• Notre-Dame de Vaudouan (Briantes)

     

     

     

    Notre-Dame de Vaudouan

    (Briantes)

     

     

     

    Mais il est dans l'arrondissement de la Châtre un sanctuaire non moins vénéré, un pèlerinage non moins fréquenté que tous ceux que nous a offerts jusqu'ici le diocèse de Bourges : c'est la chapelle de Notre-Dame de Vaudouan, située à cinq quarts de lieue de la Châtre, dans la paroisse de Briantes, au milieu d'une lande déserte et inculte où l'on ne trouve que fougères, genévriers et bruyères.

    S'il faut en croire l'auteur d'une histoire de Vaudouan imprimée en 1817, cette dévotion remonterait à l'époque même où saint Ursin et saint Juste vinrent apporter en Berri le flambeau de la foi, c'est-à-dire vers la lin du premier siècle ou le commencement du second ; mais cette conjecture est dénuée de preuves solides ; et le sentiment le plus vraisemblable est que cette dévotion prit naissance dans l'an 1013, sous le règne de Robert le Pieux.

    Le 25 mars de cette année, selon la légende, une jeune bergère s'étant enfoncée dans le bois de Vaudouan pour aller réciter quelques prières en l'honneur de Marie aperçut flottant sur l'eau d'une fontaine une statue de bois.

    Étonnée, elle retourne promptement informer ses compagnes de la découverte qu'elle vient de faire ; et accourant toutes ensemble, ces jeunes bergères retirent de l'eau la statue merveilleuse : c'était une statue de la Vierge portant sur son bras droit l'Enfant Jésus qui tenait dans ses mains une colombe.

    Elles l'emportent avec bonheur, la remettent au curé de Briantes ; et celui-ci la place dans l'église.

    Le lendemain, dit la légende, l'image étant revenue d'elle-même à la fontaine, on la porta chez les religieux de Saint-Vincent de la Châtre ; limage s'en retourna une seconde fois au même lieu.

    On conclut de là que la sainte Vierge voulait être honorée là où on l'avait trouvée et aussitôt on se mit en devoir de lui élever avec des branches d'arbres une petite chapelle, qu'on recouvrit de bruyères.

    Mais les seigneurs du Virolant, dont le château était peu éloigné, trouvant ce sanctuaire improvisé peu digne de la Mère de Dieu, lui élevèrent une chapelle convenable, à cinq cents pas de la fontaine, dans une clairière de la forêt, qu'on crut désignée pour cette construction par une indication miraculeuse qu'il serait trop long de raconter.

    Le jour de la bénédiction de la chapelle fut une grande fête pour tout le pays ; une foule immense s'y rassembla avec le clergé des paroisses voisines.

    On commença par bénir le nouveau sanctuaire ; puis on alla en procession, prendre la statue à la chapelle en feuillage qui l'abritait provisoirement ; on la transporta en grande pompe à la chapelle neuve ; on l'y installa, on l'y pria avec ferveur, en lui promettant d'y revenir ; et depuis ce temps, en effet, Notre-Dame de Vaudouan n'a cessé d'être l'objet de la vénération publique, un but de pèlerinage pour tout le pays.

    Les seigneurs du Virolant, non contents d'avoir élevé ce sanctuaire à Marie, construisirent près de la quelques bâtiments pour l'aumônier et les pèlerins, y attachèrent des prés, des bois, des rentes et autres revenus.

    En 1291, Regnaud Raymbues, chanoine de la Châtre et seigneur du Virolant, voulant assurer le service régulier d'un pèlerinage qui avait pris tant d'importance, y fonda une vicairie perpétuelle par un acte authentique qui porte la date du jeudi après le dimanche Lœtare, c'est-à-dire le quatrième dimanche de carême, et dont la copie se conserve encore aux archives de l'Indre.

    A cet effet, il donne d'abord sa chapelle de Vaudouan, ainsi qu'il s'exprime, preuve qu'il la possédait comme propriété particulière, en tant que seigneur du Virolant, puis les maisons et chezeaux dudit lieu, les terres, les prés, les bois et les rentes qui dépendent de ladite chapelle, sa maison de la Châtre avec le jardin et le pré qui y sont attenants, une ouche, cinq vignes, un cellier et le pressoir qu'il renferme, situé dans le grand bourg de la Châtre, in magno vico de Castra, les rentes de blé qui lui appartiennent dans les paroisses de Chassignoles, Crozon et Jouhet, enfin un missel et un bréviaire qui doivent être achetés de ses deniers ; mais il stipule d'autre part que ceux qui seront successivement pourvus de cette vicairie seront tenus de payer les cens et rentes de ces dits biens, de résider personnellement à Vaudouan, de célébrer ou de faire célébrer à perpétuité trois messes chaque semaine dans ladite chapelle, pour le repos de son âme et de celle de ses parents ; et que cette vicairie, après avoir été conférée une première fois par ses exécuteurs testamentaires, le sera ensuite par le prieur et les chanoines de Saint-Germain de la Châtre.

    Du droit de collation que cet acte lui conférait, le chapitre de la Châtre conclut qu'il était propriétaire de la chapelle et de ses dépendances.

    On contesta cette prétention du chapitre ; Rome la maintint par une double sentence.

    Le curé de Briantes revendiqua à son tour la propriété du pèlerinage comme étant sur sa paroisse ; l'autorité métropolitaine se prononça, comme le saint siège, en faveur du chapitre ; et celui-ci, au lieu de nommer un vicaire pour desservir la chapelle, comme le portait l'acte de donation, afferma le poste à un de ses membres. L'adjudication avait lieu le mardi de la Pentecôte ; et le chanoine à qui elle était adjugée résidait sur les lieux pendant toute la durée de son bail.

    Par là, le chapitre évitait toute contestation ; peut-être aussi un motif d'intérêt n'était-il pas étranger à cette mesure : car ce bénéfice plaçait le titulaire dans une position aisée, malgré les redevances auxquelles il était soumis : un bail du 17 janvier 1550 nous apprend que l'hôtellerie seule, bâtie en faveur des pèlerins, était louée à cette époque, avec ses appartenances, quatre cent quarante livres tournois par an, somme considérable pour le temps ; et à ce premier revenu s'ajoutait la location des autres propriétés données à la chapelle.

    Les choses demeurèrent dans cet état jusqu'aux dévastations du protestantisme.

    Alors le duc de Deux Ponts, luthérien forcené, qui avait amené d'Allemagne treize mille lansquenets pour prêter main-forte aux protestants, entra dans le Berri comme un torrent dévastateur ; il ravagea et incendia plusieurs églises, entre autres, celle de Notre-Dame de Pontigny ; de là il tomba sur Vaudouan dans la nuit du 10 au 11 août 1569 et mit le feu à la chapelle. Mais les flammes ne dévorèrent que le sanctuaire et épargnèrent la statue.

    A la nouvelle d'un tel désastre, ce fut une désolation générale dans toute la contrée.

    Les fidèles supplièrent les chanoines de Saint-Germain de la Châtre, en promettant leur concours, de rebâtir promptement la sainte chapelle.

    Ceux-ci, malgré les pertes subies dans la guerre dont les protestants inondaient tout le pays, accueillirent favorablement cette prière ; et dès que leur détermination fut connue, chacun se mit à l'œuvre pour leur venir en aide ; les colons firent de nombreuses corvées, les riches envoyèrent leurs dons en abondance, les paroisses voisines y ajoutèrent leurs offrandes ; et grâce au généreux concours que prêta à la bonne œuvre l'enthousiasme général, Notre-Dame de Vaudouan fut promptement réédifiée.

    En 1630, M. de Maulmont, seigneur du Virolant, avec la permission du chapitre de la Châtre, ajouta au sanctuaire vénéré une petite chapelle, en se réservant le droit d'y avoir un banc seigneurial, d'y peindre ses armes sur les vitraux et d'y être inhumé lui, sa famille et ses successeurs.

    En 1648, le chapitre, voyant de jour en jour s'accroître la dévotion à Notre-Dame de Vaudouan, comprit la nécessité d'agrandir la chapelle ; et, en conséquence, il la fit allonger de trente-trois pieds derrière le grand autel.

    Une partie de la nouvelle construction fut affectée à la sacristie, l'autre au sanctuaire, au fond duquel on recula le grand autel, et qu'on décora d'un grand tableau de l'Annonciation, dû au pinceau du célèbre Boucher, une des gloires de Bourges.

    Le 5 août 1668, on bénit les constructions nouvelles qui transformaient la chapelle de Vaudouan en une véritable église.

    Cette église, en effet, outre le sanctuaire et la sacristie dont nous venons de parler, avait une nef de quatre-vingt-dix-neuf pieds de long avec deux chapelles latérales, l'une adroite appartenant aux seigneurs du Virolant, l'autre à gauche, dite la chapelle de Créquy, d'un seigneur de ce nom qui en avait obtenu la jouissance.

    Le porche ou vestibule était séparé de la nef par un mur dans lequel on avait pratiqué une porte à clairevoie et deux ouvertures de chaque côté, fermées par des châssis de barres de fer, afin que les pèlerins qui arrivaient quand la porte était fermée pussent avoir le double avantage d'être abrités sous le vestibule, et de voir la statue miraculeuse à travers les barreaux de la porte ou les grilles des ouvertures.

    Outre la porte principale, l'église comptait six autres portes extérieures pour faciliter la libre circulation des pèlerins aux jours des grandes fêtes.

    L'image de la Vierge du fond du sanctuaire reposait sur un piédestal derrière le tabernacle.

    A peine dégrossie dans sa partie inférieure, elle était recouverte d'une toile d'azur parsemée de fleurs de lis ; mais la tête de la Vierge et celle de l'Enfant Jésus, sculptées avec soin, étaient assez gracieuses pour n'avoir besoin d'aucune ornementation : cependant, en 1625, on les fit peindre avec une grande fraîcheur de coloris ; et la statue ayant été apportée à la Châtre pour ce travail, les principaux habitants réclamèrent l'honneur de la recevoir, en passant, dans leurs maisons, regardant cette visite comme une bénédiction qui leur porterait bonheur. 

    Les pèlerins de Notre-Dame de Vaudouan allaient toujours en procession à la fontaine où la statue avait été trouvée la première fois, et voulaient en boire ou en emporter de l'eau ; et pour faciliter à la multitude qui se pressait autour de la petite source un moyen de satisfaire sa piété, on creusa près de là un bassin de six pieds carrés qu'on entoura de pierres de taille capables d'en défendre l'accès aux animaux, et sur le bord duquel on éleva une croix avec une chaire de pierre, où le prédicateur du carême de la Châtre venait prêcher, tous les ans, le lundi de Pâques. On éleva de plus cinq croix, de distance en distance, sur le chemin de la Châtre à Vaudouan, afin d'entretenir et d'accroître la piété des pèlerins par les stations qu'ils faisaient à chacun de ces calvaires.

    Les chanoines de la Châtre s'y rendaient tous les ans le jour de l'Assomption, en chapes et bannière déployée. Ils quittaient leurs chapes à la première croix, les reprenaient à la seconde, après avoir prié quelques instants à genoux, et se dirigeaient ensuite, en chantant, vers la fontaine, de là vers la chapelle, où l'un d'eux célébrait la grand'messe.

    L'autorité métropolitaine les ayant obligés à ne pas quitter la Châtre le jour de l'Assomption, pour ne pas laisser la ville sans offices, ils remirent leur procession au second dimanche après la Nativité de la sainte Vierge.

     

    Deux fois par an, savoir, le lundi de la Pentecôte et le jour de la Nativité de la sainte Vierge, le curé de la Châtre, accompagné de ses fabriciens et d'un grand nombre de fidèles, s'y rendait en procession. Les fabriciens offraient chaque fois un cierge à la chapelle.

     

    Au moins trente paroisses étrangères y venaient en procession, le mardi de Pâques, dit M. de Villebanois ; il n'y avait pas de paroisse à quatre ou cinq lieues autour de Vaudouan, dit M. de Fontenay , qui ne se fût obligée par vœu d'y venir tous les ans ; et les procès-verbaux de la visite pastorale de Mgr de la Rochefoucauld, en 1734, portent expressément « que tous les curés du voisinage, à sept ou huit lieues des environs, y venaient en procession, en différents temps de l'année, avec les fidèles de leurs paroisses ».

     

    En 1654, les villes de Sainte-Sévère, de Châteaumeillant, de Guéret, y vinrent aussi en procession ; il vint même une députation de la petite ville de Linas, au diocèse de Versailles : preuve que la dévotion à Notre-Dame de Vaudouan était connue au loin.

    Ce qu'il y eut de plus remarquable en ce genre, ce fut la visite de plus de deux cents pénitents de Châteauroux, arrivant le soir du 11 août à la Châtre, presque tous pieds nus et un cierge allumé à la main, suivis de plus de cent autres personnes de l'un et de l'autre sexe, qui venaient comme eux implorer la protection de la sainte Vierge.

    Ils se rendirent directement à l'église de Saint-Germain de la Châtre, où l'archiprêtre de Châteauroux leur adressa une vive exhortation pour les disposer au pèlerinage du lendemain.

    Le 12 août, de grand matin, après avoir entendu la messe, ils partirent deux à deux, pieds nus, leur cierge à la main, en chantant les louanges de Dieu et de sa sainte Mère.

    A la deuxième croix qui se trouvait sur la route, l'archiprêtre leur adressa un nouveau discours, les conduisit de là à la fontaine, puis à la chapelle, où il célébra la grand'messe.

    La plupart d'entre eux y communièrent, offrirent à Marie des prières ferventes, de magnifiques présents, et s'en retournèrent avec la même édification qu'ils étaient venus.

    Au mois de février 1548, les carmes de la Châtre y avaient fait un pèlerinage non moins solennel et non moins édifiant pour obtenir le rétablissement de la santé du maréchal d'Aulmont, seigneur de Châteauroux et de la Châtre, qui, se trouvant dangereusement malade, avait réclamé d'eux ce bon office ; et ils avaient eu soin auparavant d'en demander la permission au chapitre de la ville, qui en fit dresser acte par-devant notaire, afin que ces religieux ne pussent s'en prévaloir pour prétendre à l'avenir avoir droit de faire de semblables processions a leur chapelle de Vaudouan.

    En 1643, Louis XIII, dangereusement malade à Saint Germain en Laye, après s'être voué à Notre-Dame de Vaudouan, avait, comme le maréchal d'Aulmont, voulu avoir des prières dans ce sanctuaire ; et trois seigneurs de sa cour furent chargés par lui de faire a pied ce pèlerinage à son intention.

    A peine arrivaient-ils à Orléans, qu'ils apprirent que le monarque était déja mort. Ils n'en continuèrent pas moins leur route par respect pour la volonté du roi, vinrent à Vaudouan, y firent célébrer la messe pour le repos de l'auguste défunt, et y laissèrent de riches offrandes.

    Impossible de dire le nombre des pèlerins qui venaient chaque année à Vaudouan ; le seul jour du lundi de Pâques, il s'y trouvait annuellement de trois à quatre mille personnes.

    On y venait réclamer le secours de la sainte Vierge contre les hernies, la pierre, la gravelle et autres maux de cette nature ; les jeunes époux y venaient, la première année de leur mariage, placer leur union sous le patronage de la sainte Vierge ; les laboureurs, à la saison des semailles, y apportaient du blé pour le faire bénir, et le mêlaient ensuite avec leurs semences, espérant de là une récolte plus abondante.

    En 1706, l'archevêque de Bourges autorisa à conserver, depuis la veille jusqu'au lendemain des dimanches et fêtes, des hosties consacrées, pour donner la communion aux fidèles qui se présentaient en grand nombre à la sainte table, et érigea une confrérie de Notre-Dame de Vaudouan.

    Cette confrérie prospéra tellement qu'en 1734, elle comptait plus de deux mille associés, comme l'atteste le procès-verbal de visite de Mgr de la Rochefoucauld ; elle avait deux fêtes principales, le lundi de la Pentecôte et le second dimanche après la Nativité de la sainte Vierge. Alors on faisait une procession dans le bois de Vaudouan, et on y portait la statue de Notre-Dame, en chantant des cantiques et en priant avec grande modestie, piété et religion : tout était édifiant dans ces réunions, et il n'y avait ni jeux, ni danse, ni rien de contraire à l'esprit qui convient à une fête chrétienne. Plus tard quelques abus se glissèrent dans ces assemblées ; on y vit des querelles, des danses, des cabarets où souvent on dépassait les bornes de la tempérance ; l'archevêque de Bourges intervint et rendit à ce pèlerinage son caractère parfaitement religieux.

    « Nous enjoignons au chapelain, dit l'archevêque dans son ordonnance, de tenir la main a ce qu'il n'y ait ni danse, ni jeux, aux environs de ladite chapelle, à ce que les cabaretiers ne donnent point à boire et à manger les jours de concours, passé deux heures de l'après-midi, sous peine d'interdit de ladite chapelle. »

    Le remède était énergique, il produisit son effet ; et les réunions à Notre-Dame de Vaudouan redevinrent édifiantes comme auparavant.

    Grand nombre de pèlerins venaient nu-pieds et passaient la nuit en prières dans la chapelle, se confessaient et communiaient.

     

    Cette ferveur recevait souvent sa récompense par l'obtention des grâces qu'on venait solliciter.

    Sans parler des phénomènes miraculeux qui reposent sur la tradition populaire et que raconte la légende, sans parler de la guérison subite de M. d'Herbigny, intendant du Berri, nous indiquerons quelques-uns des faits qui nous ont le plus frappé dans les histoires imprimées de Notre-Dame de Vaudouan.

    Le seigneur de Fay, près de Neuvy, ayant la jambe gangrenée, à la suite d'un coup d'arquebuse qu'il y avait reçu, les chirurgiens déclarèrent qu'ils ne voyaient d'autre remède au mal que l'amputation.

    Le malade, au lieu de se soumettre à une décision si sévère, se fit transporter à la chapelle de Vaudouan, y pria pieusement la sainte Vierge ; et pendant le saint sacrifice auquel il assistait, la balle tomba de la plaie, sans lui causer aucune douleur.

    A dater de ce moment, la gangrène disparut peu à peu, la plaie se cicatrisa, et bientôt la guérison fut complète.

    En 1649, au milieu des guerres civiles du protestantisme, vingt cavaliers tombèrent en embuscade au milieu de quarante-cinq ennemis qui, dès la première décharge, en jetèrent dix-neuf par terre. Le vingtième, resté seul au milieu de la bande ennemie, invoque Notre-Dame de Vaudouan, fait vœu d'y aller en pèlerinage, et s'échappe sain et sauf du milieu de tant d'ennemis qui le poursuivent ; les balles transpercent ses vêtements, et aucune n'arrive jusqu'à son corps.

    En 1691, M. de Fontenay, auteur d'une des histoires de Vaudouan, eut le double malheur, lorsqu'il était à la mamelle, d'avoir les yeux crevés par l'agrafe de sa mère en se jetant sur son sein pour s'allaiter, et d'être étouffé par l'imprudence de ses domestiques, lorsqu'ils le portaient en pèlerinage à Vaudouan : ceux-ci continuant leur route pleins de confiance en la sainte Vierge, déposèrent le cadavre au pied de son autel, et se mirent a prier de tout leur cœur ; l'enfant recouvre au même instant et la vie et l'usage de ses yeux.

    En 1706, M. de Fontenay raconte qu'un enfant de Châteaumeillant, né aveugle, recouvra également la vue dans la chapelle de Vaudouan.

    Enfin, on ne saurait dire le nombre de ceux qui ont été miraculeusement guéris dans ce béni sanctuaire. On en peut juger par le grand nombre de béquilles, de jambes, de bras, de têtes, d'ex-voto de toute espèce appendus aux murailles, ou par les chandeliers, crucifix, calices, parements d'autel, lampes, couronnes d'or, statues d'argent, devants d'autel à fond d'or brodé d'argent et autres magnifiques présents, que la reconnaissance a offerts à Notre-Dame de Vaudouan.

    Tant de richesses tentèrent la convoitise.

    En 1546, une bande de voleurs enleva les calices, les ciboires, les croix d'argent, tout ce qui s'y trouvait de plus précieux. Mais le Ciel en fit justice : les voleurs s'égarèrent dans les bois, prenant un sentier, puis un autre qui les ramenait sans cesse à Vaudouan, de sorte qu'ils tombèrent entre les mains des agents de la force publique : ils furent tous condamnés à mort ; et la chapelle recouvra ses richesses.

    En 1793, la chapelle vénérée subit de nouvelles profanations, comme presque toutes les autres églises de France : on enleva les vases, les ornements sacrés, tous les objets de quelque valeur.

    Un des profanateurs osa même arracher la statue miraculeuse du sanctuaire, où , depuis huit cents ans, elle recevait les hommages des fidèles ; et l'ayant attachée sur la croupe de son cheval, il l'emmena triomphant à la Châtre, la scia en deux, et la jeta au feu.

    Mais il porta jusqu'à la tombe la peine de son crime ; atteint, peu après, d'une maladie grave, il demeura courbé vers la terre, tout le reste de sa vie, sans pouvoir jamais se redresser, frappé ainsi précisément à l'endroit de la colonne vertébrale qu'avait touché la statue miraculeuse dans son enlèvement sacrilège.

    Quant aux autres spoliateurs, ils demeurèrent stigmatisés par l'opinion publique, qui les poursuivit de son mépris jusqu'à la mort.

    L'état lamentable où venait d'être réduite la chapelle de Vaudouan n'empêcha pas les fidèles d'y venir en pèlerinage, même au plus fort de la révolution, d'y faire leurs prières devant les portes fermées, d'y déposer même quelquefois leur modeste offrande, et d'aller de là en procession à la fontaine.

    Lorsque l'orage révolutionnaire fut passé et la paix rendue à l'Église, on acheta une nouvelle statue, on y incrusta le petit coffret de reliques qui était dans l'ancienne ; et, après l'avoir exposée à la vénération publique, on demanda que les offices fussent célébrés à Vaudouan comme par le passé.

    Mais celui qui avait acheté la chapelle comme bien national ayant réclamé la moitié du casuel, l'autorité ecclésiastique, choquée de cette prétention, jeta un interdit sur la chapelle ; cet interdit n'empêcha pas plus que la spoliation les populations d'y venir prier.

    Enfin, en 1816, le clergé de la Châtre, autorisé par l'archevêque, y vint en procession pour demander la cessation de la pluie, et y rapporta l'image de la sainte Vierge qu'on en avait retirée.

    Un mois après, on racheta la chapelle, qui avait été vendue comme bien national ; les plus riches habitants de la Châtre voulurent contribuer aux frais de l'acquisition ; le curé de la ville y contribua également, cédant pour cet achat toutes les offrandes perçues à la chapelle en 1816 ; et l'on vit, avec grande édification, un de ceux qui avaient pris part aux excès commis contre ce sanctuaire déployer pour sa restauration le zèle le plus empressé, et témoigner publiquement de son repentir.

    Le second dimanche après la Nativité de la sainte Vierge, la fête solennelle reprit son cours, et il s'y trouva de sept à huit mille pèlerins.

    En 1838, le culte cessa dans la chapelle, par suite de discussions nouvelles entre le curé de la Châtre, qui prétendait avoir droit de la desservir comme ayant été cédée à sa fabrique par le propriétaire, et le curé de Briantes, qui revendiquait ses droits sur ce sanctuaire, comme étant dans son territoire ; mais les fidèles n'en vinrent pas moins, ainsi qu'autrefois, prier devant les portes fermées.

    Enfin, en 1851,un décret de l'État ayant autorisé la commune de Briantes à acheter la chapelle de Vaudouan qu'il érigeait en chapelle de secours, les pèlerinages recommencèrent.

    On remplaça l'ancienne statue par une statue nouvelle, également de bois sculpté, portant l'Enfant Jésus sur le bras gauche.

    Depuis cette époque, on y vient prier, comme dans les jours de foi ; on s'y fait réciter un évangile, on entend la sainte messe ; plusieurs communient, donnent des honoraires de messes, font brûler un cierge, boivent ou emportent de l'eau de la fontaine, et tous assistent a la procession.

    Le jour de la grande fête surtout, dès six heures du matin , arrivent les pèlerins de huit à dix lieues ; tous les chemins sont couverts de fidèles en habits de fête qui y viennent les uns à pied, les autres à cheval ou en voiture. Jusqu'au moment de l'office public, chacun vaque à ses pratiques particulières de dévotion.

    A onze heures commence la grand'messe, à laquelle tous assistent ; puis la procession se met en marche ; quatre hommes, en tunique blanche, portent la statue vénérée ; le clergé, entouré des chantres des paroisses voisines, chante les litanies de la sainte Vierge, et une foule compacte le précède ou le suit, dans le plus parfait silence, priant Dieu, un livre ou un chapelet à la main.

    Arrivé près de la fontaine, on chante un libera pour Reynaud Raymbues, le fondateur du pèlerinage, et une antienne à la sainte Vierge ; on bénit tout le peuple à genoux avec la croix, et l'on s'en revient, en chantant le Te Deum. Tel est le spectacle qu'offre chaque année Notre-Dame de Vaudouan, avec cette différence que le nombre des pèlerins semble toujours s'accroître, jusque-là qu'on y a vu, dans ces dernières années, de onze à douze mille personnes.

    Aussi les miracles s'y continuent : en 1817, Marie de Vaudevant y avait recouvré l'usage de ses jambes dont elle était entièrement percluse ; en 1858, Marie Morier y recouvra également l'usage de ses jambes, et, de plus, la vue dont elle était privée. Nous nous bornons à ces deux faits, qui furent dans le temps de notoriété publique.

     

    Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 2" par André Jean Marie Hamon

    Source photo :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Notre-Dame_de_Vaudouan_de_Briantes