-
Notre-Dame des Doms (Avignon)
Notre-Dame des Doms
(Avignon)
Avignon, il n'y a guère qu'un demi-siècle, faisait partie du domaine temporel du Pape.
Un décret émané de l'Assemblée constituante, en 1791, réunit cette ville à la France.
Les anciens Avignonnais n'ont pas encore perdu la mémoire de ce règne tout paternel qui ne faisait sentir son pouvoir que par ses bienfaits ; ils se rappellent cette multitude de monuments religieux qui rendaient leur ville une seconde Rome ; cette magnificence et cette pompe qui s'attachaient partout aux cérémonies de la piété ; ces palais habités par des familles célèbres dans l'histoire, qui donnaient à leur cité le ton et l'opulence d'une capitale ; ces asiles ouverts en tant d'endroits à l'infortune, à la vieillesse, à l'innocence en péril, où l'on trouvait toujours le pain qui soutient le corps et la nourriture qui rassasie l'âme ; ces tributs si légers qu'ils ne semblaient imposés aux habitants d'une des contrées les plus fertiles de l'Europe, que pour les empêcher d'oublier qu'ils avaient un souverain.
La génération présente a de la peine à croire ce qu'on lui raconte des merveilles de cet âge d'or. La ville a comme changé de face. Les restes, encore si importants du château de ses papes, ne sont plus que des casernes ou des prisons ; ses temples superbes, élevés à tant de frais par la main de la piété, sont presque tous renversés ou destinés à des usages profanes.
Et dans un siècle qui se pique de zèle et d'empressement à découvrir, à conserver tout ce qui rappelle des souvenirs, tout ce qui peut contribuer à décorer des cités que la révolution a dépouillées de tant de titres de gloire, à l'époque même où nous écrivons, un des plus antiques, des plus vastes, des plus magnifiques monastères de saint Dominique, avec sa belle église, avec la salle où fut célébrée la canonisation de saint Thomas, se démolit publiquement et se vend pierre à pierre !...
Les Avignonnais ont cependant conservé quelque chose qui les console en quelque sorte de tant d'autres pertes, c'est la foi, la piété antique de leurs pères, et en particulier leur tenure dévotion pour la sainte Vierge.
Un auteur célèbre par les écrits qu'il a publiés il y a près de deux siècles en l'honneur de Marie, s'exprimait de la sorte :
« Entrons maintenant dans la Comté vénétienne ; nous y rencontrerons de très-illustres marques de la dévotion envers la Reine du ciel. La noble ville d'Avignon, où j'ai travaillé ce petit ouvrage à l'honneur de la sainte Vierge, en est comme le centre : aussi reconnaît-elle la Mère de Dieu pour sa principale protectrice, à qui de tout temps elle a été uniquement affectionnée. »
Et vraiment on s'en aperçoit au caractère religieux qu'Avignon a conservé, même après tant de dégradations et de ruines. Ce sont dans ses carrefours et ses rues des niches vides quelquefois, mais d'autres fois aussi ornées de gracieuses madones ; ce sont, dans ce qui reste d'églises, des chapelles consacrées à la Mère de Dieu et décorées avec une sorte de profusion ; ce sont des fêtes célébrées fréquemment en son honneur avec une pompe, un élan d'amour filial qu'on rencontre rarement ailleurs. Oui, Avignon mérite encore aujourd'hui d'une manière spéciale le titre de cité de Marie.
Si nous en croyons une respectable tradition, le culte qu'on lui rend dans cette ville, daterait de fort loin.
Pour en trouver l'origine, il faudrait remonter à l'origine même du christianisme.
L'histoire de ce culte se rattacherait au séjour que la famille de Lazare et de ses sœurs firent en Provence.
On raconte que saint Lazare, sainte Marthe, sainte Marie-Madelaine, Marcelle leur servante et Joseph d'Arimathie, persécutés d'abord par les Juifs, furent mis ensuite avec saint Maximin, un des disciples du Sauveur, sur une barque dépourvue de rames et livrés au caprice de la mer.
La Providence, dit-on, les conduisit jusqu'à Marseille, d'où ils se répandirent dans les contrées voisines , faisant, connaître partout le nom de Jésus-Christ.
Cette tradition est rapportée par les Bollandistes, qui en parlent avec respect, rendent compte des discussions qu'elle excita, et concluent qu'elle est bien plus vraisemblable que les autres récits faits de la vie de ces saints personnages.
L'authenticité des reliques de sainte Marie-Madelaine qu'on honore dans la belle église de saint Maximin est, à leurs yeux, à l'abri de tout doute et le culte qu'elles reçoivent est très-légitime.
On dit de plus que sainte Marthe habitait successivement Avignon et Tarascon, qu'elle annonça l'Evangile dans la première de ces villes, y opéra plusieurs miracles, et qu'elle y éleva un sanctuaire en l'honneur de la Mère de Dieu.
Son divin Fils lui-même, rendant sa présence Sensible, aurait daigné consacrer ce sanctuaire, comme on raconte qu'il daigna bénir et dédier à son nom celui d'Einsidlen.
Cette tradition est citée avec éloge dans une bulle de Sixte IV, de l'an 1475, où l'on lit ces paroles :
« Attendu, selon ce que nous avons appris, que l'église d'Avignon, desservie par les religieux de saint Augustin, illustre parmi les cathédrales de la contrée, a été bâtie par sainte Marthe, hôtesse du Sauveur, à la gloire de ce Sauveur et de sa sainte Mère, et consacrée par la main du Fils de Dieu, comme la renommée, une ancienne relation et les lettres de quelques pontifes romains l'attestent, etc. »
Au témoignage que nous venons de citer, l'auteur de l'Histoire chronologique de l'Eglise d'Avignon ajoute les paroles suivantes :
« Cette église appelée aujourd'hui Notre-Dame des Doms, dans ses suffrages a toujours fait commémoration de sainte Marthe comme fondatrice, de même que la ville la reconnaît pour particulière patronne et apôtre.
Il reste encore la grotte où elle habitait, qu'on a convertie en une chapelle de son nom ; et dans le vieil office de saint Agricol, le jour de l'Octave, on lit que sainte Marthe fit bâtir un monastère de religieuses sur la roche des Doms. »
Mais lors même qu'on ne ferait pas remonter si haut l'origine de ce sanctuaire bâti en l'honneur de la Mère de Dieu, on ne peut nier qu'il ne soit très-ancien.
Il est certain qu'il fut fondé vers les premiers siècles du christianisme sur les débris d'un temple d'Hercule, bâti par les Romains, qui avaient voulu par là flatter les opinions religieuses des Avignonnais, accoutumés à honorer d'un culte particulier la force personnifiée dans cette divinité.
Au devant du temple, à l'emplacement même où a été élevée en 1819 la croix de mission, sur des pierres extraites de la place de la commune et des restes d'un monument païen, ils avaient consacré une statue à Hercule.
Cette statue a subsisté jusqu'en 1366.
Le peuple, quoique chrétien, était dans l'usage de la couronner de fleurs certains jours de l'année. Urbain V craignant qu'à cette espèce de culte ne se mêlât quelque superstition, la fit briser ainsi que son piédestal ; et les matériaux furent jetés dans les constructions du palais que ce pape faisait élever alors.
Quant à l'église de Notre-Dame, elle fut une première fois restaurée ou peut-être rebâtie sur de plus grandes dimensions par ordre de l'empereur Constantin, et dédiée à la Mère de Dieu, en 326 par Aventius, évêque d'Avignon.
Trois autels y furent élevés et consacrés par le même prélat.
Exposée aux incursions des Francs, des Sarrasins et des autres peuples qui, après la chute de l'empire romain, inondèrent tour-à-tour la Provence, cette église fut ruinée plusieurs fois, ou du moins elle subit fréquemment de notables dégradations.
Charlemagne, marchant sur les traces de Constantin, la releva de ses ruines, ainsi que l'atteste une charte de Louis-le-Débonnaire de 820.
Le roi Louis, de son côté, lui accorda de grands privilèges en considération de ce qu'elle était, dit la charte traduite dans le quinzième siècle, moult ancienne et de fondation royale.
Restauré en divers temps, l'édifice a subi de nombreuses modifications et il présente aujourd'hui aux yeux de l'observateur un tout assez irrégulier, formé de constructions de diverses époques.
Les parties extérieures sont en grande partie ou inachevées ou détruites.
Le porche ou portail, qui est d'un style différent de tout le reste, est un des monuments les plus curieux qu'offre la Provence ; au premier aspect, on est tenté de le croire romain, et plusieurs l'ont pris pour un reste du temple d'Hercule ; le doute ne vient qu'après un sérieux examen ; et lorsqu'il s'agit de lui assigner une date, on est jeté dans une grande incertitude.
C'est à la porte extérieure, une arcade en plein cintre, entre deux colonnes cannelées, soutenant un fronton triangulaire ; la seconde porte, qui s'ouvre sur l'église est semblable, si ce n'est qu'elle est plus basse et que l'angle supérieur du fronton est plus aigu.
Le tympan de ce fronton est orné d'une fresque, bien dégradée maintenant, représentant la Vierge entourée d'anges et offrant les restes d'un beau dessin et une composition simple et grandiose.
Elle ne paraît pas remonter plus haut que le quatorzième siècle. Les chapiteaux, les moulures, les ornements des archivoltes sont d'un style antique et du meilleur goût.
L'intérieur de l'église, qui présente l'apparence d'une basilique romaine, postérieure, à ce qu'il semble, au portail, a été restauré à diverses époques.
La voûte de la partie la plus ancienne est ogivale, en berceau ; tandis que les fenêtres et les arceaux intérieurs et extérieurs des murs latéraux sont en plein cintre.
Les chapelles latérales ont été construites au quatorzième siècle, ainsi que l'abside. Autour de la nef règne une tribune formant une frise surmontée d'une balustrade en pierre à jour, soutenue par des culs-de-lampe d'une riche sculpture, et dont les sujets sont différents les uns des autres, quelque uniformes qu'ils semblent au coup-d'œil. Au-dessus de la porte d'entrée se présente, avec les armes de la ville, cette inscription :
L'autel ancien, recouvert de lames d'argent ciselé, a fait place à un autel en marbre sculpté par Mazetti, en 1823. Cet autel est éclairé par un dôme sur quatre rangées d'arcs doubleaux qui s'élèvent graduellement et portent une voûte en coupole, d'où descend un jour mystérieux. Tous les angles présentent des colonnes comme le pourtour de l'église ; les peintures sont, à ce que l'on prétend, de quelque artiste du règne de Louis XIV.
L'auteur à qui nous empruntons ces détails archéologiques, décrit ainsi le sanctuaire, tel qu'il était avant la révolution et son vandalisme sacrilège :
« Le sanctuaire, pavé de marbre à dessin mosaïque, relevé par trois marches surmontées par une balustrade en marbre rouge, dont il ne reste plus de vestiges, était enrichi d'un magnifique autel en ébène, plaqué d'argent. Le tabernacle, sur lequel était une exposition et deux anges adorateurs, était également en argent. Quatre grandes plaques mouvantes de même métal, représentant, la première, la Nativité ; la seconde, la Résurrection ; la troisième, la Descente du Saint-Esprit sur les Apôtres ; et la quatrième, l'Assomption de la sainte Vierge, formaient le devant d'autel, qui changeait à chacune de ces grandes fêtes. Les gradins étaient également plaqués d'argent artistement ciselé. Outre ces richesses, l'autel était encore chargé de quatre bustes en argent, saint Ruf, saint Vérédème, saint Donat et saint Maxime, évêques d'Avignon.
On voyait au milieu une chapelle d'argent coulée sur le modèle de l'église de Notre-Dame de Laurette, et le chef de sainte Apollonie en vermeil. L'autel était éclairé par six chandeliers colossaux et des lampes en argent, deux croix processionnelles aux deux extrémités ; une grande croix et son Christ en or moulu, dominait ce monceau de richesses.
Cette église fut dépouillée au commencement de la révolution d'environ vingt-cinq quintaux d'argenterie matérielle, de ses diamants et perles fines, de ses rares et précieux ornements, de ses peintures et de son riche mobilier. »
Sous le dôme, du côté gauche de l'autel, se voit un monument qui rappelle de grands souvenirs ; c'est le siège en marbre blanc des papes Clément V, Jean XXII, Benoit XII, Clément VI, Innocent VI, Urbain V, Grégoire XI, qui ont habité Avignon de 1308 à 1377 et des prétendus papes Clément VIII et Benoît XIII, durant le grand schisme d'Occident de 1378 à 1403.
Après l'extinction de ce schisme, le cardinal Pierre de Thurci, légat d'Avignon , avait fait sceller ce siège dans le mur d'une chapelle à douze pieds d'élévation. Mgr Dupont a eu, en 1837, l'heureuse idée de le faire descendre pour s'en servir, aujourd'hui que la pensée du schisme n'excite que des regrets, et de mettre à la portée de l'observateur intelligent un monument aussi intéressant par les détails de sa sculpture que par les souvenirs qui s'y rattachent.
Deux papes, Jean XXII et Benoît XII avaient été ensevelis dans cette Basilique. Le mausolée du premier est un de ses plus précieux ornements.
Ce monument, dit un archéologue bien connu, en style gothique du quatorzième siècle, étale toutes les magnificences de la sculpture la plus fine et la plus diversifiée.
Ce sont les figures les plus gracieuses, entrelacées avec goût et symétrie ; les feuillages ciselés, les festons transparents ; en un mot, toute la somptueuse prodigalité de l'art fécond de cette époque. Plusieurs clochetons ornés de riches végétations s'élèvent graduellement ! pour former une pyramide tumulaire du plus imposant effet.
Ce tombeau fut d'abord élevé au milieu de l'église ; malgré cette position très-incommode, il y demeura pendant 425 ans. Il fut plusieurs fois déplacé et cruellement mutilé en 1793, aux jours de hideuse mémoire ; des hommes stupidement barbares arrachèrent le corps du pontife de son tombeau, où il avait espéré trouver un repos profond jusqu'à la résurrection bienheureuse, et en dispersèrent les lambeaux.
Enfin, ce sépulcre vide a été posé dans la chapelle qu'il occupe, dans l'état où nous le voyons maintenant. »
D'autres personnages distingués s'étaient aussi choisi un asile dans cette antique Basilique.
Leurs monuments ornaient ses chapelles, et leurs dépouilles mortelles y attendaient en paix le réveil de la résurrection.
D'un côté, l'orage révolutionnaire, de l'autre de prétendues restaurations ont fait disparaître en grande partie ces demeures marquées du sceau de la mort, en donnant aux vivants une nouvelle preuve qu'ils ne sont qu'étrangers ici-bas, et qu'ils ne peuvent pas même compter sur la dernière pierre destinée à abriter leur cendre inanimée.
Mais, d'où vient à la Basilique le nom qu'elle porte ? Que signifie le vocable de Notre-Dame des Dons ? On ne saurait en déterminer l'étymologie d'une manière positive et certaine. Ceux-ci prétendent que l'église a été ainsi appelée, parce qu'elle a été rebâtie des dons de Charlemagne ; ceux-là veulent que cette dénomination dérive de la roche sur laquelle elle est assise, qui portait jadis le nom de la Roche-d'Andon, d'où le vulgaire aura fait la Roche du Don ou des Dons. On dit aussi que l'église a été nommée Notre-Dame des Dons, ou Doms, à cause des chanoines reguliers qui l'ont desservie.
Dès le huitième siècle, dit le savant archéologue que nous avons déjà cité, l'évêque Agricol avait fait venir des moines de Lérins, qui avaient reçu une manière particulière de psalmodier à deux chœurs alternatifs. Ces religieux furent sécularisés au neuvième siècle et devinrent plus tard un chapitre très-distingué ; l'église qu'ils desservaient était appelée Ecclesia beatœ Mariœ de Domnis ou Dominis. » Voilà ce qu'on peut dire de plus satisfaisant sur cette question d'une importance secondaire.
Mais, ce qui doit surtout exciter notre intérêt, c'est la dévotion que le peuple fidèle témoignait en ce lieu à la Mère de Dieu.
L'auteur de la triple couronne, témoin oculaire de ce qui se passait à Avignon, il y a deux siècles, dit en propres termes :
« Elle (la Vierge sainte) est spécialement honorée en la cathédrale, où à toute heure l'on voit aborder des personnes ; et il s'en trouve grande quantité qui pour rien du monde ne manqueraient de la visiter tous les jours. »
Et Marie, selon son usage, récompensait la piété des Avignonnais par des témoignages d'une bienveillance spéciale. Nous en avons des exemples dans les Annales des Congrégations de la sainte Vierge, ouvrage qui présente les plus beaux traits de vertu et les faveurs les plus éclatantes qui en furent la récompense. Voici ce que raconte l'auteur des Annales :
« Un Congréganiste qui, dans une affaire de grande importance, avait besoin d'un bon conseil, se rendit, guidé par l'instinct de sa piété, à Notre-Dame des Dons.
Là, il récite attentivement son Rosaire, sollicitant la faveur qu'il était venu réclamer.
Surpris par le sommeil sur la fin de sa prière, il crut voir la Vierge sainte dont le visage ne respirait que bonté et que douceur, et qui portait la joie dans le fond de son âme.
Réveillé par le saisissement même que lui cause la vision, il achève sa prière, et plein de confiance, il regagne sa maison.
La nuit suivante, comme il se livrait au repos, Marie se montre à lui de nouveau et lui désigne la personne qui doit le diriger dans l'affaire qu'il médite.
Le jour commençait à peine à paraître, lorsque le conseiller nommé par la Reine du ciel se présente à la porta du Congréganiste ; et par ses lumières et sa direction, celui-ci échappe à un danger qui aurait gravement compromis sa réputation. »
Ce premier fait est de l'an 1599. En voici un autre arrivé douze ans après :
« Un Congréganiste d'Avignon se rendait à Notre-Dame des Dons, le jour de l'Assomption, pour offrir à Marie le tribut de ses félicitations et de ses prières.
Chemin faisant il rencontre un de ses concitoyens qui attire son attention par sa pâleur et l'air de tristesse qui lui couvre le visage.
Il l'aborde, l'interroge sur la cause du chagrin qui parait le dévorer.
Celui-ci ne dissimule pas au charitable Congréganiste que la cause en est la crainte d'une grave maladie dont il se croit menacé, et que le triste pressentiment qu'il en a le jette dans de mortelles inquiétudes.
Aussitôt le serviteur de Marie l'engage à recourir à cette puissante avocate, l'assure qu'on ne l'invoque point en vain, et que nombre de Congréganistes échappent fréquemment par un effet de ses prières et de sa puissante intercession à des dangers très-réels de mort, et l'excite, en terminant, à se faire recevoir dans la Congrégation et à honorer désormais Marie avec plus de zèle que par le passé.
Ces conseils étaient sages ; mais ils firent pour le moment peu d'impression sur l'esprit de celui à qui on les donnait.
La nuit suivante, vers minuit, l'infortuné qui avait fait la sourde oreille aux avis que la Mère de Miséricorde lui avait adressés par la bouche du Congréganiste, est frappé subitement d'un coup de sang.
Une veine se rompt dans sa poitrine ; il est comme suffoqué.
Il a recours à Dieu et à sa sainte Mère ; il fait vœu de demander l'entrée de la Congrégation, dès que sa santé le lui permettra.
Marie usa de bonté envers lui, elle accueillit sa promesse, et par un rare bonheur dont on reconnut facilement la source, le malade put le jour suivant accomplir son vœu, comme il fit en effet. »
Les dégradations que l'église de Notre-Dame des Dons avait souffertes pendant la révolution, l'espèce d'isolement où elle se trouve sur un rocher, exposée aux ardeurs d'un soleil brûlant, ou à la fureur d'un mistral impétueux, avaient fait comme abandonner cette antique basilique.
L'église paroissiale de Saint-Agricol, plus centrale, avait été restaurée à grand frais et était devenue métropole.
Mais voilà quelques années qu'un pontife plein de zèle pour la gloire de Marie et pour la conservation de ses monuments, Mgr Célestin Dupont, a fait exécuter dans l'église des Dons des réparations qui lui ont rendu son ancien lustre. Elle a repris son titre de métropole ; les louanges de Dieu s'y chantent tous les jours, les offices sacrés s'y célèbrent avec toute la majesté du culte catholique.
Des sommes considérables fournies par la piété des fidèles, l'ont mis à même d'ériger à Marie uns nouvelle statue, monument de la reconnaissance du peuple d'Avignon, pour la protection dont le Ciel l'a couvert pendant que le choléra faisait de si affreux ravagea à Marseille, à Arles et jusque sur son territoire.
La statue exécutée en marbre par un artiste célèbre ( M. Pradier, membre de l'Institut), a reçu la bénédiction du prélat, et a été inaugurée avec solennité le jour de l'Annonciation de l'année 1840.
Voici les chaleureuses paroles par lesquelles le prélat annonçait à son peuple cette belle cérémonie et lui faisait pressentir les nombreux avantages que lui procurerait ce signe de salut destiné à lui rappeler la mémoire de Marie et à ranimer sa confiance envers elle.
Nous vous annonçons aujourd'hui, nos très-chers frères, une nouvelle qui réjouira votre piété.
Un de nos vœux les plus chers est enfin réalisé.
Bientôt vous pourrez contempler cette Image de Marie, objet d'une si vive attente. Nos espérances n'ont point été déçues : l'art s'est inspiré de la religion pour justifier ce que nous disions, il y a plus de quatre ans, et un chef-d'œuvre est réellement destiné à raconter aux générations futures les bienfaits de la Reine du Ciel, et la reconnaissance éclatante de toute une ville envers sa bienfaitrice.
Vous bénirez le Seigneur d'un si heureux résultat, et vous ferez éclater en sa présence une religieuse allégresse.
Que la montagne de Sion tressaille d'allégresse : elle va recevoir de ce précieux dépôt un nouveau lustre. Les fidèles aimeront à contempler sur ce marbre les traits de la Mère des miséricordes, remplissant l'office de médiatrice auprès du souverain Médiateur, et s'interposant entre eux et son divin Fils, pour suspendre les effets de sa colère et puiser dans le trésor de ses grâces : ils aimeront à se prosterner devant cette Statue, qui ne sera pas pour eux un simulacre vain, une lettre morte, mais qui parlera à leurs yeux et à leur cœur un langage propre à exciter leur foi et leur confiance, par qui ils trouveront là une touchante représentation de ce que Marie fait pour eux au ciel ; ils verront dans cette Image comme un signe de salut élevé au milieu d'eux, pour leur rappeler que cette bonne Mère intercède sans cesse en leur faveur, et qu'ils peuvent tout espérer d'elle, s'ils implorent dans la sincérité de leur âme son assistance tutélaire : ils s'empresseront de monter à l'auguste basilique qui domim la cité, et qui indique par sa seule position qu'elle et est l'ornement et la force : ils viendront visiter Marie dans son sanctuaire, déposer à ses pieds le tribut d'une dévotion toute filiale, et solliciter ses bienfaits.
Ce n'est pas en vain que nous l'avons établie notre gardienne ; elle continuera d'écarter de nous les fléaux ; elle amortira les coups dus à nos péchés ; elle nous couvrira de sa protection comme d'un boucher à l'épreuve de tous les traits, et nous trouverons toujours à l'ombre de ses ailes un refuge assuré. Enfants de Sion, réjouissez-vous, puisque Marie semble fixer son tabernacle sur la montagne, et qu'elle s'y montre à vous sous un symbole qui vous révèle toute sa sollicitude et tout son amour ; que les filles de Juda s'associent à votre joie, puisqu'il s'agit d'un bien commun : la gloire de l'Eglise mère rejaillit sur toutes les autres églises du diocèse, et les bénédictions qui découlent de son sein ne sont pas le partage exclusif de la cité d'Avignon ; elles s'étendent à tous nos chers diocésains.
En ce jour solennel nous les plaçons avec nous sous la garde de Marie ; elle aura l'œil ouvert sur son peuple ; sa tendresse ne s'endormira pas au milieu des dangers qui le menacent, si nous mettons nos intérêts entre ses mains, si nous la chargeons de plaider notre cause : ce n'est pas en vain que nos regards se seront élevés vers son trône ; nous en verrons descendre la miséricorde.
Depuis ce temps, la statue de la Vierge sainte occupe la chapelle à droite du milieu de la nef.
Les fidèles qui, même dans les temps où l'antique métropole avait vu sa gloire en grande partie éclipsée et le silence et l'abandon remplacer ses belles solennités, n'avaient pas cependant oublié Notre-Dame des Dons et son culte populaire, s'y portent aujourd'hui avec plus d'affluence.
Entre autre dévotions, le mois de Marie s'y célèbre avec la plus édifiante piété.
Par une sorte de singularité qu'on n'explique pas, mais qu'on doit pourtant respecter, ce n'est point autour de la nouvelle statue que les fidèles aiment le plus à se grouper.
Ils l'admirent certainement, ils apprécient comme il convient le talent de son auteur ; mais ils s'arrêtent de préférence devant une statue vénérée de leurs ancêtres et recommandable par une naïve expression de bonté.
C'est celle-ci, exposée dans la chapelle de Saint-Grégoire, qu'on entoure de lumières et de fleurs, qu'on revêt de superbes ornements, et aux pieds de laquelle on adresse à la Mère de miséricorde des prières ferventes. Marie se plaît à les exaucer, et, quelle que soit l'étymologie du vocable de son sanctuaire, elle en remplit visiblement la signification en montrant qu'elle est là, d'une manière toute spéciale, Notre-Dame des Dons.
Source : Livre "Histoire des principaux sanctuaires de la mère de Dieu" par Firmin Pouget
En savoir plus :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cath%C3%A9drale_Notre-Dame_des_Doms_d%27Avignon
Avignon