• Saint André le Fou, fol en christ (9ème s.)

     
     

     

    Saint André le Fou

     fol en christ (9ème s.)

     

     

    André de Constantinople

     

    André de Constantinople, ou André le Fou, ou André Salos, est un personnage de l'hagiographie byzantine, saint du calendrier de l'Église orthodoxe, fêté le 2 octobre dans le calendrier julien (15 octobre dans le calendrier grégorien) et qualifié de « Fol-en-Christ » (en grec « σαλός »).

    Le manuscrit retraçant sa vie, attribué à Nicéphore Ier de Constantinople, prêtre de la basilique Sainte-Sophie, pourrait être un faux et avoir été écrit autour du Xe siècle.

    Le texte, intitulé La vie d’André le fou, composé en grec sous forme de long roman a été traduit et édité  par le chercheur Lennart Ryden en 1995 de l’Université d’Upssala.

    Le récit raconte la vie et les visions de ce fou du christ ainsi que son voyage au paradis et sa rencontre avec Dieu.

     

    Texte de la Vie

    Ce fut un texte qui a été très diffusé (plus de cent manuscrits en langue grecque, dont le plus ancien, huit folios du Monac. gr. 443, date d'entre le milieu du Xe et le début du XIe siècle).

    Le narrateur place son personnage sous le règne de l'empereur Léon Ier (457-474) et prétend lui-même en être contemporain, se posant en témoin de sa carrière (mais entre autres anachronismes, il présente Syméon d'Émèse, saint du VIe siècle, modèle d'André, comme une figure « de jadis »).

    Il s'agit en fait d'un « roman hagiographique » dont la datation a fait débat parmi les spécialistes ; l'opinion majoritaire, défendue en dernier lieu par Lennart Rydén, éditeur du texte, le situe dans la seconde moitié du Xe siècle ; l'argumentation repose principalement sur une comparaison stylistique et idéologique avec d'autres textes du Xe siècle (dont la Vie de Basile le Jeune, la Vie de Niphon de Constantiana, le prologue de la Vie de Philarète dans sa version remaniée du Xe siècle), l'auteur « romancier » ayant par ailleurs accompli un gros effort d'« antiquaire », oblitérant les marques de son époque.L’auteur ne compare pas André aux autres saints dans son récit, démontrant son caractère artificiel.

    L’auteur savait pertinemment qu’il commettait un anachronisme dans la rédaction de son récit, puisque les Vitae comme style littéraire ne sont pas censés être historiques mais sont plutôt de nature théologique.

    En effet, le récit présente aussi bien des discussions et des épisodes de visites au paradis qu’un récit eschatologique à la toute fin.

    Les récits de l'au-delà du Xe siècle byzantin trouvent leur authenticité dans la valeur du narrateur qui la raconte mais sont également garanties par les témoignages sur lesquels reposent ces récits.

    Ici l'auteur de la Vie d'André se présente comme témoin et confident de la vie du saint, apportant ainsi une authenticité aux visions de l'au-delà.

    Tel que le démontre Patlagean, les auteurs de ce type de récits utilisent autant le factuel que le symbolique, le temps linéaire que le récit mythique et ce, avec une souplesse surprenante.

    Les auteurs byzantins trouvaient l'inspiration dans les écrits chrétiens ou mythiques de l'antiquité pour rappeler la gloire ancestrale de Constantinople.

    Byzance et ses récits de l'au-delà ont un structure qui permettent l'intégration du faire croire comme modèle narratif.

     

    Récit de la vie d'André le fou

    André est  un esclave d'origine Scythe appartenant à un riche habitant de Constantinople du nom de Théognoste.

    Acheté étant enfant, son maître remarqua rapidement sa capacité d'apprentissage et son intelligence vive, il l'introduisit donc aux Écritures saintes qu'il appris rapidement par cœur.

    Il est également mentionné, dans le récit de sa vie, qu’il était d’une grande beauté faisant douter à tous les nobles de Constantinople de son origine étrangère et de basse famille.

    Étant de nature humble et aimé de tous, ses maîtres en firent le secrétaire de la maison, il devint ainsi un intellectuel bien pieu.

    C’est ainsi que débuta ses aventures de «Fol-en-Christ»

    Le monde chrétien byzantin, tout comme celui de l’occident, s’est inspiré des anciens écrits juifs et grec pour sa conception de l’au-delà. Beaucoup des pères de l’Église Orthodoxe citaient 1 Enoch et L’Apocalypse de Paul pour établir ce à quoi pouvait ressembler l’au-delà

    La présence des anges et des démons est très importante dans les textes sur l’au-delà byzantin, ce sont eux qui jugent et apportent l’âme des défunts au paradis ou  en enfer.

    L'auteur dans la Vie d'André fait même mention de la présence d’un dragon féroce qui mangent les âmes des pécheurs.

    Mais avant d’avoir vu les démons, André le fou est invité au paradis et sa description de l’au-delà est plutôt différente de la majorité des écrits chrétiens occidentaux de l’époque tel qu'il le sera démontré dans la section sur la Vision du Paradis. Voici un court résumé de La vie d'André le fou.

    Un jour il a la vision des anges du ciel et d'un combat contre les démons, et du Christ qui lui dit de devenir « fou pour l'amour de [lui] ».

    Envoyé chercher de l'eau au puits, il y est pris de frénésie, ôte ses vêtements et les met en pièces. Son maître, prévenu, le fait enchaîner et transporter dans l'église Sainte-Anastasie pour y être confié aux soins du clergé.

    Mais rien n'y fait : la sainte (Anastasie) apparaît même à André pour l'encourager à continuer.

    Renonçant à le ramener à la raison, Théognoste l'abandonne à lui-même. André vit alors comme un mendiant dans les rues de la ville, adoptant un comportement souvent extravagant et choquant, méprisé de tous et recevant fréquemment des coups, faisant figure de souffre-douleur d'une population cruelle.

    Mais il passe ses nuits en prières, et il ne feint pas la folie devant tout le monde : sont dans la confidence son directeur spirituel, le prêtre Nicéphore, et un disciple du nom d'Épiphane, futur patriarche, dont la jeunesse édifiante est racontée, ce qui fait d'ailleurs dériver le récit du genre de la biographie à celui du « roman » à plusieurs personnages.

    Grâce à sa vie de totale humilité et de parfaite pureté, André est gratifié du don de prophétie et de seconde vue ; il a plusieurs visions du paradis ou de l'enfer dont la description vient souvent interrompre le récit.

    Il a notamment, dans l'église des Blachernes, la vision de la Vierge étendant son maphorion sur les fidèles en prières.

    La fin du texte est occupée par un récit prophétique sur la fin des temps où il annonce à son disciple Épiphane qu'il s'agit de leur dernier entretien.

    André prédira la fin de Constantinople et la construction de la cathédrale Sainte-Sophie où celle-ci s’élèvera dans les cieux pour plonger dans la mer lors de la fin des temps.

    Le récit se poursuit avec André qui affronte plusieurs aventures et reçoit plusieurs visions.

    Le récit de sa vie frôle le fantastique et démontre toute sa piété infaillible comme étant un exemple à suivre pour les chrétiens de Constantinople.

    André vise une vie très pieuse donc lorsqu’il reçoit de l’argent dans la rue il la donne aux mendiants et  ne s’abreuve que dans les trous d’eau.

    Le texte rapporte que plusieurs témoins l'ont vu léviter dans les airs lorsqu’il prie.

    Un jour il frôle la mort, agonisant de froid dans la rue et un ange le sauve en l’emmenant au paradis pour une première fois où Il y voit un paradis céleste d’une grande beauté.

    Il y séjourne deux semaines et rencontre par la suite Dieu sur son trône.

    Lorsqu’il revient il raconte tout ce qu’il a vu à Nicéphore, l’auteur.

    Suite à cette rencontre, André passe ses nuits à prier et à faire le «fou» dans les rues durant le jour.

    Le Diable tente de le piéger sous la forme d’une vieille femme qui le traite de voleur mais réussi à le déjouer en le transformant en serpent. 

    Il est souvent attaqué par des démons qui tentent de le faire pencher vers le péché mais André réussit toujours à leur échapper.

    Il prédit l’accession d’Épiphane à la position de Patriarche ainsi que la construction d’une cathédrale à cinq dômes pour St-Pierre.

    Épiphane, disciple d'André, reçoit même une révélation de Dieu au sujet du rôle d’André dans les cieux, étant à l’image de l’empereur du Paradis. ( Détails expliqués dans le paragraphe sur la Vision du Paradis)

    André établit ainsi les normes de ce qui est moral pour les chrétiens et il lui apparaitra même un grand dragon qu’il associe au péché de l’avarice.

    Il dénonce la fornication et toutes pratiques sexuelles, l’utilisation d’outils pour la magie, les habitudes de voler l’argent chez les moines et aide même Épiphane à surmonter ses désirs charnels.

    L’auteur présente clairement les valeurs religieuses ascétiques qu’André préconise dans toute sa sainteté, démontrant ainsi son importance au sein des personnages religieux de Constantinople.

    Le récit se termine par une Vision de L’Apocalypse et par la mort d’André après soixante-six ans de vie secrète.

    L’épilogue se termine par la présentation de l’auteur qui s'identifie comme étant Nicéphore.

    La présence de dragons qui jugent les pécheurs et surtout les inconduites sexuelles ainsi que la magie et le vol est quelque chose de très commun pour dénoncer un mode de vie pécheur dans les hagiographies de l’époque Byzantine.

    En effet, selon d’autres hagiographies comme la Vie de Niphon,  récit datant de la même époque que la Vie d’André,raconte également les aventures d'une âme qui lors de son périple vers le paradis se fait attraper par un dragon et battre par les démons pour se faire transporter dans les abysses de l’enfer.

    Ceci témoigne du jugement des âmes dans l’après-vie des chrétiens byzantins pour ceux qui ne menaient pas une vite pieuse et pure, digne du Christ.

    La Vision du Paradis

    « Et tout de suite, je fus ravi dans un sommeil profond et agréable sans rien savoir de ce qui m’arrivait.

    Comme si j’avais dormi paisiblement toute la nuit et que je m’étais réveillé le matin, j’ai passé deux semaines là où Dieu l’avait ordonné selon sa volonté.

    Je me trouvais dans un beau et très merveilleux jardin (parádeisos) et j’en étais très étonné dans mon esprit, me demandant ce que c’était [...].

    Il paraissait, en effet, que je n’avais pas de corps car il ne me semblait pas que j’avais de la chair. Cependant, j’étais vêtu d’un vêtement brillant, blanc comme neige (chionoeidês) et garni de pierres précieuses et je me réjouissais beaucoup de sa beauté.

    Je regardai le sommet de ma tête et j’y vis une couronne (stéphanos) parée de toutes sortes de fleurs, brodée d’or et resplendissante ; j’avais des chaussures (hupodêmata) aux pieds et une ceinture autour de la taille d’un rouge merveilleux (zônê dè êmên diezôsménos hôs kókkinon phoberóbaphon).

    L’air dans le jardin brillait d’une lumière indescriptible, faisant chatoyer la couleur des roses.

    Un arôme étrangement changeant saisit mes sens et remplit mes narines de plaisir.

    Comme un empereur (basileus), je marchais dans le jardin de Dieu en me réjouissant énormément de me sentir au-dessus de la condition humaine.

    Dieu a planté plusieurs arbres dans ce jardin qui ne ressemblent pas aux arbres du monde, à Dieu ne plaise ! ; ils sont toujours verts et de nature différente, ruisselant de miel, garnis d’un riche et agréable feuillage, avec des branches qui s’inclinent et se redressent en vagues les unes vers les autres, répandant du bonheur et ressemblant au givre du ciel ; ces arbres réjouissent les justes et transforment l’âme en un feu de plaisir, d’allégresse et de joie.

    Il était étrange que ces arbres divers aient une apparence et une beauté différentes ; certains avaient des fleurs impérissables, d’autres seulement des feuilles ; Dieu avait ordonné que certains soient parés de fruits, d’autres avaient des fleurs, des feuilles, du charme et un aspect étrange, d’autres encore avaient des fruits précieux, merveilleux et inouïs.

    Un grand prodige était qu’il y avait dans les arbres des oiseaux, des moineaux et des cigales et d’autres espèces merveilleuses, avec des ailes d’or et de neige.

    Quelques-uns étaient perchés sur les branches, chantant et gazouillant, et le chant de leurs belles et charmantes voix s’entendait jusqu’à l’extrémité du ciel.

    Mais lorsque j’essayai de regarder ces petits oiseaux, mon esprit fut transporté en extase.

    Leur beauté semblait si étrange et si grande comme celle des roses ou des lys ou d’une autre sorte de fleur que je ne pouvais nommer.

    Émerveillé dans mon esprit par la beauté du premier oiseau, je regardai en haut de nouveau et j’en vis un autre dont la couleur avait une gloire et une apparence différentes.

    Puis, de nouveau, je vis un troisième oiseau merveilleux.

    Leur agréable chant incessant remplit mon cœur de la plus grande joie.

    Qui peut dire l’étrange et accablante beauté de tout ce qu’on pouvait y voir ?

    Tous ces arbres étaient alignés en deux lignes de bataille les uns derrière les autres. Heureuse soit la main qui les a plantés ! »

    Cette vision du paradis ne ressemble pas aux descriptions typiquement chrétiennes de l'Occident car l'au-delà byzantin ressemble aux jardins orientaux de jadis.

    Il existe toutefois dans la littérature chrétienne ancienne des textes qui sont semblables dont la Passion de Perpétue et félicité datant du IIIe siècle.

    Ce qui permet d'étayer la thèse selon laquelle les auteurs du Moyen Âge byzantin utilisaient comme modèles des textes de l'antiquité.

    Suivant son séjour de deux semaines au paradis, alors qu’il est en moment d’extase, il reçoit la visite d’un homme mystérieux qui l’emmène par delà les jardins rencontrer Dieu qui siège sur son trône céleste.

    Sa vision du paradis servira à établir son rôle important en tant que serviteur de Dieu et ceci établira son autorité sur le mode de rédemption des chrétiens pécheurs pour leur éviter un jugement sévère dans l’au-delà.

    Dans le récit de cette vision d’André Salos, les vêtements qu’il porte au paradis ont une signification importante dans la symbolique byzantine.

    En effet, il porte une robe blanche ornée d’une ceinture pourpre et des chaussures. Le pourpre et les chaussures évoqueraient la grâce dont la description proviendrait de l’Ancien Testament.

    Le pourpré fait partie du vêtement sacerdotal tandis que la ceinture est liée à la célébration de la Pâque.

    Notons également qu’André porte une couronne sur sa tête lorsqu’il est au paradis et son vêtement est serti de pierres précieuses.

    Cet habillement fait référence, selon le chercheur Andrei Timotin, aux insignes impériaux par excellence.

    En effet, seul l’empereur se voyait autorisé à porter une couronne ainsi que des chaussures couvertes de pierres précieuses.

    On assiste donc ici, selon l’hagiographe d’André, à une personnification d’André comme empereur dans les cieux qui dépasse sa condition humaine.

    Depuis le VIe siècle  il aurait été commun d’associer les cours impériales terrestres à la cour céleste des cieux.

    André devient donc un «empereur» élu au royaume des cieux et doit donc être représenté par des symboles de l’institution impériale pour faire valoir son rôle important et hors de l’ordinaire.

    Pour ce qui est du jardin céleste décrit dans la vision du paradis d’André, nous retrouvons habituellement dans les textes méso-byzantins des descriptions plutôt pauvres du paradis et qui contiennent des personnages à formes humaines.

    Dans le cas d’André Salos, la description du jardin céleste est très détaillée et ne contient personne sauf lui-même.

    Les détails qui y sont présentés rappellent ceux de la cosmologie ancienne des grecs.

    En effet, dans la vision de Salos, les arbres du paradis qui s’entrelacent rappellent le jardin de Longos d’Achille Tatius ainsi que l’éloge à la beauté des oiseaux qui rappellent les romans byzantins.

    Beaucoup d’autres éléments du paradis d’André Salos semblent se référer aux textes grecs dont le fleuve qui abreuve les plantes tel le fleuve du jardin d’Alcinoos dans l’Odyssée ( VII,129-130 ).

    L’hagiographe d’André semble avoir connu ces sources de l'antiquité et s’en serait inspiré pour rédiger sa description du paradis.

    Tel que l’évoque Timotin : «  Chez les auteurs chrétiens la forme d’une comparaison avec l’Éden, de sorte que tous les jardins byzantins- et en premier lieu les jardins impériaux- furent par la suite conçus comme de nouveaux paradis»

    Cela explique donc très bien la description du paradis que voit André Salos, comme étant un jardin impérial, lui-même devenu «empereur» de ce jardin où il se trouve en extase devant tant de splendeur.

    Le mélange d’éléments de l’antiquité gréco-romaine et des jardins impériaux byzantins est issu d’une transformation de l’héritage à Byzance et bien sûr de l’évolution d’une idéologie impériale.

    On y voit donc une visée théologique, certes, mais également politique puisque l'on considère que les palais de Constantinople et leurs jardins sont le reflet du paradis, posant ainsi la supériorité du royaume Byzantin sur celui de l'Occident.

    La figure du Salos

    La figure de Salos était populaire au Moyen Âge Byzantin et les chercheurs spécialisés dans l'histoire byzantine croient que l’auteur de l’hagiographie d’André  se serait basé sur d’autres figures de Salos dont Siméon le «fou» d'Émèse.

    Siméon était lui aussi un ascète qui eut accès au don de vision pour sa vie pieuse extrême.

    La source étymologique du mot «fou», en grec «salos» fait référence, pour l’époque du royaume byzantin, à des personnes qui feignaient d’être fous pour atteindre un état spirituel élevé.

    Ce style de vie était basé sur les préceptes de Saint Paul qui encourageait à être «fou» pour le Christ dans un monde où la «sagesse de ce monde est folie devant Dieu» (1 cor 3,18)

    Le sens des versets de Paul sont précis; la sagesse et la folie tels que nous les percevons sont des constructions sociales.

    La personne religieuse qui désire se rapprocher du Christ dans sa «folie» devra devenir «extrême» aux yeux de la société pour atteindre cet état de grâce.

    Les «fous» du Christ sont donc des personnes qui dévient des normes sociales établies.

    C'est ce que tentera de faire André tout au long du récit pour se mériter une place spéciale auprès de Dieu et il y parviendra, tel qu'expliqué lors de sa montée au paradis.

    Les Vies des saints démontrent la «folie» de leur personnage comme étant quelque chose de cachée aux yeux de la société et dont seul le biographe peut attester.

    En effet, dans le récit de la Vie d'André, l'auteur rencontre le saint et il est le seul au courant de ses visions, ce qu'il mettra par écrit.

    Ceci bien sûr est fictif mais nécessaire dans le style littéraire hagiographique pour convaincre les lecteurs de la véracité du récit.

    Les principales différences avec le modèle de Syméon d'Émèse sont les suivantes : André n'est pas un ancien moine ni ermite ; il se fait « σαλός », sans préparation particulière, dans son lieu de vie antérieur, Constantinople, pour échapper à la servitude qui lui interdit l'accès à l'état religieux ; il est dans une démarche de perfectionnement personnel plutôt que dans une mission d'aide aux « brebis égarées » d'une cité ; il est une figure de prophète et de visionnaire, et sa Vie a un caractère largement apocalyptique ; il révèle délibérément son vrai visage à certains privilégiés, qui deviennent ses disciples (Épiphane), alors que Syméon, ayant contre son gré un témoin qui l'a percé à jour (nécessité narrative), accomplit sa vocation sans chercher aucun disciple. La figure du « Fol-en-Christ » est donc profondément transformée dans l'esprit entre les deux textes.

    Source :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_de_Constantinople

     

    Saint André le Fou, fol en christ (9ème s.)

     

     

    Notre Saint Père André était un esclave d'origine scythe, qui vivait à Constantinople, au service d'un dignitaire de la Garde impériale (protospathaire)(1).

    Il apprit rapidement les lettres sacrées et profanes, et faisait l'admiration de son entourage pour son savoir.

    Une nuit, alors qu'il se tenait en prière, il vit avec effroi une armée d'Éthiopiens prête à affronter une troupe d'hommes blancs.

    Invité à engager un combat singulier contre le champion des barbares, André l'étendit à terre et en récompense il reçut d'un Ange trois couronnes, alors que le Christ, apparaissant sous l'aspect d'un jeune homme, lui disait : « Mène, nu, ce bon combat, et fais-toi fou pour Moi, afin d'être digne du Royaume des cieux ! »

    Dès le lever du jour, obéissant à cet ordre divin, André entama sa carrière de fou pour le Christ en coupant sa tunique avec un glaive et poussant des cris qui effrayèrent toute la maisonnée.

    Son maître, le croyant possédé, le fit enchaîner et garder à l'église Sainte -Anastasie -Pharmaco lytria (cf. 22 déc.).

    Il y passait ses jours à contrefaire la folie par toutes sortes d'excentricités, et priait toute la nuit, confirmé dans cette voie par l'apparition de Sainte Anastasie.

    Une nuit, il fut assailli par une troupe de démons; mais dès qu'il appela Saint Jean le Théologien à son aide, le Saint apparut dans un coup de tonnerre, dispersa les démons au moyen de la chaîne qui entravait André, et lui promit son assistance dans la suite de ses combats.

    Lors d'une autre vision nocturne, il fut invité à servir un roi dans son palais, et reçut de la neige à manger, qui se transforma en un parfum céleste.

    Puis on lui offrit des fruits amers - symboles de la voie étroite qu'il devrait suivre -, et après cela une nourriture exquise lui fut donnée, qui lui procura une divine extase.

    Libéré après quatre mois de détention dans l'église, André commença à se comporter en public à l'imitation de saint Syméon le Fou (2).

    Mais, alors que Syméon usait de la folie, sous forme d'ironie ou de dérision, pour condamner les pécheurs et les vaines valeurs de ce monde, Saint André, par ses facéties, s'offrait plutôt au mépris et aux mauvais traitements, à l'imitation du Christ, pour manifester la "folie de la Croix" (cf 1 Cor. 1:18).

    Appliquant à la lettre les paroles de l'Apôtre qui a dit : « Nous sommes fous à cause du Christ » (I Cor. 4:10), il s'offrait volontairement à la dérision et aux coups, et se faisait "la balayure du monde, l'universel rebut" (I Cor. 4:13), pour acquérir le Royaume des cieux et y entraîner les autres.

    Entrant un jour dans une maison de tolérance, protégé par la grâce, il resta impassible face aux provocations des prostituées qui finalement le dépouillèrent de ses vêtements et le chassèrent revêtu seulement d'un paillasson, qui devint son costume habituel.

    Il errait dans les rues, sans logis, et distribuait aux pauvres les aumônes qu'il recevait.

    Jamais il ne demandait de nourriture, se contentant d'un demi pain sec par jour, et il restait même des semaines entières sans manger.

    Pour étancher sa soif, il lapait les flaques d'eau boueuse, et devant ce spectacle les passants indignés le rouaient de coups et l'injuriaient.

    La nuit, il allait s'étendre avec les chiens errants.

    Un soir d'hiver, comme il essayait de se blottir contre l'un d'eux pour se réchauffer, l'animal s'éloigna avec dédain.

    S'offrir à la plus complète déréliction était pour le bienheureux une source de délices ; mais la prière ne quittait jamais ses lèvres, et l'on pouvait distinguer en tout temps une sorte de bouillonnement dans sa bouche, comme les Apôtres le jour de la Pentecôte.

    Lorsqu'il priait la nuit, il était souvent élevé de terre et son esprit se trouvait ravi en d'ineffables extases.

    Lors de cette même nuit d'hiver, où les chiens mêmes l'avaient rejeté, il fut transporté par Dieu en extase, délivré de la lourdeur de la chair, revêtu d'une tunique lumineuse et couronné comme un roi.

    Il se trouva au centre d'un jardin merveilleux, rempli de plantes surnaturelles et d'oiseaux dorés, au centre duquel s'étendait largement une grande vigne aux grappes d'une taille extraordinaire.

    De là un ange le conduisit au-dessus du firmament, dans un lieu d'une beauté indescriptible, où il vit la Croix entourée de quatre voiles.

    Un autre ange le mena ensuite dans un lieu plus élevé, où il vit deux croix semblables à la précédente ; puis il fut conduit au troisième ciel - que seul Saint Paul avait été jugé digne de voir avant lui -, et il y contempla trois Croix, éclatantes comme l'éclair, entourées d'une armée céleste qui louait Dieu.

    Il passa alors au-delà d'un voile de lin et de porphyre, et parvint à un lieu encore plus resplendissant, où se tenait une assemblée innombrable de jeunes gens plus lumineux que le soleil.

    Un Ange leva le dernier voile et André put contempler le Trône de Dieu, suspendu en l'air, sans assise, d'où sortait une flamme blanche.

    Le Christ s'y tenait assis, et Il restreignit un peu Sa gloire pour laisser André jouir, pendant un instant seulement, de la splendeur de Sa divino-humanité, puis Il devint invisible.

    Une voix plus douce que le miel prononça alors à trois reprises trois Noms divins mystérieux, et aussitôt le Saint fut ramené dans le jardin, où il rencontra un homme lumineux, tenant une croix, qui le bénit en disant : « Bienheureux êtes-vous les fous, car vous possédez une grande sagesse. Que la Crucifixion de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec toi ».

    Puis il le renvoya, avec pour mission de renverser le Prince de ce monde, en assumant volontairement la dérision et la persécution des hommes.

    Reprenant ses facéties avec une audace redoublée, André fit la connaissance d'Epiphane, un jeune noble de dix-huit ans, chaste et doux, qui devint son protecteur et son fils spirituel, et auquel André prophétisa qu'il deviendrait patriarche de Constantinople (3).

    Ayant été hébergé dans la demeure d'Epiphane, le Saint y blâma, sous forme de paraboles, les péchés des serviteurs de diverses nationalités, dans leur propre langue.

    Il avait refusé le lit qu'Epiphane lui proposait et passait ses nuits dehors, sur le fumier.

    Mais il ne tarda pas à reprendre sa vie errante dans les rues, en s'offrant aux jeux cruels des garnements et aux coups des passants.

    Lorsqu'il s'adressait aux hommes, il les appelait toujours : "Fous", ou "Insensés", mais il se condamnait aussi constamment lui-même avec la plus grande humilité.

    Lors d'une nouvelle vision du Malin et de ses troupes de démons, qui lui reprochait d'amener au repentir les hommes qu'il tenait en sa possession, en leur révélant leurs péchés par ses actes prophétiques, André entra dans une violente altercation avec le Prince des ténèbres; mais celui-ci n'avait aucun pouvoir contre l'homme de Dieu, car il s'était dépouillé de tout attachement terrestre.

    Une nuit, le démon le fit tomber dans une fosse, mais dès que le Saint invoqua Saints Pierre et Paul, les deux Apôtres apparurent, le tirèrent du bourbier, et une croix lumineuse vint l'éclairer pendant le reste de son chemin.

    Au cours d'une grande peste, qui s'était abattue sur la capitale, malgré les moqueries des badauds, le Saint passait dans les rues et sur les places en pleurant et intercédant pour la ville, et demandant à Dieu le pardon des péchés du peuple.

    Comme il se tenait en prière, il fut transporté à Anaplos en Thrace, où il vit Saint Daniel le Stylite (cf 11 déc.) qui l'invita à unir leurs prières pour le salut de la cité. Un feu descendit alors du ciel et chassa le démon qui avait provoqué cette épidémie.

    Saint André ne se lassait pas de reprendre les pécheurs, soit par des avertissements, soit par des prophéties sur leur châtiment à venir, lesquelles ne manquaient jamais de se réaliser sous peu.

    Passant un jour devant les marchandises de luxe étalées au marché, il s'écria : « Paille et ordure! »

    Une autre fois, sur la proposition malicieuse de vagabonds farceurs, il se mit à manger avidement les belles figues fraîches exposées dans l'échoppe d'un maraîcher, pendant que celui-ci faisait la sieste.

    Lorsque le marchand se réveilla, surprenant le Saint, il saisit un bâton et le roua de coups.

    André se laissa frapper sans résistance, et révéla ensuite que s'il avait été frappé à cause de sa gourmandise, combien plus les pécheurs qui ne se repentent pas seront-ils châtiés par Dieu éternellement.

    Ayant reçu le don de clairvoyance, il dénonçait la piété hypocrite de ceux qui se tenaient à l'église en entretenant des pensées mondaines ou chantaient par vaine gloire et ostentation ; et il discernait les démons de l'indifférence, du bâillement et de l'acédie, qui suggéraient à leurs victimes de quitter l'église avant la fin de l'office.

    A l'issu du Carême, il distinguait l'état spirituel de chacun : voyant les hommes vertueux couronnés de lin fin et les pécheurs avec des bestioles immondes suspendues à leurs vêtements.

    Mais son soin allait tout particulièrement à l'éducation spirituelle d'Epiphane, la seule personne avec laquelle il parlait de manière sensée.

    Il l'instruisait avec science dans la lutte contre les démons, et le laissait parfois être tenté par eux, pour acquérir la patience et devenir, sous le feu des épreuves, un digne pain du Christ.

    Il l'enseignait aussi sur les mystères de la création, sur le monde spirituel, et surtout, il lui révéla, avec de nombreux détails inconnus de l'Écriture, ce qui allait arriver à la fin des temps, lorsqu'à l'issue de terribles épreuves, invasions et catastrophes naturelles, l'empereur des Romains ira remettre sa couronne sur la Croix à Jérusalem, avant que celle-ci soit emportée au ciel par un Ange.

    Ainsi s'achèvera le temps de l'Empire chrétien, instauré par Saint Constantin. Peu après, Constantinople - que les Byzantins de ce temps considéraient souvent comme devant être éternelle -, sera engloutie dans les flots, comme Babylone (Apoc. 18, 2 1), et la royauté juive sera restaurée à Jérusalem.

    Tous croiront à l'Antéchrist, qui y règnera comme seul souverain sur terre et persécutera les Chrétiens.

    Le Christ apparaîtra ensuite pour mener le grand combat contre l'Antéchrist, et lorsqu'Il l'aura vaincu, Il l'amènera, lui et ses démons, devant le Tribunal de Dieu, pendant qu'une trompette retentira, annonçant la résurrection des morts.

    Après le Jugement, quatre Anges se tiendront aux quatre extrémités de la terre et ils l'enrouleront sur l'ordre du Seigneur.

    L'univers entier sera alors renouvelé, des "cieux nouveaux et une terre nouvelle" apparaîtront, pour être conformes aux corps incorruptibles des hommes ressuscités.

    Tout sera alors incorruptible et éternel, et un parfum indicible remplira l'univers illuminé par une lumière sans soir.

    Un jour qu'André et Epiphane s'étaient rendus à l'église des Blachernes, pour la vigile qui y avait lieu chaque semaine, ils virent la Très-Sainte Mère de Dieu s'avancer des Portes Saintes, escortée par un grande foule de Saints, parmi lesquels Saint Jean Baptiste et Saint Jean le Théologien, et recouvrir le peuple de son voile (4).

    Une autre fois, comme Saint André lisait à son disciple un texte de Saint Basile, un parfum céleste se répandit autour d'eux.

    A la question d'Epiphane, le Saint répondit que cette bonne odeur est prise par les Anges du Trône de Dieu, pour qu'ils encensent et honorent les hommes à trois occasions : quand ils prient, quand ils lisent les Livres Saints et quand ils souffrent avec patience par amour de Dieu.

    Quelque temps après ses révélations sur la fin des temps, Saint André annonça à Epiphane sa mort prochaine ; mais il lui interdit de faire honorer sa mémoire ou de garder ses Reliques, car il avait fait vœu devant Dieu de ne jamais être glorifié sur la terre. Il lui renouvela sa prédiction quant à son élection au Patriarcat, et lui promit de toujours l'assister invisiblement, à condition qu'il montre sa sollicitude envers les pauvres, les veuves, les orphelins et tous ceux qui sont dans l'épreuve.

    Puis il se rendit à l'Hippodrome, sous le portique où avaient coutume de se tenir les prostituées, et y pria toute la nuit pour le monde entier.

    Une fois sa prière achevée, le bienheureux s'étendit à terre et, regardant en souriant les Saints qui étaient apparus en grand nombre pour l'assister, il remit son âme à Dieu, à l'issue de soixante-six années de combats ascétiques cachés sous le voile de la folie.

    Une pauvre femme, qui habitait à proximité, attirée par une forte odeur d'encens qui avait rempli l'atmosphère, accourut et découvrit son corps; mais lorsque la foule, avertie par elle, se précipita vers la dépouille du Saint, celle-ci avait disparue, emportée par Dieu dans un lieu inconnu.

    Cette nuit-là, Epiphane vit l'âme de son père spirituel, sept fois plus lumineuse que le soleil, enlevée au ciel en présence d'une myriade d'Anges.

    1). Son biographe, Nicéphore, qui rédigea sa vie entre 920 et 956, le place, de manière très anachronique, sous le règne de Léon 1er (457-474). On pourrait plutôt le situer sous le règne de Léon VI le sage (886-911), bien que certains historiens, se fondant sur ces contradictions chronologiques, considèrent qu'André est un Saint fictif, inventé par son biographe à des fins d'éducation.

    2). St. Syméon (VIe s., cf. 21 juil.) est le principal et le plus expressif représentant de ce genre de Sainteté exceptionnel, qui est en général déconseillé par les Pères. Dans l'Eglise grecque on vénère aussi Sts. Isidora de Tabennêsis (ler mai), Paul de Corinthe (6 nov.), Sabas de Vatopédi (5 oct.), Nicodème le Nouveau (cf. 24 nov. suppl.), et d'autres Saints qui ont adopté provisoirement la folie, comme St. Maxime le Kavsokalyvite (cf. 13 janv.) ou Gédéon de Caracallou (cf. 30 déc.). Mais c'est surtout en Russie que cette forme de sainteté connut une grande popularité. L'Eglise a canonisé trente-sept "Fous" : cf. par ex. Sts. Jean le Chevelu de Rostov (3 sept.), Maxime de Moscou (11 nov.), Cyprien de Souzdal (2 oct.), Syméon de Yurieviets (4 nov.), Procope de Vyatsk (21 déc.), Michel de Klops (11 janv.), Galaction (12 janv.) et Théodore de Novgorod (19 janv.), Xénie de Saint-Pétersbourg (11 sept., 24 janv.), Nicolas (28 fév.) et Isidore de Rostov (4 mai), Jean (29 mai) et Procope d'Oustioug (8 juil.) etc.. En Russie, avant la Révolution, il n'y avait guère de village qui n'eût son propre Yourodivy.

    3). Il pourrait donc s'agir de St. Polyeucte (956-970, cf. 5 fév.) ou de St. Antoine III (974 980, cf. 12 fév.).

    4). Distinct du miracle habituel, qui se produisait chaque vendredi dans ce sanctuaire, et au cours duquel le voile qui recouvrait une Icône de la Vierge se soulevait de lui-même et se maintenait en l'air, ce miracle a fourni le thème de la fête de la Protection de la Mère de Dieu (cf 1er oct.), laquelle fut, semble-t-il, instituée en Russie au Xlle s., et de là se diffusa en Grèce au siècle dernier.

    Source

     

    Apparition de la Vierge

    Au Xe siècle, un 1er octobre, André et l'un de ses disciples, Epiphane, prient dans l'église des Blachernes à Constantinople.

    Le saint vit de ses yeux la Mère de Dieu, de taille élevée, qui s'avançait dans l'église, environnée par un grand cortège de saints et entouré du précurseur Jean-Baptiste et de saint Jean l'Évangéliste.

    La Vierge pria longuement avec des larmes, puis s'avança vers l'autel et, là, elle déploya le voile étincelant qui couvrait sa tête et le maintint étendu de ses deux mains pour en couvrir tout le peuple.

    Durant un temps assez long, les deux voyants virent le voile briller au-dessus de la foule et faisant rayonner tout autour une gloire divine à la manière de l'électrum.

    Depuis le XIIème siècle, la fête byzantine de Pokrov ou "patronnage de Marie" commémore cette apparition.

    Source : Dictionnaire des apparitions de la Vierge de l'Abbé Laurentin

    En savoir plus :

    Blachernes : Notre-Dame de Pokrov

     

     

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