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Le mois de Marie de l'Immaculée conception 10 décembre
Le mois de Marie de l'Immaculée conception
10 décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
Xe MÉDITATION.Mère Immaculée, priez pour nous !
Pour éclairer le mystère de l'humanité, le mystère du salut, de la victoire sur le péché, de la rédemption des âmes et du canal de la Rédemption, adressons-nous maintenant à une autorité plus haute encore que saint Augustin. Ouvrons les Écritures.
Nous n'aurons pas recours à des textes brisés et rapprochés de loin, mais à des chapitres entiers, lus avec suite. Nous ne choisirons pas ces chapitres à notre gré ; nous prendrons ceux dont l'Église catholique compose les offices de la Vierge. Écoutons et suivons avec adoration ces paroles inspirées et toutes pures, et qui sont comme un autre corps du Christ. N'oublions pas que la sagesse créée, dont nous lisons ici l'éloge, c'est ce principe, ce cœur, ce centre de la création qui est l'humanité du Sauveur d'abord, et puis la Mère de Dieu.
La Sagesse porte en elle-même sa gloire, qui vient de Dieu, et qui éclate au milieu des hommes (1).
Au milieu des assemblées saintes, sa bouche s'ouvre et répand la lumière de Dieu.
Au milieu des âmes, Dieu l'exalte et la rend admirable dans la plénitude de la sainteté.
Au sein de la multitude des élus, sa gloire éclate. Elle est bénie entre tous les bénis, et elle dit :
« Moi, je suis la bouche du Très-Haut, et suis l'aînée des créatures.
C'est par moi que s'est levée au ciel la Lumière qui ne défaillera pas, et j'ai, comme un nuage fécond, enveloppé la terre.
J'habite au centre de l'univers, et mon trône est le pivot des mondes.
(1)Quoique cette traduction nous semble exacte, on ne peut lui attribuer en aucune sorte l'autorité du texte approuvé par l'Église. Il faut comparer celte traduction au texte, et ne la regarder, du moins en quelques endroits, que comme une paraphrase.
« Seule je suis au-dessus du mouvement des cieux qui roulent ; seule j'ai pénétré le centre de l'abîme ; j'ai parcouru tous les flots de la création et toutes ses sphères, et, en toute race, en toute assemblée d'êtres libres, je suis la Reine.
Je suis, par ma vertu, plus grande que les cœurs les plus hauts, plus recueillie que les plus humbles. En tout cela je ne cherche que le repos en Dieu et la paix dans son héritage.
Mais le Créateur de toutes choses me fait connaître sa volonté. Celui qui m'a créée veut à son tour se reposer en moi comme dans un tabernacle, et il me dit : Habitez en mon peuple, héritez de ceux qui sont à moi, étendez vos racines dans l'âme de mes élus.
J'ai donc été créée au commencement et avant tous les siècles ; je subsiste dans le siècle à venir, et je suis ministre de Dieu dans la céleste et sainte demeure.
Je suis la force dans les âmes saintes, le repos dans la cité sainte, et la Reine de Jérusalem.
Je suis la Reine des âmes choisies qui recueillent l'héritage de Dieu, et j'habite avec la plénitude des saints.
Je suis le cèdre sur le Liban et le cyprès sur la montagne de Sion ; le palmier de Cadès et le rosier de Jéricho ; l'olivier des campagnes fécondes, et la platane du bord des eaux. Je suis le baume aromatique, la myrrhe choisie ; je réunis en moi les parfums les plus purs.
J'étends mes branches comme le térébinthe, et mes rameaux sont la grâce et la gloire.
Je suis la vigne féconde, son parfum et son fruit.
Je suis la mère du pur amour, et de la crainte filiale, et de l'espérance sainte.
En moi est déposée la grâce qui est la voie et la vérité ; en moi est l'espoir de la vie et de la vertu.
Venez à moi, vous qui m'aimez, et que le Fruit de mes entrailles vous nourrisse et vous vivifie.
Mon esprit est la douceur même, mon héritage est plus suave que le miel.
Ma mémoire est une mémoire qui ne décroît pas par le temps.
Celui qui se nourrit de moi peut se nourrir encore, et celui que je désaltère a soif encore.
Qui m'écoute ne sera jamais confondu, qui travaille avec moi ne péchera point.
Celui qui me met en lumière a la vie éternelle.
Tout ceci est le livre de vie, le pacte du Très Haut, la manifestation de la vérité.
Moïse a donné des préceptes, a donné à Jacob un héritage, et des promesses à Israël ; mais c'est à David, son élu, qu'il a été donné de faire naître le Roi fort qui doit s'asseoir sur le trône éternel.
C'est lui, ce Roi, qui donne à la sagesse sa plénitude, comme, au printemps, le Tigre et le Pinson remplissent leur lit.
C'est lui qui multiplie l'intelligence, comme l'Euphrate multiplie ses eaux au temps de la moisson.
C'est lui qui répand la lumière et la vérité, comme le Gihon répand ses eaux au temps de la vendange.
Lui seul la connaît parfaitement ; tout autre, plus faible que lui, ne la connaîtra jamais tout entière.
Il est plus qu'un fleuve de sagesse et plus qu'un abîme de lumière.
Moi, la sagesse, je fais couler les fleuves qui viennent de lui.
Je suis le lit du fleuve, sa source, le point où il perce la terre, le canal par où il coule du Paradis.
Je n'ai qu'à dire : Je veux arroser mes vergers, mes prairies ; je veux les enivrer de fécondité. Aussitôt les flots coulent et le fleuve ressemble à une mer.
Oui, je suis l'aurore qui amène à tous la lumière, et qui bientôt la répand au loin.
Et je pénètre jusqu'aux plus bas degrés ; je vais réveiller ceux qui dorment et éclairer quiconque espère en Dieu » (ECCLI., XXIV).
Vous voyez dans ce texte saint le canal des grâces, l'aurore qui annonce le Soleil, la Porte du Paradis, la source du fleuve qui féconde le monde, le point où il perce la terre, l'humilité, la pureté qui entretiennent la faim et la soit de la justice et de la vérité. Vous y voyez la Mère du pur amour et de l'espérance sainte, celle en qui a été déposée la grâce, en qui est né Celui qui est la voie, la vie, la vérité. Vous y voyez enfin cette Reine de la cité sainte, la coopératrice de Dieu, ministre de sa puissance ; vous y voyez celle qui, étant créée de Dieu, a fait entrer au monde la Lumière éternelle, et mille autres mystères dont la méditation remplirait des journées.
Et l'Esprit-Saint nous dit que cette sagesse ne doit pas fléchir jusqu'au siècle à venir, et qu'elle ne cesse de contempler la face de Dieu dans la demeure céleste.
Voici l'autre texte inspiré que l'Église catholique applique à l'office de la Nativité de la sainte Vierge et à celui de sa Conception :
Dieu me possède dès le commencement de ses voies, avant d'avoir rien fait sortir du germe de la création.
Je suis prédestinée et ordonnée de toute éternité, et posée en présence de Dieu avant la terre.
J'étais déjà conçue lorsque les abîmes n'existaient pas, que les sources n'étaient pas ouvertes. J'étais née avant que les montagnes et les collines ne s'élançassent. Dieu m'enfantait avant la formation de la terre et l'origine de son mouvement.
Lorsque Dieu préparait le ciel, j'étais avec lui. Quand il donnait à la matière des mondes sa loi et son mouvement ; lorsqu'il affermissait les astres et lançait dans l'espace, selon leur poids, leurs masses encore fluides ; quand il donnait à la mer sa limite et la loi qui l'empêche d'augmenter sa hauteur ; quand il donnait au globe terrestre son centre de gravité, en ce temps j'étais avec Dieu, coopérant à toutes ses œuvres, pleine de joie en ces premiers jours du monde, toujours devant sa face, tressaillant de bonheur au sein de l'univers naissant, et surtout dans les âmes des hommes » (PROV., VIII, 22).
O mon Dieu, il est donc vrai qu'il y a dans le monde des paroles sacrées qui révèlent les mystères du ciel. Il y a des livres saints, inspirés par votre Esprit même, et qui renferment des vérités dont le sens se dévoile peu à peu, à mesure que le monde avance et que l'Église grandit. Comment ai je si peu lu et médité ces livres ? Et pourquoi n'en ai-je point le goût, l'intelligence et la curiosité ? C'est que j'en suis trop loin. J'en suis trop loin par ma vie, par mon cœur. Je ne porte pas en moi le commencement de lumière intérieure nécessaire pour comprendre le sens des mots divins qui, du dehors, viennent frapper mes oreilles. Quand je passe de la grossière clarté des pensées vulgaires aux textes saints, je n'aperçois qu'obscurité. C'est la nuit ! Mais si mon âme était sereine, cette nuit aurait ses étoiles, et, si mon âme s'élevait vers le ciel, elle verrait que ses étoiles sont des mondes, ou plutôt des soleils, centres de mondes. O Seigneur, je verrai votre ciel et vos étoiles ! dit le Prophète. Je veux en dire autant. Je veux un jour, aussi, par ma prière et par ma vie, parvenir à cette sérénité, à cette élévation où l'âme commence à voir le ciel et à découvrir ses mystères sous la lettre du livre divin.
O Marie, conçue sans péché, qui êtes non seulement pleine de sagesse, mais, en quelque sorte, la sagesse même, cette sagesse créée dont les saintes Écritures, exaltent la gloire par leur plus riche et leur plus profonde poésie, ouvrez aux chrétiens, en ce siècle, le sens des Écritures pour vous y voir, et, si les Écritures sont, en effet, un autre corps du Christ, selon saint Augustin, que notre contemplation apprenne à voir la Mère du Christ où nous voyons le Christ, comme nous savons que sur l'autel se trouve le sang de Jésus-Christ, puisé dans le sang de la Vierge, mère de l'humanité nouvelle.