• Le mois de saint Joseph : 4 mars

     
     

    Le mois de saint Joseph

    4 mars

     

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    Source : Livre  "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre

     

    Quatrième jour

    La fuite en Egypte

    Première mystère

    Et voilà qu'un ange du Seigneur apparut à Joseph pendant son sommeil, et lui dit : Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, et fuyez en Egypte. (Matth. n, 13.)

    Après avoir médité sur les trois plus beaux titres de saint Joseph, nous allons entrer dans l'étude de sa vie, et afin de mettre, autant que possible, de l'unité dans le plan de cette première neuvaine, nous ne prendrons que trois mystères et trois vertus, mais des mystères qui nous prouveront la vérité, la réalité de ces titres glorieux ; et des vertus qui nous montreront combien il a été fidèle à sa haute mission, et digne de cette gloire. Ce sont les mystères de la vie cachée de Jésus, de sa vie de famille, et les petites vertus qui en font le charme et le mérite.

     

     

    Nous commençons par la fuite en Egypte.

    Rappelez-vous d'abord le sujet de la méditation ou le fait évangélique. Jésus venait de naître dans l'étable de Bethléem ; Joseph a vu les bergers de la montagne, qui sont venus adorer ce petit enfant, sur la parole des anges ; puis, les rois accourus du pays de l'aurore avaient brûlé de l'encens autour de son berceau, et déposé à ses pieds le tribut mystérieux de l'or et de la myrrhe...

    Mais voilà que la scène change soudain ; un roi cruel et jaloux, Hérode, a résolu de tuer cet enfant dont on vient de lui parler, et il donne des ordres si bien inspirés par la passion, qu'il semble impossible que la victime puisse échapper à sa fureur.

    Voyez plutôt et méditez : On lui a dit que le nouveau roi est né à Bethléem ; pour ne pas le manquer, il ordonne de massacrer tous les enfants de cette ville et des environs : il ne doit y avoir encore que quelques jours, il ordonne de les tuer tous jusqu'à l'âge de deux ans. Il était donc bien sûr, et il s'applaudissait de ses mesures et de ses calculs si sages.

    Mais que peuvent donc les pensées, la prudence et la politique des hommes contre Dieu ? 

    Et ecce... En ce moment, comme l'ordre était donné, et que les soldats d'Hérode, ou plutôt ses bourreaux allaient partir : el ecce unijelus Domini... l'ange du Seigneur apparut à Joseph pendant son sommeil, et lui dit : Vite prenez l'Enfant et sa Mère, et fuyez en Egypte, et n'en partez pas que je ne vous le dise...

    Et Joseph se leva, et prenant l'Enfant et sa Mère, il partit cette nuit même.

    0 Mystère admirable ! simplicité sublime de l'Évangile ! caractère divin de l'éternelle vérité ! malheur à celui qui ne comprendrait pas, et ne goûterait pas de semblables paroles !...

    Nous allons les méditer, nous, avec bonheur, et réfléchir sur ce mystère touchant, mais en nous arrêtant de préférence sur la part que le ciel semble y réserver à Joseph, notre saint protecteur.

     

     

    I. Admirons d'abord la vérité des titres glorieux que nous avons reconnus en lui. 

    Custos Domini, — virum Marix... il est le gardien de Jésus, l'époux de Marie, en un mot le chef de la famille sainte, et c'est en cette qualité qu'il reçoit l'envoyé du Seigneur.

    Ce n'est qu'à lui que les ordres sont donnés, parce que tout dépend de lui ; il n'aura qu'à parler et faire exécuter...

    Et, en effet, se levant, il prend la Mère et l'Enfant, et cette nuit même ils partent. Marie, au premier signe de la volonté de son époux, obéit en silence : virum Maria ?, et pour l'Enfant, on ne le réveilla même pas ; sa mère le prit entre ses bras ; mais elle sentit le cœur de Jésus palpiter sur son cœur. Il obéissait aussi à l'ordre de Joseph, dont la parfaite soumission à la voix de l'ange allait l'arracher à la mort.

     

    Vous contemplerez ce tableau ravissant de la fuite en Egypte, tel que la tradition s'est plue à nous le représenter... La Vierge mère est modestement assise sur un âne ; elle porte l'Enfant, qui dort entre ses bras... et Joseph en silence dirige la marche.

    De temps en temps il écoute, il regarde ; mais, plein de confiance, il lève les yeux au ciel dont il exécute les ordres sacrés. Les anges qui protégent la pieuse caravane dans le désert, les anges apportent la nourriture à la Sainte Famille, et s'empressent de les servir.

    C'est donc lui, c'est saint Joseph qui est le maître, lui qui régle tout, et les heures du départ et les heures de repos ; seul il dirige la marche ; c'est son droit, comme c'est son devoir. Custos Domini... virum Marix ; la Vierge mère, l'Enfant-Dieu n'avaient qu'à obéir et suivre sa direction.

     

    II. Mais surtout admirez la fidélité avec laquelle ce saint patriarche accomplit sa mission. Toutes les vertus de son cœur brillent du plus doux éclat dans ce mystère.

    Quelle foi n'a-t-il pas fallu pour reconnaître son Dieu dans un enfant persécuté et obligé de se cacher, obligé de fuir pour éviler la mort ! Quel dévouement, quelle prudence et quel courage n'a-t-il pas montrés dans ce jour, mais surtout quelle soumission ! quelle obéissance !... Déjà, pour reconnaître un Dieu dans l'Enfant de la crèche, il fallait tant de vertu ! mais enfin le ciel avait parlé, les anges avaient envoyé des adorateurs à cette étable ; Joseph avait vu des rois prosternés aux pieds de ce petit orphelin confié à ses soins ; et maintenant il faut fuir ! Quelle épreuve !... et quelle fidélité !...

    Pour juger de la perfection de son obéissance dans ce mystère, mettez-vous un instant à la place de Joseph... Il dormait tranquille et heureux de posséder un Dieu et sa mère ; et ecce angelus... quand un ange lui apparaît et lui ordonne de partir sur-le-champ, avec la Mère et l'Enfant, et d'aller en Egypte pour y rester jusqu'à nouvel ordre. Méditez toutes ces circonstances, et voyez que de raisons, que de prétextes au moins durent s'élever dans l'esprit de Joseph, et le détourner de ce projet.

    Ne pouvait-il pas d'abord douter de la réalité même de la vision ? Était-ce bien un ange qui venait de lui apparaître, un ange du ciel ? ne pouvait-il pas être le jouet d'une imagination vaine, d'un songe ordinaire, et assez facile à expliquer dans les circonstances où il se trouvait ? Puis, quel est cet ordre étrange, sans qu'on lui en donne la moindre raison : partir, et partir sur-le-champ au milieu de la nuit ? et pour aller où ? en Egypte, dont il ignore la langue... en Égypte, cette terre la plus idolâtre du monde ! Mais enfin, pour combien de temps ?... Usque dum dicam tibi! jusqu'à nouvel ordre ! On le laisse ainsi dans le vague et l'incertitude... C'est un exil qui peut durer bien des années, peut-être toute la vie.

    Et Joseph, sans plainte, sans murmure, sans demander la moindre explication à cet ange, sans songer aux moyens d'existence qui pouvaient lui manquer, sans délibérer avec sa sainte épouse, à l'instant même, au milieu de la nuit, prend la mère et l'enfant, et s'enfuit en Égypte : accepit puerumet matrem ejus et fugit in JEgyptum... (Matth. n, 14.) Peut-on rien imaginer de plus beau que cette foi, rien de plus sublime que cette obéissance ? Si cette simplicité de l'Évangile ne parlait pas à votre cœur, c'est que vous n'en auriez pas ! Humiliez-vous devant Dieu, et il aura pitié de vous ; priez saint Joseph, il intercédera pour vous.

     

    III. Maintenant, pour vous animer à la pratique de ces mêmes vertus, pensez un instant, et demandez-vous ce qui serait arrivé si Joseph n'avait pas été fidèle à la voix de l'ange, s'il avait voulu délibérer, prendre conseil, et attendre seulement jusqu'aù lendemain. Ce qui serait arrivé ?...

    C'est que l'Enfant Jésus aurait été égorgé sur le sein de sa mère, comme tous les autres enfants de son âge, à Bethléem... Pauvres petits innocents, premiers martyrs de Dieu, immolés pour son amour, priez pour nous...

    Ah! qu'ils sont heureux, malgré les larmes et les cris de leurs mères !... Jésus leur envoyait des couronnes par la main de ses anges, et leur ouvrait la porte des cieux, où ils ne cesseront de le bénir, en se jouant dans la gloire avec leurs palmes brillantes : palma et coronis luditis!

    Une autre réflexion se présentera encore à votre esprit et vous éclairera sur ce mystère.

    Je ne veux pas parler de la nécessité de vaincre toutes les passions de notre cœur, quoique certainement cette pensée dût nous paraître bien naturelle en voyant Hérode emporté si loin par son ambition et sa jalousie cruelle ; je ne veux pas non plus m'arrêter à une autre considération qui se rattache également à notre sujet, je veux dire l'inutilité de tous les vains efforts des hommes, l'impuissance de leur haine contre Dieu et contre son Christ...

    Le ciel se rira de leurs complots perfides, quelque bien concertés qu'ils paraissent, et il se rira de leur fureur, quoiqu'elle semble inspirée par toute la prudence de l'enfer.

    Hérode s'applaudissait, il croyait avoir immolé cet Enfant qui lui portait ombrage, et Jésus reposait doucement sur le sein de sa mère ; et, en mettant le pied sur la terre d'Egypte, il renversait les idoles de cette contrée infidèle et imposait silence à ses oracles imposteurs.

     

    Après le grand exemple des vertus de Joseph dans ce mystère, il y a une pensée qui me paraît dominer toutes les autres, et elle ne pourra manquer de frapper un esprit sérieux, une âme attentive. C'est le bonheur de ces petits enfants.

    Quand on voit tomber ces tendres victimes sous le fer des bourreaux, quand on entend leurs cris et les gémissements de leurs mères, on ne peut s'empêcher sans doute d'être touché.

    Plusieurs des bourreaux d'Hérode ont dû mêler des larmes aux larmes et au sang qui coulaient de toutes parts ; vous pleurerez aussi vous-même avec Rachel ; mais, quoiqu'elle ne veuille pas se consoler, vous pourrez cependant essayer d'arrèter le cours de ses pleurs, en lui parlant du bonheur qui est assuré à ces enfants chéris, et de la gloire qu'ils sont sûrs de trouver dans les cieux. Fleurs des martyrs, moissonnées, brisées par le premier orage de la persécution, anges de la terre, petits Innocents, rappelés si tôt auprès de Dieu, et frappés pour lui, que vous êtes heureux dans la patrie !... Priez pour l'enfance exposée de nos jours à tant de dangers et de persécutions de la part d'un monde jaloux et cruel. Ah! c'est sur la mort de ces pauvres victimes que l'Église notre mère verse des pleurs, et rien ne peut la consoler de la perte de ses enfants, qu'elle voit tous les jours tomber dans les passions et la mort.

     

    Quelle différence, en effet, et quelle destinée ! Dites-moi, que seraient donc devenus les enfants immolés par Hérode, s'ils avaient vécu ?

    Tous, peut-être, des ennemis, des bourreaux de Jésus-Christ, comme la plupart de leurs contemporains. Et ils sont maintenant si heureux d'avoir trouvé la couronne du martyre, et moissonné des palmes glorieuses !

    0 parents chrétiens, on ne peut pas vous défendre de pleurer, quand la mort vient vous prendre un petit ange, un enfant chéri, un fils unique ; la religion elle-même ne condamne pas votre douleur ; mais ne pleurez pas comme ceux qui n'ont pas la foi et l'espérance... Songez que ces enfants vous devront un bonheur éternel ; ils vont au ciel : et souvent, quand Dieu les appelle et les prend ainsi au berceau, à l'âge d'innocence, c'est qu'il a prévu qu'ils seraient bien exposés à se perdre dans le monde, qu'ils deviendraient peut-être des ennemis du Christ, des bourreaux de Jésus, et qu'ils se perdraient dans la mort éternelle... Consolez-vous par ces paroles.

    Vous demanderez, par l'intercession de saint Joseph, la grâce de mourir, plutôt que d'offenser Dieu, et d'imiter les vertus de ce saint patriarche, et vous finirez par un colloque avec la Sainte Famille, et une prière aux Saints Innocents.