• Le mois de Marie de l'Immaculée conception 20 décembre

     
     

    Le mois de Marie de l'Immaculée conception

    20 décembre

     

    Le mois de Marie de l'Immaculée conception 20 décembre

     

    Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry

     

    XXe MÉDITATION.

     
    Vierge clémente, priez pour nous !

    Vierge clémente, priez pour nous ; apprenez nous comment votre céleste ressemblance peut se former de plus en plus parmi les hommes ; comment nous pouvons espérer qu'un plus grand nombre d'âmes arrivent à vos vertus ; comment les âmes mieux préparées, c'est-à-dire plus semblables à vous, recevront plus abondamment l'Esprit-Saint, et comment l'Esprit-Saint, mieux reçu dans l'humanité, peut y développer plus glorieusement le corps mystique de Jésus-Christ et amener sou règne.

    Pour cela, ô Vierge clémente, faites-nous comprendre ce qu'est cette belle vertu. Qu'est-ce que la clémence ?

    La clémence, si nous entrons dans le fond du sens et la racine du mot, n'est pas seulement la douceur qui pardonne, c'est aussi la bonté qui se donne : c'est l'âme qui s'incline vers autrui.

     

    Eh bien ! non-seulement votre âme toute clémente, ô Marie, s'incline vers les autres âmes, mais encore elle se donne à toutes et se répand sur toutes. « Marie, nous dit l'Église dans l'office de l'Immaculée Conception, Marie se donne à tous et cherche à tout remplir. Et de même que le Soleil de Justice, Jésus-Christ, notre Dieu, fait lever sa lumière sur les bons et sur les méchants, de même la Vierge sainte, cette lumière sans vicissitudes, envoie vers tous les hommes les rayons de miséricorde et s'offre à tous pleine de douceur et de clémence. C'est-à-dire que la Vierge parfaite imite Dieu.

    Il est nécessaire que Dieu soit, dit saint Thomas d'Aquin, et par conséquent qu'il soit bon, et par conséquent expansif, et par conséquent qu'il se donne à quiconque veut le recevoir. » Et le fond de notre religion, c'est Jésus qui se donne à tous, qui meurt pour tous, qui vient donner à tous son sang, sa chair, son âme, son esprit, sa divinité. 

     

    Et maintenant le mystère du royaume de Dieu, du progrès de l'Église et du monde, se dévoile à nos yeux.

    Voici Dieu le Père, qui donne tout. Voici Jésus, Roi des hommes, qui donne tout. Voici la Vierge parfaite, Mère de Dieu, Reine et Mère de l'humanité, qui reçoit tout et transmet tout. Voici les Saints qui reçoivent et transmettent des fleuves de grâce. Pourquoi donc la lumière, la vie, la grâce, l'esprit de Dieu n'arrivent-ils pas à tous, jusqu'aux derniers, et jusqu'à ceux que le Sauveur appelle : « Le moindre de ces petits ? »

    Évidemment il ne peut y avoir qu'une raison qui s'oppose à la venue du règne de Dieu et à ce que Dieu soit tout en tous : il faut que la chaîne des grâces soit interrompue quelque part. Les flots de lumière et les torrents de volupté, comme s'exprime la sainte Écriture, partent du Père, et vont au Verbe, et au Verbe incarné, du Verbe à l'immaculée Vierge, qui reçoit, renferme, transmet la plénitude des dons. Au-dessous de la Vierge, les Saints transmettent chacun une large part du rayon qu'ils reçoivent. Mais au-dessous des Saints commence la prévarication. Là sont les âmes appelées à la sainteté, mais qui n'y arrivent pas. Là sont peut-être les plus coupables des âmes, celles à qui Jésus et Marie donnent beaucoup, mais qui acceptent peu et transmettent moins encore. Là est interrompue la chaîne des grâces. Là le soleil et sa lumière sont arrêtés. Et pourquoi ? Parce que ces âmes ne sont point inclinées vers autrui, elles ne s'inclinent que vers elles-mêmes ; elles n'aiment pas assez ; elles n'aiment pas d'amour, de cet amour qui sort de soi et qui se donne, soit à Dieu pour tout recevoir, soit à autrui pour tout transmettre.

     

    Ces âmes donc sont dans le corps mystique du Christ des organes qui arrêtent le sang, des vaisseaux qui ne transmettent pas la vie : mystère d'iniquité, mystère de l'amour de soi, opposé à l'amour de Dieu et de l'humanité. Ce sont ces âmes dont parle saint Jacques, qui prient Dieu avec égoïsme, et qui ne lui demandent la vie qu'afin de l'engloutir dans leur concupiscence. Ce sont ces préposés, dont parle l'Évangile, qui s'endorment, qui boivent, qui mangent, qui battent les serviteurs en attendant le retour du maître.

     

    Et que manque-t-il peut-être à un grand nombre de ces âmes pour passer du côté des Saints et traverser ce mur ; pour cesser d'être obstacles et pour devenir instruments ; pour transmettre la vie et la lumière au lieu de l'interrompre ? Il leur manque un peu plus de connaissance du mystère de la Vierge et quelque fidélité à son culte. Il leur manque d'apprendre de la Mère des hommes à pencher leur âme vers autrui.

     

    L'admirable prophète Isaïe va nous expliquer tout ceci. O vous que Dieu appelle, qui vous croyez chrétiens, peut-être pieux et saints, écoutez bien ce solennel enseignement : « Ils me cherchent, et ils veulent connaître mes voies ; on dirait qu'ils veulent pratiquer la justice et m'obéir. Ils m'interrogent sur ma loi, et ils prétendent approcher de Dieu ! Pourquoi ne nous regardez-vous pas ? demandent-ils à Dieu. Nous nous donnons beaucoup de peines et vous n'en savez rien !... » Tel est l'état de ces âmes, et le texte inspiré nous apprend qu'elles sont dans cette stérilité parce qu'elles restent attachées à elles-mêmes, et ne savent pas donner, et se fatiguent dans leur égoïsme. Puis le Prophète ajoute au nom de Dieu : « Voici ce que je demande : Déliez ce lien d'impiété qui vous lie ; mettez bas ces fardeaux de désirs qui accablent votre âme ; délivrez ceux qui souffrent ; déchargez ceux qui sont accablés ; partagez avec ceux qui ont faim ; ouvrez votre demeure à qui n'a pas d'asile ; revêtez celui qui est nu. Voilà ce qui fera éclater en vous la lumière et répandra la vie en vous ; voilà ce qui vous donnera l'auréole de justice et vous recueillera dans les rayons de la gloire de Dieu.

     

    Vous invoquerez alors, et Dieu vous écoutera ; vous appellerez, et il répondra : Me voici. Oui, lorsque vous aurez versé votre âme dans une âme affamée, lorsque vous aurez transmis la vie à l'âme sans force et abattue, alors du sein de vos ténèbres jaillira la lumière, et votre nuit profonde se changera en plein midi.

     

    « Dieu vous donnera la paix, remplira votre âme de splendeurs, délivrera vos os, et vous rendra semblables au sol fécond arrosé par une source d'eau vive, par une source qui ne tarira plus » ( Isaïe, chap. LVIII ).

    Que ne peut-on comprendre ces immenses et divines profondeurs, ô Vierge toute clémente, dont l'âme s'incline vers tous, et se verse dans toutes les âmes ! Vous qui êtes en effet ce plein midi tout étincelant de splendeurs, qui êtes cette source vive, toujours intarissable, apprenez donc aux âmes à comprendre, à sentir et à pratiquer vos vertus, afin de devenir en Dieu, par vous, lumineuses et intarissables.

    Ne comprendra-t-on donc jamais que toute l'humanité est un ensemble solidaire, un corps où chaque membre reçoit et doit transmettre ? La vie veut vivre et circuler. Elle vient à tous ; qui veut l'intercepter la perd, et qui consent à la perdre la trouve ; et chaque âme, pour vivre, doit se verser dans une autre âme. Mais quelle est cette autre âme, et s'agit-il ici des tendresses de l'amour et de l'amitié légitimes ? Non ; il s'agit ici de cette âme pauvre et affamée, de cet homme, quel qu'il soit, que Jésus-Christ appelle « le moindre de ces petits. » Il s'agit, dans tous les sens du mot, de nourrir celui qui a faim, de porter celui qui est faible, de vêtir celui qui est nu, de délivrer celui qui est captif. De sorte que, comme l'a dit le Seigneur, il n'y a pour les hommes qu'un devoir, comme il n'y a qu'une règle du jugement dernier : servir Dieu dans les pauvres, et prendre soin du Christ dans le culte de son enfance et de sa pauvreté, dans le moindre de ses petits.

     

    O Dieu ! manquerons-nous donc toujours et de cœur et de sens ? Ne comprendrons-nous donc jamais cette manifeste loi de l'infaillible religion ? Jusqu'à quand un homme quel qu'il soit, recevant de Dieu un rayon quelconque de la vie, ou la force, ou la jeunesse, ou la santé, ou la science, ou la foi, ou tout autre don de la grâce, ou seulement l'or et l'argent, croira-t-il que ce rayon doit s'arrêter à lui et s'enfouir en lui, et refusera-t-il de comprendre que tout rayon venant de Dieu est une force à transmettre pour la multiplier ?

     

     

    Jusqu'à quand ceux qui ont reçu avec quelque abondance quelques dons du soleil de Dieu verront-ils, sans en être émus, régner sur l'immense multitude la faim de l'âme, celle de l'intelligence et celle du corps ? Jusqu'à quand voudra-t-on ignorer que, dans le moindre de ses petits, le Verbe fait chair souffre et attend ?

    Jusqu'à quand les peuples chrétiens refuseront-ils de croire que le Christ attend parmi eux, une autre éducation de son enfance, un autre culte de sa pauvreté, soit dans leur propre sein, soit autour d'eux, chez ces immenses nations encore assises dans la faiblesse de leur pauvreté séculaire et dans leur séculaire enfance ?

    Quand saura-t-on que le royaume de Dieu consiste tout entier en ce point exprimé par le texte sacré : à recevoir et transmettre, afin d'entrer « dans la justice  ? » Recevoir du Père et du Verbe incarné, et de la Mère de Dieu, quelques rayons pour les transmettre jusqu'au dernier des pauvres et jusqu'aux plus petits ; continuer ainsi, par désintéressement et sacrifice, la chaîne des grâces et le mouvement de la lumière ; recevoir aussitôt de Dieu double lumière et double grâce, pour transmettre lumière et grâce, d'un cœur toujours plus abondant et toujours plus ouvert ? Si l'on voulait comprendre ces vérités, et si l'on en commençait la pratique par le côté le plus facile, la transmission plus abondante de l'or et de l'argent, afin d'en venir peu à peu, comme Jésus et Marie, au don des sueurs et du sang, n'est-il pas manifeste que, peu à peu, les vertus de la Mère de Dieu entreraient dans les âmes, sa ressemblance s'y graverait, l'esprit de Dieu s'y verserait, le Verbe s'y développerait, d'abord dans ceux qui donnent, puis dans ceux qui reçoivent, et le règne de Dieu s'avancerait parmi les hommes ?

     

    O Vierge très-clémente, qui voyez combien il nous est difficile de comprendre ces vérités, de les mettre en lumière quand on les entrevoit, et surtout de les pratiquer ; vous qui connaissez les obstacles qui empêchent l'âme de recevoir tout ce que Dieu veut lui donner et de transmettre tout ce qu'elle a reçu, priez pour qu'un nouvel effort nous rapproche davantage de cette lumière et de cette force ; priez pour qu'il nous soit donné de parvenir plus près de vous, source très-pure de la lumière et de la force que Dieu envoie aux hommes ; priez pour qu'il nous soit donné de connaître l'obstacle qui empêche l'âme de recevoir tout ce que Dieu veut lui donner et de transmettre le peu qu'elle a reçu.