• Cœur à cœur avec Jésus

     
     

     

     

    Cœur à cœur avec Jésus

     

     

    Cœur à cœur avec Jésus

     

    Source : Livre "Cœur à cœur avec Jésus" par Mgr Guigou.

    Philothée,

    Dans ces quelques pages, j'ai cherché à mettre sous vos yeux, dans votre esprit, et encore plus dans votre cœur, les considérations qui peuvent le plus vous toucher, et faire de l'amour du Sacré Cœur la préoccupation constante de votre vie. 

    Amen

     

    Extrait du bulletin de l'Archiconfrérie de la garde d'honneur du Sacré-Cœur de Jésus.

    "Cœur à cœur avec Jésus" par Mgr Guigou. Protonotaire apostolique.

    - Les gardes d'honneur auxquels il arrive de passer les mois d'hiver à Cannes, savent que tous les premiers vendredis, vers sept heures du matin, se fait à Notre-Dame de bon Voyage une réunion très édifiante, et que l'on a la douceur d'y entendre chaque fois une allocution courte, substancielle, éminemment pratique, où l'onction s'allie le plus heureusement du monde à la simplicité.

    Mgr Guigou s'y réserve, en effet, toujours la consolaton d'adresser la parole aux membres de notre chère œuvre dont il est le zélé directeur.

    Nous sommes heureux qu'il ait offert au public quelques unes de ses charmantes allocutions ; ce petit recueil fera certainement beaucoup de bien.

     

    Réflexions

    I Jésus crée la dévotion au Sacré-Cœur.

    Lisez avec moi, Philothée, une ligne de Saint Jean que voici : "Un des disciples, celui que Jésus aimait plus particulièrement, s'endormit sur son sein," c'est-à-dire sur son Cœur.

    Après avoir institué le Sacrement d'amour, le Sauveur a voulu instituer la dévotion la plus sainte par son objet, et la plus sanctifiance par ses effets, la dévotion à son divin Cœur.

    Et c'est en permettant à son disciple bien-aimé de reposer sur son sein et en l'initiant, au contact de son Cœur, à des lumières divines, que le Sauveur nous a révélé cette dévotion, la plus suave de toutes.

    Avant sa mort, Jésus révèle le culte de Marie ; avant son agonie, le culte de son divin Cœur.

    Culte qui devient tous les jours plus aimé et plus populaire, parce qu'il a été un des derniers legs que nous a faits l'amour de notre Dieu.

    Nous sommes en effet, nous enfants de la terre, toujours singulièrement touchés de ce que font pour nous, au jour suprême de leur vie, ceux qui nous aiment.

    Et voilà pourquoi le dernier don que nous recevons d'eux, est toujours celui que nous conservons avec le plus d'amour.

    Si vous avez, Philothée, un objet qui ait reçu, avant de passer dans vos mains, le dernier baiser d'un être aimé, vous devez comprendre ce que je viens de dire.

    Si vous aviez un atome de la robe du Sauveur, de quelle vénération vous entoureriez cette relique ! La dévotion au Sacré-Cœur n'est-elle pas comme une parcelle du Cœur de Jésus ?

     

    II Quelles promesses !

    Voulez-vous, Philothée, avoir une dévotion profonde et constante au Sacré-Cœur ?

    Rappelez-vous les promesses que le Sauveur a faites à ceux qui embrassent cette dévotion, et méditez-les.

    "Cette dévotion, a dit le Sauveur à la Bienheureuse Marguerite-Marie, fera naître l'amour dans les cœurs les plus insensibles et embrasera les moins fervents".

    Remarquez, Philothée, que ces précieuses faveurs ne sont promises qu'à la condition d'embrasser la dévotion au Sacré-Cœur.

    Il ne suffit donc pas de quelques états passagers de cette dévotion, de quelques pages qu'on lit pendant un mois, de quelques exercices auxquels on assiste de temps en temps.

    Non, il faut se vouer à cette dévotion d'une manière particulière, c'est-à-dire en faire sa dévotion.

    A ce prix, mais seulement à ce prix, on peut compter sur les promesses faites à l'Ange de la Visitation et recueillir les grâces qui découlent de cette dévotion.

    Grâces bien capables de tenter les âmes les moins ambitieuses, si nous en jugeons par la vision qu'eut un jour sainte Mechtilde.

    Elle vit le Sauveur tenant entre ses mains son propre Cœur, brillant comme un soleil et jetant de tous côtés des rayons de lumière.

    Et il fut révélé à la sainte que cette vision était la figure des grâces éclatantes que le divin Cœur répand de toutes parts.

    Philotée, voulez-vous devenir fervents ? Embrassez la dévotion au Sacré-Cœur.

    III Le Sacré-Cœur est tout Jésus.

    Quand le Sauveur ressuscité apparaît à ses amis au cénacle pour se faire reconnaître, que fait-il ?

    Pour se faire reconnaître, il montre son coté percé.

    Or, qu'y a-t-il en ce côté ? Il y a son Cœur, et son Cœur ouvert, tout ouvert.

    Et que dit le Sauveur en le montrant, ce Cœur ? Il dit : Voyez, mes amis, c'est bien moi.

    Le Cœur ouvert de Jésus est donc son signalement qu'il a donné lui-même.

    En effet, le Cœur du divin Maître est le seul qui soit ouvert à tous et toujours.

    Il y a bien des cœurs sur la terre, et de bons cœurs, mais quel est celui qui est ouvert, livré à tous et toujours ?

    Quel besoin il doit avoir de nous aimer, de nous attirer à lui, de nous consoler, de nous bénir, Celui qui tient ainsi son Cœur toujours ouvert, et ouvert à tous !

    Quel besoin donc nous devrions ressentir de tout faire converger dans notre vie vers ce divin Cœur, si réellement nous l'aimons !

    Or, l'avons-nous, ce besoin ?

    Hélas ! non ; s'il y a un aimant qui nous attire, c'est le cœur de la créature, et non celui du Créateur.

    Philotée, créez en vous ce besoin, et pour cela, prenez l'habitude de vous réfugier dans le côté ouvert du Sauveur en toutes les circonstances de votre vie.

    La seule pensée de se réfugier dans un cœur n'a-t-elle pas déjà une irrésistible action sur nous ?

    Et quand ce cœur est celui d'un Dieu !

    Quelle source divine je vous découvre ici, âme pieuse ! Puissiez-vous y puiser, et y puiser tous les jours de votre vie !

    C'est là que se trouve cette eau dont parlait le Sauveur au puits de Jacob, cette eau dont l'efficacité rejaillit jusque dans la vi e éternelle.

    IV Votre trésor.

    Le Sacré-Cœur est un trésor, et un trésor toujours ouvert, où chacun doit puiser et s'enrichir.

    Et quand nous disons trésor ouvert, nous ne faisons pas une pieuse exagération, non, non, c'est là une réalité sans égale.

    Rien, en effet, ne prouve mieux que ce trésor est à la disposition de tous, que la facilitié avec laquelle nous pouvons y puiser.

    Là, désirer c'est avoir. Là, demander, c'est recevoir. Là, prier c'est obtenir. Là, avoir besoin c'est avoir droit.

    Au cénacle, le divin Sauveur disait au disciple incrédule : "Plonge ta main dans mon côté, dans mon Cœur". Thomas plonge sa main et il retire de ce Cœur la foi la plus ardente.

    Le Sauveur disait un jour : "Là où est votre trésor là sera votre cœur". Or, en est-il ainsi de vous, Philothée ?

    Je viens de vous montrer où est votre trésor. Et bien, votre cœur ne fait-il qu'un avec ce trésor ?

    Quand vous avez un besoin, Philothée, plongez votre âme dans ce trésor divin, et le miracle de Thomas, chaque fois vous le renouvellerez.

    Vous souvient-il de la fontaine d'Aréthuse qui, au dire des anciens, changeait en or tout ce qu'on plongeait dans ses eaux ?

    Et bien, ce qui n'était pas vrai de cette fontaine, est vrai du Sacré-Cœur. Tout ce que l'on trempe dans ce Cœur divin est changé en or de la grâce.

    Vous me dites, âme pieuse : Mais comment plonger dans ce Cœur ? Par le désir, accompagné d'une foi peut-être encore chancelante, mais qui sortira du Sacré-Cœur vive comme celle de Thomas.

    V Votre livre.

    Le Sauveur disait un jour sur les degrés du temple : "Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit aura la lumière de la vie".

    C'était dire : Étudiez-moi, apprenez de moi...

    Or, que devons-nous étudier en lui, que devons-nous apprendre de lui, Philothée ? Mais, surtout ce qu'il est ; or, peut-on mieux voir ce qu'il est que dans son Cœur ?

    Ce Cœur est la photographie divine de tout Jésus.

    En effet, le disciple bien-aimé nous dit de son Maître : "Nous l'avons vu, nous l'avons touché, nous l'avons respiré". Eh bien, nous, nous sommes convaincus qu'il est amour.

    Mais le siège de l'amour, c'est le cœur.

    Donc, si nous voulons connaître le Sauveur, lisons dans son Cœur pour l'étudier, l'approfondir, l'interroger.

    Saint Jean n'a fait que passer à cette école, et il en a été si transfiguré, qu'en lisant ses inspirations on se demande si on lit l'œuvre d'un homme ou celle d'un ange.

    Philotée, ouvrez-vous souvent devant votre âme ce livre divin dont je vous parle ? Avez-vous des moments où, seule avec le Maître, vous analysez, en quelque sorte, son Cœur pour y puiser la lumière ? Ah ! quelle étude, quelle séduisante étude !

    Vous vous sentez ignorante de tant de choses que vous seriez heureuse de savoir ; vous avez le moyen le plus sûr et le plus attrayant d'innonder votre âme de lumière, et vous n'en profitez peut-être pas.

    Si vous saviez tout ce qu'on apprend à l'étude du Sacré-Cœur, je suis sûr que toute votre ambition serait de l'étudier, de l'interroger, non pas une fois de temps en temps, dans les moments de ferveur ou de besoin, mais tous les jours de votre vie.

    VI Le confident le plus sûr.

    Que de fois, Philothée, dans la vie, vous sentez le besoin d'une ami, d'un cœur dans lequel vous puissiez déposer vos peines, vos tristesses, vos préoccupations et même vos joies !

    En effet, toute seule, Philothée, vous êtes bien faible pour porter le poids de la vie, qui est si lourd, surtout dans certaines situations.

    Or, ce cœur dans lequel vous puissiez déposer tout ce qui vous pèse, vous l'avez peut-être déjà bien cherché. L'avez-vous trouvé ?

    Hélas ! il est rare dans cette vie, rare comme tout ce qui a un grand prix. Eh bien ! âme pieuse, le Cœur de Jésus est ce que vous cherchez.

    Là, vous pouvez tout confier sans crainte. Ailleurs, on place à fonds perdus le plus souvent. Ici, au contraire, il y a des gains qui enrichissent, car les dépôts sont tous à gros intérêts.

    Saint Paul connaissait bien ce divin dépôt, lui qui disait : "Je sais à qui je me confie et je suis sûr de Lui".

    Si vous voulez vous épargner des mécomptes dans la vie, suivez les traces de saint Paul, âme pieuse, ne prenez que son Confident.

    Car celui qui se confie à la créature, encore que cette créature soit une des meilleures, s'appuie sur ce qu'il y a de plus inconstant.

    Qu'y a-t-il, en effet, de plus changeant que le cœur de l'homme ? Aujourd'hui, il aime ce qu'il a détesté hier, et demain, il s'éloignera de ce qu'il a recherché aujourd'hui.

    Celui qui s'appuie sur les créatures s'appuie sur ce qu'il y a de plus fragile, un roseau.

    Souvent ce roseau se brise et blesse la main qui le tenait. N'avez-vous pas, Philothée, déjà pu connaître ce roseau, n'avez-vous jamais été blessée par lui ?

    VII Asile de l'âme.

    Que d'agitations dans notre pauvre âme, que de tempêtes, que de tentations ! Où trouver un asile qui nous mette à l'abri ? Dans le Sacré-Cœur.

    Habituez-vous à la communion spirituelle au Cœur divin : c'est-à-dire, désirez souvent et vivement qu'une fibre de ce Cœur vienne remplacer une fibre du vôtre.

    Peu à peu, tout le Sacré-Cœur sera attiré en vous par vos saints désirs, et toute votre âme sera en Lui.

    Vous serez alors à l'abri dans cette grande plaie qui, d'après saint Bonaventure, a été faite pour être notre asile.

    Vous serez en paix, puisque vous serez dans ce Cœur de Dieu que saint Bernard avait coutume d'appeler l'Océan Pacifique des âmes.

    Saint Elzéar écrivait à sainte Delphine, sa pieuse épouse : "Quand vous voudrez me trouver, et me trouver même de loin, cherchez-moi dans la plaie du divin Cœur".

    Que vous seriez heureuse, Philothée, si vous pouviez dire, à ceux dont vous êtes séparée, le mot de saint Elzéar à son épouse !

    Que vous seriez heureuse si vous viviez noyée dans l'Océan Pacifique des âmes, vous qui redoutez tant les tempêtes intérieures !

    L'oiseau sait trouver le creux du rocher pour s'abriter contre l'orage, l'âme pieuse ne sait pas se cacher souvent dans l'asile préparé pour elle !

    VIII Demeurez-en moi. (S. Jean, XV)

    C'est le divin Cœur, Philothée, qui, par la bouche de l'apôtre bien aimé, vous dit : "Faites en moi votre demeure".

    Remarquez ce mot du divin Maître : "Faites en moi votre demeure". Ce qui veut dire : Ne soyez pas en moi en passant, mais soyez en moi d'une manière fixe, permanente.

    Que nous devrions avoir toujours présente à notre esprit cette invitation sortie du divin Cœur, et tout faire pour la réaliser !

    Partout ailleurs, Philothée, que dans le Cœur divin, l'âme est à l'étroit. Nous aurions un monde pour demeure, que nous serions encore dans les étreintes.

    En effet, nos désirs, nos aspirations, nos besoins de chaque instant, ne nous disent-ils pas que notre âme est bien plus grande que le monde ?

    Mais dans le Sacré-Cœur, l'âme peut planter sa tente, elle n'éprouve jamais le besoin d'en sortir, parce qu'elle se trouve toujours au large.

    Quand je pense que le divin Maître a dit : "Mes délices sont d'être au milieu des hommes".

    Et, en effet, il est devenu un de nous.

    Qu'elle serait à plaindre l'âme qui n'éprouverait pas le besoin d'être, du moins d'intention, en union continuelle avec Lui !

    Philotée, formez chaque matin cette intention d'être étroitement unie au Sacré-Cœur, dans vos pensées, dans vos paroles, dans vos actes.

    Dans la journée, profitez de toutes les circonstances qui vous rappellent le souvenir de votre Dieu, pour renouveler l'intention de vous tenir unie à lui.

    Si vous faites quelque bien, si vous pratiquez quelque vertu, élevez votre âme à Dieu en ce moment ; et si vous commettez quelque faute, aussitôt, par le repentir, retournez-vous vers Dieu. Amen.

    IX Appuyez-vous sur le Sacré-Cœur.

    Un poids énorme accable notre pauvre nature, que nous pourrions appeler, non une nature, mais, avec plus de vérité, une faiblesse, car nous ne sommes que faiblesse.

    Or, ce poids, comment le porter, et le porter dignement, chrétiennement, saintement toute la vie, quand nous ne sommes pas capables de nous porter nous-mêmes ?

    Il faut, comme saint Jean à la Cène, nous appuyer sur le Cœur de Jésus et non sur nous. Voilà le moyen, le grand, le divin moyen.

    D'où viennent, en effet, nos faiblesses et nos inconstances ?

    De ce que nous sommes tantôt présomptueux, et tantôt pusillanimes.

    Oui, Philothée, un moment nous avons une confiance sans limites, et une heure après, hélas ! nous tombons dans le découragement ; n'est-ce pas là ce qui nous arrive tous les jours ?

    Or, pourquoi ces hautes et ces bas, aussi regrettables les uns que les autres ? C'est que nous comptons sur nous-mêmes et que nous  nous manquons à nous-mêmes.

    L'apôtre saint Jean, après s'être appuyé sur le divin Cœur, n'a jamais failli ; quand tous les autres ont abandonné le Maître, lui l'a suivi jusqu'à la croix.

    Philothée, voulez-vous éviter ces défaillances qui vous désolent si souvent ? Appuyez-vous sur le Sacré-Cœur par la Communion.

    Que si vous ne pouvez, pour une raison ou l'autre, vous approcher souvent des saints Mystères, ayez recours à la communion spirituelle.

    Pourquoi ne seriez-vous pas de ces âmes qui, dans leur soif d'être toujours en communion avec Jésus, forment l'intention de communier spirituellement toutes les fois qu'elles respirent ?

    X Faites-vous à l'image du Sacré-Cœur.

    Et comment ? Par la prière, par la communion, par l'action. Prier, communier, agir pour Dieu, c'est toujours s'appliquer, s'imprimer Jésus-Christ.

    Dans la prière, nous mettons Jésus-Christ sous nos yeux ; par la communion, nous le mettons dans nos cœurs ; et par l'action, nous le faisons passer dans notre vie.

    Quand nous nous appliquons ainsi Jésus-Christ, il communique avec nous cœur à cœur et nous donne le sien. Alors, il y a entre Lui et nous communion de sentiments, d'intérêts, de tout.

    Le disciple bien-aimé disait un jour au Maître : "Tout ce qui est à moi est à Vous, et tout ce qui est à Vous est à moi".

    Philothée, répétez souvent à Jésus la parole de saint Jean : "Tout ce qui est à moi, est à Vous, et tout ce qui est à Vous est à moi".

    Et ne vous bornez pas à dire cette parole, pratiquez-là. Que vos œuvres disent encore plus cette parole que votre bouche et votre cœur.

    Oui, qu'il y ait entre Jésuset vous, Philothée, comme un saint communisme ; l'amour vrai exige cette fusion.

    Donnez, donnez donc, car plus vous donnerez, plus vous recevrez.

    Dieu est si magnifique dans ses dons que l'on gagne toujours à être généreux avec lui.

    XI Familiarité avec le Sacré-Cœur.

    Nous lisons dans la vie de quelques saints qu'ils agissainet à l'égard du divin Maître avec une familiarité qui nous étonne. Ils lui boudaient, le menaçaient, jouaient avec lui !...

    Mais ce qui surprend encore plus, c'est que l'Ami divin répondait à ces familiarités. Elles lui étaient donc douces, agréables.

    Or, savez-vous, Philothée, comment une telle intimité s'établit entre une âme et son Créateur ?

    Par la dévotion au Sacré-Cœur, quand elle est sincère et constante.

    Voyez dans l'Évangile comment Jésus traite le disciple qui s'est appuyé sur son Cœur, qui a poussé la familiarité jusqu'à s'endormir sur son sein : il le traite comme s'il était un membre de sa famille, son frère.

    Que dis-je ! Jésus traite Jean, le familier Jean, comme s'il était un autre  Lui-même, puisqu'il lui lègue ce qu'il a de plus précieux en ce monde : sa Mère.

    Il lui aurait légué encore un plus grand bien, s'il l'avait eu sur la terre, tant il se sentait incliné vers lui.

    Quelle confiance cette facilité du Sacré-Cœur devrait nous donner, à nous qui,  par les Sacrements avons le sang de Jésus-Christ dans nos veines !

    Tournons-nous vers le Sacré-Cœur pout tout ; soyons comme des enfants qui déversent tout dans le cœur qui les aime.

    Le Cœur de Jésus est comme le cœur d'une mère. Or, dans le cœur d'une mère, chaque enfant a sa part spéciale et tous les enfants ont le cœur de la mère tout entier.

    XII Repos sur le divin Cœur.

    Vous vous dites souvent, Philothée : Où reposer la tête en ce monde ? où reposer surtout le cœur ? tout est si mouvant en cette vie ! Le calme est impossible, l'âme est sans cesse battue par la crainte ou par la tristesse.

    Le souvenir du passé, la vue du présent, la préoccupation de l'avenir, ah ! comme tout attriste !

    La vie est une coupe amère qu'il faut boire goutte à goutte tous les jours. Que faire donc ?

    Portez-vous, Philothée, par la pensée au cénacle. Voyez-vous ce tout jeune homme endormi sur le sein de son divin Maître ? Ici Jean oublie le passé, le présent, l'avenir. Imitez-le.

    Je veux dire : Reposez-vous sur le Sacré-Cœur pour le présent, résignez-vous à Lui quant au passé, confiez-vous à Lui pour l'avenir.

    Dites souvent : Pour le passé, cela a été comme le divin Cœur a voulu ; pour le présent, que ce soit comme il veut ; pour l'avenir, ce sera comme il voudra.

    Le roi-prophète disait : "Je porte mon âme dans mes mains, afin d'avoir toujours les yeux sur elle, et de lui éviter tout ce qui pourrait la troubler".

    Vous, Philotée, faites mieux que le prophète, placez votre âme dans le Sacré-Cœur, asile suprême de la paix.

    Il a été dit : "Le Fils de l'homme n'a pas une pierre sur laquelle il puisse reposer sa tête".

    Vous, Philothée, plus riche que le Fils de l'homme, vous avec le Cœur de Dieu sur lequel vous pouvez toujours reposer votre cœur".

    XIII Si je savais être aimé du Sacré-Cœur.

    Quand je me considère, je me prends à douter que le Sacré-Cœur puisse m'aimer. Car, en vérité, j'ai beau chercher, je ne trouver rien en moi à aimer.

    Peut-être, aux yeux des créatures, je parviens encore à sauver les apparences et à me donner certain air d'amabilité ; mais au fond je ne vois en moi qu'à déplorer, qu'à gémir.

    Je dois cependant croire à l'amour du Sacré-Cœur pour moi, car Jésus aime, non pas parce que je suis aimable, mais parce qu'il est aimant.

    L'amour divin est tout différent du nôtre. Il n'a pas besoin de motif pour aimer ; il aime parce qu'il aime, j'allais dire parce qu'il a besoin d'aimer.

    Ce besoin qu'il a de m'aimer vient, non de ce que je suis bon, mais de ce qu'il l'est Lui-même et pour que je le devienne.

    Philotée, faites souvent cet acte de foi à l'amour du Sacré-Cœur pour vous : Mon Dieu, je crois que vous m'aimez plus que je ne puis le comprendre.

    Plus nous croyons à l'amour de notre Dieu, plus nous ouvrons comme un courant d'amour entre Lui et nous.

    Quand nous comptons sur l'affection de quelqu'un, il se sent obligé de nous payer de retour, pour peu qu'il ait une certaine élévation de cœur.

    Aussi dit-on que noblesse oblige. En effet, un cœur noble craint toujours d'être en retard envers les autres.

    Oui, mais si noblesse oblige, divinité doit encore plus obliger. C'est dire combien nous pouvons compter sur l'amour de notre Dieu, si nous lui donnons notre cœur.

    XIV Pour se faire aimer du Sacré-Cœur.

    Pour être aimé de Jésus que faut-il ? Il ne faut que se laisser aimer. Ah ! si à ce prix on gagnait le cœur de l'homme ?

    Oui, consentons seulement, ne faisons pas opposition et Jésus nous aime ; n'interceptons point le rayon de son amour et il nous incendie de ses feux.

    Si donc je veux être aimé du Sacré-Cœur, je n'ai qu'à le vouloir ; à l'instant je le suis.

    Cependant, pour être bien aimé du Sacré-Cœur, il faut de plus s'en faire aimer, en copiant le plus possible ce divin modèle.

    Aussi, dans le fait de sa prédilection pour saint Jean, le Maître nous a révélé les inclinations de son Cœur. Il chérit l'humilité qui couvre toutes les misères, et la pureté qui embellit toutes les vertus.

    Eh bien ! si nous nous pénétrons de la vérité de notre néant, si nous plongeons continuellement notre âme comme dans un bain d'humilité, si nous lui conservons la blancheur du lis, alors le Sacré-Cœur, outre l'affection naturelle qu'il a pour nous, nous aimera de cet amour que nous avons toujours pour celui qui nous ressemble.

    Philotée, comme le peintre qui veut reproduire un sujet, ayons souvent les yeux sur le divin Modèle pour le reproduire en nous.

    L'artiste qui travaille à reproduire un chef-d'œuvre n'accomplit sa tâche qu'en travaillant souvent et longtemps. Il donne tous les jours un coup de pinceau, il touche, retouche sans cesse son œuvre.

    Imitiez cet artiste, Philothée, quand vous copiez le divin Cœur ; tous les jours ajoutez un trait de ressemblance entre votre cœur et celui de Jésus, et ne vous lassez pas de retoucher votre œuvre, car elle est divine.

    XV Que nous vaut l'amour du Sacré-Cœur ?

    Il nous vaut tous les biens. 

    Aussi n'y a-t-il que cet amour à désirer en ce monde.

    Que puis-je en effet désirer de mieux sur la terre et même au Ciel ?

    L'amour du Sacré-Cœur non seulement est désirable, mais indispensable. En effet, Jésus ne sauve que ceux qu'il connaît, et il ne connaît que ceux qu'il aime.

    Le Cœur du divin Maître, retenez bien ceci, Philothée, est donc le vrai livre de vie. Heureux le nom inscrit sur la page divine !

    L'amour du Cœur de Jésus pour nous nous vaut les biens les plus désirables, puisqu'il nous donne la grâce, la paix, la joie.

    Que je sache, en effet, que le divin Cœur m'aime, et je n'ai plus rien à craindre. Que je sente que le Cœur divin m'aime, et je n'ai plus rien à désirer.

    Que mon cœur batte avec celui de Jésus, à l'instant je ne suis plus sur la terre, j'ai entrevu le Ciel, je respire le Ciel.

    Philotée, faites souvent l'acte de désir que voici : Mon Dieu, mon plus grand désir est d'être aimée du Sacré-Cœur.

    Avez-vous, âme pieuse, quelquefois ce que l'on appelle une préoccupation ? Elle vous suit partout et en tout. Vous la portez avec vous-même, vous en êtes remplie, elle vous obsède.

    Or, souvent cette préoccupation est une frivolité, un rien ; et quand elle vous abandonne, vous vous demandez comment vous avez pu en être comme possédée.

    Et dire que, peut-être, vous n'avez jamais la préoccupation du Sacré-Cœur, à savoir s'il vous aime.

    Voilà cependant ce qui devrait obséder notre âme si nous avions l'amour, cet amour qui est fort comme la mort d'après l'Esprit Saint.

    XVI Le Sacré-Cœur et ma fin.

    J'ai été créé avec la nature humaine, par conséquent, j'ai été créé comme cœur à l'image de Jésus, qui est le type de tous les cœurs.

    Or le Cœur de Jésus est noble, généreux, constant dans la tendance à sa fin ; tous ses battements sont pour la plus pure gloire de Dieu.

    J'ai été créé pour tendre à la même fin que le Cœur de Jésus, par conséquent pour aimer, servir, glorifier et faire glorifier le Seigneur.

    Vous me demandez, Philotée, quel est le moyen le plus sûr pour atteindre cette fin. Il est dans ces paroles du Sauveur : "Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il porte sa croix et me suive".

    Suis-je, comme le Sacré-Cœur, généreux pour tendre à ma fin, et pour y tendre par la voie qu'il m'a indiquée : celle de la croix ?

    Le divin Cœur a été déchiré par le fer, comme on déchire l'arbre aux parfums pour que sa bonne odeur se répande.

    Quand mon cœur est déchiré n'importe comment ni par qui, répand-il un parfum qui glorifie Dieu, je veux dire accepte-t-il l'humiliation, la souffrance, tout ?

    On dit que Jésus embrassa sa croix quand elle lui fut présentée : il était destiné à la croix, il la pressa sur son cœur.

    Philotée, nous sommes tous destinés à la croix, c'est la loi présente de l'humanité. Toute chair doit être purifiée par la croix.

    Or, acceptez-vous de tout cœur cette loi ? Ne murmurez vous pas contre une dispostion providentielle dont le but est de nous sanctifier ?

    XVII Suis-je aimé du Sacré-Cœur ?

    Il y a une telle âme pieuse qui dit : je n'ai pas le sentiment d'être aimée. Ayez-en la foi, croyez à l'amour, disait saint Jean, et cela vaut mieux. Le sentiment trompe souvent, la foi jamais.

    Il y a telle autre âme pieuse qui dit : Mais Jésus ne paraît pas nous aimer ; il nous éprouve, il semble même qu'il nous délaisse. Nous sommes vraiment bien difficiles, avouons-le, Philotée.

    Comment ! il ne paraît pas nous aimer, l'Enfant de la crèche, l'Agneau dela croix, l'Hôte du tabernacle ? Et que voulons-nous donc de plus ?

    Il est vrai qu'il ne nous gâte pas, et c'est pour cela qu'il nous aime. Oui, il nous aime assez pour nous faire du bien, au risque quelquefois de nous faire de la peine.

    Il nous aime pour nous sauver, au risque même de nous déplaire.

    Ah ! si le Cœur divin m'aime ! J'en atteste mon cœur ; je désire être aimé, donc je le suis. J'en atteste ma vie, qui n'est qu'une série de bienfaits de Dieu.

    Philotée, faites un acte de foi à l'amour du Sacré-Cœur pour vous. Répétez souvent cet acte, et peu à peu vous croirez à cet amour.

    Saint François de Sales nous dit que sur les montagnes de la Savoie les lièvres deviennent blancs à force de vivre dans la neige.

    Ce qui n'est pas exact des lièvres de saint François de Sales est vrai pour les âmes. Plus une âme vit dans une idée, plus cette idée s'incarne en elle.

    Ainsi, plus votre âme fait des actes de foi plus elle croit. Plus elle fait des actes d'espérance, plus elle espère. Plus elle fait des actes de charité, plus elle aime ; et plus elle aime, plus elle est aimée, car le Sacré-Cœur paie de retour, de la manière la plus large, l'amour qu'on lui donne.

    XVIII La dévotion des âmes vierges.

    Remarquez, Philotée, que sur les douze disciples un seul est admis à l'intimité du Sacré Cœur.

    Et lequel ? Celui, dit l'Évangile, que le Sauveur aimait particulièrement.

    Mais pourquoi cette prédilection ? Le privilège de la chasteté méritait le privilège de l'amour à ce disciple : Jean était vierge, Jean, quand il ne s'agissait que d'affection, devait être le préféré.

    Pierre était le prince des disciples quand il s'agissait d'autorité ; mais il ne l'était pas quand il était question d'intimité avec le Roi des vierges. Jean était le prince de l'amour.

    Avez-vous, Philotée, une inclination vers le Sacré-Cœur ? Réjouissez-vous, vous portez avec vous le stigmate de la virginité du cœur.

    N'avez-vous pas cette inclination ? Cherchez alors si dans vos pensées, si dans vos habitudes, si dans vos manières, il n'y a rien de contraire à la sainte modestie.

    Philothée, vivez de la vie des lis qui, dans les vallées comme sur les coteaux, sont toujours d'une blancheur éclatante. Oui, les orages les agitent sur leur tige, mais, loin de les tenir, ils ne font qu'en secouer la poussière et les rendre plus beaux.

    Si vous vous conervez lis Philothée, toutes les tentations n'auront qu'un effet, celui de vous rendre plus pure et plus agréable au Dieu des vierges.

    Retranchez donc de votre vie tout ce qui pourrait vous éloigner de l'Agneau sans tache, et vous aurez un irrésistible attrait vers le Sacré-Cœur.

    "Ce sont les vierges, dit saint Jean dans l'Apocalypse, qui suivent l'Agneau partout où il va.

    Tous ceux qui sont vierges sont choisis entre les hommes comme les premiers des élus".

    XIX Quel contraste !

    Le Cœur de Jésus est si tendre, si préoccupé de mes intérêts, si désireux de me combler de ses grâces, de me soutenir dans mes difficultés !

    Et au contraire mon cœur est souvent si sec, si partagé, si égoïste, si peu préoccupé de Jésus !

    Un noble dépouillé de sa noblesse pour félonie et paraissant devant son seigneur, quelle confusion pour lui !

    Ne devrions-nous pas être toujours dans cette confusion, quand nos considérons le peu de rapport qu'il y a entre la divine noblesse du Cœur de Jésus et notre cœur si petit, si bas, si pauvre de sentiments généreux ?

    En vérité, si quelqu'un était pour nous, comme égoïsme, ce que nous sommes envers le Sacré-Cœur, nous ne supporterions pas sa vue

    Si nous étions envers une de nos connaissances ce que nous sommes envers Jésus, nous rougirions de nous-mêmes en paraissant devant cette personne.

    Que nous sommes loin, hélas ! de cette confusion ! Nous sommes si prévenus en notre faveur ! Parce que nous avons une certaine piété, il semble que le Seigneur doive être notre obligé.

    Philothée, demandez au Seigneur de vous faire sentir combien vous êtes loin de ce que vous devriez être, et habituez-vous à faire des actes de confusion sur votre pauvreté intérieure.

    Reconnaître sa misère et ne jamais la perdre de vue, Philothée, voilà toute la vie spirituellen, dont l'humilité est le premier fondement.

    Celui qui se dit au fond de son âme : Je ne suis que faiblesse et indigence, celui-là met en Jésus toute son espérance.

    Qu'elle aille en paix l'âme qui vit en cette disposition ! Jésus l'a regardée avec complaisance et sa bénédiction reposera en elle.

    XX Transfiguration de notre âme.

    La dévotion au Sacré-Cœur nous transfigure.

    Contemplons Jésus sur le Thabor. Quel est ce rayonnement qui l'environne, qui non seulement illumine son front mais se répand même sur nos vêtements ? C'est le rayonnement de l'amour qui brûle son Cœur.

    Que de fois, Philothée, vous avez dit : Heureux Pierre, Jean et Jacques, qui eurent le bonheur d'assister à la Transfiguration du Sauveur ! et vous avez bien raison.

    Eh bien, moi, je dis : Plus heureuses les âmes qui peuvent partager la Transfiguration du divin Maître, je veux dire avoir un cœur ardent comme le sien !

    Pour cela, il faut fondre son cœur avec celui de Jésus, de sorte que les deux cœurs se mêlent ensemble comme deux cires en fusion.

    Oui, mais quel feu peut mettre en fusion deux cœurs ? Et quels cœurs ! celui de la créature et celui du Créateur !

    C'est un feu sacré qui seul peut opérer ce miracle. Lui seul a, en effet, la force qui dilate, et fond notre cœur avec celui d'un Dieu.

    Eh bien, ce feu vient du Ciel, du Cœur même de Jésus. C'est Jésus qui est le vrai Prométhée, destiné à apporter le feu du Ciel sur la terre pour l'embraser.

    Puisez au foyer divin, Philothée : que vos soupirs, souvent renouvelés, allument et attisent dans votre cœur le feu divin, et votre âme sera transfigurée.

    Oui, l'amour est comme le feu.

    Voyez, quand le feu s'attache même au bois vert, il le pénètre, l'ouvre, l'enflamme et le transforme en une gerbe de lumière ; c'est une transfiguration.

    XXI Une seule tente.

    Ce feu divin qui transfigure une âme et la fait semblable à celle de Jésus-Christ, ce feu, quels sont ceux qui le reçoivent, quels sont ceux qui sont assez heureux pour le conserver ?

    Ceux qui, comme Moïse et Elie, vont avec Jésus sur la montagne de la prière ; ceux qui, comme Moïse et Elie, se dégagent de leur corps par la mortification.

    Ceux qui, comme Moïse et Elie, s'entretiennent avec Jésus dans la méditation de ses souffrances et de son amour.

    Ceux qui, comme les disciples témoins de sa Transfiguration, ne veulent plus faire qu'un avec Jésus.

    Alors l'amour divin rayonne, s'épanche, pénètre les âmes encore plus que les rayons du soleil ne pénètrent les corps.

    Ah ! qu'il doit faire bon d'être dans cette communion où Jésus donne son Cœur, ce Cœur qui divinise tout ce qu'il touche ! que cette transfiguration dolit être douce !

    Comme on voudrait vivre sur la montagne pour jouir du cœur à cœur avec Jésus !

    Saint Pierre, sur le Thabor, disait : "Faisons ici trois tentes" l'âme qui est bien décidée à ne faire qu'un avec le Sauveur dit mieux que Pierre.

    Elle se dit à elle-même : Ne faisons qu'une tente, car je ne vis plus, c'est Jésus qui vit en moi ; nous ne faisons qu'un une seule tente suffit.

    Philothée, répétez souvent cette exclamation de saint Paul : "Pourrai-je jamais me séparer de l'amour de Jésus ?" et répondez-vous à vous-même : Non, jamais !

    XXII Pour obtenir la dévotion au Sacré-Cœur.

    Les maîtres de la vie intérieure nous assurent qu'aucune prière n'est aussi agréable à Notre Seigneur que celle par laquelle nous lui demandons l'amour de son Cœur.

    Or, d'après les mêmes Pères, auprès de notre Dieu, une prière est d'autant plus efficace qu'elle lui est plus agréable.

    Disons donc que, de toutes nos prières, aucune n'est aussi efficace auprès de Jésus que celle par laquelle nous lui demandons la dévotion à son Cœur.

    Car le Seigneur a promis dans l'Évangile que nos prières ne seraient jamais sans effet, quand nous prions avec les dispositions qu'il désire.

    Bien plus, il a un jour révélé à sainte Gertrude qu'il accorde beaucoup plus que nous ne demandons, quand nous sollicitions ce qu'il désire.

    Si donc, âme pieuse, vous voulez avoir une grande dévotion au Cœur divin, il dépend de vous de l'obtenir, puisque vous n'avez qu'à la demander.

    Sainte Mechtilde priait un jour en faveur d'une personne qui s'était recommandée à elle.

    Notre Seigneur lui dit : "Conseille à ton amie de s'adresser à mon Cœur, elle obtiendra tout ce qu'elle voudra".

    Philothée, habituez-vous donc à faire passer toutes vos prières par le Sacré-Cœur.

    En passant par ce Cœur, nos prières prennent je ne sais quoi de Jésus qui leur donne une force divine.

    Elles deviennent comme des prières de Jésus lui-même ; or, quelle puissance n'avaient pas les prières du Sauveur sur le Cœur de son Père !

    XXIII Dévotion au Sacré-Cœur par Marie.

    Il y a une si intime relation entre le Cœur de Jésus et celui de Marie, que par l'un on doit infailliblement arriver à l'autre.

    En effet, comme le Fils de Dieu est consubstantiel à son Père, le Fils de l'homme est consubstantiel à sa Mère.

    Jésus est né de Marie, dit l'Évangile, est fait de Marie, ajoute l'Église. Oui, la chair de Jésus est bien la chair de Marie, le sang de Jésus est bien le sang de Marie.

    Pendant neuf mois, Jésus aspira la vie dans le sein de Marie. En ce temps-là, il y avait deux existences, deux êtres, mais il n'y avait qu'une vie.

    Car l'Enfant ne respirait que par la bouche de sa Mère. Le Cœur de Jésus ne battait que par les pulsations du Cœur de Marie.

    Puis, quand la fleur vint à se détacher de sa tige, le lait virginal fut transformé en sang divin dans le Cœur de Jésus.

    De sorte que le lait de Marie devint ce sang généreux qui devait rougir la croix, et de la croix couler sur l'autel pour devenir notre propre sang.

    N'est-ce pas, Philothée, d'après ces réflexions, que j'ai raison de dire : Le Sacré-Cœur est une parcelle, une relique vivante du Cœur de Marie ? On doit donc arriver infailliblement par le Cœur de la Mère à celui du Fils.

    Philothée, demandez à Marie de plongter votre cœur dans le sien, afin que votre âme solit comme imbibée de l'amour du divin Cœur.

    XXIV Deux cœurs ? Non, un seul.

    Je vous ai montré, âme pieuse, l'identité du sang et de la chair entre Jésus et Marie. Il y a en plus l'identité de l'esprit.

    L'Enfant-Dieu a voulu passer par toutes les phases naturelles de la condition qu'il s'était faite.

    Or, comme homme, il devait recevoir une éducation : ce fut sa Mère, et sa Mère seule qui fut son maître. Et quel meilleur maître pouvait avoir l'humanité de Jésus ?

    A cette école, Jésus apprit comme s'il ne savait pas, de sorte que l'on peut dire que le Cœur de Jésus a été formé comme il avait été composé, par le saint Cœur de Marie.

    Vous le comprenez, Philothée, de cette relation a dû résulter, entre deux Cœurs si bien faits pour s'unir, une attraction douce comme la vie et forte comme la mort.

    Marie, habituée à donner à Jésus tout ce qu'elle est elle-même, ne sait plus que verser tout son Cœur dans le Sacré-Cœur.

    D'autre part Jésus, redevable à sa Mère de tout ce qu'il en reçoit, s'épanche tout entier dans le saint Cœur de Marie.

    Ici, dirai-je encore : Sont-ce deux Cœurs ? Ne dirai-je pas plutôt : Ce n'est qu'un Cœur ?

    N'ai-je pas raison, Philothée, quand je vous dis : Emparez-vous du Cœur de Jésus par celui de Marie ?

    L'Écriture nous dit que Salomon avait pour sa mère une telle déférence qu'il la faisait asseoir à côté de son trône, pour indiquer qu'elle partageait sa puissance.

    Le céleste Salomon a pour sa Mère bien plus que de la déférence, il a avec elle une unité de cœur qui n'a jamais existé ailleurs qu'entre Lui et sa Mère.

    Si donc vous voulez, âme pieuse, posséder le Cœur de Jésus, vous connaissez la voie ; Marie n'est pas seulement à la droite de Jésus au Ciel, elle dans son Cœur.

    XXV Mettez la main sur votre cœur.

    Nous sommes soumis dès notre naissance à l'empire de la mort.

    Elle nous enlève à chaque instant un peu de notre vie. De sorte que nous ne pourrions résister à ses continuelles attaques, si notre cœur ne luttait sans relâche et ne nous rendait par un travail incessant tout ce que nous perdons.

    Nos autres organes ont leurs intervalles de repos, notre cœur seul est toujours en mouvement.

    Il veille tandis que nous dormons, et s'il venait à s'endormir, nous passerions au même instant des bras du sommeil dans les bras de la mort.

    Puisque la fonction propre de notre cœur est d'entretenir la vie, il n'est pas douteux que le Sauveur, en nous exhortant à l'honorer sous l'emblème de son divin Cœur, ait voulu nous donner un enseignement.

    Il a voulu nous faire comprendre que son Cœur est la source de notre vie surnaturelle.

    Par conséquent, c'est de cette source que découlent toutes les grâces. Quand donc nous vous poussons, Philothée, à la dévotion au Sacré-Cœur, comprenez-vous ce que nous faisons ?

    Nous ouvrons devant vous le trésor de toutes les richesses que le sein de Dieu a comme besoin de répandre sur les âmes fidèles à cette dévotion.

    Mettez quelquefois la main sur votre cœur, vous disant : Comme mon cœur bat pour la vie de mon corps, celui de Jésus bat pour la vie de mon âme.

    Prenez tous les matins, Philothée, la résolution que voici : Je veux qu'aujourd'hui chaque battement de mon cœur soit un acte d'amour envers Jésus. Amen.

    XXVI Soyez généreuse, Philothée.

    Pour être généreuse envers le Sacré-Cœur, un grand moyen, Philothée, c'est l'indifférence pour les créatures, indifférence qui ne nous fait user des créatures que pour atteindre notre fin.

    Or, comment arriver à cette indifférence, qui est présentée par les maîtres de la vie intérieure comme un des sommets de la perfection chrétienne ?

    Il faut pour cela user, malgré les répugnances, de ce qui déplaît, mais qui peut être utile pour notre fin.

    Il faut rejeter au contraire ce qui attire, mais qui peut éloigner de notre fin.

    Pour obtenir ce précieux détachement il faut se tenir unie au Cœur de Jésus. Mais quel est le moyen pratique pour se maintenir dans cette union ?

    Le voici, il est aussi doux que facile. Il y a dans le Cœur de Jésus ce que j'appellerai une huile divine qu'il répand dans les âmes quand elles s'ouvrent pour la recevoir.

    Ce cordial nous fait faire avec goût, avec onction, tout ce qui est du service de Dieu, et rend ce service plein d'un attrait qui sans cesse nous relie au Seigneur de la manière la plus suave.

    Vous me dites, Philothée : Mais comment ouvrir mon âme à l'effet de recevoir ce cordial divin ? Par la communion spirituelle à l'huile divine.

    Désirez, désirez et vous recevrez. Oui, c'est là comme un rêve pieux, mais si vous le voulez, Philothée, vous pouvez par vos désirs faire de ce rêve une bien douce réalité.

    XXVII Un étrange mystère.

    Combien d'âmes pieuses et même sincèrement pieuses, tout en accordant leur foi aux promesses divines, ne peuvent se résoudre à les embrasser dans toute leur magnificence !

    Ces âmes craignent donc d'attribuer trop de bonté à Celui qu'elles appellent cependant avec tant de raison : le bon Dieu.

    Elles croient qu'on exagère quand on leur dit qu'elles sont appelées à vivre, même sur cette terre, de la vie de Dieu.

    Elles oublient que ces promesses sont celles qui reviennent le plus souvent sous la plume des écrivains sacrés, et qu'elles ne sont atténuées nulle part par la moindre réserve.

    Par conséquent, Philothée, à moins de supposer en ceux qui sont les interprètes de la divine vérité, l'intention de nous induire en erreur, nous devons prendre ces personnes dans leur sens propre.

    Et pour être conséquents, nous devons alors embrasser, dans toute sa divine magnificence, la dignité qu'elles nous confèrent.

    Mais non, Philothée, notre pauvre cœur est si étroit, notre nature si misérable, que nous ne pouvons nous faire à tant de grandeur.

    Or, d'où vient ce mystère d'incroyance ? De ce que nous ne connaissons pas assez le Cœur de notre Dieu.

    De ce que nous ne connaissons pas sa générosité, son inclination vers ses créatures, j'allais dire ses faiblesses paternelles envers nous.

    Philothée, méditez plus souvent sur le Sacré-Cœur, lui disant : Que je vous connaisse, et que je me connaisse... Je ne suis qu'une créature mais vous êtes mon Créateur.

    Or, si l'ouvrier a une si grande attache pour son œuvre, quelle ne doit pas être l'attache du Créateur pour ce qu'il a tiré du néant ! car l'amour seul a pu le porter à faire de rien une créature.

    XXVIII Si quelqu'un a soif.

    Le Cœur du divin Maître, est dans le Sacrement de l'autel comme une eau vive qui coule jour et nuit, et ne demande qu'à se répandre dans les âmes pour les fertiliser.

    Je l'entends dire, du fond du tabernacle, ce qu'il disait sur les degrés du temple à la foule qui l'entourait : "Si quelqu'un de vous a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive".

    Remarquez, âme pieuse, que le divin Maître ne dit pas ici : Purifiez-vous, recevez-moi.

    Il dit seulement : "Venez" ce qui signifie : Visitez-moi dans ma solitude, et je vous comblerai de ce que vous pouvez avoir soif de recevoir.

    Cette voix du Sauveur, hélas ! est peu entendue. C'est la solitude le plus souvent qui est la compagnie du tabernacle.

    Eh bien, âme pieuse, cette solitude devrait être pour vous une raison de plus pour vous faire entourer le Sacré-Cœur.

    En effet, ce Cœur a besoin de donner, et cependant peu se présentent  Lui pour recevoir.

    Ce Cœur devra donc se défrayer en donnant davantage au petit nombre qui le visite.

    Visitez le Saint Sacrement, tournez-vous du côté où il est pendant vos occupations de la journée.

    Oui, dans les visites que vous recevez, dans celles que vous faites, pendant votre travail, pendant vos prières, quand vous le pouvez, tournez-vous de corps ou au moins de cœur du côté où vous savez un tabernacle.

    Il y a dans l'Écriture une parole du Seigneur bien capable de tenter des âmes saintement ambitieuses. Je vous le dis, cette parole, ne l'oubliez jamais. La voici, Philothée :

    "Si quelqu'un vient à moi en m'ouvrant son cœur, je me répandrai en lui comme l'Euphrate répand des eaux".

    L'Euphrate, Philothée, est ce grand fleuve qui inonde les plaines de la Chaldée et y porte continuellement la richesse et la vie.

    XXIX Culte d'amour.

    Avant tout, Philothée, nous devons au Sacré-Cœur un culte d'amour, c'est le Sauveur lui-même qui nous le dit.

    Or, en quoi consiste ce culte d'amour ? Il consiste dans des actes ; mais quels actes ?

    Ah ! le Sauveur est bien peu exigeant. Résumons ce qu'il a demandé à nous tous par l'entremise de la Bienheureuse Marguerite-Marie.

    Il y a une foule d'âmes oublieuses qui ne pensent pas à Lui, il veut qu'on y pense.

    On le néglige au saint tabernacle, il demande qu'on le visite au moins de temps en temps.

    On ne fréquente pas assez le divin Banquet, il désire qu'on y vienne plus souvent.

    Le tournesol suit le soleil toute la journée, pourquoi notre âme ne suivrait-elle pas, par le regard au moins du cœur, le Soleil des âmes ?

    Voulez-vous, Philothée, comprendre combien ce culte d'amour est agréable au divin Maître ?

    Rappelez-vous ce qui arriva à sainte Gertrude.

    Cette sainte religieuse dit un jour au Sauveur : "Je vous supplie de percer mon cœur des traits de votre amour".

    Le Sauveur fut si charmé de cette prière qu'il apparut à la sainte et lui dit : "Entre dans mon Cœur, je veux que désormais il soit ton temple".

    Et la sainte goûta en ce moment, dans son cœur, des choses qu'aucune langue, même angélique, ne saurait exprimer.

    XXX Tout est consommé.

    Le plus grand acte d'amour que Jésus ait fait pour nous, c'est l'institution de l'Eucharistie. Acte qui n'a jamais cessé, acte qui se renouvelle tous les jours, dans tous les temps et dans tous les lieux.

    Il est donc tout naturel de croire que le plus grand acte de reconnaissance que nous puissions pratiquer envers notre Sauveur, c'est de le recevoir.

    Philothée, on nous a toujours enseigné que la reconnaissance ouvre le cœur de l'homme.

    Elle doit donc, à plus forte raison, ouvrir le Cœur de Dieu, qui est bien plus sensible que le cœur d'aucun de nous.

    Voilà pourquoi, Philothée nous vous disons tous les jours : Approchez-vous du banquet céleste le plus que vous le pourrez et tâchez de le pouvoir souvent.

    Dans ce divin banquet, en effet, coule abondante la source de toutes les grâces que vous pouvez souhaiter.

    C'est ce qui faisait dire à sainte Madeleine de Pazzi, quand elle revenait de la sainte Table : "Tout est consommé". Mais si là tout se consomme, c'est là aussi que doit se consommer  votre désir d'une grande intimité avec le Sacré-Cœur.

    Philothée, ayez l'intention de communier spirituellement au Sacré-Cœur toutes les fois que la pensée vous en viendra.

    A chacune de ces communions, il y aura comme une émanation divine qui découlera sur votre âme, et vous n'avez pas une idée combien se scelle, par ce moyen, l'union entre une âme et le Sacré-Cœur.

    XXXI Quand deux cœurs s'aiment.

    Quand deux cœurs s'aiment, ils ont tout naturellement une inclination : celle de se ressembler.

    Ils se modèlent réciproquement l'un sur l'autre, car l'amour veut la ressemblance.

    Voulons nous savoir si réellement nous aimons Jésus-Christ ? Examinons si notre cœur ressemble au sien, ou du moins si sérieusement nous travaillons à nous modeler sur Lui ?

    Je voudrais, âme pieuse, vous aider à faire cette comparaison.

    Pour cela, j'ai analysé le Cœur du divin Maitre.

    Il me semble que l'on peut réduire à quatre tous les mouvements qui animent ce Cœur.

    Le premier mouvement est celui qui pousse le Sacré-Cœur à étendre par tous les moyens le règne de Dieu sur la terre.

    Le second mouvement dans le Cœur divin est celui qui lui fait comme un besoin de s'unir à nous.

    Le troisième battement du Sacré-Cœur est celui qui presse le Sauveur de s'immoler pour nous.

    Le quatrième battement dans le divin Cœur est cette soif ardente qui le brûle pour le salut des âmes.

    Je vais essayer, âme pieuse, d'analyser dans les réflexions suivantes chacun de ces mouvements, vous pourrez ainsi voir si ces battements sont aussi un peu les vôtres, et par conséquent si vous ressemblez au Sacré-Cœur et si vous l'aimez.

    XXXII Que votre règne arrive.

    Le premier mouvement que je trouve dans le Cœur de Jésus-Christ, c'est celui de glorifier son Père et de le faire régner sur tous les cœurs.

    "Je suis venu, disait-il pendant sa vie mortelle, apporter le feu du Ciel sur la terre, et mon plus grand désir est qu'il s'allume dans les cœurs".

    Les saints, dont le cœur est semblable à celui de Jésus-Christ, brûlent du même feu ; ils n'ont qu'une pensée : la gloire de Dieu ; qu'un besoin : le règne de Dieu.

    Ils immolent à cette gloire tous leurs intérêts, ils s'immolent eux-mêmes tous les jours pour que le règne de Dieu s'etende.

    Pierre Nolasque vend un jour tout ce qu'il possède pour racheter les chrétiens captifs dans les bagnes d'Alger, et quand il n'a plus rien, il se met lui-même en vente.

    Tout cela pour le règne de Dieu.

    Est-ce que tous les saints ne suivent pas cette maxime de saint Ignace : Tout pour la plus grande gloire de Dieu ?

    Examinez-vous, Philothée, analysez votre vie intérieure : avez-vous fait, pour étendre le règne de Dieu, quelque chose d'important en vous et dans les autres ?

    Alors votre cœur bat à l'unisson de celui du Sauveur, vous l'aimez, vous l'aimez.

    N'avez-vous rien ou bien peu fait pour le règne de l'autre ? Votre cœur  n'a pas les mêmes battements que celui de Jésus-Christ, vous ne l'aimez pas.

    "Si je savais, a dit le saint évêque de Genève, si je savais qu'il y eût dans mon cœur une seule fibre qui n'aimât point Jésus-Christ, je l'arracherais incontinent".

    Cherchez, cherchez, Philothée, si cette fibre ne se trouve pas dans votre cœur ; et si vous la rencontrez, n'hésitez pas, arrachez-la, car il faut que tout en vous soit au Sacré-Cœur.

    XXXIII Un désir.

    Le second battement que je distingue daqns le Cœur de Jésus-Christ est celui qui le pousse à s'unir à nous.

    Il disait au dernier jour de sa vie : "J'ai un extrême désir de manger cette pâque avec vous".

    Il paraît que ce désir était tel, que quand le Sauveur l'eut satisfait en établissant le grand mystère par lequel il peut s'unir à nous, il crut avoir accompli le but de sa vie et qu'il ne lui restait plus qu'à mourir.

    Les saints, dont le cœur ressemble à celui de Jésus-Christ, ne vont-ils pas à la Table sainte avec une faim indicible ?

    Imelda est une sainte de dix ans. Un jour elle assiste à la première Communion de ses compagnes.

    Et comme son âge l'empêche de partager leur bonheur, elle est prise d'un tel désir de s'unir à Notre Seigneur que son désir ouvre le Ciel.

    Il en descend deux anges. Ils portent une hostie qu'ils tiennent au-dessus de la sainte enfant.

    Le prêtre, témoin de ce prodige, quitte l'autel et communie Imelda, qui tombe à l'instant en extase.

    Extase dont elle ne revint jamais ; elle était morte de bonheur, oui, morte d'un bonheur divin.

    Sainte Catherine de Gènes, en voyant la sainte Hostie entre les mains du prêtre, s'écriait : "Vite, vite le pain de vie, car je défaille".

    Les saints se privent facilement de nourriture, mais, si on les prive de Jésus-Christ, quelle souffrance dans toute leur âme !

    En êtes-vous là, âme pieuse ? quand la sainte communion vous manque, vous sentez-vous défaillant ?

    Alors, vous avez le besoin de vous unir à Jésus-Christ, vous lui ressemblez, vous l'aimez.

    Mais ne sentez-vous que froideur, indifférence pour cette union ? Oh ! alors, puis-je croire que vous lui ressemblez, que vous l'aimez ?

    XXXIV Baptême de sang.

    Le troisième battement que je saisis dans le Cœur de Jésus-Christ, est celui qu'il manifestait quand il disait à ses amis : "Je doit être baptisé d'un baptême de sang ; qu'il me tarde de le subir !"

    Le Cœur de Jésus regardait la croix comme l'autel où son amour pourrait être enfin satisfait en s'immolant pour nous, et en nous lavant ainsi dans le baptême de son sang.

    Les saints, eux aussi, ont de telles ardeurs pour la croix, parce que leur cœur est semblable à celui du divin Crucifié.

    Témoin cette sainte qui disait : "Ou souffrir ou mourir" et cette autre : "Ne jamais mourir ; pour toujours souffrir".

    Saint André, qui s'écriait : O Croix ! si longtemps désirée, aimée, recherchée et enfin donnée à mes désirs, je te salue, je t'embrasse !"

    Saluez-vous, sinon avec ardeur, du moins avec résignation, la croix quand elle vous est donnée, Philothée ? Eh bien ! alors, vous avez le Cœur de Jésus-Christ, vous l'aimez.

    La repoussez-vous, cette croix ? vous désole-t-elle ? vous dépasse-t-elle ? En quoi resssemblez-vous au Modèle, et comment alors l'aimez-vous ?

    Vous aussi, si vous l'aimiez, vous pourriez subir pour votre Ami divin un baptême de sang, âme pieuse. Eh ! qu'il serait agréable au Sacré-Cœur, ce baptême !

    Oui, si vous viviez dans un esprit d'entière immolation, acceptant les épines de votre vie pour plaire au divin Cœur, est-ce que vous ne répandriez pas mystiquement le sang de votre âme ?

    Or, pouvez-vous calculer ce que vous donneriez de douceurs au divin Maître et de grâces à votre âme par ce baptême, vrai baptême d'amour ?

    XXXV "Sitio"

    Enfin, le quatrième battement que je saisis dans le Cœur de Jésus-Christ est cette soif qu'il avait du salut des âmes et qui le faisait s'écrier sur la croix "Sitio ! j'ai soif !"

    Oh ! quelle fièvre divine dévora toujours le Cœur de Jésus-Christ pendant sa vie et à sa mort ! fièvre de votre salut, Philothée, du mien et du nôtre à tous.

    Les saints ont de telles ardeurs pour le salut des âmes, qu'à la vue des travaux et des souffrances à supporter, bien loin d'être rebutés, ils s'écrient, comme sant François Xavier : "Encore plus, Seigneur, encore plus, toujours plus !"

    Saint Paul, au milieu des splendeurs d'Athènes, disait à la cité des Grecs : "Donne-moi des âmes ; tout le reste, les grandeurs, les richesses, la gloire, garde-le pour toi."

    Une sainte âme disait : "Oh ! qu'il est triste de voir tant d'âmes, rachetées par le sang d'un Dieu, se jeter en enfer comme des fous qui sauteraient du sommet d'une tour ! Je ne connais que cette peine après celle de mes péchés."

    Renseignez-vous insensible à cette peine ? Vous ne ressemblez pas au Cœur de Jésus-Christ, vous ne l'aimez pas.

    Je vous en conjure, âme pieuse, créez en vous ce besoin de sauver quelque âme dans la vie ; créez-le bien profond, et par la prière, et par la mortification.

    Par la prière, soyez souvent de cœur au jardin des Olives, partageant les soupirs, les sueurs de l'Agneau sans tache qui s'offre en victime pour le salut du monde.

    Par la mortification, soyez souvent de cœur au Calvaire, vous unissant aux souffrances du grand Immolé en acceptant d'être victime pour les âmes de votre famille.

    Pensez aussi quelquefois aux âmes qui seraient le plus en danger de se perdre dans le lieu où vous habitez.

    XXXVI Seigneur, votre droite (Job, XVIV).

    Quand on veut réaliser une idée, atteindre un but, il faut d'abord enlever les obstacles qui empêchent cette réalisation, et ensuite, employer les moyens capables de nous faire arriver à ce que nous désirons.

    Vous voulez, âme pieuse, réaliser l'union de votre cœur à celui du divin Maître ? Je viens vous indiquer d'abord les obstacles qui peuvent s'opposer à cette union.

    Je pourrai ensuite vous indiquer les moyens à employer.

    Je trouve dans l'âme pieuse quatre obstacles qui peuvent empêcher l'union avec le Sacré-Cœur ; ces obstacles, les voici :

    L'amour-propre, l'immortification, le défaut dominant, la trop grande familiarité avec le bon Dieu.

    Je viens d'indiquer, Philothée, quatre racines regrettables qui sont enfoncées bien avant dans notre nature.

    Si votre ambition est de détruire ces quatre racines, vous avez d'abord à bien les reconnaître en vous, puis à les extirper.

    Pour arriver à cet heureux résultat, votre volonté, vos sueurs d'âme ne suffisent pas ; il faut une grâce spéciale.

    Dites donc souvent au Seigneur la prière du saint homme Job : "Mon Dieu, c'est votre œuvre que je fais ; prêtez-moi donc le secours de votre droite."

    Oui, il ne faut rien moins que le secours de la droite divine pour vaincre la concupiscence qui nous ronge comme un mystérieux cancer.

    Eh bien ! l'humble prière et l'humble confiance font reposer la droite de Dieu sur notre âme, pour la fortifier et la soutenir dans le combat contre nous-mêmes.

    XXXVII L'amour-propre.

    Cette tristesse quand on est négligé, quand on échoue, quand on est inconnu, qu'on tient peu de place dans entourage, voilà l'amour-propre.

    La peine que causent les succès du prochain ; l'envie, la jalousie qui poussent à abaisser les autres, voilà l'amour-propre.

    Cette susceptibilité qui nous fait croire que tout nous est dû et que nous devons peu aux autres, de sorte que nous froissons à tout moment ceux qui nous entourent : voilà des échantillons d'amour-propre des personnes pieuses.

    Il y a dans la nature un petit reptile que l'on nomme caméléon ; il change de couleur à tout instant, mais il est toujours lui ; l'amour-propre varie ses formes, mais le fond est toujours le même.

    Vous le voyez, âme pieuse, l'amour-propre est une espèce d'idolâtrie que l'on a pour soi-même.

    Quand vous vous laissez aller, Philothée, à ce malheureux penchant, vous vous rendez continuellement comme un culte à vous-même ; c'est pour vous, devant vous, que vous dépensez tout votre encens.

    Or, je vous le demande, comment peut-il y avoir union un peu intime entre un cœur ainsi épris de lui-même et le Cœur de Jésus-Christ qui a dit : "Si quelqu'un veut venir avec moi, avant tout, qu'il commence par se renoncer."

    Examinez, Philothée, jusqu'où vous vous renoncez. La mesure de votre renoncement eset la mesure de votre union avec le Sacré-Cœur.

    XXXVIII L'immortification.

    Celui qui a dit : "Si vous voulez venir après moi, il faut vous renoncer," Celui-là même a ajouté : "Prenez votre croix et portez-la tous les jours."

    Elles sont rares les âmes, même pieuses, qui entendent ainsi la piété ; on se contente d'avoir un règlement, des exercices pieux, des retraites, des confessions détaillées, des communions fréquentes, en un mot tout le matériel de la dévotion.

    Mais il y a un côté faible, celui de la mortification. Aussi, viennent les croix, on les fuit ; viennent les souffrances, on murmure ; viennent les obligations de la vie, on les trouve ennuyeuses ; viennent les devoirs d'état, on s'en exempte autant qu'on le peut.

    On se crée ainsi une sainte ornière, pas trop dure, dans laquelle on se laisse couler le plus doucment possible.

    Oui, mais, ô Philothée, croyez-vous que quand on en est là, on soit bien près de Celui qui a dit : "Prenez votre croix tous les jours et suivez-moi" ?

    Cette croix évidemment n'est pas celle de ces grandes épreuves qui, quelquefois, vous sont ménagées dans la vie et qui, heureusement, sont rares.

    Non, cette croix ne peut être que l'ensemble de ces petites misères qui, tous les jours, vous atteignent, vous heurtent, vous crucifient.

    Eh bien ! Philothée, portez-vous cette croix tous les jours ? Plus vous l'acceptez, plus vous la portez, plus vous êtes unie au Sacré-Cœur.

    Car c'est le Cœur, bien plus que le Corps de Jésus, qui a porté la croix au Calvaire et en a senti tout le poids.

    XXXIX Défaut dominant.

    Avez-vous un défaut dominant, âme pieuse ?

    Oui, c'est celui dans lequel vous retombez le plus souvent, celui qui revient dans toutes vos confessions, celui dont vous n'aimez pas que l'on vous parle dans votre direction, celui que vous ne vous avouez pas à vous-même.

    Aussi, la question n'est pas de voir si vous avez un défaut dominant ; c'est là un point établi pour vous et qui ne fait pas un doute.

    Mais la question est de savoir si vous lui avez déclaré la guerre, ou si vous avez signé avec lui un traité de paix.

    Si vous êtes dans ce dernier cas, âme pieuse, ne vous faites pas illusion, vous ne vivez pas unie à Celui qui a dit : "J'ai apporté le glaive."

    Quel est ce glaive ? Le Sauveur l'a dit : "C'est celui qui doit, au besoin, séparer le fils de son père, la fille de sa mère, l'épouse de son époux."

    Par conséquent, celui qui doit nous séparer de tout ce qui peut nous éloigner de Dieu, celui qui doit tailler, retrancher en nous tout ce qui n'est pas Dieu.

    Or, l'avez-vous pris en main, Philothée, ce glaive, pour vous battre contre vous-même ? Vous en servez-vous tous les jours d'une manière constante ?

    Et comment vous en servez-vous ? Allez-vous jusqu'au vif, surtout quand il s'agit de ce défaut, de cette habitude qui sont depuis longtemps comme un cancer pour votre âme ?

    Si vous pouvez répondre affirmativement à la question que je viens de vous poser, je vous dis : "Réjouissez-vous, vous êtes près du Sacré-Cœur."

    Car c'est du Cœur de Jésus bien plus que de sa bouche qu'est sortie cette parole : "J'ai apporté le glaive."

    XL Trop grande familiarité avec Dieu.

    Je touche ici à un écueil où viennent souvent échouer les meilleures piétés. Comme les exercices pieux sont de tous les jours, on finit par se familiariser avec eux, on  s'en acquitte sans soin.

    Remarquez que je ne dis pas : sans ferveur sensible ; cette ferveur ne dépend pas de vous. Je dis sans soin, c'est-à-dire sans ferveur de volonté ; prières, confessions, etc... on fait tout par manière d'acquit.

    Si vous en êtes là, Philothée, à moins que vous ne fassiez effort pour vous renouveler par de fortes pensées de foi et de grands sentiments d'amour, votre cœur sommeillera bientôt.

    Or, je vous le demande, comment unir un cœur qui sommeille avec Celui qui est tout feu ?

    Ah ! toutes les âmes qui ont approché de notre Dieu ont gardé, même sur leurs traits, je ne sais quoi d'enflammé, ce qui a fait appeler notre Dieu Ignis ardens, un Feu ardent.

    Vous souvient-il de ce buisson en feu du fond duquel le Seigneur au désert parlait à Moïse ?

    Le Sacré-Cœur est ce buisson ardent qui brûle pour échauffer nos âmes et leur donner cette énergie qui, d'un Moïse berger, fit un prophète, et quel prophète !

    Or, comment voulez-vous que ce feu divin agisse sur vous, si vous n'êtes qu'un bois vert, impropre à être pénétrée par la chaleur et dilatée par le feu ?

    Non, non, Philothée, l'esprit qui s'exhale du Sacré-Cœur est comme cette rosée qui descend du ciel tous les jours dans le calice des fleurs, mais des fleurs qui seules ouvrent leur corolle.

    Ouvrez, ouvrez votre âme généreusement à l'action divine, et vous réaliserez la promesse faite par les anges du Ciel, quand ils chantaient sur le berceau d'un Dieu : "Paix aux âmes de bonne volonté" Amen.

    XLI Vision de sainte Gertrude.

    Un jour, saint Jean, le disciple bien-aimé, apparaissait à sainte Gertrude. "Pourquoi , lui dit-elle, vous qui avez reposé sur le sein du Sauveur, n'avez-vous rien écrit sur les mouvements de son Cœur ?"

    "Dieu, lui répondit saint Jean, s'est réservé de faire connaître ces battements dans la vieillesse du monde, quand il faudra rallumer la charité qui sera alors si refroidie."

    Certes, Philothée, si la dévotion au Sacré-Cœur doit avoir la puissance de rallumer la charité déjà éteinte dans le cœur du monde, quelle puissance ne doit-elle pas avoir sur les cœurs pieux ?

    Si donc, d'après la comparaison que nous venons de faire, vous avez découvert que vous n'aimez pas assez Jésus-Christ, oh ! rallumez votre feu dans le Cœur de Jésus.

    Vous me dites âme pieuse : comment rallumer ou plutôt comment allumer ce feu qui n'a jamais, hélas ! brûlé en moi ?

    Quand on veut embraser un foyer, que fait-on ?

    On y jette du bois sec à toutes les heures.

    Cherchez, Philothée, dans votre cœur tout ce que le zèle de votre perfection ne vivifie pas ; en un mot, tout ce qui est sec, aride, stérile.

    De tout cela, faites comme le bûcher d'un sacrifice ; mettez-y le feu de l'amour, et la flamme divine s'éveillera en vous.

    Vous pourrez être ainsi un sacrifice vivant et perpétuel. Le Sacré-Cœur sera l'autel, vous serez l'heureuse victime. Amen.

    Que je dis bien quand je dis : heureuse victime ! Est-il rien de plus doux que d'être consumée, Philothée, par un feu divin ?

    XLII Divinisation de notre âme.

    Nos âmes sont divinisées par Jésus-Christ ; tel est le secret que le disciple bien-aimé avait appris, tandis que sa tête reposait sur le Cœur de Jésus.

    Aussi a-t-il pu nous dire ces étonnantes paroles : "Cette vie éternelle qui est dans le sein de Dieu, est devenue sensible ; nous l'avons touchée de nos mains. Bien plus, elle s'est donnée à nous."

    Âme pieuse, il ne tient qu'à vous de partager les richesses de cette vie, car tous nous pouvons, en ne faisant qu'un avec Jésus, devenir en réalité le fils de Dieu.

    Oh ! l'heureux sort, Philothée, que celui de ne faire qu'un avec le divin Maître, de lui prendre, en quelque sorte, ce qu'il est, et de devenir un autre Lui-même !

    Savez-vous comment vous pouvez, pratiquement, réaliser ce sort divin ? C'est en donnant, tous les jours, quelque chose de ce que vous avez, ou de ce que vous êtes, à Jésus.

    Vous vous dépouillez d'une misère, d'une faiblesse, d'une inclination, vous en faites un sacrifice pour plaire au divin Cœur.

    Aussitôt Jésus, dont le Cœur est le plus généreux de tous, se dépouille, en quelque sorte, de quelque richesse spirituelle et le passe à votre âme.

    Nous sommes alors traités comme un pauvre qui donnerait à un riche une pièce de billon et recevrait de lui, en retour, une pièce d'or.

    Philothée, renouvelez souvent ces petits dons au Sacré-Cœur ; chaque fois, vous recevrez en retour un peu de ce qu'est Jésus.

    XLIII Soyez bien petite, Philothée.

    Il y a, dans les chroniques pieuses, une petite sainte qui n'a pas été canonisée, mais qui est connue par sa piété. Elle s'appelle la bonne Armelle.

    La bonne Armelle étant un jour en prières, se trouva tout à coup transportée dans le Cœur de Jésus-Christ.

    Ce Cœur était vaste comme l'océan, Armelle voguait à pleines voiles dans les délices, lorsqu'elle s'aperçoit que la porte de ce Cœur est si petite, qu'il lui semble impossible qu'elle y soit entrée.

    Elle était préoccupée de cette porte quand Notre Seigneur lui dit : "Tu ne vois pas, Armelle, qu'il faut qu'elle soit ainsi, parce que dans mon cœur je ne veux que les bien petits, les bien dépouillés d'eux-mêmes et de tout."

    Voulez-vous, âme pieuse, habiter toujours dans le Cœur de Jésus ? Considérez souvent votre faiblesse, votre fragilité, les ténèbres de votre raison, les inconstances de votre volonté inclinée au mal dès l'enfance.

    Étonnez-vous souvent que, malgré tant de misères, l'orgueil soit encore le fond de votre nature : cet orgueil qui, selon la pensée du grand saint Augustin, nous sépare de la sagesse.

    Rappelez vous souvent le pharisien de l'Évangile, sa fausse piété si contente d'elle même et si dédaignée de Celui qui sonde les cœurs.

    Pensez souvent au publicain qui s'en alla justifié à cause de l'humble aveu de sa misère. Dites souvent avec lui : "Mon Dieu, ayez pitié, grande pitié de moi qui suis tout péché."

    Je viens de vous donner, Philothée, la clef du Sacré-Cœur ; à vous d'ouvrir, d'y entrer, d'y vivre, et d'y goûter d'ineffables douceurs.

    XLIV Soyez apôtre du Sacré-Cœur.

    Ce n'est pas moi, Philothée, qui vous parle ainsi, c'est le Sauveur lui-même. Il disait en effet à la Bienheureuse Marguerite-Marie : 

    "Publiez cette dévotion, recommandez-la comme un moyen infaillible pour remporter la victoire sur les pires inclinations.

    Recommandez-la comme un moyen infaillible pour sortir des imperfections les plus invétérées.

    Recommandez-la comme un moyen infaillible pour obtenir l'amour le plus tendre envers moi ;

    Comme un moyen infaillible pour arriver, en un mot, rapidement à la plus haute perfection."

    Le Père de la Colombière, Philothée, nous dit qu'il fit une épreuve. Il conseilla la dévotion au Sacré-Cœur, alors inconnue,  à plusieurs personnes qu'il dirigeait.

    Il alla plus loin, il conseilla cette dévotion même à des protestants qui avaient résisté à tous les efforts de son zèle.

    Eh bien, ce saint religieux nous assure qu'il eut en peu de temps un succès qui l'étonna lui-même.

    Voulez-vous, Philothée, attirer sur vous, ou sur quelqu'un des vôtres, une grâce particulière ?

    Ne passez pas un jour sans faire un peu de propagande en faveur de la dévotion au Sacré-Cœur.

    Et quand les circonstances ne vous servent pas pour cette propagande, faites-la du moins en désir et en prière.

    Voyez-vous, Philothée, il faut que tous les soirs vous puissiez vous dire : Aujourd'hui j'ai fait quelque chose pour répandre la dévotion qui désormais doit régner en mon cœur.

    XLX L'acte d'amour.

    "Si quelqu'un m'aime, dit le Sauveur, mon Père l'aimera, nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure."

    En effet, quand on aime Jésus, on vit en Dieu ; car Jésus est charité, et  "Celui qui est dans la charité, est en Dieu" dit l'Écriture.

    Or, la charité est la vie divine communiquée à une âme. Elle est la sève que le Sacré-Cœur, cette vigne céleste, communique aux sarments qui lui demeurent unis.

    Aussi, quand la charité unit une âme au divin Cœur, cette âme, fût-elle la plus stérile, devient aussitôt, par cette union, féconde en fruits de vie éternelle. Elle ne peut plus être coupée comme un sarment inutile.

    Que la charité est donc une grande chose, puisqu'elle produit dans une  âme la plus divine ; et que vous devriez, Philothée, être saintement amibitieuse de posséder ce trésor sans égal !

    Vous me dites : Où trouver, où prendre ce trésor ?

    Mais, âme pieuse, c'est vous-même qui pouvez, et à tout moment de la vie, vous administrer ce que j'appellerai le sacrement de la charité.

    Pour cela, faites souvent des actes de contrition parfaite, c'est-à-dire détestez vos péchés, non seulement parce qu'ils vous ont privée de vos droits au Ciel, mais encore et surtout parce que vous avez blessé le Cœur de Jésus et répondu à son amour par des trahisons ; l'acte de contrition parfaite est un acte d'amour qui crée en nous la charité.

    Vous me dite encore, Philothée : Mais où puiser ce regret que je voudrais tant avoir et que j'ai si peu ?

    Ici, prenez garde, Philothée : il y a une tentation très subtile qui assiège souvent les âmes pieuses sur le point qui vous occupe.

    En effet, l'esprit de ténèbres, jouant le rôle d'ange de lumière, dit aux âmes : La contrition pafaite est une chose si difficile que même les saints ont peine à l'avoir ; c'est présomption que d'y prétendre.

    Tout cela est mensonge. Comment, Philothée, quand vous considérez l'amour de Jésus pour vous, les tristesses de son agonie, les douleurs de sa Passion, le sang qu'il a répandu sur la croix, son Cœur toujours plein d'amour pour vous malgré vos lâchetés ;

    Quand, dis-je, vous faites ces considérations, est-ce que vous ne sentez pas en vous un vif regret d'avoir blessé le Cœur qui vous a tant aimé ?

    Eh bien, voilà la contrition parfaite, voilà l'amour, la charité.

    XLVI Solitude du cœur.

    Habituez-vous, âme pieuse, à rendre aussi fréquentes que possible les petites retraites au fond de vous-même.

    Elles sont d'un grand secours pour rester en union avec le Sacré-Cœur, dont tout à l'extérieur contribue à vous éloigner.

    Quand vous êtes seule, au moment où chaque heure sonne, consacrez une ou deux minutes à descendre en votre âme, et renouvelez le don de vous-même au divin Cœur.

    Ah, Philothée, si vous pouviez vous créer cette solitude et y chercher habituellement une pensée, un sentiment, un souvenir qui vous relie au Sacré-Cœur, quel profit vous retireriez de cette constante et divine intimité !

    Vous savez en effet que le Seigneur se manifeste à nous par de saintes lumières, par de suaves attraits, par une voix intérieure qui se fait entendre à notre âme d'une manière mystérieuse mais souvent bien sensible.

    Eh bien, c'est surtout au moment des courtes retraites au fond de notre cœur que le Maître emploie tous ces divins moyens pour se lier plus étroitement avec nous.

    N'est-ce pas Lui qui a dit de notre âme : "Je la conduirai dans la solitude et je lui parlerai au cœur" ?

    Ce mot : "je lui parlerai au cœur" doit ici attirer votre attention et vous toucher singulièrement.

    En effet, ce mot ne signifie-t-il pas que le divin Ami, dans ces moments d'intimitié, désire parler cœur à cœur avec votre pauvre âme ? Quel mystère, Philothée !

    Entrez donc dans cette voie, âme pieuse, et, sur les traces de sainte Thérèse, ménagez-vous souvent un tête à tête avec Jésus.

    Pour cela, élevez souvent votre âme vers Dieu, vers le Ciel, vers la gloire qui vous attend là-haut, où il vous sera donné de vous reposer comme le disciple de l'amour sur le divin Cœur.

    Soyez si unie à ce Cœur que les peines de chaque jour et les préoccupations de la vie puissent rompre cet attachement.

    Il en sera ainsi si cet attachement est fondé sur un amour sincère et confiant.

    Or, pour puiser abondamment cet amour dans le sein de Dieu, placez votre âme dans le Cœur de Jésus, cachez-vous dans ce Cœur cent fois par jour, le priant de vous conserver toujours dans sa grâce et dans la plus constante fidélité à le suivre. Amen.

    XLVII Abandon, abandon !

    Une des vertus qui nous rapproche le plus du Sauveur, c'est celle de l'abandon en Dieu pour toutes choses.

    Cette vertu nous fait entrer en quelque sorte dans le Sacré-Cœur de Jésus, parce qu'elle rend notre vie plus semblable à la sienne.

    En effet, le Sauveur a fait de sa vie toute entière un acte d'abandon parfait et constant. Dès son entrée dans le monde, il a dit à son Père : "Me voici, je n'ai point d'autre volonté que la Vôtre, votre loi est gravée au fond de mon cœur."

    Toutes les actions du Sauveur, tant dans l'ordre naturel que dans l'ordre de la divine mission qu'il venait remplir, ont été une conséquence de cet abandon.

    Aussi a-t-il pu dire un jour à ses apôtres : "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père" et quand il est mort, il a remis volontairement son âme entre les mains de son Père.

    N'ai-je pas raison, Philothée, de vous assurer que l'abandon crée en nous une des plus vives ressemblances avec Notre Seigneur, et par conséquent doit nous unir à son Cœur ? Car, vous le savez, c'est la ressemblance qui fait l'union des cœurs.

    Il est donc important de nous persuader que la dévotion au Sacré-Cœur ne consiste pas dans les belles pensées, dans les pratiques extérieures, mais dans la continuelle et entière conformité avec Lui.

    Or, je vous la répète, Philothée, ce qu'il veut de vous, c'est la fusion de votre volonté avec celle du Père que vous avez au Ciel et dont le tendre amour doit vous donner toute confiance.

    Et cette fusion dont je vous parle, il ne faut pas qu'elle soit seulement dans votre imagination, il faut qu'elle entre jusque dans la substance de votre cœur, qu'elle devienne votre nature.

    Abandonnons-nous donc avec Notre Seigneur au bon plaisir de Dieu en toutes choses. Il sait ce qu'il nous faut de consolation, de courage, de santé, de tout. Il le sait mieux que nous.

    Disons chaque jour le Pater avec une pieuse sincérité, lui demandant que son règne s'établisse en notre âme. Mais encore une fois, Philothée, pour que Jésus vous donne son Cœur, il faut que votre volonté meure. Amen.

    XLVIII Moins de crainte.

    Il y a des âmes qui, par le fait de leur nature ou de l'épreuve, vivent beaucoup trop dans la crainte.

    Pour ces âmes, la miséricorde divine et la confiance qu'elle inspire sont toujours dominées par la crainte.

    Rien ne resserre notre cœur comme la crainte, surtout si elle est excessive. Or, si notre cœur est habituellement fermé comment pourra-t-il recevoir les douces émanations qui, sans cesse, s'échappent du Cœur de Jésus-Christ pour réconforter les âmes pieuses ?

    Si vous êtes, Philothée, gouvernée par la crainte, soyez sûrs que vous ne ressentirez toujours qu'une bien faible inclination vers le Sacré-Cœur. Voilà pourquoi vous devez travailler votre âme pour qu'en elle domine la confiance.

    Vous me dites, Philothée : Mais comment travailler mon âme ? En lui rappelant que Dieu a exercé sur la terre sa miséricorde avec bien plus d'étendue que sa justice.

    Est-ce que l'Incarnation, est-ce que la Rédemption, est-ce que les sacrements de la Pénitence et de l'Eucharistie ne sont pas les plus éclatants témoignages de la miséricorde divine à notre égard ?

    N'avait-il pas raison, le saint homme Job, quand il disait : "Vous seriez prêt à me tuer, Seigneur, que j'espérerais encore en vous" ?

    Voir le couteau levé sur sa tête et espérer encore, voilà de la confiance.

    Arrivez-en là, Philothée, si vous voulez vous ouvrir le Sacré-Cœur.

    Non seulement le couteau de la justice n'est pas levé sur vous, mais vous avez déjà reçu dans votre vie des grâces de prédilection qui doivent vous rassurer sur votre avenir éternel.

    Dieu est mère, Philothée ; or une mère aime plus cet enfant étourdi qui fait des fautes, mais qui, après chaque faute, se jette en gémissant sur le cœur maternel, que cet autre qui, moins souvent coupable n'ose plus paraître quand il a péché.

    N'oubliez jamais, âme pieuse, que la confiance honore Dieu plus que la crainte.

    La confiance fortifie, la crainte dessèche, affaiblit.

    Enfin la confiance oblige en quelque sorte Dieu à nous donner ce que nous attendons de lui, car si noblesse oblige quand on compte sur elle, divinité doit encore bien plus obliger.

    Aussi l'Église accorde-t-elle des indulgences à la récitation des actes de foi, d'espérance et de charité, qui sont des sources de la confiance, et elle n'en accorde pas à la récitation des actes de crainte.

    XLIX Détachez-vous.

    Dans les mécomptes d'affection, d'égards, de reconnaissance, voyez toujours une opération divine par laquelle le Seigneur travaille à vous détacher peu à peu de tout ce qui a été créé.

    Par ce moyen, il chasse de votre esprit, de votre cœur, les affections, même souvent les plus légitimes, mais trop absorbantes, et il les remplace par l'union de votre cœur à celui de Jésus-Christ.

    Cette opération, douloureuse pour la nature, est bien adoucie par la considération que notre Père du Ciel ne nous la fait subir que pour se substituer lui-même à ce qui nous est cher, et peut-être trop cher dans les créatures.

    Vous me dites, Philothée : Mais pourquoi le Seigneur en agit-il ainsi avec nous ? Pour nous donner en abondance ce que nous ne trouverions pas dans les créatures et dont cependant nous avons besoin.

    Oui, âme pieuse, croyez avec certitude que Dieu ne nous sépare de la créature que pour devenir lui-même notre unique bien, notre meilleur ami, notre tout.

    Jésus-Christ ne permet la plaie faite à notre cœur par le retranchement d'une affection, d'une consolation, d'un égard, que pour la cicatriser par le sang de son divin Cœur, qui est la divine panacée en tout et pour tout.

    Entrez donc, Philothée, dans les desseins du divin Maître.

    Donnez-vous entièrement à lui, allez en tout et toujours à lui, laissez-le opérer sur votre cœur, quand et autant qu'il le voudra, et allez loin, très loin dans cette voie.

    Efforcez-vous de rendre de jour en jour plus grande cette affusion que le Sauveur veut faire de son Cœur dans le vôtre. Désirez souvent qu'il remplace une fibre de votre cœur par une fibre du sien ; et puissiez-vous ainsi peu à peu avoir toutes les fibres de son Cœur.

    Désirez que le Cœur de Jésus devienne votre grand asile ; désirez que ce divin Cœur se place au milieu du vôtre pour y être une source abondante et constante de lumière, de force, de vie.

    N'oubliez jamais que Notre Seigneur est jaloux de votre cœur, Philothée : il le veut tout entier ; voilà pourquoi il couvre d'épines les créatures, afin que vous ne vous en approchiez pas trop et que vous soyez obligée d'aller à lui seul.

    Oh ! que c'est une grande miséricorde pour vous que vous ne trouviez pas dans les créatures une douceur, un attrait qui pourrait vous les faire préférer à Celui qui doit être tout pour vous !

    Faites quelquefois cette exclamation : O mon Jésus, si je vous ai, que pourrais-je craindre ? Si vous m'aimez, que pourrais-je regretter ? "Avec Jésus, dit l'Imitation, rien n'est à craindre ; sans lui tout est inutile."

    L Ainsi soit-il.

    Le secret de votre union avec le Sacré-Cœur, secret que vous chezchez peut-être depuis longtemps, Philothée, est tout dans un mot.

    Ce mot est court, mais qu'il est bon, qu'il est efficace quand on le met en pratique !

    Aussi croirais-je avoir fait beaucoup pour vous lier étroitement au Sacré-Cœur, si je parviens à graver ce mot dans votre esprit de telle sorte qu'il y reste toujours, mais toujours.

    Ce mot le voici : Ainsi soit-il.

    Ce mot, si vous le méditez, si vous le comprenez, si vous l'appliquez à tout, deviendra pour vous comme la pierre philosophale de votre vie spirituelle.

    Savez-vous, Philothée, ce qu'est la pierre philosophale que tant de savants ont cherché et que nul n'a pu découvrir ?

    C'est celle qui, par certains moyens, pourrait être changée en or.

    Eh bien, l'ainsi soit-il, appliqué à tout dans votre vie, deviendrait un or spirituel d'un titre divin, et rendrait votre âme si riche en amour, que le Sacré-Cœur aurait une tendance irrésistible à fusionner avec le vôtre et ne faire qu'un avec lui.

    Ici vous me dites, Philothée : Comment faut-il appliquer pratiquement l'ainsi soit-il à notre vie ?

    Oh ! le procédé est aussi simple qu'il est bon. Écoutez, Philothée, et surtout pratiquez.

    Vous êtes dans une situation pénible pour la nature, et  non seulement vous y êtes, mais vous prévoyez qu'il vous sera difficile, impossible, d'en sortir avant longtemps : eh bien, ainsi soit-il.

    Vous n'êtes pas encore dans l'épreuve, mais vous la voyez venir, et cette perspective est aussi douloureuse que l'épreuve elle-même, et peut-être plus encore, ce qui arrive souvent ; eh bien, ainsi soit-il.

    Vous avez des peines d'âme, de ces peines qui sont bien plus sensibles que toutes celles de la terre. Vous ne voyez aucune issue pour en sortir. Dieu permet même que les réponses de votre directeur vous laissent dans le vague ; eh bien, ainsi soit-il.

    Vous faites des fautes qui vous désolent, et cela malgré toutes vos résolutions. Eh bien, priez, conservez la résolution de vous vaincre, humiliez-vous, supportez-vous, puisque le Seigneur vous supporte, et dites-vous : Dieu le permet, ainsi soit-il.

    Si vous mettez en pratique ce grand ainsi soit-il, vous jouirez d'un vrai repos intérieur et parfois vous serez inondée de consolation, ce qui prouvera que vous êtes dans l'intimité de Jésus, et que vous n'éprouveriez pas sans cet amen, que je vous conseille tant.

    La manne, cette délicieuses nourriture, tomba du ciel tous les jours tant que le peuple de Dieu fuit dans le désert. Il y aura une manne divine qui descendra tous les jours sur votre âme, quand vous serez dans quelque épreuve, et vous donnera la force de dire toujours : ainsi soit-il.

    LI Vision de la Bienheureuse Marguerite-Marie.

    Philothée, suivez en esprit la vénérable Marguerite-Marie, agenouillez-vous avec elle au pied du saint autel, et assistez, s'il est possible à la mystérieuse vision dont elle fut gratifiée par son divin Époux.

    Amour.

    Cette vision, unique d'abord, ne tarda pas à se décomposer sous une ardente contemplation ; et la Bienheureuse vit successivement apparaître à son regard trois choses qui la frappèrent comme trois coups de ce dard enflammé que sainte Thérèse vit un jour aux mains d'un ange, et dont elle reçut une de ces blessures qui ne guérissent qu'au Ciel.

    Elle vit d'abord, à travers une gloire immense, le Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ. Des rayons lumineux enveloppaient tout le reste de sa personne, elle ne distinguait rien, si ce n'est le Cœur vivant et battant d'amour.

    Elle comprit là le premier secret du christianismle, à savoir que Dieu est amour, comme dit saint Jean, et que par conséquent en Jésus-Christ le cœur est tout.

    C'est son Cœur qui a fait la Crèche, la Croix, l'Autel ; c'est son Cœur qui a bâti l'Église, qui a institué les Sacrements ; c'est de son Cœur adorable que coulent sur nous la vie, le mouvement, l'intelligence, la grâce.

    Toutes les œuvres du christianisme sont donc des œuvres d'amour, puisqu'elles sont toutes sorties du Cœur de Jésus-Christ.

    Par conséquent, Philothée, quand vous auriez tout le génie, toute l'éloquence, toute la raison, à quoi cela vous servirait-il pour aller à Jésus-Christ, si vous n'aimez pas ?

    Jésus-Christ étant venu à nous par amour, c'est par le cœur que nous devons aller à lui. La voie est tracée. Toute autre voie peut nous égarer ; celle-ci est sûre.

    Aussi la plus humble femme qui aime sera toujours plus proche du royaume de Dieu que le plus grand génie qui nous aime.

    Et le grand mot de toute piété vraie et de toute vertu solide, est ce mot que la Bienheureuse prononçait avec une sorte d'enthousiasme en sortant un jour d'une contemplation : "Jésus-Christ est tout Cœur ; devenons comme lui tout cœur" (Extrait du panégyrique de la B. Marguerite-Marie par Mgr Bougaud).

    L'âme qui veut être au Sacré-Cœur comme Marguerite-Marie, ne doit avoir qu'un désir pmour le temps comme pour l'éternité : celui d'être unie à Jésus de cette union ineffable dont la peinture nous ravit dans le Cantique des cantiques.

    Écoutez cette voix si suave qui dit : "Mon Bien-aimé est à moi, et je suis à lui ; il repose parmi les lis jusqu'à ce que les ombres déclinent et que l'aurore se lève."

    Êtes-vous, Philothée, de ces lis parmi lesquels s'endort l'Époux divin ? Et si vous n'en êtes pas, qu'attendez-vous ?

    Rentrez en vous-même, préparez au céleste Époux une demeure digne de lui par votre amour. Il y viendra, votre âme sera son lieu de repos, car ses délices sont d'habiter dans le cœur qui aime.

    Alors il vous parlera comme un ami parle à un ami, et, transportée de l'entendre, vous ne voudrez plus, Philothée, écouter que lui.

    Faites souvent cette prière : "Amour qui êtes Dieu même, pénétrez, possédez, transformez en vous toutes les puissances de mon âme, soyez ma vie maintenant et à jamais dans les siècles des siècles. Amen."

    LII Sacrifice.

    Mais bientôt, regardant de plus près, la Bienheureuse vit une seconde chose qui l'émut davantage encore : ce Cœur vivant et battant d'amour était couronné d'épines, et les épines, en le serrant, le blessaient, et le sang en découlait de toutes parts.

    Elle comprit alors le second mystère du christianisme, ce mystère adorable que l'auteur de l'Imitation formule ainsi : "Sans douleur, il n'y a point d'amour."

    Non, le cœur n'est rien, tant que le fer de l'immolation ne l'a pas touché. Ce qui en fait la beauté, ce qui est la marque sublime de son origine céleste, c'est la faculté qu'il a reçue de s'immoler et de se sacrifier pour ceux qu'il aime.

    S'il n'y avait que du plaisir à aimer, cela ne serait pas digne de l'homme ; mais il y a de la douleur dans l'amour, et de la joie dans la douleur, et dès lors il y a là du divin.

    Voilà pourquoi Jésus-Christ apparaissant à la Bienheureuse, ne lui montra pas seulement son Cœur, il le lui montra serré, meurtri, sanglant, comme s'il disait : "O âmes pieuses, comprenez donc la grande loi du cœur.

    Ames lâches, âmes molles, qui me connaissez et qui croyez m'aimer ! On n'aime qu'en souffrant ; on ne se donne qu'en s'immolant.

    O âmes, je vous ai enfantées dans la douleur, enfantez-moi de même en vous, et jouissez du bonheur de souffrir et de vous immoler pour moi." (Extrait du panégyrique de la B. Marguerite-Marie par Mgr Bougaud)

    Notre vie, âme pieuse, ne doit être qu'un continuel exercice d'amour ou bien la consommation d'une continuel sacrifice dont une vie éternelle, ou un amour éternel sera le prix.

    Tous les caractères de l'amour détaillés par saint Paul nous rappellent l'idée d'immolation, et l'Amour infini lui-même n'a pu se manifester pleinement à nous que par un sacrifice infini.

    En effet, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique.

    Et notre amour pour Dieu ne peut non plus se manifester que par un sacrifice, non pas égal, cela est impossible, mais semblable à celui de Dieu.

    Or, comment cela peut-il se faire ? Par le don de tout notre être ou par une parfaite conformité de notre cœur avec le Cœur de Celui qui nous a tant aimés.

    Philothée, faites quelquefois, en esprit, une visite à la Bienheureuse Marguerite-Marie et demandez-lui qu'elle vous obtienne de faire à Jésus le don de vous-même, mais irrévocable, mais entier.

    Dites-lui : Obtenez-moi d'être un peu ce que vous étiez quand vous disiez à votre divin Époux : "Je voudrais être comme un cierge de l'autel et me consumer tout entier devant vous."

    LIII Gloire de Dieu.

    Cette seconde lumière jeta la Bienheureuse dans un ravissement qui dura plusieurs heures. Après quoi comme si la vision se multipliait, oubliant ce Cœur, cette couronne d'épines, ces meurtrissures, elle vit que, du Cœur, il sortait des torrents de flammes qui allaient échauffer, embraser, consumer le monde.

    Elle comprit que c'était là le dernier caractère du cœur chrétien et que, si nous voulions traverser les périls des temps modernes, ce n'était pas assez d'avoir un cœur, un cœur immolé et sacrifié. Il fallait avoir un cœur ardent, conquérant, propagateur ; un cœur d'apôtre qui connût le monde, embrasé de la gloire de Dieu, et qui ne s'arrêtât qu'après avoir arraché au mal, à l'égoïsme, au sensualisme, et réchauffé et enflammé le plus grand nombre d'âmes.

    Voilà ce qu'elle vit, et je conçois qu'elle y passât des nuits entières en contemplation ; je conçois que, quand on la laissait à sept heures du soir à genoux au pied du saint autel, on la retrouvât le lendemain matin à la même place, toujours immobile et embrasée.

    Elle portait alors sur sa figure un tel effet du feu qu'elle avait contemplé, que les Sœurs la regardaient avec une surprise mêlée d'admiration, et que les étrangers, quoiqu'ils ne connaissent pas encore le mystère de sa contemplation, se pressaient déjà à la grille, et se la montraient du doigt en disant : "C'est la Sainte."

    Elle était déjà dans un tel état de consommation, que les obscurités du cloître n'étaient plus capables de la cacher. (Extrait du panégyrique de la Bienheureuse Marguerite-Marie par Mgr Bougaud)

    On ne saurait trop répéter à l'âme pieuse que sa perfection, sa paix, son union avec le Sacré-Cœur consistent avant tout, pour elle, à se renoncer, à s'anéantir. 

    Pour cela, elle ne doit pas seulement se détacher d'elle-même, mais encore des dons du Seigneur ; et cela pour s'unir à lui sans aucun intérêt propre et d'une manière plus intime et plus pure.

    Et les consolations sensibles les ravissantes douceurs nous sont données ou retirées d'en haut suivant que le Maître le juge bon.

    Or, tout ce qui peut passer crée en nous le trouble, si on s'y attache.

    Dieu seul donc, voilà quel doit être le but de nos aspirations.

    Ne cherchons que lui dans la tristesse et dans la joie n'aimons que lui dans l'épreuve comme dans le bonheur.

    Oh ! alors nous ferons en nous ce vide que le Seigneur aime tant à trouver dans une âme. Il viendra, il nous comblera comme il a comblé Marguerite-Marie.

    LIV Marguerite-Marie.

    C'est par le Sacré-Cœur qu'elle a été amenée à la perfection.

    De là lui vinrent sa foi, son humilité, sa virginale modestie, sa pureté angélique.

    Et si, toute petite, dans l'intérieur de sa famille, dans les rues du village de Vérosves, en la voyant passer on disait : C'est un ange, c'est que déjà, à son insu, le Sacré-Cœur avait laissé tomber sur elle son premier rayon.

    De là venait encore son amour de Dieu et des hommes, son zèle d'apôtre, son esprit de prière, ses longues contemplations où elle puisait de si grandes lumières prophétiques sur l'Église, sur les consciences, sur les évènements les plus cachés dès qu'ils avaient quelque rapport avec la mission qu'elle avait reçue.

    Et de là aussi lui vinrent ses souffrances prodigieuses, les épreuves et les persécutions qui l'assaillirent, les doutes, les mépris, les humiliations qui lui firent une vie si agitée et si amère, et que Dieu permit pour que le cœur de l'humble vierge fût brisé, meurtri et couronné d'épines, à l'image du Cœur de son céleste Époux.

    Mais c'est de là aussi que lui vient sa gloire. Tant que l'Église durera, le nom de la Bienheureuse sera associé au Nom du divin Cœur de Jésus.

    Tant qu'une âme, ou triste, ou coupable, ou repentante, ou enflammée d'amour divin lèvera ses yeux sur la poitrine resplendissante du Sauveur, elle apercevra  à ses pieds l'humble vierge agenouillée.

    Et quand les temps seront finis, quand l'éternité aura mis au front des élus leur couronne, la Bienheureuse en portera une qui ne ressemblera à aucune autre, car elle aura été formée avec les rayons qui sont sortis du Sacré-Cœur.

    O Marguerite ! n'en soyez pourtant point trop avare, et déposez en au moins un reflet sur nos fronts, au jour où nous nous verrons dans la gloire. (Extrait du panégyrique de la B. Marguerite-Marie par Mgr Bougaud)

    Si vous voulez vivre dans le Sacré-Cœur, il faut rompre les liens qui vous attachent à tout ce qui est créé.

    Alors, séparée en quelque sorte de tout, enveloppée de je ne sais quoi de divin, plongée dans une lumière céleste, votre âme ne verra plus que Jésus.

    Elle sentira comme les plusations du Sacré-Cœur, elle vivra de son amour, de sa vie, qui lui sera communiquée comme à la Bienheureuse Marguerite-Marie par des voies aussi merveilleuses qu'elles sont inexplicables.

    Unie au divin Sauveur, elle le suivra de cœur partout. Quelquefois, il la conduira au Thabor, plus souvent, il la guidera au jardin des Oliviers, au Prétoire, sur le Golgotha où doit se consommer le sacrifice.

    Mais soit que Jésus éclaire et console votre âme unie à son Cœur, soit qu'il paraisse la délaisser, tout coopère à sa perfection, parce que toujours elle aime, dans l'amertume comme dans la joie, Celui qui lui donne la sainteté.

    LV Conformité au Cœur souffrant de Jésus.

    (Extrait des écrits de la Bienheureuse Marguerite-Marie)

    L'amour veut la conformité entre ceux qui s'aiment.

    Aimons donc le Sacré-Cœur de Jésus, mais sur la croix, puisqu'il fait ses délices de trouver dans une âme, souffrance, silence et amour.

    Le Cœur de Jésus est plus près de vous quand vous souffrez que quand vous êtes dans la joie, Philothée, car rien ne vous unit tant au Cœur divin que la croix, qui est vraiment le gage de son amour.

    Mon souverain m'a dit qu'il voulait que je fusse dans un acte continuel d'immolation, et que, pour cela, il augmenterait ma sensibilité et mes répugnances, de telle sorte que je ne ferai rien qu'avec peine et violence, afin de me donner matière à victoire même dans les choses les plus minimes et les plus indifférentes.

    Quel bonheur de pouvoir toujours souffrir en silence et de mourir enfin sur la croix, dans toutes sortes de misères de corps et d'esprit, dans l'oubli, et même dans le mépris !

    C'est tout de bon que je veux commencer à souffrir, si l'on peut appeler souffrance le bonheur de participer à la Croix du Sauveur.

    Est-il possible de dire que l'on souffre quand on aime le Cœur de Jésus ?

    Rien ne peut me plaire en ce monde que la Croix de mon divin Maître, mais une croix semblable à la sienne : sans douceur, sans consolation, sans soulagement.

    Si l'on connaissait le prix de la croix, elle ne serait pas tant repoussée. Elle serait recherchée et deviendrait chère. Mais, pour cela, il faut que le pur amour immole votre cœur comme il a immolé Jésus.

    LVI Quelle croix ?

    Peu importe qu'elle soit faite d'un bois ou d'un autre, pourvu que ce soit une croix et que l'amour du Sacré-Cœur nous y tienne attachés.

    Ne nous suffit-il pas que cette croix nous soit donnée par Celui dont le Cœur nous l'avait destinée de toute éternité pour nous faire entrer dans ses adorables desseins ?

    Disposez-vous donc, Philothée, à tout souffrir, à tout accepter ; abandonnez-vous entièrement aux mains d'un Dieu qui a tant souffert pour vous et qui a le désir que vous supportiez tout pour lui.

    Surtout, n'oubliez pas que la croix est un baume précieux qui perd la bonne odeur dès qu'il est éventé ; c'est pourquoi il faut la cacher et la porter amoureusement en silence, autant que nous le pouvons.

    Regardez-vous, âme pieuse, comme un arbre planté dans le jardin du Père céleste.

    Plus cet arbre est battu par les vents, plus il enfonce ses racines en terre.

    De même, plus vous êtes battues par la croix, plus vous vous enfoncez dans le Sacré-Cœur.

    Oubliez-vous autant que vous le pouvez, et le Cœur de Jésus vous montrera qu'il n'est pas moins aimable dans les amertumes du Calvaire que dans les jouissances du Thabor.

    Oui, oui, Philothée, entrez dans la voie que vous indique, et vous vous convaincrez bientôt que les plus grandes amertumes ne sont que douceur dans l'adorable Cœur de Jésus, où tout se change en amour.

    LVII Croix et amour.

    Qu'il est dur de vivre sans aimer Jésus-Christ ! Sans son amour, la vie n'est qu'une mort. Mais comment aimer un Dieu crucifié sans aimer la croix ?

    Une vie sans croix est une vie sans amour. Qui dit pur amour dit pure souffrance. Oui, Philothée, il faut s'abandonner au pour amour pour être crucifiée et consumée à son gré.

    Il faut tout souffrir par amour, se faire une continuelle violence, se mortifier et s'humilier par amour. L'amour de Jésus règne dans l'épreuve.

    Offrez-vous donc, âme pieuse, au Cœur de Jésus comme une victime qui consent à être immolée avec lui. Le Sacré-Cœur sera et l'autel et le sacrificateur. Priez-le d'accomplir en vous tous ses desseins, quelque pénibles qu'ils puissent paraître à la nature.

    Comme le Cœur divin vous aime, il vous fournira souvent des occasions de souffrir. Il veut vous associer à sa royauté en vous plaçant sur la croix, car, vous le savez, c'est par la croix qu'il a régné sur le monde.

    En qualité de servante fidèle de Jésus-Christ, il vous faut travailler avec lui et l'aider dans les immenses opérations de son Cœur, qui bat sans cesse pour le salut des âmes. Or, comment réussirez-vous à le seconder dans ce divin travail ? Par l'amour.

    L'amour vous dictera ce que vous avez à faire pour entrer dans les desseins de votre Bien-aimé.

    "Aimez et faites tout ce que vous voudrez, dit saint Augustin. Celui qui a l'amour a tout, car l'amour donne du prix à tout."

    LVIII Croix et confiance.

    Joignez, Philothée, la confiance à l'amour, car si le Sacré-Cœur est le trésor de toutes les grâces, la confiance en est la clé. Abîmez donc toutes vos misères dans le Cœur miséricordieux et compatissant de Jésus.

    Portez là toutes les épines de votre vie. Tenez-vous-y comme dans un fort assuré ; tout y sera adouci : volus trouverez là le remède à tous vos maux, la force dans vos faiblesses et votre refuge en toutes vos nécessités.

    Voulez-vous savoir qui entrera le plus avant dans cette demeure sacrée du Sacré-Cœur ? Ce sera l'âme la plus humble, la plus délaissée. La plus dénuée de tout deviendra la plus riche.

    Là, l'âme la plus mortifiée sera la plus tendrement aimée. La plus silencieuse recevra le plus d'inspirations. Enfin, la plus soumise, la plus obéissante sera celle qui aura le plus de pouvoir et de crédit.

    Ah ! si vous saviez, Philothée, qu'il fait bon d'aimer et servir le divin Époux de votre âme pour le seul amour de Lui-même, c'est-à-dire sans attraits et sans goût !

    Mais, pour cela, il faut savoir marcher à contre-sens de ses inclinations, sans autre plaisir que celui de n'en avoir point. Cela paraît dur à la nature. Eh bien ! cela est de la plus grande douceur.

    C'est là que l'on goûte cette suavité dont parle saint Paul, qui surpasse tout sentiment. C'est là que coulent ce lait et ce miel que l'Écriture promet aux âmes fidèles.

    LIX Rêve et réalité.

    Je sus sûr que souvent vous faites un rêve pieux, Philothée : celui d'entrer dans le Sacré-Cœur et de vivre dans ce sanctuaire, le plus divin de tous.

    Oui, mais alors n'oubliez pas que, pour faire de ce rêve une douce réalité, il faut que vous vous dépouilliez entièrement de vous-même.

    Or, êtes-vous bien dépouillée de vous-même ? Hélas ! on constate que les personnes pieuses ne sont pas toujours les plus guéries de l'amour-propre.

    L'Écriture dit de certaines montagnes : "Touchez-les seulement, il en sortira des globes de fumée."

    Or, un pieux auteur nous dit : "Savez-vous quelles sont ces montagnes ? Ce sont certaines âmes vivant dans la dévotion."

    Elles sont des montagnes de piété, mais heurtez-les le moins du monde, contrariez-les, blessez-les, elles éclatent et jettent leurs bouffées d'orgueil.

    Elles se fichent, s'emportent, se vengent si elles le peuvent ; celles qui n'osent pas se laisser aller jusqu'à ces excès, boudent, murmurent, gardent rancune.

    Une personne d'une piété peu ordinaire me disait un jour : "Je ne vais pas à votre église parce que je pourrais rencontrer là des personnes qui m'ont blessée, et je ne tiens pas à les voir.

    Oui, âme pieuse, il y en a qui associent deux choses inassociables. Elles sont à la fois une montagne de piété et une montagne d'amour-propre.

    Si vous êtes ces deux montagnes, Philothée, alors je vous dis : Voulez-vous entrer dans le Cœur de Jésus ?

    Voulez-vous y vivre, je veux dire voulez-vous être dans l'intimité du divin Maître ?

    Vous pouvez continuer à être une montagne de piété, mais ne soyez pas une montagne d'amour-propre, de susceptibilité.

    Pour cela considérez souvent votre si grande faiblesse, vos imperfections sans nombre et tout ce qui en vous ne mérite que le mépris.

    Vous serez alors bien moins éprise de vous-même.

    Alors, mais seulement alors, le Sacré-Cœur vous sera ouvet ; vous pourrez y entrer. Que dis-je ? alors le Sacré-Cœur n'attendra pas que vous entriez en lui ; il viendra en quelque sorte en vous.

    Surtout si, au dépouillement de vous-même, vous joignez un vif désir d'attirer autant que possible le divin Cœur en vous : ce que vous pouvez exprimer au divin Maître en faisant souvent l'acte de désir que voici :

    "O Jésus ! je vous consacre mon cœur, placez-le dans le vôtre. C'est dans votre Cœur que je veux habiter, par lui que je veux aimer. C'est dans votre Cœur que mon âme veut vivre inconnue au monde et connue de vous seul. C'est dans votre Cœur que je puiserai l'amour qui doit remplir le mien. C'est dans votre Cœur que je veux trouver force, lumière, courage et consolation. Quand mon âme sera languissante, votre Cœur l'animera ; quand elle sera triste, il la réjouira ; quand elle sera troublée, il la rassurera. Amen"

    LX Vous aimerez.

    La loi ancienne se résumait tout entière dans ce mot : Vous aimerez.

    Le Sauveur, qui était venu pour renchérir sur la loi ancienne et nous révéler la perfection, n'a fait que répéter ce même mot : "Vous aimerez."

    Si donc, Philothée, vous voulez honorer le divin Cœur de Jésus d'une manière conforme à ses désirs, je puis sans crainte de me tromper, vous dire ce même mot qui selon le Maître, contient tout : Vous aimerez.

    Au reste, le Sauveur nous a tout enseigné sur ce point, quand il a montré son Cœur à la Bienheureuse Marguerite-Marie.

    En effet, Philothée, de quoi s'est-il plaint à cette sainte fille ? De n'être pas assez aimé. Qu'a-t-il demandé ? Qu'on l'aime.

    Et c'est bien ce qu'ont toujours compris les plus intimes épouses du Sauveur. Lisez leur vie, vous verrez que leur commerce avec le divin Maître n'est pas un culte, une adoration : c'est encore plus, c'est un amour.

    Voilà pourquoi, dans leurs rapports avec Jésus, ces anges de la terre oublient non seulement la majesté de leur Époux, mais même les plaies de ses mains et de ses pieds.

    Elles ne voient que celle du Cœur, et quand Jésus leur apparaît, que leur montre-t-il ? Son Cœur.

    Vous le voyez donc, âme pieuse, entre le Sacré-Cœur et nous, tout doit  être amour, tout doit se faire par pur amour.

    Philothée, formez donc tous les jours et souvent le désir du pur amour que voici, il est de sainte Gertrude : "O mon divin Sauveur, embrasez mon cœur de l'amour dont le vôtre est embrasé. Répandez dans mon cœur les grandes grâces dont le vôtre est la source. Faites que mon cœur soit tellement uni au vôtre, que votre volonté soit la mienne et que la mienne soit toujours la vôtre, car je désire que désormais votre divine volonté soit la règle de toutes mes actions, de tous mes désirs et de toutes mes pensées. Amen."

    LXI Quel amour ?

    Je vous parle souvent, Philothée, de l'amour que le Sacré-Cœur désire de vous, et que vous lui devez sous tous les rapports.

    Or, s'agit-il ici de cet amour que, dans le monde, on nomme amour platonique, et qui consiste à donner à quelqu'un son admiration bien plus que son cœur ?

    S'agit-il de l'amour que l'on appelle affectif et qui consiste à entretenir en soi des sentiments d'affection à l'endroit de quelqu'un ?

    Non, Philothée, il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre de ces amours.

    Il s'agit d'un amour plus pratique et que, dans le langage pieux, on appelle amour effectif, parce qu'il produit des effets dans l'âme qu'il possède.

    Écoutez : le Sacré-Cœur se plaignait à la B. Marguerite-Marie d'être oublié, de n'être pas visité, de n'être pas assez reçu à la sainte Table.

    Eh bien, l'amour effectif pousse une âme à penser souvent à Notre Seigneur, à le visiter dans l'auguste Sacrement de l'autel, et à le recevoir dignement le plus possible.

    Ainsi, Philothée, êtes-vous oublieuse de Notre Seigneur, ce qui n'est pas impossible dans la vie d'aujourd'hui, qui est un tourbillon ? Prenez alors le petits moyens pratiques pour vous souvenir.

    Ayez, par exemple, sur votre table de travail, ou à l'endroit le plus apparent de votre chambre, un objet qui vous fasse penser au Sacré-Cœur, mais un objet étrange qui frappe l'esprit, une pierre, un morceau de bois.

    Etes-vous, âme pieuse, négligeante à l'endroit du divin Maître ? Prenez l'habitude de vous ménager une petite visite au Dieu du Tabernacle tous les jours, cinq minutes ou même moins.

    Pour cela, quand vous sortez, arrangez-vous afin de passer auprès d'une église et d'y entrer pour recevoir au moins la bénédiction de l'Hôte divin : ce qui demande le temps de faire un signe de croix.

    M. Ollier, le fondateur des Sulpiciens, quand il passait le soir devant une église, disait à la lampe du sanctuaire : "Heureuse lampe, toi au moins tu vas être toute la nuit avec Jésus !"

    Comment êtes-vous, Philothée, relativement à la sainte Communion ? Tenez-vous votre intérieur assez en ordre pour que votre directeur puisse vous permettre la Communion fréquente ?

    Vous efforcez-vous, pour cela, d'orner votre âme de quelque vertu ? Car, vous le savez, saint François de Sales veut que, pour être admis à la fréquente Communion, non seulement on soit détaché de tout péché, mais encore qu'on travaille à acquérir la vertu.

    Tout ce que je viens de vous dire, Philothée, pourra paraître un peu trop mystique pour être pratiqué dans la vie du monde. Rien cependant de plus simple, de plus facile et de plus doux si vous avez un amour pratique.

    En effet, pour réaliser tout ce que je vous recommande, vous n'avez qu'à purifier votre intention.

    Vous faites tout dans la vie par amour pour vous. Désormais, faites tout par amour du Sacré-Cœur.

    Alors tous vos mouvements d'esprit, de cœur et de corps, deviendront des actes d'amour et vous entretiendront dans l'amour le plus pratique, qui doit être toujours pour vous le but de tous vos efforts.

    LXII Au Ciel.

    Au Ciel tout respire l'amour et la reconnaissance envers le Sacré-Cœur.

    Le Père contemple ce Cœur divin comme une de ses plus admirables œuvres, et l'Esprit Saint l'entoure sans cesse de ses ardeurs les plus divines.

    Les anges, tous les esprits célestes, les saints, et surtout l'auguste Mère du Sauveur, sont dans le ravissement en présence du Cœur divin qui est sans cesse livré à leur adoration.

    Comment pourrait-il en être autrement ? La cour céleste voit toute la beauté du divin Cœur, non pas à travers les ombres de la foi, mais la claire vision de Dieu.

    La cour céleste voit l'amour indicible dont le Sacré-Cœur est enflammé pour nous, elle voit toutes les grâces qui, de ce Cœur, comme d'une source intarissable, découlent continuellement sur nous.

    Aussi, je n'hésite pas à croire que cette vue est pour une large part dans la félicité des bienheureux. Ah ! mon Dieu ! si le plus faible rayon de cette lumière se communiquait à nos âmes, ne serions-nous pas nous-mêmes dans l'extase ?

    Oui, au Ciel, chaque saint connaît les secrets du Sacré-Cœur, dans lequel il les lit. Il y voit que ce divin Cœur a opéré des prodiges d'amour pour nous faire parvenir à la sainteté et à la gloire.

    Ce Cœur divin, en effet, n'a-t-il pas souffert, pour faire des saints, toutes les indignités qui nous ont valu notre rédemption et la couronne qui attend là-haut la sainteté ?

    Enfin, au Ciel, les saints voient que, du Sacré-Cœur, jaillissent toutes les grâces dont ils ont été comblés sur la terre, ainsi que toutes les splendeurs qui font à présent leur gloire et leur félicité.

    Quels ravissements ne doit pas faire éclater cette vue dans le cœur des saints ! car leur gratitude doit être aussi grande et aussi ardente que la lumière qui leur est communiquée.

    Aussi, je ne crois rien exagérer, âme pieuse, en vous assurant que le Ciel doit retentir sans fin des hymnes de louanges et des actions de grâces adressées au Sacré-Cœur.

    Et ici, âme pieuse, une pensée qui doit singulièrement vous porter à aimer le Sacré-Cœur, c'est qu'au Ciel, ceux-là sont placés plus près du Cœur divin, qui, sur la terre, se seront plus occupés de lui.

    Aussi, voulez-vous vous représenter saint Jean, le disciple bien-aimé, saint François de Sales, sainte Gertrude, au Ciel ? Voyez-les entourés d'une auréole plus éclatante quie celle des autres saints et refléter sur eux par les rayons du Sacré-Cœur.

    Voyez-vous, Philothée, au Ciel, les saints mis en communication avec la gloire qui, du Sacré-Cœur, éclatera sur eux ? Ils en seront si pénétrés que, s'ils pouvaient avoir un regret, ce serait celui d'avoir quelquefois, pendant leur vie, perdu de vue le Sacré-Cœur.

    Oh ! Philothée, qu'il n'y ait aucun moment, ou au moins aucun jour dans votre vie où, plus ou moins, vous ne consacriez un souvenir au Cœur si beau et si bon de notre Dieu !

    Vous possédez déjà par le désir le Cœur de Jésus. Vous aspirez, sans aucun doute, à le posséder plus parfaitement au Ciel. Empruntez donc souvent les sentiments d'amour et de reconnaissance dont sont animés les saints au Ciel.

    Faites pour cela souvent cette prière : "Seigneur Jésus, éclairez-moi, foritifiez-moi, afin que je commence dès à présent, ici bas, ce qui, j'en ai la confiance, sera pour toujours mon occupation dans le Ciel : aimer et glorifier votre divin Cœur ! Amen."

    LXIII Un entretien avec Jésus.

    "Philothée, copie-moi en tout, de telle sorte que ton cœur devienne le mien autant que possible et que tu sois un autre moi-même.

    - Mais, Seigneur, l'état que vous me demandez est si élevé, si au-dessus de moi, que j'ai grand peine à croire qu'il puisse jamais être le mien.

    - Ecoute et crois comme un enfant. Rien n'est plus avantageux à l'âme qui ne peut rien, qui n'est rien, que de passer en Celui qui peut tout, qui est tout.

    - Seigneur, si mon passé est pardonné, mon présent n'en reste pas moins misérable et indigne d'une union si élevée qui, si je saisis bien votre désir, semble aller jusqu'à l'unité avec vous.

    - Ne sais-tu pas que ma gloire, ma joie, est de choisir de préférence, parmi mes créatures, non seulement les plus infimes, mais encore les plus misérables ? Saint Paul te l'a dit (II Cor, I.)

    - O Seigneur, je ne puis prendre sur moi d'oublier mon indignité. J'hésite à croire que vous puissiez m'aimer jusque là.

    - N'as-tu donc pas lu l'Évangile dans lequel le disciple bien-aimé a dit de moi que "j'ai aimé jusqu'aux dernières limites de l'amour" ? (Jean, XIII, I.)

    Tu ne crois pas assez à l'amour, et tu cherches, en dehors de l'amour, les raisons que je puis avoir de me communiquer à une âme, si pauvre qu'elle soit.

    Tu ne comprends pas que l'amour aime ce qu'il apporte à une âme et non pas ce qu'il trouve en elle. La créature ne l'attire pas, c'est lui-même qui se pousse vers elle.

    - Jésus, faites-moi ces reproches. Je sens que je les mérite, et il m'est doux de les entendre de votre bouche, quoiqu'il me fût bien plus doux de ne pas les mériter.

    Le souverain bonheur pour une âme étant d'aller toujours plus avant dans l'amour, comment ne serais-je pas heureuse quand vous me dites d'en croire sur lui plus encore que je n'en crois ?

    Cependant, ô Jésus, il y a des dispositions que certainement vous ne pouvez aimer ; et quand je vois que je suis dans ces dispositions, je me demande si ce n'est pas présomption de croire que je puisse être élevée dans la grâce aussi haut que vous me l'offrez.

    - Ah ! Philothée, tu ne me connais pas. Sache que la créature, si égarée loin de moi qu'elle puisse être, ne cesse pas d'être ma créature. C'est moi qui ai créé  son être, et ce que j'ai créé, je l'aime toujours, toujours.

    - Mais, divin Maître, si dans un être que vous avez créé, l'iniquité venait à abonder, est-ce que vous resteriez pour cet être dans le même amour, et rien ne pourrait-il vous en arracher ?

    - Mais oui, tant que la mort ne vient pas se poser entre moi et ma créature, mon amour persiste et travaille à tout reconquérir.

    - Ah ! je vois, votre amour nous poursuit donc partout et toujours, et ce n'est que quand nous avons le malheur de tomber dans les ténèbres éternelles, qu'il cesse d'agir pour nous.

    - Ici, tu es encore dans l'erreur, Philothée ; même en enfer, si tu avais le malheur d'y tomber malgré moi, mon amour resterait sur toi d'une certaine manière, en empêchant que tu ne fusses punie suivant toute la rigueur à tes fautes.

    - Seigneur, je comprends que je ne connais pas votre amour. Enseignez-le moi. Je ne demande qu'à avancer dans cette connaissance et serais heureuse de tout apprendre de vous."

    LXIV Tourment d'amour.

    Le Sauveur a pris pour nous un corps et une âme semblables aux nôtres. Il a donc eu, dès son incarnation, un cœur comme le nôtre.

    Dans ce cœur humain, il a versé toute la puissance d'aimer qu'il a en lui-même. Or ce cœur, pendant trente-trois ans, qu'a-t-il fait ?

    Tous ses battements ont été pour nous ; mais savez-vous, Philothée, ce qu'est un cœur qui bat, et qui bat pour quelqu'un ? Il est un tourment.

    Demandez à ce père, qui renferme dans le secret de son cœur tant d'angoisses, à cette mère penchée sur le lit d'un être souffrant, à cette épouse, à tous ceux qui aiment, en un mot.

    Tous vous répondront que pour nous qui aimons cependant d'une manière si pauvre à côté d'une Homme-Dieu, l'amour est un tourment.

    Mais alors, quel n'a pas dû être le tourment du divin Cœur sous le poids de cette charité qui l'a pressé ? Comment a-t-il pu ne pas succomber, défaillir à chaque instant ?

    Voyez, Philothée, chez les saints, l'amour de Dieu est déjà un feu dévorant qui brûle leur cœur, qui mine leur corps, et dont le Seigneur doit modérer les ardeurs pour éloigner la mort.

    Encore un coup, comment alors le divin Cœur a-t-il pu ne pas succomber sous le poids de l'amour ? Seule la puissance divine a pu le soutenir, et empêcher la défaillance qui est la mort.

    Mais elle n'a pas empêché le feu qui dévorait ce Cœur, ni la soif des âmes qui le consumait. Elle n'a pas empêché, en un mot, l'amour d'être le tourment du divin Cœur.

    Que l'Eglise dit donc vrai, quand elle chante cette admirable parole sortie sans doute du cœur de quelque saint qui méditait les souffrances d'amour du Sauveur : "O Cœur, victime d'amour !"

    Encore, je ne vous dis pas tout, âme pieuse ; au Ciel, le Cœur divin continue à nous aimer de cet amour dont saint Jean nous dit qu'il était ici-bas sans limites.

    Oui, Jésus a au Ciel cette humanité jadis souffrante sur la terre, et que les anges et les saints dans la gloire entourent de leurs hommages, de leur gratitude et de leur amour.

    Le Cœur qui est comme le trésor de cette humanité, qui garde le touchant stigmate du coup de lance, est adoré dans la Patrie céleste comme le siège le plus sublime de l'amour.

    Or, sachez, Philothée que les béatitudes éternelles n'absorbent pas l'inépuisable activité de ce Cœur. Il bat là-haut toujours pour nous comme il battait sur la terre.

    Au Ciel, le Sacré-Cœur aime autant qu'il aimait ici-bas. Il aime toute la cour céleste, et il nous aime d'un amour qui descend suir nous en flots de grâces et de bénédictions.

    Et dire que nous sommes loin, si loin de payer de retour, au moins de quelque retour, une flamme divine qui a tant brûlé et qui brûle toujours pour nous !

    Que faisons-nous, en effet, pour acquitter le tribut que nous devons au Sacré-Cœur ? Si nous jetons un regard sur notre vie intérieure, qu'y trouvons-nous ?

    Nous y trouvons, çà et là, quelque souvenir du Sacré-Cœur, quelques instants de visite, quelque heure d'adoration, peut-être l'heure de garde, et puis souvent, c'est tout.

    Tandis qu'aucune de nos journées ne devrait commencer sans lui être offerte, dans cette journée il devrait n'y avoir aucune heure où nous ne nous donnions à Lui, pas une action qui ne fût vivifiée et sanctifiée par le souvenir du Sacré-Cœur.

    LXV Un Cœur comme le nôtre.

    Le Seigneur a créé en vous un foyer secret. Et encore, secret ne dit pas assez. Pour être plus vrai, il faut dire un foyer sacré.

    C'est de ce foyer que tout en nous doit émaner pour avoir du prix aux yeux de Dieu, et même aux yeux des hommes.

    De sorte que les paroles prononcées par nos lèvres, si sublimes qu'elles puissent être, si elles ne sortent pas de ce foyer, n'ont aucune valeur.

    Les œuvres que nos mains opèrent, si elles n'ont aucune relation avec ce foyer, si elles ne jaillissent en quelque sorte de ce foyer, sont sans prix.

    Ce foyer dont je vous parle, Philothée, s'appelle le cœur. Le cœur est en nous l'âme de tout, le ressort de tout ; c'est lui qui donne à tout son caractère, sa mesure, et par conséquent son prix.

    Le cœur, quand nous sommes bons, est ce qu'il y a de meilleur en nous. Voilà pourquoi, pour savoir si quelqu'un est bon, avant tout il faut sonder son cœur. Le cœur en effet est tout l'homme.

    Or, Jésus-Christ s'étant fait homme, vrai homme, a naturellement un cœur humain, comme le nôtre. En tant que Dieu, il a un cœur divin ; en tant qu'homme, il en a un de chair.

    C'est donc de ce cœur de chair que je veux parler ici, âme pieuse ; de ce cœur que le Seigneur a pris en Marie et de Marie, par l'opération du Saint Esprit, celle des trois personnes divines qui est plus particulièrement appelée l'Amour.

    Tout ce que Dieu a fait pour nous dans l'ordre de la nature et dans l'ordre de la grâce, afin de nous montrer son amour pour nous, nous révèle ce Cœur divin.

    Cependant, cette révélation n'a pas suffi à l'amour de notre Dieu. Il a voulu humaniser son Cœur afin qu'il pût se montrer, se faire sentir, s'ouvrir sur nous et pour nous.

    "Mais, Seigneur, devons-nous nous écrier ici avec le saint homme Job, qu'est donc l'homme pour que vous l'honoriez au point de poser votre Cœur contre le sien ?"

    L'homme n'est que poussière, âme pieuse ; mais l'homme a un cœur. Ce cœur est un foyer d'amour, et quand il s'agit de conquérir ce foyer d'amour, Dieu a recours à tous les moyens.

    Or, un des moyens que Jésus-Christ a jugés les plus puissants, a été celui de se donner un cœur créé qui puisse attirer notre amour comme le fait le cœur des créatures.

    Aussi, le Prophète a mis dans la bouche de notre Dieu, s'adressant à l'homme, ces paroles qui sont aussi adorables qu'elles paraissent étranges : "Au Ciel et sur la terre, qu'est-ce que je veux de toi, sinon ton amour ?"

    LXVI Excellence du Sacré-Cœur.

    Il n'y a pas autant d'étoiles au firmament, pas autant de grains de sable sur la terre, pas autant de gouttes d'eau dans l'océan, qu'il n'y a d'excellence dans le Cœur de Jésus.

    Voyez, Philothée, combien le Cœur de Jésus, pris pour désigner cette partie du corps qui s'appelle de ce nom, est vraiment grand, supérieur, et digne de toute vénération.

    En effet, il a été formé par le Saint Esprit, du sang de la plus pure des vierges ; il a été l'instrument de notre rédemption, car c'est dans son Cœur que Jésus a décidé de s'immoler pour nous.

    Le Cœur humain de Jésus a, sur tout le reste du corps, ce degré spécial d'excellence, qu'il a fourni le sang répandu pour notre salut.

    C'est aussi dans ce Cœur que le divin Sauveur a ressenti, plus que dans ses autres membres, les quelques joies et les nombreuses tristesses que son amour pour nous lui a fait éprouver.

    Tout cela sans doute est très glorieux au Cœur sacré du Sauveur, mais tout cela n'est rien si nous le mettons en regard des excellences qu'il reçoit de son  union avec la seconde personne de la Sainte Trinité.

    A ce dernier point de vue, sa dignité est vraiment divine, et tout ce qui n'est pas Dieu lui doit l'adoration. Disons même que jamais toutes les créatures du Ciel et de la terre ne pourront lui rendre tout le culte qu'il mérite.

    Il semble impossible de dire du Sacré-Cœur plus que je ne viens de le faire relativement à son excellence, et cependant, je puis encore ajouter une considération.

    Le Sacré-Cœur, si parfait en lui-même, possède en même temps, vis-à-vis de nous, tous les titres qui peuvent lui concilier notre vénération la plus grande.

    N'est-il pas, en effet, le Cœur de Celui qui est notre Maître, notre Seigneur, notre Roi sous tous les rapports, de celui qui sera notre souverain Juge, de notre Dieu, en un mot ? Toute grâce ne découle-t-elle pas de ce Cœur ?

    Non, en vérité, aucun cœur ne peut se comparer à celui de Jésus.

    Tout ce que l'on admire dans tous les autres cœurs se concentre en celui-ci dans un degré plus éminent et dans une perfection plus élevée.

    O très saint Cœur de Jésus, je suis dans l'impuissance de me faire une idée juste de ce que vous êtes, et de vous rendre des hommages dignes de vous. Mais je désire vous honorer de toutes mes forces et vous aimer de tout mon cœur.

    Rappelez-moi souvent, pour stimuler mon amour, cette parole, ce cri qui sortait de la bouche du roi-prophète quand il contemplait vos excellences et qu'il s'écriait : "Qui est semblable à vous, Seigneur !"

    LXVII Tout vient du Sacré-Cœur.

    Au commencement, le Seigneur dit : "Que le monde sorte du néant !" et à ce grand fiat, tout sortit du néant.

    Mais ce tout avait besoin d'ordre, de perfection. Alors la main de Dieu se leva sur la création, et fit descendre sur elle la première de ses bénédictions.

    Sous cette bénédiction divine, tout s'épanouit dans ce monde nouveau ; la nature se mit à germer, à fleurir, et la vie coula partout.

    C'est ce moment que les poètes ont appelé l'âge d'or. Ils eussent dit plus vrai s'ils l'avaient appelé l'âge divin, car alors Dieu régnait vraiment sur toute créature.

    En effet, alors le péché n'existait pas encore. Il n'y avait dans le Cœur de Dieu que des bénédictions, et dans les créatures que la reconnaissance et l'amour.

    Or, cette bénédiction, Philothée, d'où venait-elle ? De la bouche, de la main du Seigneur ? Non, tout avait été en Dieu l'effet de l'amour, du seul amour.

    La création toute entière, dit le P. Faber, flotte dans l'océan de l'amour qu'un Dieu tout puissant a pour ses créatures."

    Oui, âme pieuse, l'amour divin est la cause de tout ce qui existe. Il en est aussi la fin, et sans lui, rien n'aurait reçu l'existence et rien ne la conserverait.

    Mais si tout est venu de l'amour de Dieu, comme le cœur, aussi bien en Dieu, qu'en nous, est le foyer de l'amour, évidemment tout ce qui existe est venu du Cœur de Dieu.

    Ici, âme pieuse, une sainte curiosité devrait nous faire rechercher pour quelle raison le Cœur de Dieu s'est ému sur nous, alors que nous n'existions pas encore, et nous a fait sortir du néant.

    Mais la mère aime bien l'enfant qu'elle attend, qu'elle désire et que, cependant, elle n'a pas encore mis au monde.

    Or, pourquoi l'aime-t-elle déjà ? C'est parce qu'elle doit lui donner la vie, le créer dans un certain sens. Remarquez que je dis : "dans un certain sens."

    En effet, la mère ne crée pas son enfant, car elle ne le tire pas du néant. Elle ne fait que lui communiquer son sang et sa chair, et cependant comme elle l'aime ! Que serait-ce si elle le tirait du néant ?

    Oui, créer et aimer ne sont qu'un. Dès que l'on crée quelque chose, c'est qu'on l'aime, sans quoi on ne le créerait pas. L'ouvrier qui fait une œuvre, si incomplète qu'elle soit, toujours se passionne pour elle ; et quand cet ouvrier c'est Dieu, qui voit d'avance ce qu'il veut créer, qui ne peut faire que des choses accomplies, il n'aimerait pas ses œuvres avant même de les avoir exécutées ?

    Oui, Dieu aime ses œuvres, même quand elles ne sont encore que dans ses plans. Il a donc aimé toute la création avant même de l'avoir réalisée.

    Il ne l'a réalisée que par amour, et comme le cœur est le foyer de l'amour en Dieu ainsi qu'en nous, nous pouvons dire que tout ce qui existe vient du Sacré-Cœur.

    Quand donc, âme pieuse, vous admirez n'importe quelle créature, ne vous dites pas seulement qu'elle est sortie des mains de Dieu, comme on a l'habitude de le croire et de le dire ; mais montez plus haut, allez jusqu'au Cœur de Dieu et dites-vous : Tout vient de ce divin foyer.

    Par ce sentiment, non seulement vous glorifierez le Créaqteur, mais les créatures seront pour vous comme une échelle divine qui vous fera sans cesse remonter à Dieu, au Cœur même de Dieu.

    LXVIII Ayez confiance.

    Le livre de la Sagesse nous dit que "la confiance en Dieu est tout puissante". Elle obtient tout ce que le Seigneur peut accorder, et quelquefois même ce qu'il voudrait refuser.

    Qu'elle ne doit pas être la force de la confiance quand nous la plaçons spécialement dans le Sacré-Cœur ! Elle est alors fondée :

    Sur la bonté du Cœur divin, bonté infinie et dont la bonté des créatures les meilleures n'est qu'une goutte sortie de cet océan de bonté, qui est en Dieu un de ses plus grands attributs ;

    Sur l'amour du Cœur divin pour nous amour que l'on ne peut comparer à aucun autre, car le Sauveur ne nous aime pas comme nous aimons, nous pauvres créatures : il nous aime en Dieu ;

    Sur les promesses de Jésus, qui nous a assuré que tout ce que nous demanderions en son nom, et à plus forte raison par son Cœur, nous serait accordé ;

    Sur les mérites du divin Sauveur, qui sont à nous, et que nous offrons à Dieu comme une monnaie qu'il ne peut refuser :

    Sur la puissance du divin-Avocat que nous avons au Ciel en la personne de Jésus-Christ, qui plaide lui-même notre cause ;

    Sur les effusions ineffables du Saint Esprit qui est en nous, avec nous et pour nous, quand nous nous plaçons sous l'égide du Sacré-Cœur ;

    Sur les promesses faites à la confiance par Notre Seigneur. Son devoir de Dieu n'est-il pas de répondre à notre confiance dès que nous l'avons ?

    Voici ce qu'il disait un jour à sainte Mechtilde : "J'agrée fort qu'on se fie à ma bonté, et qu'en tout on se repose sur ma protection.

    Celui qui sera affermi dans cette humble confiance, sera honoré de mes faveurs sur la terre et comblé de mes biens au Ciel.

    Plus cette confiance aura été grande, plus on en sentira les heureux effets ; car il est impossible de ne pas obtenir de moi tout ce que l'on a espéré sur ma parole."

    Il suit de ces paroles du Sauveur à une sainte, que les âmes qui aspirent aux plus hautes faveurs n'ont qu'à s'abandonner entièrement à la confiance.

    Pour affermir votre confiance en votre Dieu, Philothée, pensez souvent à toutes les bontés qu'il a toujours eues pour vous, et aux moyens admirables qu'il a employés pour vous fixer dans son amour ;

    Pensez à la satisfaction que Dieu doit éprouver quand il répond à notre confiance. N'êtes-vous pas heureuse, vous, Philothée, quand vous pouver répondre à la confiance qu'on a en vous ?

    Pensez que le Sacré-Cœur est la richesse divine, et nous la pauvreté. Or la richesse divine et la pauvreté sont faites l'une pour l'autre, en ce sens que cette richesse a autant besoin de donner que notre pauvreté a besoin de recevoir.

    Pensez à la faim et à la soif que le divin Cœur a de nous accorder des faveurs qui, en sanctifiant notre âme, servent à la gloire du Père que nous avons au Ciel.

    Dites donc souvent, Philothée, avec David : "Je mettrai toutes mes délices dans le Seigneur" (Ps. 103), et cela en me noyant par la confiance dans le Sacré-Cœur.

    Dites souvent avec l'Epouse du Cantique : "J'ai trouvé Celui qu'aime mon âme, je le tiens et je ne le laisserai jamais" (Cant, 3, 4)

    Oui, vous l'avez trouvé, Celui dont votre âme a tant besoin ; c'est l'Epoux qui vous donne son Cœur comme gage de la confiance que vous devez toujours mettre en lui.

    Puissiez-vous donc, âme pieuse, pouvoir répéter à votre Epoux, tous les jours, cette parole prise encore dans le Cantique des cantiques : "Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à lui" (Cant, 2, 16)

    Mais, ô Philothée, cette parole, vous pourrez la dire en toute vérité si, par la confiance, vous savez faire du Sacré-Cœur le captif du vôtre. Amen.

    LXIX Que d'ingratitudes !

    Qui pourrait dire les ingratitudes dont le Sacré-Cœur a été abreuvé depuis le jour où il a été formé dans le chaste sein de Marie jusqu'à présent ?

    La naissance et l'enfance de Jésus n'ont-elles pas été entourées de circonstances qui, en affligeant le cœur de la Mère, devaient affliger le cœur de l'Enfant ?

    Si la jeunesse du Sauveur a été moins exposée aux persécutions que le reste de sa vie, c'est parce qu'il l'a passée dans l'obscurité de Nazareth.

    Mais, dès qu'il est sorti de sa solitude, dès qu'il a semé des bénédictions, opéré des prodiges, prêché la plus sublime des doctrines, donné l'exemple de toutes les vertus, il a été abreuvé d'amertumes.

    Qu'a-t-il pu faire pendant sa vie en faveur de tout Israël qu'il n'ait fait ? et quelle est l'ingratitude que son divin Cœur n'ait eu à subir de ce peuple si privilégié du Ciel !

    Et malgré toutes les noirceurs dont il fut l'objet de la part de ses ennemis, malgré les ingratitudes de ceux qu'il comblait de bontés, il n'avait qu'un désir, celui de vivre au milieu d'eux.

    N'a-t-il pas dit : "Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes" ? Il ne s'est pas borné à exprimer ce désir, son amour lui a fourni un moyen de le réaliser.

    En effet, quand son œuvre eut été consommée, quand son heure de quitter la terre fut venue, il ne put se décider à se séparer de nous corporellement.

    Il nous reste dans cet auguste Sacrement de l'autel dont un Dieu seul a pu avoir l'idée, parce qu'un Dieu seul pouvait réaliser ce que l'Amour fait homme réalise là tous les jours.

    Oui, il est là, mais qui sont ceux qui reconnaissent une telle immolation, un amour si divin ? Hélas ! combien, combien qui semblent au contraire conspirer pour faire repentir le Sacré-Cœur de son excès d'amour pour les hommes !

    Les ennemis de notre foi en la présence réelle, non seulement lui refusent l'adoration dans l'auguste Sacrement, mais vomissent contre lui toutes les insultes !

    Parmi ceux qui croient au grand mystère, combien qui ne s'en occupent pas plus que s'ils n'y croyaient pas, vivant à cet égard dans la plus complète indifférence !

    Et disons-le, hélas ! avec l'amertume au cœur, combien parmi les croyants qui approchent des saints Mystères dans des dispositions non seulement insuffisantes mais coupables !

    Que dire ici des crimes qui se commettent aujourd'hui si fréquemment contre l'Hôte divin de nos autels, et qui sont pour le Sacré-Cœur les plus douloureux outrages !

    Le Sacré-Cœur aurait le plus grand droit à attendre une compensation à toutes ces indignités de la part des âmes spécialement vouées, consacrées au service de Dieu. Obtient-il cette compensation ?

    Hélas ! ces âmes, auxquelles leur état ferait un devoir de réparer les outrages faits à leur Epoux, le pénètrent trop souvent de la douleur la plus sensible par leur lâcheté et leur froideur.

    Vous-même, âme pieuse qui lisez ces réflexions, sentez-vous profondément combien le Sacré-Cœur est douloureusement blessé tous les jours et à toutes les heures par ceux qu'il aime le plus ?

    Mais non ! et pourquoi non ? Parce que vous n'avez pas une juste idée de sa grandeur et de son amour pour nous. Et cette juste idée, pourquoi ne l'avez-vous pas ? N'y a-t-il pas là comme une punition de vos froideurs à l'égard du divin Maître ?

    Réfléchissez ici et voyez si vous n'avez rien à faire pour réparer vos ingratitudes et celles des autres ; et comme tout ce que vous pouvez faire sera bien peu de chose, prenez la résolution de ne rien négliger.

    LXX Commencement et fin.

    Jésus, âme pieuse, doit être dans votre vie le commencement et la fin de toutes choses. C'est là une de ses plus vifs désirs, et ce doit être un de vos devoirs les plus chers.

    En répondant à ce désir, qui remplit le Cœur du divin Maître, vous satisferez à un devoir de justice, car c'est justice de faire pour Jésus ce qu'il a fait pour vous.

    Or, dit ici le Père Faber, il n'y a pas en Jésus-Christ une puissance de son Ame humaine qui n'ait contribué à notre salut.

    Il n'y a pas un membre de son corps sacré qui n'ait souffert pour notre rachat ; pas un battement de son cœur qui n'ait été plein d'amour pour nous.

    Il a répandu pour nous tout son précieux sang. Il a bu jusqu'à la lie le calice amer de la Justice divine."

    Ces paroles d'un des maîtres de la vie spirituelle les plus goûtés de notre temps, vous disent, Philothée, d'une manière énergique, que Jésus a été pour vous le commencement et la fin de votre salut.

    Mais, si vives que soient ces paroles, elles sont impuissantes à tout vous dire à ce sujet. Je me demande si les paroles d'un Ange ne seraient pas aussi impuissantes que celles de ce saint religieux.

    Oui, Philothée, quand vous emploieriez votre vie toute entière à apprendre tout ce que Jésus a fait pour vous, vous seriez toujours bien loin d'atteindre ce but.

    Mais que dis-je ! l'éternité elle-même ne suffirait pas pour pénétrer ce mystère. Le Sacré-Cœur seul pourrait compter tout ce que l'Homme-Dieu a fait pendant sa vie pour notre salut.

    Que vos pensées donc, âme pieuse, que vos paroles, vos actions, vos souffrances, vos joies, que tout soit pour Celui qui, pendant sa vie mortelle, a tant été pour vous !

    Vous me demandez quel moyen employer pour atteindre le but que vous conseille de réaliser.

    Vivez le plus possible dans le Sacré-Cœur, et cela en n'ayant pas d'autre volonté que celle de Jésus.

    Voyez-vous, Philothée, l'âme qui ne veut en tout que la volonté de Jésus, est sûre d'être toujours en harmonie avec le Sacré-Cœur, et par conséquent de faire tout avec lui et pour lui.

    Cette âme est la bien-aimée du Sacré-Cœur, qui mettra en elle toutes ses complaisances. Aussi peut-elle dire cette parole que saint Pierre disait sur le Thabor : "Il fait bon ici !"

    Qu'il doit faire bon, en effet, d'être et de se sentir vivre dans le Sacré-Cœur, par la conformité la plus grande à tous ses mouvements !

    N'est-ce pas là vivre d'une vie divine ; penser comme Jésus, vouloir comme lui, sentir comme lui, avoir les mêmes battements de cœur, les mêmes aspirations, et en quelque sorte ne faire qu'un avec lui ?

    Vous souvient-il, Philothée, de la béatitude que ressentait le pauvre pêcheur de Galilée sur le Thabor, quand il était comme noyé dans je ne sais qoi de divin ?

    Eh bien ! l'âme qui en tout se noie dans la volonté de Jésus et qui, par conséquent, fait de Lui le commencement et la fin de ses pensées, de ses paroles et de ses actions, vit sur le Thabor.

    Oui, oui, le Sauveur, qui ne voulut pas dresser une tente pour ses amis sur le Thabor, l'y dresse pour l'âme qui, s'abandonnant toute entière, veut être le plus possible à l'image du Sacré-Cœur.

    AVIS.

    Un des moyens les plus efficaces pour créer et entretenir en vous, âme pieuse, une vraie dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, c'est la Retraite du mois sur un sujet en rapport avec cette dévotion. Voilà pourquoi, à la suite des pieuses réflexions dont chacune est destinée à vous donner tous les jours une pensée pour le Sacré-Cœur, nous avons placé, pour chaque mois, une Méditation dont le but est de ranimer votre piété envers le divin Cœur.

    La première de nos méditations a pour sujet la Retraite du mois, afin de vous porter à ne pas négliger cette pratique, et aussi pour vous indiquer la manière de vous y livrer avec fruit.

    1ère MEDITATION. Retrait du mois.

    Prélude.

    Les personnnes pieuses qui ont à cœur leur avancement dans la perfection ont coutume de consacrer un jour par mois à se recueillir, pour voir ce qu'elles ont fait dans leur intérieur pendant le mois qui finit, et régler ce qu'elles feront pendant le mois qui commence. On appelle ce jour de récollection spirituelle : la Retraite du mois.

    Si je vous pose, âme pieuse, cette question : Avez-vous l'habitude de faire la retraite du mois ? 

    Vous me répondrez peut-être non.

    Or, pourquoi non ? Parce que d'abord je n'en ai pas la possibilité et que, d'autre part, je ne saurais comment m'y prendre pour faire cette retraite.

    Je désire vous montrer ici, âme pieuse, que vous avez cette possibilité, et quelle est la manière de faire la retraite du mois.

    PREMIERE REFLEXION

    Pourquoi n'auriez-vous pas la possibilité ? Vous me dites, âme pieuse : parce qu'il est difficile, vu l'organisation de ma maison que je puisse m'éclipser, en quelque sorte, pendant un jour, pour me livrer exclusivement à des réflexions et à des entretiens avec le Seigneur :

    Pour faire la retraite du mois, il n'est nullement nécessaire de vous séparer de ceux qui vous entourent et de négliger vos devoirs d'état ; la chose est beaucoup plus simple, Philothée.

    Voici : on choisit le jour que l'on prévoit devoir être le plus libre et le plus tranquille, de préférence le premier vendredi du mois. Ce jour-là, si on le peut, on ne fait pas et on ne reçoit pas de visites. On ne lit rien d'étranger à la piété ! On suspend la correspondance et les affaires qui préoccupaient trop et que l'on peut renvoyer. Si l'on a besoin de se promener, on tâche d'être seule.

    Une personne pieuse exposait un jour à saint François de Sales les difficultés qu'elle avait de s'isoler des siens.

    Il lui répondit : "Vous pouvez, malgré toutes ces difficultés, être dans le recueillement, si vous le voulez, car vous pouvez toujours vous réfugier dans votre cœur. Et là, rien ne peut venir vous troubler. En effet, ceux qui vous entourent sont autour de votre corps mais pas autour de votre cœur."

    Une fille pieuse qui tient, à Paris, un comptoir des plus fréquentés, assurait son directeur qu'elle ne perdait pas un instant de vue la présence de Dieu.

    C'est bien entendu, âme pieuse, que la retraite du mois doit être faite de manière à ce que rien ne se voie à l'extérieur. Vous comprenez, par tout ce que je viens de vous dire, combien il est difficile que vous n'ayez pas la possibilité de faire la retraite du mois, si vous avez à cœur de vous livrer à cet exercice.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Voici maintenant la manière de faire la retraite du mois, si vous n'avez pas votre directeur ordinaire ; vous êtes à la campagne, ou votre guide spirituel est absent.

    Alors, prenez pour sujet de votre retraite le point que réclame le plus votre intérieur.

    Cherchez dans l'introduction à la vie dévote, dans le combat spirituel, dans les Progrès de l'âme, dans Manrèse, un chapître qui traite du sujet que vous avez choisi, et faites dès le matin, à l'aide de ce chapître, une bonne méditation.

    Dans la journée, entretenez-vous dans des pensées sérieuses, le plus possible. Profitez de la vue des créatures pour vous élever à Dieu. Ayez souvent recours aux oraisons jaculatoires, à la communion spirituelle.

    Vers le soir, un retour sur la méditation du matin, pour prendre quelque résolution pratique ; généralement, cette résolution doit viser le défaut dominant ou la vertu dont on s'occupe.

    Si, au jour où vous faites votre retraite, vous avez votre directeur, c'est à lui d'indiquer le sujet dont vous aurez à vous occuper, et les moyens que vous aurez à employer pour réussir.

    Puis, quand votre retraite aura été faite et que vous retournerez en direction, il faudra rendre compte du résultat.

    Enfin, pendant tout le mois, il faudra dire en direction ce que vous faites par rapport à la résolution prise pendant la petite retraite.

    CONCLUSION.

    Que de fois, âme pieuse, vous vous êtes dit à vous-même : Ah ! si j'avais vécu du temps de Notre Seigneur, et qu'un jour je l'eusse rencontré tout seul au détour de quelque chemin, ce que je lui aurait dit et ce qu'il m'aurait dit !

    Eh bien ! Philothée, dans la retraite du mois, vous avez cette rencontre, car vous êtes seule avec le divin Maître. Que ne pouvez-vous pas lui dire, et que ne vous dira-t-il pas au cœur si vous vous mettez, par le recueillement et la réflexion, en rapport intime avec Lui !

    IIe MEDITATION. 

    Nécessité de la méditation.

    Atteindre la perfection, Philothée, c'est réaliser ce que le Sauveur disait un jour à Nicodème, qui lui demandait ce qu'il avait à faire pour gagner le Ciel. 

    Jésus lui répondit : "Il faut renaître" expression divine qui, d'un seul mot, dit tout ce qu'il faut pour devenir parfait.

    Nous sommes nés de la chair, il faut renaître de l'esprit, c'est-à-dire refaire notre nature qui se conduit par la chair, et lui substituer une nature qui n'agisse que par l'esprit, et l'esprit de Dieu.

    PREMIERE REFLEXION.

    Pour renaître ainsi, il faut connaître Dieu de cette connaissance qui porte à l'aimer jusqu'à lui sacrifier tout, quand cela est nécessaire. Pour renaître, il faut se connaître soi-même, il faut connaître les tendances de son esprit, les mouvements de son cœur, les penchants de sa nature, etc...

    Pour renaître, il faut connaître à fond ses obligations à l'égard de Dieu, de son prochain, de soi-même.

    Or, toutes ces connaissances, absolument nécessaires quand on veut opérer la réforme, la refonte de soi-même, pourrait-on jamais les avoir sans les chercher par la réflexion, sans se les assimiler par de fréquentes et sérieuses méditations ? Le célèbre Gerson, que beaucoup regardent comme l'auteur de l'Imitation, ne le croyait pas ; ce qui lui a fait dire ce mot : "Sans un miracle de la toute puissance divine, il est impossible de jamais parvenir à la perfection par une autre voie que celle de la méditation."

    DEUXIEME REFLEXION.

    Une autre preuve de la nécessité de la méditation, c'est l'exemple du divin Maître. Que de fois, âme pieuse, vous vous êtes dit à vous-même : Mais pourquoi trente années passées dans l'obscurité et la retraite à Nazareth, puisque, plus tard, le Sauveur devait avoir tant à faire qu'il serait obligé d'employer même les nuits pour suffire à son ministère ? Pourquoi trente années à Nazareth, âme pieuse ? Eh bien, le volici : Pour préparer trois ans d'action, il a fallu, à un Dieu, trente ans de méditation.

    Et quand l'apostolat du Sauveur commence, que va-t-il faire relativement au grand devoir de la méditation ? Va-t-il se reposer sur les longues contemplations dans lesquelles il a vécu à Nazareth ? Non. Va-t-il se dispenser de la méditation, puisque tous ses jours sont consacrés au salut des âmes ? Non. Va-t-il abréger le temps qu'il donne aux âmes pour converser avec le Ciel ? Non. Pour tout concilier, il passe les jours, nous dit l'Evangile, au service des âmes et les nuits en conversation avec le Ciel.

    TROISIEME REFLEXION.

    Voici maintenant, Philothée, le sentiment des saints sur la nécessité de la méditation. Je ne cite que les sommités de la théologie mystique : "Exerçons-nous par la pratique incessante de la méditation, dit sant Ambroise, afin d'être toujours préparés au combat."

    Remarquez ces mots, âme pieuse : la pratique incessante.

    "La méditation, dit saint Augustin, enfante la gloire de Dieu, parce qu'on ne fait pas le mal quand on se nourrit de la pensée du bien."

    "La méditation, dit sainte Thérèse, est la source de toute vertu et l'affaire capitale pour tous les chrétiens."

    Un jour, saint Thomas, le Docteur angélique, visitait saint Bonaventure et lui disait : "J'admire cette science vraiment céleste que je trouve dans vos œuvres, et je désirerais bien que vous m'indiquiez à quelle source vous la puisez. 

    Venez lui dit le Docteur séraphique, et il conduisit saint Thomas dans un petit oratoire.

    Il n'y avait là qu'une vieille table sur laquelle était un crucifix de bois.

    Saint Thomas cherchait des yeux des livres et il n'en trouvait pas.

    "Voilà, lui dit alors saint Bonaventure en lui montrant la petite croix, le grand livre dans lequel j'ai plus appris que dans tous les livres du monde."

    CONCLUSION.

    Un jour, sainte Thérèse était en méditation dans sa cellule, quand elle vit un ange qui, à quelques pas d'elle, aiguisait une flèche d'or. La sainte considérait l'envoyé céleste, quand, soudain, elle se sentit blessée au cœur. Dès ce moment, elle éprouva dans son âme une ardeur telle pour la perfection, qu'au sortir de sa cellule elle courut au pied de l'autel, et fit ce vœu surprenant que nous connaissons et par lequel elle s'obligeait à faire toujours, désormais, ce qui serait le plus parfait.

    Or, Philothée, où sainte Thérèse reçoit-elle la blessure qui est le point de départ de sa perfection ? Dans la méditation. Mais pourquoi pas dans une de ses extases, dans une de ses brûlantes allocutions qu'elle adressait à ses sœurs, dans une de ses communions qui la mettaient tout en feu ? Non, dans une simple méditation, parce qu'il fallait apprendre à cette future réformatrice du Carmel que, dans la vie intérieure, la méditation est l'exercice spirituel, comme elle l'a dit plus tard elle-même.

    III MEDITATION

    Les épines du Sacré-Cœur.

    Vous êtes-vous demandé, âme pieuse, pourquoi on entoure le Cœur de Jésus d'une couronne d'épines ?

    Ces épines, comme tous les emblêmes qui accompagnent le divin Cœur, sont symboliques.

    Elles représentent les fautes légères que les âmes pieuses se permettent, et qui sont comme autant d'épines qui blessent le Cœur du divin Maître.

    Je touche ici, Philothée, à un sujet bien délicat. En effet, si j'en dis trop, je puis effrayer les âmes timides. Si je n'en dis pas assez, je puis encourager les âmes lâches. Je ne veux m'adresser qu'à la bonne volonté.

    PREMIERE REFLEXION

    Je vise donc ici les âmes de bonne volonté, mais qui seraient dans l'illusion, qui croiraient être dans la voie de la piété, et qui seraient dans celle de la tiédeur. 

    Pour ces âmes, quelques questions, auxquelles elles-mêmes répondront, suffiront pour les éclairer, et quelques simples réflexions finiront par les convaincre qu'elles doivent changer leur voie.

    Les questions les voici :

    Commettez-vous volontairement, de propos délibéré, des fautes légères, âme pieuse ? En commettez-vous souvent, et cela à peu près sans résistance avant la faute et sans remords après ?

    Avez-vous une négligeance habituelle pour ce qui tient au service du Seigneur : la prière, les exercices pieux, la réception des sacrements ?

    Vous ne laissez pas les œuvres de piété, mais, par je ne sais quelle espèce de routine, ne les faites-vous pas avec dégoût, ennui, lâcheté, par manière d'acquit ?

    Si vous vous reconnaissez ici, Philothée, j'ai le devolir de vous dire : Vous êtes dans la voie de la tiédeur, et votre vie se passe à enfoncer des épines dans le Cœur de Jésus-Christ.

    Ne comprenez-vous pas, en effet, que rien ne déchire un cœur comme d'avoir affaire à une âme partagée, qui ne se donne qu'à demi, qui lutte sans cesse contre l'amour, et lui refuse presque tout les sacrifices ?

    Ne comprenez-vous pas ce qu'il y a de triste dans ce contraste de deux cœurs, dont l'un est tout amour et l'autre toute indifférence ?

    Votre âme n'est pas morte, Philothée, si vous êtes dans cet état, mais votre cœur est-il vivant ?

    Il y a une expression latine qui dit : mortuus a corde, ce qui signifie : mort pour ce qui est du cœur.

    Ne pourrait-on pas vous appliquer cette expression et dire de vous : Mortua a corde, Elle est morte quant au cœur ?

    Or, cette expression, Philothée, si elle vous était appliquée, devrait d'autant plus exciter votre sensibilité, que votre cœur n'est mort que par rapport au divin Maître.

    Votre cœur est vivant pour les choses du monde, de la terre, de votre personne, de votre famille.

    Il n'est mort que quand il s'agit de Jésus-Christ.

    Ai-je tort de dire que vous mettez des épines dans le divin Cœur ?

    DEUXIEME REFLEXION.

    Ici, Philothée, je vous adresse la question que le Sauveur adressait un jour à un malade qui gémissait sur son infirmité. Il lui disait : Vis sanus fieri, Voulez-vous réellement guérir ?

    Vous ô aussi, Philothée, vous gémissez dans votre cœur sur cette infirmité spirituelle dont je viens de vous indiquer les caractères. Vous gémissez, mais voulez-vous réellement guérir ? car, en cette infirmité, la volonté est une des conditions absolues pour la guérison.

    Vous me dites âme pieuse : Mais comment voulez-vous que l'on soit malade et qu'on ne veuille pas guérir ?

    Ah ! on a des velléités de guérir de la tiédeur, mais a-ton une volonté vraie, énergique, cette volonté qui dit : c'est dit, je commence ; cette volonté qui met la main à l'œuvre, et qui, une fois la charrue en main, ne regarde plus en arrière ?

    Si vous avez cette volonté âme pieuse, alors je vous indiquerai deux moyens aussi efficaces que doux, qui vous sortiront de votre torpeur spirituelle.

    Le premier moyen est celui de la prière au Sacré-Cœur. Jésus-Christ a promis à Marguerite-Marie de guérir toutes les âmes, même les plus tièdes qui s'adressent à son Cœur.

    Donc, âme pieuse, allez à lui, et dites-lui cette parole que Marie-Madeleine adressait au Sauveur quand son frère se mourait : "Seigneur, celui que vous aimez est malade."

    Si vous lui rappelez cette parole, il laissera tomber sur vous une étincelle de son Cœur, qui ravivera votre âme et lui donnera son énergie d'autrefois.

    Le second moyen est celui du sacrifice. Une âme qui veut sortir de l'état dans lequel vous êtes, Philothée, a besoin d'une immolation, si petite qu'elle soit, au début.

    Commencez donc aujourd'hui par vous vaincre sur un point quelconque, ne serait-ce que de retenir une parole inutile, un regard de pure curiosité. Faites ce petit sacrifice en l'offrant au Cœur du divin Maître.

    Je vous promets que demain vous aurez la force d'en faire plusieurs, vous irez ainsi de victoire en victoire et vous verrez qu'au fur et à mesure que vous prendrez ainsi sur vous, votre énergie et votre ferveur reviendront.

    Oui, Philothée, votre âme est tombée dans l'anémie parce que vous l'avez négligée. Elle a besoin d'être bonifiée. Or, rien n'est tonique comme le sacrifice.

    CONCLUSION.

    Je considérais un jour dans un monastère un tableau du Sacré-Cœur : notre divin Maître était entouré d'une quantité de petits anges, mais si ravissants, qu'ils devaient être sortis du pinceau de Fra Angelico.

    Ces anges s'approchaient du Cœur de Jésus, et de leurs petites mains ils le touchaient. Que font ces petits amours d'anges ? demandai-je à la religieuse qui me conduisait.

    "Ah ! me dit-elle dans un suave italien, quand quelque âme tiède finit un petit effort sur elle, un de ces anges s'approche du Sacré-Cœur et en arrache une de ces mille petites épines que nos lâchetés y plantent tous les jours"

    Oh ! je vous en conjure, Philothée, n'oubliez pas cette pensée : quand vous faites un effort, quand vous vous imposez un petit sacrifice pour vous relever, pour sortir de vos misères, il y a un ange qui arrache une des épines plantées par vos lâchetés dans le Cœur du divin Maître. Amen.

    IVe MEDITATION.

    La plaie du Sacré-Cœur.

    Dans l'image du divin Cœur présentée à Marguerite-Marie par le Sauveur lui-même, vous remarquez, âme pieuse, au-dessous de la couronne, une large plaie, de laquelle s'échappe une vive flamme et d'où découlent des gouttes de sang. Prenez aujourd'hui cette plaie pour sujet de votre méditation.

    D'abord la plaie extérieure, ensuite et surtout la plaie intérieure. "Car, dit saint Bernard, si le Sauveur a voulu être blessé par la lance, c'est afin que nous voyions la blessure invisible de son amour..." Quel enseignement pourrons-nous puiser dans la plaie extérieure et quel enseignement dans la plaie intérieure ?

    PREMIERE REFLEXION.

    Pourquoi, âme pieuse, le Cœur du divin Maître a-t-il été ouvert ? "Afin que, répond saint Bonaventure, nous puissions y entrer et y demeurer."

    Saint Augustin nous aide à saisir cette pensée : "Remarquez, nous dit-il, l'expression dont s'est servi saint Jean en parlant du coup de lance reçu par le Sauveur. L'apôtre ne dit pas que le Cœur de Jésus a été blessé, déchiré ; non, il dit : Un soldat ouvrit le Cœur de Jésus."

    Certes, cette expression a été employée ici avec intention ; on dit, en effet, d'un cœur, qu'il est percé, mais non qu'il est ouvert.

    Or, quelle intention a donc eue saint Jean en employant cette expression ? L'intention indiquée par saint Bonaventure quand il dit : "Le Cœur du divin Maître a été ouvert pour que nous puissions y entrer et y demeurer."

    Saint Augustin fait encore ici une remarque bien à noter. "Le Cœur du divin Maître, nous dit-il, a été ouvert après sa mort, pour indiquer qu'il ne pourra jamais guérir et, par conséquent, jamais se fermer."

    Nous aurons donc toujours le moyen de nous retirer dans cet asile ; au jour de la tribulation il sera ouvert, pour que nous allions puiser en lui, le baume dont nous auront besoin.

    Au jour de la tentation, il sera ouvert, pour que nous allions lui demander le cordial qui fortifie l'âme contre l'ennemi. Au jour de la joie il nous sera ouvert, pour que nous allions verser en lui notre reconnaissance.

    Les saints ont compris de quelle ressource est pour nous cette plaie qui ne peut se fermer. Ecoutez saint Bonaventure : "Je veux ici dresser trois tentes : une dans la plaie des mains, l'autre dans la plaie des pieds, mais une surtout dans la plaie du cœur. C'est là que je fixerai mon séjour et que j'obtiendrai tout ce que je voudrai."

    Dans une autre expansion de son âme, le même saint docteur est encore plus touchant ; s'adressant à la lance qui a percé le Cœur du divin Maître : "Oh ! qu'elle est heureuse, cette lance ! dit-il ; si j'avais été à sa place, je n'aurais jamais voulu sortir de la plaie divine, qu'elle a faite et j'aurais dit à cette plaie la parole du Prophète : Je te choisis comme le lieu de mon repos, et j'établis en toi ma demeure."

    La plaie extérieure, visible, est donc pour nous un refuge dans toutes les circonstances de la vie.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Maintenant, âme pieuse, considérons la plaie intérieure du Cœur divin. Elle est plus profonde que l'autre, car c'est dans cette plaie que le Sauveur a ressenti et continue à ressentir toutes les amertumes. Mais parmi les amertumes, âme pieuse, je vous ferai noter celle qui peut être pour vous un enseignement plus pratique.

    C'est le divin Maître lui-même qui nous la découvre quand il nous dit : "C'est dans ma propre maison et de la main de ceux qui m'aiment que j'ai été blessé."

    Vous pensez peut-être, Philothée, que je veux parler ici de l'abandon dans lequel fut laissé le Sauveur par ses amis au momentde son agonie, abandon dont il se plaint dans les saintes pages quand il dit : "J'ai cherché quelqu'un qui pleurât avec moi, et je ne l'ai pas trouvé."

    Vous pensez peut-être, Philothée, que je veux parler ici de ce reniement de Pierre, reniement auquel le Sauveur fut si sensible que, ne pouvant retenir son émotion, il laissa tomber un regard plein de larmes sur son infidèle ami.

    Vous pensez peut-être Philothée, que je veux parler ici de la trahison de Judas, que le Sauveur avait aimé à ce point qu'il l'appelait encore mon ami au moment où cet aveuglé le livrait par un baiser.

    Eh bien ! oui, je veux parler de cet abandon, de ce reniement, de cette trahison qui ont rempli et qui remplissent encore aujourd'hui le Cœur divin d'amertumes, auxquels le Sauveur est d'autant plus sensible qu'ils lui viennent de vous, Philothée, vous à qui il a donné de son Cœur encore plus qu'à ses ingrats et infidèles disciples.

    N'est-ce pas vous qui, tous les jours, abandonnez le Sauveur dans son tabernacle ? Là il n'y a souvent que des anges pour l'entourer ; et cependant il n'est pas sur la terre pour les anges, il y est pour vous, qui allez perdre de longues heures dans des courses, des conversations inutiles, et n'avez pas un moment pour consoler Celui qui pleure sur vous et les vôtres !

    N'est-ce pas vous, Philothée, qui tous les jours, quand le Sauveur est méconnu, offensé, méprisé devant vous, n'avez pas le courage de prendre sa défense et vous laissez dominer par le respect humain ?

    N'est-ce pas vous, Philothée, qui, tous les jours, venez embrasser Jésus à la table des anges, et qui, en sortant du saint Lieu, l'offensez avec une inexplicable facilité ?

    Quel sujet de méditation donc pour vous, Philothée, que cette plaie du Cœur divin ! quelles réflexions elle doit faire naître en vous, si vous la considérez avec foi et si vous écoutez ce qu'elle vous dit !

    Vous cherchez quelquefois une pensée qui vous impressionne, qui vous émeuve, qui vous fasse prendre de salutaires résolutions.

    La plaie du divin Cœur est pour vous une prédication puissante, une source, par conséquent, de grâces et de transformations intérieures.

    CONCLUSION.

    Ame pieuse, quand un de vos livres pieux me tombe sous la main et que je le parcours, j'y rencontre quelquefois une image qui me paraît aussi instructive qu'elle est touchante. C'est un Sacré-Cœur auquel se cramponne une blanche colombe qui plonge son bec dans la plaie du Cœur divin.

    Chaque fois, cette vue me fait pousser un soupir ; je me dis : Oh ! si cette blanche colombe était l'âme de Philothée, quels aliments divins elle puiserait dans cette plaie ! Amen.

    Ve MEDITATION.

    Avez-vous du feu sacré ?

    Ame pieuse, de la blessure qui ouvrit le Cœur du divin Maître s'échappent de vives flammes.

    Que signifient ces flammes ? C'est à peine si j'ose vous le demander, car vous me répondrez : "Ces flammes, mais c'est l'amour qui consume ce Cœur," et vous aurez raison.

    Or ici je vous adresse une question : Avez-vous pour le divin Sauveur au moins une étincelle d'amour dans votre cœur ? Il y a un moyen de le savoir, et je vais vous l'indiquer.

    PREMIERE REFLEXION.

    Vous souvient-il, âme pieuse, de ce que le Sauveur disait à saint Pierre, un jour que le pauvre pécheur de Galilée protestait de son amour pour son Maître ? "Eh bien, lui dit le Sauveur, si tu m'aimes, occupe-toi des brebis et des agneaux qui sont mon royaume."

    Notre Seigneur, Philothée, vous dit cette même parole quand vous lui exprimez votre désir de l'aimer ; il vous dit : Occupez-vous des âmes que je suis venu racheter.

    Il paraît donc que le zèle pour le salut des âmes est la marque la plus sûre de notre amour, puisque cette marque a été donnée par Jésus-Christ au Prince des apôtre.

    Or, avez-vous, âme pieuse, ce cachet ? Voici des indications pour le connaître. Sainte Thérèse priait un jour pour le salut des pauvres pécheurs. Et dans sa prière, elle jeta un moment un cri si puissant par le feu qui l'animait, que Jésus-Christ en fut touché ; si touché, que lui-même révéla à la sainte qu'elle venait de sauver six mille âmes qu'elle verrait au Ciel. Vous échappe-t-il quelquefois des cris du cœur en faveur des pauvres âmes ? Alors vous avez l'étincelle divine, vous aimez Jésus-Christ.

    Saint François Xavier disait un jour au Seigneur : "C'est une honte pour vous qu'il se perde tant d'âmes, après tout ce que vous avez fait pour les sauver."

    Êtes-vous tentée quelquefois, Philothée, de vous plaindre à Notre Seigneur que tant d'âmes se perdent ? Alors vous avez le feu sacré, vous aimez Jésus-Christ.

    Un apôtre, qui avait conquis des millions d'âmes, était sur le point d'aller recueillir le fruit de son zèle. Déjà il voyait le Ciel s'ouvrir devant lui, quand, s'adressant à Notre Seigneur : "Mais, lui dit-il, qu'irai-je faire au Ciel pendant que tant d'âmes se perdent ?"

    Auriez-vous la générosité de renvoyer le Ciel à plus tard, Philothée, afin de sauver quelques âmes ? Alors vous avez le feu sacré, vous aimez Jésus-Christ.

    Et la Bienheureuse Marguerite-Marie, qui pour les âmes aurait voulu se consumer devant le Sacré-Cœur comme un cierge toujours allumé ?

    Seriez-vous prête à quelque immolation pour sauver des âmes, Philothée ? Sondez votre cœur, et s'il répond oui, vous avez le feu sacré, vous aimez Jésus-Christ.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Je vous ai donné la marque de l'amour pour le Sacré-Cœur, marque indiquée à saint Pierre par le Sauveur lui-même : le zèle pour le salut des âmes. Or, avez-vous cette marque ? Remerciez le Seigneur, vous êtes riche, car vous aimez le Sacré-Cœur.

    Ne l'avez-vous pas ? Alors travaillez sans relâche à acquérir au moins une partie de ce trésor.

    Vous me dites : Mais pour le conquérir, ce trésor ? Il y a la prière, la parole, l'exemple, le sacrifice en faveur des âmes.

    Oui, la prière pour les âmes, mais la prière vive, constante. Je veux dire une prière qui soit produite par le vrai désir de sauver, et par un désir qui n'est pas une émotion d'un moment, mais un besoin qui dure jusqu'à ce qu'il soit satisfait.

    Après la prière, la parole, les avis, les exhortations, les conseils, ajoutez les larmes. Saint Augustin, qui était insensible aux représentations que lui adressait sainte Monique, ne pouvait cependant échapper aux larmes de sa mère.

    L'exemple : rien n'est puissant comme l'exemple, surtout quand il vient de la part de ceux qu'on aime. Ne vous cachez donc pas, Philothée, quand vous avez à donner aux âmes qui se sont éloignées de Dieu, l'exemple qui ramène au bien, à la vertu.

    Mais le moyen par excellence pour ramener à Dieu des âmes, c'est le sacrifice ; l'effet du sacrifice est toujours victorieux. Vous souffrez pour une âme, vous êtes sûre de la sauver ; n'est-ce pas par la Croix que Jésus-Christ a sauvé toutes les âmes ?

    Un jour, âme pieuse, le Sauveur dira à un certain nombre d'entre vous : "Vous m'avez nourri quand j'avais faim, vous m'avez donné à boire quand j'avais soif : venez dans la gloire, où je vous rendrai tout au centuple."

    Oui, mais, Seigneur, que donnerez-vous à ceux qui auront ôté la faim et la soif aux âmes, qui auront fait la charité, non d'un verre d'eau, mais du salut à une âme ? Oh ! pour ceux-là, soyons-en sûrs, âme pieuse, il y aura un Ciel particulier et des gloires que tous les bienheureux n'auront pas ; car ce que l'on fait en faveur des âmes mérite une récompense qui devra être au-dessus des autres, autant que les âmes sont au-dessus des corps.

    CONCLUSION.

    Quand j'étais vicaire à la paroisse de Cannes, nous faisions, tous les ans, une fête bien touchante, celle de Notre-Dame de la Délivrance. Ce jour-là on chantait une messe de Requiem pour toutes les âmes du pays. Aussi les habitants du vieux Cannes, endimanchés, montaient-ils en foule au Mont-Chevalier.

    La première fois que je vis ce concours, j'en fus aussi touché que surpris, et je demandai à une femme du peuple : "D'où vient que vous accourez ainsi tous  à cette fête ? Ah ! Monsieur, est-ce que ce n'est pas beau pour nous de penser que la Vierge, aujourd'hui, descend dans le Purgatoire et délivre les âmes des nôtres ?"

    Philothée, si c'est si beau aux yeux des hommes de délivrer des âmes du Purgatoire, que ce doit être beau aux yeux de Dieu de délivrer des âmes de l'enfer ! que ce doit être beau !

    VIe MEDITATION.

    Le Cœur de Jésus est un bain d'or.

    Prélude

    Jésus-Christ, âme pieuse, a tant acquis en notre faveur, par ses mérites, que le Seigneur pour nous donner tout ce qui nous revient, est, en quelque sorte, obligé de faire descendre sur nous continuellement une pluie de grâces. Nous devrions donc être très riches devant Dieu.

    Eh bien ! non, nous sommes pauvres, dénués. Et cela pourquoi ? Parce que nous ne savons pas recueillir cette manne divine que tous les jours, dans le désert de la vie, le Ciel fait descendre sur nous.

    PREMIERE REFLEXION.

    Blosius nous indique un moyen aussi puissant qu'il est ingénieux de réparer cette négligeance et de changer notre pauvreté en opulence. "Jésus-Christ, nous dit-il, est si plein de tendresse pour nous, qu'il est prêt à purifier et rendre dignes de lui toutes les actions que nous ferons passer par son Cœur."

    J'éclaire la pensée de Blosius par une comparaison. Il y a dans certaines usines un bassin dans lequel on tient de l'or en fusion ; ce bassin est appelé par les ouvriers le bain d'or.

    On fait passer par ce bain tout ce que l'on veut dorer, et il en sort revêtu d'or. Voilà l'effet que produit le Sacré-Cœur de Jésus.

    Quand on trempe, en quelque sorte, en lui toutes nos actions, elles se changent en or spirituel.

    Je traversais un jour une belle plaine, dans laquelle je voyais de riches moissons onduler au souffle de la brise, comme les vagues de la mer. Çà et là étaient des moissonneurs. Les uns, avec de grandes faucilles dont les éclairs respelendissaient au soleil, faisaient tomber dans leur bras d'immenses gerbes ; d'autres, les suivant de loin, glanaient à peine quelques épis.

    Je me disais : les premiers sont ceux qui s'enrichissent en faisant tout passer par le Cœur de Jésus-Christ ; les autres sont ceux qui ne connaissent point cette mine.

    Notre Seigneur a révélé ce moyen lui-même à sainte Gertrude. Elle était un jour en prière, et, bien qu'elle y apportât la meilleure volonté, elle ne laissait pas que d'avoir des distractions. Un moment, elle s'en plaignit à elle-même : "Hélas ! se dit-elle, quel fruit peut-on tirer de pareilles prières ?"

    Au même instant, Notre Seigneur se montra à elle, lui présenta son Cœur et lui dit : "Voilà mon Cœur, je te le donne pour que tu t'en serves. Plonge en lui toutes tes actions, et il suppléera pour toi désormais à toutes tes négligeances" Vous le voyez, âme pieuse, je mets en vos mains la pierre philosophale de la sainteté.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Combien je vous recommande, âme pieuse, de vous servir tous les jours du moyen que je vous ai indiqué ! Vous me dites : Mais comment l'employer, l'appliquer, ce moyen ? Le voici : 

    Vous ne réussissez pas dans vos oraisons, vos prières. Eh bien, dites au Seigneur : Mon Dieu, je les fais passer par le Cœur de Jésus-Christ, afin qu'elles en sortent comme celles que Jésus vous offre lui-même.

    Vous avez un travail, une affaire, dites au Seigneur : Mon Dieu, je confie ce travail, cette affaire, au Cœur de Jésus-Christ. Je veux travailler avec les vues de Jésus-Christ.

    Vous avez une souffrance, dites au Seigneur : je veux la supporter comme la supporterait Jésus-Christ lui-même ; et par ce saint procédé tout est changé en or.

    Bien plus, Philothée, vous avez fait une faute ; voulez-vous la changer en vertu ? Eh bien, allez en quelque sorte prendre dans le Cœur de Jésus-Christ la vertu contraire à cette faute et offrez-la au Seigneur.

    Ainsi, vous avez fait une faute d'amour-propre : courez au Cœur de Jésus, prenez en lui la vertu d'abaissement, et offrez-là à Dieu comme si elle était à vous.

    De cette manière, non seulement vous payez vos dettes, mais vous vous enrichissez, puisque vous transformez vos fautes en mérites.

    A la fin de la journée, quand vous venez de faire votre examen et que vous n'êtes pas trop mécontente de vous-même, mettez toutes vos actions, bonnes et mauvaises, dans le Cœur de Jésus-Christ.

    Il purifiera les imparfaites et il ajoutera aux bonnes. C'était là la méthode dont usait tous les soirs l'ange de la Visitation, Marguerite-Marie.

    Vous nous dites quelquefois, âme pieuse : Que faire ? D'un côté, notre vocation à la piété nous impose l'obligation de soigner notre âme d'une manière particulière, et de la tenir non seulement en état de grâce, mais en une certaine perfection ; et d'autre part, tout nous enlève cette perfection : la nature, les occupations, les relations, le monde ; tout est pour nous une occasion de perdre et de nous appauvrir.

    Oui, mais est-ce que je ne viens pas de vous montrer la Californie spirituelle ? Ne vous ai-je pas montré que si vous voulez continuellement réparer vos forces et vous enrichir, vous le pouvez avec le Cœur de Jésus-Christ ?

    CONCLUSION.

    Oh ! Seigneur Jésus, c'est ici que je comprends ce mot que vous me dites dans les saints livres : "Cor meum vigilat, Mon Cœur veille."

    Oui quand dans mes prières, mes oraisons, je suis lâche, je m'endors, votre Cœur veille et prie à ma place, si je lui ai offert ma prière.

    Quand, dans mon travail, je suis lâche et je sommeille, votre Cœur veille, travaille pour moi, si je lui ai offert mon travail.

    Quand dans les peines, les afflictions, je succombe et je perds mon énergie, votre Cœur veille et se résigne pour moi, si je lui ai offert mon épreuve.

    Il est donc comme un talisman divin, mon Dieu, votre Cœur, qui d'un côté me préserve de tout mal, et de l'autre vivifie en moi tout ce qui peut devenir bien. Amen.

    VIIe MEDITATION.

    Agonie du Sacré-Cœur.

    Prélude

    Transportons-nous, âme pieuse, en ce moment au Jardin des Olives. Il n'y a là ni bourreaux, ni fouets, ni clous, ni lance ; et cependant le Sauveur est couvert de sang, son âme est triste, son corps broyé, il agonise, et il succomberait, si un ange ne venait le relever en lui donnant un cordial divin.

    Mais quel est donc ce mystère, âme pieuse ? Le Sauveur est ici en face du péché. Or, quand on comprend le mal du péché, c'est assez de sa vue pour mettre une âme en pleurs ; et quand cette âme est celle d'un Dieu, c'est assez de cette vue pour la mettre en agonie.

    PREMIERE REFLEXION.

    Ame pieuse, vous êtes sans doute garde d'honneur du Sacré-Cœur.

    Pendant ce mois donc, à votre heure de garde, soyez avec le divin Sauveur au Jardin des Olives, et avec lui pleurez les péchés du monde.

    Dans la piété, trop souvent on s'imagine que, quand on a pleuré ses propres péchés, tout est fait.

    Mais, voyons, Philothée : quand vous aimez quelqu'un, vous devenez un autre lui-même ; je veux dire, tout ce qui l'intéresse vous intéresse, tout ce qui l'atteint vous atteint, tout ce qui l'afflige vous afflige.

    Donc, si réellement vous aimez le Sauveur, tout ce qui le touche doit vous toucher, tout ce qui l'attriste doit vous affliger. Or, quoi de plus affligeant pour le Sauveur que le péché ? Donc, si vous aimez le Sauveur, rien ne doit tant vous affliger que le péché.

    Eh bien, en est-il ainsi, Philothée, de vous ? Je veux dire, l'offense de votre Dieu vous blesse-t-elle autant et plus que si elle s'adressait à vous-même ? Si vous en êtes là, que Dieu soit béni ! Si vous n'en êtes pas là tous les instants de votre vie, au moins ayez ces dispositons pendant l'heure de garde du Sacré-Cœur.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Vous me dites, âme pieuse, : Mais quels actes faut-il plus particulièrement produire pendant cette heure, pour être, en quelque sorte, à côté du Sauveur au Jardin des Olives pleurant avec lui nos péchés et tous les péchés ?

    Quels actes ? D'abord, reconnaissez-vous coupable non seulement des fautes que vous vous connaissez, mais encore de celles que vous avez certainement commises, ou fait commettre aux autres, et que vous n'avez jamais connues ni pleurées.

    Ensuite, faites des actes de contrition, plusieurs fois répétés dans votre cœur, sur tout ce qui offense le Seigneur Dieu. Les actes de contrition répétés sont comme le fer chaud que l'on passe et repasse sur le pli de la laine pour l'effacer.

    Oui, ils effacent sur le Cœur de Dieu les traces douloureuses qu'y creusent nos péchés.

    Enfin, comme le Sauveur au Jardin des Olives, acceptez le calice de votre vie, qui est peut-être bien amer ; comme le Sauveur, offrez-vous en victime à la justice divine, lui promettant d'être plus résignée à tout ce qui pourra, chaque jour, crucifier votre nature.

    CONCLUSION.

    Seigneur Jésus, donnez à cette âme, pendant ce mois, les larmes du cœur que vous versiez à Gethsémani. Qu'à son heure de garde elle soit dans une sainte agonie, le cœur et le corps broyés par le repentir, et décidée à boire le calice de chaque jour pour expier, tout expier. Amen.

    VIIIe MEDITATION.

    Un de vous va me trahir.

    Prélude.

    Nous sommes au Cénacle, à la dernière Cène ; la Cène la plus solennelle de toutes celles qui ont eu lieu sur la terre, celle où s'est institué le mystère d'amour, celle où les apôtres, et peut-être même la Sainte Vierge, ont fait leur première Communion.

    Or, le croiriez-vous, âme pieuse, si le Sauveur ne l'avait dit ? Une des communions qui ont lieu à cette cène mémorable fait saigner le Cœur du divin Maître !

    Entendez la parole qui sort de sa bouche à cette heure : "En vérité, l'un de vous va me trahir !"

    Il y a donc ici une âme indigne et, par conséquent, une communion indigne.

    PREMIERE REFLEXION.

    Comment ! tout ici est plus divin, plus sacré, plus solennel que jamais : le prêtre, c'est le Fils de Dieu lui-même ; le temple, c'est le Cénacle ; le jour, c'est la veille du grand sacrifice de la Croix ; les participants à l'Hostie divine sont de futurs apôtres martyrs ; ils ne sont que douze, et sur ces douze un indigne !

    Mais si c'est là, la proportion parmi les convives de l'Eucharistie ; si sur douze, même dans les conditions les plus favorables, il y a un indigne, oh ! alors depuis dix-huit siècles que d'indignités à la Table des anges !

    Que d'indignités si, à chaque sacrifice où un certain nombre viennent participer aux saints Mystères, il y a quelque âme qui mange sa condamnation, pour me servir du langage de saint Paul !

    DEUXIEME REFLEXION.

    Eh bien, l'âme dévouée au divin Cœur doit avoir l'ambition de réparer toutes ces indignités ; et quand peut-elle mieux le faire que pendant la garde d'honneur, lorsqu'elle est unie à ce Cœur qui souffre tant de toutes ces profanations ?

    Dans ce mois donc, âme pieuse, puisque vous êtes garde d'honneur du Sacré-Cœur, consacrez votre heure de garde à cette réparation. Allez par la pensée et le cœur dans le monde entier, recueillez toutes les saintes Espèces profanées qui n'ont pas encore reçu de réparation, les une livrées par des Judas, les autres reniées par les incroyants, celles-ci oubliées par les indifférents, celles-là négligées par les tièdes.

    Ouvrez, âme pieuse, le ciboire de votre cœur, et recueillez-y toutes ces Hosties ; et là pleurez, priez, faites amende honorable.

    Dans cette heure de réparation, qui doit s'accomplir avec effusion du cœur, insistez sur ce qui vous est personnel : car il ne faut pas seulement réparer pour les autres, mais surtout pour soi.

    Or, considérez, âme pieuse, que d'autels vous ont vue à genoux, que de tables saintes vous ont reçue comme convive, que de ciboires ne sont ouverts pour vous !

    Eh ! qu'ont été vos communions dans le passé ? que sont celles d'aujourd'hui ? Quelle foi y avez-vous apportée, quelle ferveur, quelle pureté d'intention, quelles préparations, quelles actions de grâces ?

    CONCLUSION.

    Mon Dieu, un jour, bientôt peut-être, j'emporterai toutes ces saintes hosties que j'ai reçues, devant mon Juge. Oh que pas une ne m'accuse, ou du moins, que chacune reçoive une réparation avant ma mort.

    C'est ce que je me propose de faire pendant mon heure de garde de ce mois. Oui, je réparerai pour les autres, mais aussi, mais surtout pour moi. Amen.

    IXe MEDITATION.

    Sur le recueillement.

    Prélude.

    Le Père Faber, un des maîtres de la vie intérieure les plus appréciés de nos jours, dit quelquefois un mot qui donne bien à réfléchir.

    Le voici :

    "Le recueillement est chose si essentielle, que je ne connais rien de plus nécessaire dans la vie spirituelle après l'amour."

    Certes, Philothée, je me demande si, dans la vie telle qu'elle est aujourd'hui, vous vivez dans un grand recueillement.

    La vie fut-elle jamais aussi agitée que de notre temps ? Les affaires, les visites, les réceptions, les fêtes, les voyages, les journaux, la correspondance, tout remplit l'imagination et tourne la tête.

    Cependant, âme pieuse, la possession de soi-même est essentielle dans le travail intérieur, quand on veut y avoir du succès ; en voici quelques preuves.

    PREMIERE REFLEXION.

    1 Pour éviter une infinité de fautes légères, dont nous avons continuellement l'occasion, il est incontestable qu'il faut marcher, au moins d'une certaine manière, en présence de Dieu.

    Ce n'est que cette pensée : Dieu me voit, qui peut me fortifier contre les faiblesses de chaque instant.

    Mais si votre tête est remplie de tout excepté de la pensée de Dieu, Philothée, comment marcherez-vous en la présence de Dieu ?

    2 Nous ne pouvons rien faire dans la vertu, si l'Esprit Saint ne nous guide, ne nous conseille.

    Mais si nous sommes habituellement hors de nous-mêmes, l'Esprit aura beau parler à notre intérieur, ses inspirations ne seront pas entendues de notre âme.

    3 C'est par nos rapports avec le Seigneur dans la prière, l'oraison, les lectures, que nous ouvrons sur nous les canaux de la grâce divine, cette grâce sans laquelle il est de foi que nous ne pouvons rien dans l'ordre de notre sanctification.

    Mais si, par notre dissipation d'esprit, les vrais rapports avec le Ciel n'existent pas, nous ne touchons pas aux sources divines, nous n'ouvrons pas les canaux célestes sur nous ; et alors notre champs n'est pas fécondé par la rosée d'en-haut, et il doit forcément rester stérile.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Le recueillement n'st pas d'ordinaire un don de Dieu, mais plutôt une conquête à faire, et voici par quelle sainte stratégie :

    1 L'amour du silence, quand on peut le garder sans se singulariser. N'oubliez pas, Philothée, que souvent, en conversation, vous parlez plus que les autres n'ont le désir de vous entendre.

    Eh bien, prenez l'habitude de ne dire que la moitié de ce que vous voudriez dire ; vous ferez plaisir à l'assistance et vous ferez du bien à votre recueillement.

    2 Se tenir en garde contre la curiosité, cette avidité naturelle d'apprendre des nouvelles de votre entourage, de vos connaissances, du monde entier.

    On fait aux personnes pieuses la réputation d'être plus curieuses que les autres. Et je n'oserais pas affirmer que ce soit une calomnie.

    En effet, dans le monde pieux on a moins de distractions que dans une autre sphère, et alors il est assez naturel que l'on cherche à se défrayer par la curiosité. Oui, mais, Philothée, soyez sûre que c'est au détriment du recueillement intérieur.

    3 Prendre l'habitude de faire une visite tous les jours au Saint Sacrement quand on le peut.

    On rapporte toujours de cette visite je ne sais quel parfum divin, qui, assez longtemps, éloigne de notre âme l'esprit de dissipation.

    4 L'usage du bouquet spirituel cueilli dans la méditation du matin, et les oraisons jaculatoires qu'on en tire pendant la journée, sont aussi un vrai secours pour entretenir en nous le recueillement.

    5 Un autre moyen, c'est la mortification des sens, quand on peut la pratiquer sans attirer l'attention.

    Les sens sont les portes et les fenêtres par lesquelles entre à flots la dissipation. Fermez-les quand cela se peut, Philothée, et vous serez maîtresse chez vous.

    6 L'activité, la précipitation, sont de grands obstacles au recueillement. Si nous faisons tout avec calme en dominant la nature, nous ne tarderions pas à devenir recueillis. La nature veut toujours courir, la grâce est le contraire de la nature.

    CONCLUSION.

    Le sarment ne pmeut porter du fruit qu'autant qu'il reste attaché à la vigne et qu'il en reçoit la sève.

    Si vous ne vivez pas unie à Dieu, Philothée, si vous le bannissez en quelque sorte de votre esprit, de votre cœur, en n'y laissant place que pour les créatures, vous vous condamnez à la stérilité spirituelle ; car Dieu est la vigne et vous êtes le sarment.

    Vous croyez peut-être que c'est moi qui parle ici, c'est Jésus-Christ lui-même. "Celui qui demeure en moi, nous dit-il, porte des fruits en abondance ; celui qui ne demeure pas en moil est comme le sarment qui ne tient plus au cep ; il se dessèche."

    Ah ! Philothée, que vous auriez besoin de méditer souvent ces paroles, si vous aviez un vrai désir de vous avancer dans la dévotion au Sacré-Cœur !

    Xe MEDITATION.

    Visites au Saint Sacrement.

    Prélude.

    "Le passereau cherche un asile sous mon toit, la tourterelle dans le nid qu'elle s'est créé. Vos autels, ô mon Dieu, sont mon asile."

    C'est David, qui au milieu des soucis de la royauté, des agitations du monde, éprouve le besoin de se réfugier au pied des autels.

    Vous êtes du monde, Philothée, où tout agite et fatigue ; vous éprouvez le même besoin que David et vous venez souvent au pied des autels.

    Mais là souvent, pour vous, le tabernacle est comme vide. La présence de Jésus vous fait défaut, au point que quelquefois vous êtes tentée de vous écrier comme Madeleine au tombeau du Sauveur : "Ils ont enlevé le Maître, car je le retrouve pas !" Vous nous le dites dans vos communications intimes, ce mot de Madeleine, âme pieuse, quand vous nous dites : "Oh ! je suis si distraite dans mes visites au tabernacle ! Jésus ne me dit rien et je ne trouve rien à lui dire !"

    PREMIERE REFLEXION.

    Savez-vous, Philothée, pourquoi vous êtes si distraite ? C'est que vous manquez de foi en la présence réelle. Comment puis-je croire que, si vous avez la foi, vous puissiez ne pas être saisie quand vous vous approchez du tabernacle ? Quand Moïse s'approchait du buisson ardent, il entendait une voix qui le pénétrait et lui disait : "Enlève tes sandales, car le sol que tu foules est sacré."

    Si vous aviez la foi, une foi vive, Philothée, quand vous venez au pied du tabernacle, vous entendriez une voix qui vous pénètrerait et vous dirait : Dépouille-toi de tes pensées étrangères, abîme-toi dans la poussière, car tu es avec l'Eternel !

    Vous me dites, âme pieuse : Mais cette foi, comment l'avoir ? Un des moyens pour se la donner c'est un grand respect intérieur et extérieur quand on est devant le tabernacle, respect que, généralement, on n'a pas assez ; en effet, à l'intérieur, que de pensées, que de préoccupations on accepte ! à l'extérieur, quelle tenue, souvent quel sans-façon peu digne ! respect que cependant on devrait pousser très loin, parce qu'il ne peut être exagéré ; respect, qui souvent est récompensé par le don d'une foi vive au Dieu de l'autel.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Savez-vous, Philothée, pourquoi, dans vos visites au tabernacle, vous ne trouvez rien à dire à votre Ami divin, pourquoi vous ne lui dites rien d'intime, de personnel, pourquoi vous n'avez que des formules bonnes pour tout et pour tous ? C'est que vous ne connaissez pas Jésus-Christ.

    Aussi vous dirai-je ici ce qu'il disait à la femme de Samarie : "Si vous saviez qui est celui qui est avec vous, si vous le saviez, vous éprouveriez pour lui un attrait tel, une confiance telle, que vous seriez intarissable pour lui dire vos besoins, vos tristesses, tout."

    Les foules de la Galilée, qui connaissaient le Sauveur par ses paroles et ses œuvres, quel enthousiasme elles avaient auprès de lui ! quelle audace pour l'importuner ! quel entrain pour le suivre et obtenir un mot, un signe de lui ! 

    Vous me dites, Philothée : Comment connaître Jésus-Christ ? Il faut l'étudier, le méditer avec un désir profond de le savoir tout entier ! Hélas ! l'étudie-t-on, le médite-t-on ? La piété aujourd'hui n'est-elle pas souvent une forme sans fond ?

    TROISIEME REFLEXION.

    Enfin savez-vous, ô Philothée, pourquoi vos visites au Dieu caché ne laissent en vous aucune trace ?

    Vous n'aimez pas Jésus-Christ.

    Je dis que vous ne l'aimez pas parce que vous ne viveze pas dans la componction du cœur, vous n'avez pas de vos fautes passées ou présentes le regret que, vous auriez si vous aimiez réellement l'Agneau sans tache ! Ah ! quand on aime et que l'on a eu le malheur d'offenser, comme le cœur pleure !

    La disposition à laquelle je touche ici : vivre dans la componction de ses fautes, est aussi importante dans les âmes qu'elle est rare. Madeleine n'a besoin que d'une visite au divin Maître, visite dans laquelle elle pleure son passé, pour être justifiée, transformée, sanctifiée. Et pourquoi ses larmes ont-elles une si grand vertu ? Le Sauveur vous le dit : "Il lui est beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé." Comment ! Philothée, une Madeleine sanctifiée par une seule visite ! et vous, depuis que vous faites des visites au Dieu de Madeleine, vous êtes toujours la même ? Evidemment, il vous manque quelque chose.

    Demandez-le, ce quelque chose, demandez-les, ces larmes dont je vous parle, larmes de regrets et d'amour.

    CONCLUSION.

    Quand Moïse gravissait les sommets de l'Oreb pour s'entretenir avec le Seigneur, soudain un nuage divin l'entourait et le séparait de son peuple.

    Alors Moïse était à Dieu, tout à Dieu, rien qu'à Dieu ; aussi, quand il descendait de ces hauteurs, il emportait sur son front quelque chose de si lumineux, que le peuple ne pouvait le regarder. 

    Si, quand vous montez, Philothée, par la pensée au pied du tabernacle, vous vous entouriez d'un nuage de recueillement, de foi, d'amour, vous n'en descendriez jamais sans avoir sur le front de votre âme un rayon de grâce de plus. Amen.

    XIe MEDITATION.

    Communion spirituelle.

    Prélude.

    La communion spirituelle est ainsi appelée parce qu'elle a lieu sans aucun acte extérieur. En cette communion, tout se passe dans l'esprit et le cœur.

    Or, comment cela ? Le voici, âme pieuse : vous savez que dans notre religion sainte un désir équivaut à un acte. L'âme donc qui a un vif désir de recevoir la communion au moment où elle conçoit ce désir, par là même reçoit Notre Seigneur, d'une manière mystique, il est vrai, mais assez réelle pour qu'on puisse dire qu'elle communie.

    C'est la doctrine des maîtres de la vie intérieure. Il est donc bon pour vous, Philothée, qui voulez entretenir une douce intimité avec le Sacré-Cœur, de méditer sur l'utilité de la communion spirituelle, sur le moment, le lieu et la manière de le faire, sur les fruits que vous pouvez en retirer.

    PREMIERE REFLEXION.

    Utilité de la communion spirituelle.

    Toute la religion au fond n'a qu'un but, celui de nous incorporer à Jésus-Christ pour nous faire vivre de sa vie. Or cette incorporation est surtout l'effet de la communion : "Celui qui mange ma chair demeure en moi" dit le Sauveur.

    Il est donc nécessaire de communier ; et si nous voulons une vie spirituelle abondante, il faut communier souvent, et tous les jours : l'âme comme le corps se fortifie par une nourriture quotidienne.

    Mais communier sacramentellement chaque jour n'est souvent pas possible à beaucoup. Force nous est donc de remplacer la communion sacramentelle par la spirituelle, qui nous est toujours facile, et très facile.

    DEUXIEME REFLEXION.

    Quand et où communier spirituellement.

    On peut communier spirituellement toutes les fois que l'on s'en souvient, et même sans s'en souvenir actuellement, c'est-à-dire en vertu d'une intention formée antérieurement. On a vu des saints qui communiaient ainsi par l'intention toutes les fois qu'ils respiraient. On peut communier spirituellement à la messe, au salut, aux visites au Saint Sacrement, etc...

    Vous voyez, âme pieuse, que cette communion a un avantage sur la sacramentelle : c'est qu'on peut la faire bien des fois tous les jours et partout. Vous enviez quelquefois, en lisant l'histoire, le sort de ces martyrs auxquels on confiait les saintes Espèces, pour qu'ils puissent s'en nourrir quand ils en sentaient le désir. Mais ne pouvez-vous pas vous procurer le même privilège ? Vous portez dans votre cœur comme un ressort divin, vous n'avez qu'à vous en servir, il attirera Dieu en vous.

    TROISIEME REFLEXION.

    Comment faire la communion spirituelle.

    Dans le saint Lieu : 

    1 Un acte de communion

    2 Un vif désir de s'unir à Jésus-Christ 

    3 Un acte de remerciement dans le cœur, c'est assez en trois minutes. 

    Hors du saint Lieu, au sein des affaires, des peines, des joies, un désir aussi vif que rapide suffit.

    Au désert, un seul regard jeté sur le serpent d'airain produisait son effet sur les âmes. Voulez-vous que le soupir d'un cœur aimant soit stérile ? Un désir est plus encore qu'un soupir, et avec votre Dieu tout ce qui est amour n'est jamais stérile.

    QUATRIEME REFLEXION.

    Effets de la communion spirituelle.

    Les effets de cette communion sont de la même nature que ceux de la communion sacramentelle, mais cependant moindres :

    1 Parce que nous recevons dans l'une l'Auteur même de la grâce, et seulement des grâces dans l'autre 

    2 Parce que l'une opère d'elle-même par la vertu qui lui est propre, et que l'autre n'opère que selon les dispositions qu'elle rencontre.

    Cependant, pmour certaines âmes, la communion spirituelle peut produire, à cause de leurs dispositions, autant de bien que la communion sacramentelle. En effet, dans la communion spirituelle, on n'est pas exposé comme dans l'autre à l'amour-propre, et il y a souvent plus de cœur, car la communion spirituelle n'est souvent qu'un bon mouvement du cœur.

    CONCLUSION.

    Saint Stanislas Kostka, malade à Vienne dans la maison d'un luthérien fanatique, n'ose demander qu'on apporte le saint Viatique. Il s'adresse à sainte Barbe et la supplie de lui procurer la grâce de la communion.

    La nuit suivante, sainte Barbe le réveille ; elle est accompagnée d'un ange qui donne le pain sacré au saint jeune homme.

    Quelque chose de semblable se renouvelle pour votre âme, Philothée, toutes les fois que vous faites la communion spirituelle.

    Un ange, qui s'appelle la grâce, descend du Ciel et dépose en vous quelque chose de divin. Amen.

    XIIe MEDITATION.

    Ecoutez-vous Notre Seigneur ?

    Prélude.

    En général, dans l'oraison, la communion, les visites au Saint Sacrement, on parle beaucoup, on cherche à exciter son esprit, à réchauffer son cœur ; mais on ne pense guère à écouter Notre Seigneur. Cependant, s'il parle, il doit vouloir qu'on l'écoute. Or, qu'il parle aux âmes d'une manière particulière quand elles sont en rapport avec lui, c'est ce qui est hors de doute.

    PREMIERE REFLEXION.

    Lisez l'Écriture, vous y verrez David écoutant le Seigneur ; "Jécouterai ce que mon Seigneur me dira." Lisez la vie des saints, des âmes intérieures, vous y verrez qu'aux pieds de Dieu ils ont entendu cette voix qui leur a tracé les sentiers par lesquels ils sont arrivés à une sainteté si élevée.

    Saint Thomas, quand on l'interrogeait pour connaître la source où il puisait son admirable doctrine, montrait le tabernacle. Le curé d'Ars, quand on lui demandait le trésor de ses lumières, montrait un crucifix.

    Mais pourquoi l'Écriture, les saints ? N'avons-nous pas notre propre expérience de chaque jour ? N'est-il pas vrai que quand nous venons auprès de Jésus-Christ avec certaines dispositions, nous emportons de là quelque chose que nous n'avions pas : une pensée, un sentiment de résolution, une force, en un mot quelque chose qui n'a peut-être pas de nom, mais qui est d'une telle nature que cela n'a pas pu venir de nous ?

    Un saint, étant entré dans une église où ne se trouvait pas la Sainte Réserve, se tenait devant l'autel avec la vénération qu'il apportait toujours en présence de l'Eucharistie. Un moment il sentit qu'une main invisible lui donnait la sainte communion. Ce saint, pour avoir visité Notre Seigneur là où il n'était pas corporellement, reçoit le dont le plus divin. Et quand vous êtes avec lui en toute réalité, âme pieuse, pendant une prière, une visite, un office, il ne vous donnerait pas même une bonne parole au cœur ?

    DEUXIEME REFLEXION.

    Comment connaître qu'on n'est pas victime de quelque illusion quand le Seigneur nous parle ? Une sainte âme me disait un jour : Quand j'entends une voix intérieure, je me demande toujours si ce n'est pas moi qui parle.

    Voici la règle que donnent à ce sujet les maîtres de la vie intérieure. Quand c'est notre imagination qui nous parle, ou quand nous nous parlons à nous-mêmes, cette parole intérieure produit en nous des agitations, des incertitudes, des troubles.

    Quand c'est la parole de Dieu qui nous parle, elle produit en nous je ne sais quel calme, quelle paix, dont saint Paul dit qu'elle surpasse tout, et cela même quand cette parole nous reproche ou nous commande.

    Sainte Claire, effrayée à la vue des Sarrasins qui escaladent son monastère, va se jeter aux pieds de Jésus. Là elle éprouve d'abord un grand calme, puis elle entend une voix qui lui dit : "Prends le ciboire montre-le aux barbares."

    C'était une déraison, mais la sainte, habituée aux communications divines, se dit : "J'ai trop de paix dans le cœur pour que cette voix ne vienne pas d'en-haut." Elle prend le ciboire et se fait porter au mur du monastère, car elle ne pouvait marcher ; aussitôt l'ennemi se débande et fuit.

    TROISIEME REFLEXION.

    A quelle âmes parle-t-il, le Seigneur ? A toutes celles qui vont à lui pour le recevoir, le visiter, causer avec lui. Une erreur grossière est celle de croire que Jésus-Christ boude aux âmes.

    Cette erreur, Philothée, peut faire beaucoup de mal. Sachez que le Sauveur ne peut pas se taire en présence d'une âme qui le cherche, qui lui parle. Pouvez-vous vous retenir, vous, en présence de quelqu'un que vous aimez ?

    Si quelquefois il se tait, le divin Maître, c'est à l'égard des âmes qu'il aime le plus et qu'il veut éprouver. Mais alors son silence est un témoignage précieux, et vous devez dire, Philothée : Il boude, l'Ami divin, tant mieux !

    QUATRIEME REFLEXION.

    Quelles sont les âmes qui entendent le Seigneur quand il leur parle ?

    Celles qui écoutent. Or, pour pouvoir écouter, il faut le recueillement, car avec le bruit, l'agitation, on n'entend pas la voix extérieure et encore moins la voix intérieure ;

    Celles qui veulent, qui sont avides d'entendre ; car il n'est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ;

    Les âmes au cœur pur, aux intentions droites.

    Celles-là sont comme ce terrain soigneusement préparé auquel on confie les graines les plus délicates ; aucune de ces graines ne tombe en vain sur ce sol, toutes lèvent admirablement.

    CONCLUSION.

    Un paysan allait entendre assidûment les conférences du Père Lacordaire. On lui disait un jour : "Est-ce que vous comprenez ? Non, mais mon âme doit comprendre, car, quand je sors de là, je me sens plus fort et meilleur."

    Il y avait là une âme simple et pure qui recevait la parole intérieure avec les conditions voulues. Aussi, comme elle l'entendait et comme elle en profitait ! Que ne sommes-nous tous, par le cœur et les intentions, ce paysan, quand nous allons aux pieds de notre Dieu !

     

     

     Sainte Marguerite-Marie Alacoque

    Paray Le Monial

     

     - L'apparition de Jésus à Sainte Marguerite-Marie Alacoque

     - La basilique du Sacré Cœur

     - La chapelle de la Visitation

     - La chapelle Saint Jean

     - La chapelle La Colombière

     - Le parc des chapelains (chemin de croix, diorama)

     

     

     

     

     - L'heure Sainte

     - Garde d'honneur du Sacré Cœur de Jésus

     Sainte Marguerite-Marie Alacoque

     - Sainte Marguerite-Marie Alacoque

     

    Verosvres : Maison natale de Marguerite-Marie Alacoque

    Verosvres

    - Maison natale

    - Château de Corcheval

    - Église

     

    Charolles : Couvent des Clarisses

    Charolles

    - Couvent des religieuses de Sainte Claire

     

     

     - Claude La Colombière

     

    Bienheureuse Maria Droste ou Marie du Divin Cœur de Jésus, sœur de la Charité du Bon Pasteur à Porto au Portugal († 1899)

     

     

    Bienheureuse Maria Droste

    ou Marie du Divin Cœur de Jésus

     

     

    - L'ordre de la Visitation

    - Sainte Jeanne-Françoise de Chantal

    - Saint François de Sales

    Le Sacré-Cœur de Jésus

     

     - Le Sacré Cœur de Jésus

     - Fête du Sacré-Cœur

    - Les prières

     - Règlement des familles consacrées au Sacré Cœur

     - Les 12 promesses de Notre Seigneur aux dévots de son Sacré Cœur

     - Livre "Cœur à cœur avec Jésus"

     - Livre "De la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus"