus désire, et le dernier effort de d'amour d'un Dieu n'a pas encore produit tous les fruits qu'il doit produire.
Tâchons donc de pratiquer nous-mêmes et de répandre autant que possible cette précieuse dévotion : Jésus le demande de nous ; écoutons sa voix suppliante.
0 Jésus ! nous nous consacrons à votre divin Cœur ! faites qu'il soit à jamais notre refuge, notre asile, et le salut du monde entier ! Ainsi soit-il.