• Saint Gaucher d'Aureil. Abbé de Chavagnac († 1130)

     

     

    Saint Gaucher d'Aureil († 1130)

    Abbé de Chavagnac

     

    Saint Gaucher d'Aureil. Abbé de Chavagnac († 1130)

     Fontaine Saint Gaucher à Brueil-en-Vexin, Yvelines

    Par Spedona — Cliché personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1752446

     

    Saint Gaucher (né en 1060 à Juziers près de Meulan, † 9 avril 1140 en Limousin) est un chanoine régulier du Limousin, il est célébré le 9 avril en tant que saint de l'Église catholique.

    Résumé de sa biographie

    Gaucher de Mauvoisin naquit à Juziers près de Meulan dans le Vexin français en 1060. Placé en nourrice au hameau de La Chartre qui dépendait de Juziers, l'enfant fréquenta l'école paroissiale de Gargenville.

    À l'instruction que lui firent donner ses parents, il ajouta la formation reçue d'un saint homme, un certain Rainier, qui l'emmena en pèlerinage à Saint-Gilles.

    Devenu adulte, vers l'âge de 18 ans, il se retira comme ermite au hameau de La Chartre près de Brueil-en-Vexin, puis partit une première fois dans la vicomté de Limoges avec son fidèle compagnon Germond pour s'installer dans les bois de Chavagnac en Limousin après une nuit de prière au tombeau de Saint-Léonard de Noblat ; peut-être avait-il été attiré en ces régions par maître Humbert, chanoine de la cathédrale Saint-Etienne de Limoges ?

    L'appui de l'évêque et du chapitre de la cathédrale l'amena à fonder le prieuré des chanoines réguliers d'Aureil et quelques communautés féminines avoisinantes.

    C'est alors que l'archevêque de Rouen, de qui dépendait le Vexin, le rappela pour lui confier la fondation et la direction du prieuré de Gargenville, dépendance de l'abbaye d'Aureil.

    D'aucuns attribuent la construction de l'église saint Martin de Gargenville à Gaucher (délabrée, elle a été abattue en 1864).

    Le collège adjoint au prieuré connut, comme celui-ci une grande prospérité, au point que l'un et l'autre furent rattachés au Collège de Clermont à Paris, dirigé par les jésuites (vers 1663).

    À partir de cette date, le recteur de la paroisse de Gargenville ne porte plus que le titre de curé.

    Aureil, dont le nom d’origine est Silvaticus (i.e la forêt) fut fondé entre 1081 et 1085 par Gaucher.

    Guidé par une vie ecclésiastique, Gaucher découvrit le Limousin à l’âge de 18 ans, où il fut accueilli par Humbert, chanoine de la cathédrale de Limoges.

    Venu à Saint-Léonard prier sur la sépulture de Léonard, et désireux de mener une vie semblable à ce dernier, il s’arrête à son retour vers Limoges dans un vallon qui porte aujourd’hui le nom d’un village de la commune : Chavagnac. Dans ce lieu, Gaucher y reste trois ans. Désireux d’y construire un monastère, il ne put cependant obtenir l’autorisation des propriétaires, les moines de Saint-Augustin et les religieuses de Notre Dame de la Règle de Limoges.

    Le prieuré du Limousin dont l'église fut dédiée en 1093 à saint Jean l'Évangéliste s'inspirait des coutumes de saint Ruf de Valence approuvées par le pape Urbain II ; au célibat traditionnel s'ajoutait ainsi le partage de tous les biens.

    Aureil essaima vite dans le diocèse et ses chanoines y furent responsables d'une quarantaine d'églises.

    Très mortifié, Gaucher était un prédicateur populaire renommé.

    Il mourut octogénaire le 9 avril 1140 des suites d'un accident de cheval alors qu'il revenait de Limoges.

    Le village d'Aureil à son origine

    Selon certains hagiographes, une colombe qui ne cessait de l’importuner en emportant toujours dans une même direction le chaume qui couvrait sa hutte, le guide alors vers un autre lieu : Silvaticus.

    Propriété des chanoines de l’église de Saint-Etienne de Limoges, Gaucher n’eut aucune difficulté, soutenu par son maître Humbert, pour obtenir l’autorisation d’y construire un monastère.

    Entre 1081 et 1085, le prieuré, dédié à Saint-Jean l’Evangéliste, est installé ; les premiers disciples (dont Germond, Lambert, Faucher,…) se placent alors sous la conduite de Gaucher. Par la suite, Etienne de Muret, fondateur de l’ordre de Grandmont, sera aussi l’un de ces disciples.

    L’église d’Aureil fut bâtie peu après la fondation du prieuré et fut consacrée en 1093. Détruite en partie au cours du XVe siècle, probablement par les Anglais, elle fut relevée de 1457 à 1460.

    Détruite de nouveau en partie durant l’année 1575, par les troupes huguenotes qui tenaient Saint-Léonard, elle fut réparée en 1576-1577, assez imparfaitement, semble-t-il, puisqu’il fallut procéder à de grosses restaurations en l’année 1691. Les belles boiseries du choeur sont de la fin du XVe siècle. Elle fut à nouveau restaurée en 1890.

    Un deuxième monastère

    Profitant d’une renommée grandissante, Gaucher fait construire un deuxième monastère, pour femmes cette fois, à Bost-las-Mongeas (Le Bois-de-Nonnes), situé à 500 m d’Aureil.

    Le monastère d’Aureil, nom donné au lieu par Gaucher, eut un tel succès qu’une quarantaine de prieurés furent fondés en Limousin et dans le sud du Berry ; celui d’Aureil reçut d’ailleurs de très nombreuses donations des puissantes familles du voisinage et des évêques de Limoges.

    Gaucher mourut des suites d’un accident, à l’âge de 80 ans, heurtant une pierre en tombant de sa monture. Ses funérailles furent célébrées en présence de l’évêque de Limoges ; il fut canonisé en 1194 et ses reliques placées par la suite dans une chasse.

    Le monastère sera détruit une première fois, victime des troupes du Prince noir avant d’être brûlé à deux reprises, d’abord par l’ordre des Ducs des Deux-Ponts en 1569 puis une seconde fois par les Hugenots en 1575. Les derniers moines abandonneront Aureil en 1598.

    L'évêque de Limoges le canonisa en 1194 avec l'autorisation du pape Célestin III.

    On peut citer saint Étienne de Thiers, fondateur de l'ordre de Grandmont, et saint Lambert, fondateur de l'abbaye de la Couronne près d'Angoulême, qui nous ont parlé de lui, ainsi que saint Faucher, son disciple pas très connu.

    Patronage et invocation

    Saint Gaucher est un patron des bûcherons, activité qu'il a sans doute exercée dans ses débuts d'ermite. Il est aussi invoqué pour obtenir d'être préservé des accidents imprévisibles et funestes.

    Saint Gaucher est vénéré en Limousin lors des ostensions Limousines (manifestation inscrite au patrimoine immatériel de l'UNESCO). Jusqu'à la première guerre mondiale, on se rendait en procession le jeudi de l'Ascension de l'église de Gargenville à la fontaine saint Gaucher de La Chartre (Diocèse de Versailles). Un reliquaire vide se trouve toujours à Gargenville : en 1654, l'évêque de Limoges avait transféré une relique du saint au prieuré de Gargenville. La relique a disparu du reliquaire lors de la Révolution française.

    Saint Gaucher est fêté le 9 avril dans le Martyrologe romain. Ses vertus le font vénérer dans le diocèse de Versailles (inscrit au propre du Diocèse).

    On dit qu'il fut désigné par Dieu pour fonder des monastères sur le sol de la France. Il avait toutes les qualités qui font un entraîneur d’hommes. Il possédait les vertus de charité, d'humilité, d'amour du prochain, de la foi en Dieu. Ce bâtisseur de couvents était ermite par goût et aurait aimé prier Dieu dans la solitude. C’est alors qu’il cherchait un emplacement favorable pour l’établissement d’un monastère qu’il fit une chute mortelle de cheval. Il mourut sur la terre, au pied d’un arbre, exhortant ses frères au courage.

    INVOCATION

    " Fais, ô mon Dieu, que nous soyons fortifiés dans l’amour de ton saint nom par tous les biens et toutes les faveurs dont tu nous combleras en mémoire de saint Gaucher ton serviteur, qui t'a servi fidèlement et que tu daignes glorifier tous les jours d’une manière si merveilleuse. Nous t'en prions par N.-S. J.-C. Amen.

    Saint Gaucher, qui obtiens la santé du corps et de l’âme et qui préserves du malheur ceux qui t'invoquent, prie pour nous".

    ORAISON

    " Ô Dieu, la sagesse et l’amour infini, tu sais ce qui nous est utile ; fais-nous la grâce de n’avoir sur la terre, comme les anges et les bienheureux dans le ciel, d’autre volonté que la tienne. Amen".

    La vie de saint Gaucher

    La vie de saint Gaucher, fondateur des chanoines réguliers d'Aureil en Limousin de Dom Besse et notes (éditée par le Revue Mabillon du 1er avril 1964).

    La vie de saint Gaucher d'Aureil était connue principalement jusqu'ici (1) par les six leçons de son transitus qu'ont édités les premiers Bollandistes au XVIIe siècle ; or, ces six leçons dépendent d'une Vita partiellement conservée et encore inédite, que l'on peut trouver dans les archives GALLICA BNF. On se propose ici de passer d'abord en revue les plus anciens documents et travaux concernant les débuts d'Aureil ; puis de situer la Vita dans sa traduction textuelle ; enfin, d'examiner successivement diverses données fournies par le texte à la lumière d'autres données étrangères à cette tradition. La conclusion rassemblera l'essentiel des connaissances sur saint Gaucher (1964).

    C'est Bernard Gui qui, le premier, parle de Gaucher dans une de ces brèves notices qu'il a consacrées aux saints limousins (2) : « Sanctus Gaucherius Normannus apud Aurelium prope Sanctum Leonardum in X° dormiuit in ecclesia quam ipse edificauerat ibidem. Florebat autem anno Dni M° C° XXX° ; cuius gesta habentur ibidem. Festum eius agitur V° ydus Aprilis ». Le prieuré d'Aureil, qui dépendait au Moyen-Age du chapitre cathédral de Limoges, fut pillé en 1569 par les Huguenots et réuni en 1600 au collège des Jésuites de la ville ;

    REVUE MAMELON, année 1904.


    Son chartrier fut retrouvé en 1647, mais on ne sait ce qu'il en est des Gesta dont parle Bernard Gui.

    Après la médiocre notice (3) du Du Saussaye sur Gaucher parue en 1637, la P. Labbe ne pouvait mieux faire en 1657 que d'éditer une vie latine du saint (4) d'après un ancien manuscrit de l'Eglise de Limoges, en y ajoutant quatre vers trouvés dans un autre vieux manuscrit venu, cette fois, d'Aureil au collège des Jésuites. En 1.675, les Bollandistes Henschen et Papebrock éditèrent le même texte (5) que Labbe, mais en lui laissant ses divisions selon six leçons liturgiques que lui donnait un autre vieux manuscrit limousin ; ils ajoutaient quatre autres vers sur Aureil tirés du même vieux manuscrit d'Aureil — en fait le cartulaire primitif —, et quelques éclaircissements dus à François de Blois et au Grandmontain Charles Frémon.

    François de Blois était un magistrat de Meulan en Vexin, patrie de saint Gaucher ; il consacra à celui-ci, dès 1652, un petit livre (6) qui témoigne de recherches fort diligentes pour l'époque. En partie grâce à Antoine Wyon d'Hérovalle, notre auteur put utiliser les notes encore inédites du P. Labbe, des indications tirées du chartrier de la cathédrale de Limoges et de ses bréviaires, et la notice de Bernard Gui (7). Il alla même chercher dans une notice (8) d'André Du Val sur Etienne de Muret une confirmation des rapports entre celui-ci et son héros.

    Charles Frémon, d'autre part, avait fourni (9) sur Gaucher d'Aureil, dès 1647, des indications étrangères aux leçons liturgiques de Labbe et des Bollandistes. D'autres indications de même nature furent données en 1672 par un hagiographe limousin, le chanoine Collin qui se réfère seulement à l' « ancien chartulaire de l'Eglise de St-Estienne de Limoges ». sans citer Frémon, alors qu'il était en relations érudites avec l'abbave de Grandmont (10). En 1685, le Carme de Limoges.

    Bonaventure de Saint-Amable rectifia quelques assertions de Collin et des Chroniques de Limoges sur Gaucher (11), en utilisant des documents grandmontains, mais aussi les « archives de la Cathédrale de Limoges ».

    Disons tout de suite que Collin brode parfois de manière inquiétante et que ses références, ainsi que celles de François de Blois et de Bonaventure, sont trop peu précises pour que l'on sache au juste ce qu'il y avait sur Gaucher dans les archives de la cathédrale (12). D'autre part, les leçons liturgiques que l'on peut retrouver actuellement ne diffèrent pas du texte édité par les Bollandistes (1.3), et les notices diverses compilées aux XVIIe et XVIIIe siècle ne sont que des amalgames sans autorité véritable (14). Enfin, il y a tout lieu de croire, comme on le verra, que le Grandmontain Frémon a utilisé le texte incomplet de la Vita édité en appendice.

    Plus récemment, un archiviste de la Haute-Vienne, l'infatigable Alfred Leroux, a publié l'inventaire analytique du fonds d'Aureil inclus dans le fonds du collège des Jésuites, ainsi que des deux premiers fonds de l'évêché de Limoges (15); les titres d'Aureil venant du chapitre furent répertoriés un peu plus tard (16). Alfred Leroux retrouva encore l'ordinaire d'Aureil, du début du XIIIe siècle (17), et M. Jacques de FontRéaulx, en reconstituant le plus ancien cartulaire de la cathédrale, a signalé avec précision les anciennes copies d'érudits concernant ses archives (18).

    Mais surtout, un archiviste-paléographe, Gaston de Senneville, conseillé par Leroux, édita en 1900 le cartulaire d'Aureil contemporain de saint Gaucher avec les vers concerant (11) le saint et sa fondation (19) : on put ainsi constater que ces vers avaient été transmis par une copie du début du XIVe siècle mise en tête du cartulaire lui-même. L'édition ne comporte pas l'introduction qui aurait permis à Senneville de revoir de plus près certaines dates, mais elle est pourvue d'une liste critique des prieurs et d'index.

    L'actuel ms. Paris B. N. lat. n° 1.0 891. (20) est relié aux armes de Louis-Philippe, et sa cote ancienne au « Supplément latin n° 263 » indique qu'il est entré à la Bibliothèque du Roi après 1740. C'est un recueil factice en trois parties écrites toutes trois au XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle. La première partie contient une Vita A de saint Etienne de Muret, et la troisième contient les Pensées du même personnage (Liber Sententiarum) (21). A la fin de la première partie (f° 78 ve), on voit le décalque de lettres gothiques du XIIIe ou XIVe siècle, provenant d'une reliure précédente, ce qui donne à penser que la constitution du recueil est postérieure à cette époque.

    La deuxième partie du manuscrit contient la Vita incomplète de saint Gaucher éditée ici en appendice. Il n'en reste que dix folios de 152 X 21.2 mm. réglés à la mine de plomb ; les huit premiers folios ont été numérotés par pages de 1 à 16 au XVe ou XVIe siècle et, déjà à ce moment, les dix folios étaient dans un désordre dont témoigne une note de même date que la pagination (f° 79 v°), désordre consacré par la pagination d'ensemble du XIXe siècle (79 r°-88 v°).

    Il est certain que la première partie du manuscrit vient de Grandmont, en raison d'une note ancienne (22). Pour penser que les deuxième et troisième parties n'en viennent pas aussi, il faudrait supposer que les relieurs du XIXe siècle ont ajouté ces deux parties à un manuscrit du supplément latin de la Bibliothèque du roi. On constate d'autre part que le Grandmontain Frémon, à propos de Gaucher, n'ajoute rien de plus aux données des leçons liturgiques connues, que des indications contenues dans la seconde partie. Enfin, la présence d'une Vita d'Etienne de Muret dans la bibliothèque d'Aureil est constatée au début du XIIIe siècle (23) ; on peut d'autant plus supposer une contrepartie à Grandmont que les deux saints étaient censés avoir eu des rapports d'édification et que notre ms. 10 891 présente des fautes de copie. Si l'on était certain que cet échange de bons procédés a eu lieu à la fin du XIIe siècle, on comprendrait que le recueil, constitué à Grandmont entre le XIVe et le XVIe siècle, ait été utilisé sur place par Frémon au XVIIe siècle ; mais ce n'est pour le moment qu'une hypothèse vraisemblable.

    Si mutilé que soit notre texte, il nous conserve par bonheur d'appréciables éléments de comparaison avec les leçons liturgiques et avec les Vitae similaires : le prologue, une table des chapitres sans analogie dans l'hagiographie limousine du moment, et les dernières lignes de la Vita sous forme d'une doxologie comparable à celles qui terminent deux Vitae grandmontaines du XIIe siècle (24).

    La comparaison entre les six leçons du transitus et ce qui reste de la Vita est valable pour les cinq premières leçons. Cette comparaison suggère que l'abréviateur chargé de constituer les leçons liturgiques' n'a voulu retenir que les évènements saillants de la vie du saint et qu'il l'a fait en découpant la Vita beaucoup plus qu'en la résumant. Laissant naturellement de côté prologue et table, cet abréviateur a commencé par transcrire littéralement les six premiers chapitres de la Vita, mais sa troisième leçon se termine par quelques lignes absentes de notre texte : comme il y est dit que Gaucher fut le premier à établir une forme de vie religieuse vouée aux « pensées contemplatives », on ne serait pas autrement surpris de cette lacune dans un texte qui vient peut-être de Grandmont où l'on revendiquait le même honneur pour Etienne de Muret (25). Passant sur un premier miracle et sur les tentations du saint, l'abréviateur a transcrit le transfert à Aureil sur l'invitation d'une colombe et l'autorisation du chapitre de Limoges ; sa cinquième leçon se termine sur le sujet des rapports de Gaucher et d'Etienne de Muret, sans mention d'autres relations.

    La sixième leçon passe directement à la mort du saint, par-dessus douze chapitres consacrés, d'après la table, au développement d'Aureil et à son influence ; compte tenu des procédés' de l'abréviateur, il y a tout lieu de croire que cette leçon, reproduit le c. XXIX perdu de la Vita. Il s'y ajoute le sommaire des quatre miracles survenus avant l'inhumation du saint, dont la Vita nous a gardé en partie le récit, mais que l'abréviateur a négligés comme les seize chapitres de miracles énumérés dans la table ; ces miracles ont peut-être été réservés pour les leçons perdues de la translation (26). La leçon se termine par quelques mots sur une canonisation que la table de la Vita ignore et par une formule doxologique différente de celle de cette Vita.

    La troisième partie de ce travail sera consacrée à l'examen des principaux évènements rapportés par la Vita, à l'exclusion des miracles presque tous perdus. On examinera d'abord les données historiques les plus proches du rédacteur anonyme, à commencer par son prologue et la canonisation de son héros. L'influence exercée ou subie par Gaucher, et sa mort seront critiquées ensuite, car il s'agit de faits que l'hagiographe a pu connaître par intermédiaire. Les origines du saint et la fondation d'Aureil furent certainement hors de portée de notre rédacteur, et ne seront abordées qu'en dernier lieu.

    Outre les documents signalés dans notre première partie, il y aura lieu d'exploiter les analogies possibles avec un ensemble inespéré de Vitae d'ermites limousins du XIIe siècle (27), dont notre texte n'est que le dernier venu ; toutes ces Vitae ont été écrites dans le monastère où a vécu le héros, et une génération au plus après sa mort. Outre les vies grandmontaines (28) d'Etienne de Muret (f 1124) et d'Hugues Lacerta (f 1157), il faut signaler spécialement celle d'Etienne d'Obazine (f 11.59) commencée immédiatement après la mort du héros par un disciple qui connaissait les vies de saint Bernard et de saint Malachie (29). Geoffroy du Chalard (+ 1125) avait laissé des notes autobiographiques ; le disciple qui lui succéda presque immédiatement comme prieur y ajouta un essai personnel et fit rédiger par un de ses chanoines, entre 1150 et 1169, une Vita qui met en cause Gaucher d'Aureil (30).

    L'auteur. — D'après le prologue, l'auteur est un chanoine d'Aureil qui, sur là demande de ses frères, met par écrit les souvenirs de témoins sur un personnage dont il déplore la discrétion : il ne se range pas lui-même au nombre de ces témoins. Le successeur immédiat de Gaucher est présenté comme disparu, ainsi que l'évêque d'Angoulême Lambert de la Palud ; mais le premier était déjà remplacé en 1147, et le second en 1148, tandis que Gaucher mourait en 1140 (31) ; or, le biographe grandmontain d'Hugues Lacerta (-f 1157) écrivait entre 1163 et 1170 la vie d'un personnage qu'il n'avait pas connu ! En fait, la fin du c. XXXIV de notre Vita, conservée par bonheur, semble indiquer seulement que le texte fut rédigé antérieurement à tout culte rendu à Gaucher et aussi que l'évêque de Limoges Gérard (-f 11.7.7.) était décédé au moment de cette rédaction. Notre auteur a certainement pu consulter le rotulus de Gaucher, conservé avec sa Vita à Aureil au début du XIIIe siècle, mais il n'y fait pas allusion (31 bis).

    Il serait intéressant de savoir si notre auteur écrivait en vue d'obtenir la canonisation de Gaucher ou pour un autre motif, tel que l'édification des disciples. Ecartons tout de suite l'argument qu'on pourrait tirer de l'expression « sanctus Gaucherius » pour placer la rédaction après la canonisation de 1194. ; il est vrai que la Vita B d'Etienne de Muret introduit cette titulature dans la Vita A du personnage après sa canonisation de 1189. ; mais nous n'avons la Vita de Gaucher que par une copie dont la date exacte n'est pas connue et qui a pu conformer ses expressions aux évènements postérieurs à l'original (32). La comparaison avec les autres Vitae limousines est plus instructive.

    La Vita A d'Etienne de Muret a servi d'illustration à la règle mise) sous le nom du héros ; mais la Vita de Gaucher avoue sans ambages que celui-ci a renoncé à faire pratiquer aux siens l'abstinence qu'il s'imposait à lui-même (33). Le biographe d'Etienne d'Obazine s'excuse d'écrire la vie d'un personnage non canonisé, mais le souci principal de ce disciple fervent est l'apologie des usages pratiqués par son maître ; le biographe de Gaucher, quant à lui, semble dépenser une emphase un peu artificielle à décrire les mortifications de son héros. En revanche, le biographe d'Hugues Lacerta souhaite expressément voir son œuvre servir à la confection d'une légende liturgique et l'on a ajouté un miracle à sa conclusion ; le biographe de Geoffroy du Chalard, qui n'a que trois miracles posthumes à ajouter à sa Vita, fait proclamer par le dernier miraculé, devant le peuple et le clergé, que Geoffroy est « saint et agréable à Dieu ».

    Lors donc que l'on voit la Vita de notre Gaucher consacrer à ses miracles quelque trente chapitres sur cinquante, on peut se demander si son auteur ne visait pas à constituer ce qui, déjà à l'époque, était un dossier de canonisation. Si l'on ajoute à cela la place exceptionnelle faite dans le texte — indûment, comme on verra — à un Etienne de Muret canonisé à Limoges en 1189 par les légats apostoliques (34), on est amené à soupçonner que le rédacteur, qui n'a guère soigné son style, a travaillé entre celte date et 1194.

    La canonisation. — On a vu qu'un abréviateur a terminé la sixième leçon du transitus de Gaucher en encadrant, entre la date approximative de son acmé et une quelconque doxologie, un bref récit de sa canonisation (35). Ce récit a pu être fait de mémoire, mais comme on le retrouve avec des variantes chez Collin qui, suivi par Bonaventure de Saint-Amable, a utilisé les archives de la cathédrale, on peut se demander s'il n'a pas existé dans ces archives quelque procès-verbal de translation.

    D'après la leçon et Collin, le pape Célestin III (1191-1198) aurait accordé à l'évêque de Limoges Sébrand Chabot (11781198) l'inscription de Gaucher au catalogue des saints, après enquête ; l'évêque aurait procédé à la revelatio des restes du saint et à leur mise dans des reliquaires le 19 septembre 1194. En fait, le millésime est fourni par les quatre vers sur Gaucher consignés au cartulaire ; la date du 18 septembre est assurée par le calendrier de l'ordinaire d'Aureil et il s'agit précisément d'un dimanche cette année-là.

    Le cas de Gaucher d'Aureil est donc à peine plus sûr que celui de Ladislas de Hongrie dont la Vita dit seulement qu'il fut canonisé au temps de Célestin III en 11.92 (36). Mais il faut se rappeler que saint Jean Gualbert fut proclamé saint par le même pape en synode romain (37), sans qu'il y eût besoin de bulle comme pour Etienne de Muret en 1189. Et s'il a existé une correspondance entre le pape et l'évêque de Limoges à propos de Gaucher, elle a pu disparaître au XIVe siècle avec certaines archives de l'évêché. En définitive, on pencherait plutôt vers une simple canonisation épiscopale avec permission apostolique.

    En effet, le même évêque Sébrand et le même diocèse de Limoges avaient vu en 1189 les légats du pape proclamer la canonisation d'Etienne de Muret avec de solides considérants sur la compétence du Siège Apostolique en la matière (38). Assurément, la réserve papale n'était pas encore créée et les termes employés en 1189 se ressentent de la réaction contre les immixtions séculières dans la première crise de Grandmont. Mais précisément, un nouveau prieur fut choisi pour Aureil en 1194 parmi les chanoines de Bénévent (39.) ; on peut se demander si des difficultés internes n'ont pas amené l'évêque Sébrand à penser que, tout comme à Grandmont, la canonisation du fondateur serait un utile moyen de pacification pour Aureil et d'édification pour son clergé. S'il n'a pu obtenir du

    Siège Apostolique pour son candidat autant d'honneurs que les Grandmontains pour leur bienheureux père, — ce qui n'est pas prouvé — il faut se rappeler que le modeste prieuré d'Aureil ne jouissait pas, comme la fondation posthume d'Etienne de Muret, d'appuis tels que ceux d'un roi Plantagenêt.

    Mort de Gaucher. — Le début de la sixième leçon — et donc le c. XXIX de la Vita, selon toute vraisemblance — fait mourir Gaucher à 80 ans après quelque 60 ans de priorat à Aureil, où la même Vita (c. VI et X) le fait arriver vers l'âge de 21 ans. Les quatre vers sur Gaucher indiquent pour cette mort le millésime de. 1140, qui ne provient donc pas de la Vita. Les biographes de Geoffroy du Chalard, d'Etienne d'Obazine et d'Hugues Lacerta indiquent le millésime de la mort de leur héros. Si le biographe de Gaucher ne l'a pas fait, c'est peut-être pour avoir voulu imiter la Vita. A d'Etienne de Muret : celle-ci note le jour de la semaine et du mois où il est mort, à 80 ans lui aussi, fournit avec une précision excessive l'année de son entrée au désert, mais néglige de donner à son décès un millésime que l'on retrouve également dans quatre vers aberrants (40).

    Ce silence relatif de notre Vita expliquerait peut-être le « floruit... anno. Domini MCXXX » de la fin de la sixième leçon comme une précision parue souhaitable soit à l'hagiographe, soit à l'abréviateur. Bernard Gui a repris l'expression telle quelle, et ses expressions suggèrent qu'il n'a vu que la leçon, et non la Vita. Les premiers Bollandistes ont fait de 1130 l'année de la mort du saint, mais la présence à ses funérailles de l'évêque de Limoges Gérard (1137-1177) exclut cette interprétation. Le cartulaire d'Aureil ne confirme pas la date de 1140, mais bien le caractère accidentel de la mort (41) qui eut lieu le 9 avril d'après le transitas du calendrier.

    Influence reçue et exercée par Gaucher. — La Vita de Geoffroy du Chalard nous fait voir Gaucher d'Aureil, ermite renommé, renvoyant à son aîné Geoffroy un pénitent qui avait offensé celui-ci, afin qu'il termine ses jours sous sa direction. A la mort de Geoffroy, Gaucher vint célébrer ses funérailles

    (40) Les quatre vers sur Gaucher sont signalés par Bonaventure de SaintAmable (op. cit. sup. note 11) d'après un document indépendant du cartulaire d'Aureil et sans allusion aux quatre vers sur Aureil. Les quatre vers sur Etienne de Muret furent recueillis entre 1163 et 1170 à la fin de l'abrégé de la Vita d'Etienne de Muret qui précède la Vita d'Hugues Lacerta, mais on ne les retrouve pas dans les deux exemplaires anciens de la Vita A d'Etienne de Muret. On ne sait à quoi pouvaient servir des compositions de ce genre, sauf à fournir un support mnémotechnique à une date vénérée dans une famille religieuse et dut y prononcer les paroles que sa science et son éloquence faisaient attendre de lui, mais que son émotion lui fit dire en langue vulgaire.

    Ces traits sont précieux, car ils confirment de manière indépendante les trop brèves indications de la table de notre texte sur l'influence exercée par Gaucher. Cette influence s'exerce sur quelques grands personnages (42) (c. XXIIIXXVI), et s'ajoute à la popularité acquise au saint homme par quelques miracles faits de son vivant (43) (c. XVII et XIXXXI). Un des titres parle même des pouvoirs reçu d'Urbain II pour ramener les pécheurs au bien (consulendi peccatores ; c. XVIII) ; or on sait qu'au moment où ce pape passa par Limoges (fin 1095 et début 1096), le soin des âmes était sérieusement contesté aux moines et chanoines' réguliers (44) ; il n'y a donc rien d'invraisemblable à ce que Gaucher, prieur depuis une dizaine d'années et âgé d'environ 35 ans, ait obtenu quelques garanties apostoliques.

    Faut-il penser que ce passage d'Urbain II à Limoges a déterminé le séjour de deux ans que la Vita fait faire par Gaucher à Saint-Ruf d'Avignon (c. XIII), séjour qui aurait fait de lui dans sa province le pionnier de la vie canoniale austère selon la règle de Saint Augustin ? Il est vrai qu'Urbain II a beaucoup fait pour Saint-Ruf (45), mais il est possible que l'évêque de Maguelonne Geoffroy ait bénit le cimetière d'Aureil, en compagnie de l'évêque de Limoges Humbaud. quelques années avant le passage du pape (46) ; or Geoffroy avait réformé ses chanoines en 1095 et ceux-ci suivaient certainement les coutumes de Saint-Ruf sous le successeur de Geoffroy, Gauthier (1104-1129).

    A vrai dire, ce que l'on sait des premières observances de Saint-Ruf ne permet guère d'y trouver trace d'une abstinence absolue que Gaucher, à en croire la Vita, aurait ramenée à Aureil , sans succès durable auprès de ces disciples (47). Cet échec doit même être rapproché des difficultés rencontrées par Etienne d'Obazine dans le même domaine ; l'abstinence absolue était une pratique érémitique et monastique et si l'ermite Etienne finit par adopter la règle monastique pour la maintenir chez les siens, l'ermite Gaucher, qui dépendait du chapitre de Limoges, ne pouvait en faire autant. Il fit si peu qu'au début du XIIIe siècle, il faudra rédiger un règlement local pour Aureil où l'on n'avait pas de coutumier à montrer aux novices (48) !

    Mais au moment où l'on rédigeait ce règlement, il y avait encore à la bibliothèque d'Aureil deux exemplaires des coutumes de Saint-Ruf, dont l'un copié à la suite de l'ordinaire de la maison. Les relations de Gaucher avec Urbain II sont des plus admissibles, et ses relations avec Geoffroy de Maguelonne sont certaines. Ne voit-on pas d'ailleurs les ermites de Chaumousey aller eux aussi se documenter à Saint-Ruf vers 1092 et recevoir ensuite des conseils de modération de l'évêque Gauthier de Maguelonne (49) ? On peut donc admettre un séjour de Gaucher à Saint-Ruf, mais on ne peut ni dater ce séjour, ni juger de ses résultats pour la réforme canoniale en Aquitaine.

    On peut encore se demander si notre hagiographe n'a pas surfait l'influence exercée par son héros sur les religieux de son temps. En fait, il n'a pas été possible de retrouver trace du monastère de « Forestis » en Auvergne (50), fondé par un

    Étienne de Muret est présenté par notre texte (c. XII) comme un disciple de Gaucher, mais disciple si réticent quant à l'accueil paternel fait aux femmes par son maître, qu'il se fit construire une cellule à deux portées de flèche du monastère double d'Aureil, en un lieu appelé Muret ; Étienne aurait ensuite transporté cellule et toponyme près d'Amhazac, d'où son nom d’Étienne de Muret.

    En fait, au moment où la Vita de Gaucher était rédigée, on attribuait officiellement à Étienne de Muret la règle qui excluait les établissements féminins de l'ordre de Grandmont issu de lui après sa mort ; mais on a montré le caractère systématique de ce texte pseudépigraphe (52). D'autre part, les textes grandmontains, assez fournis pour le XIIe siècle, ne font aucune allusion au fait qu'Étienne de Muret ait été disciple de Gaucher, son cadet d'une quinzaine d'années.

    L'explication la plus simple de cette histoire est suggérée par notre texte lui-même, et elle est d'ordre toponymique : il y avait un Muret près d'Aureil et un autre près d'Ambazac. Or, si l'on souhaitait associer deux personnages dans la gloire céleste, il pouvait être convenable de les associer dans leur ascèse terrestre et l'on n'a pas oublié qu'Étienne de Muret fut canonisé en 1189. Mais les chanoines d'Aureil dirigeaient des moniales toutes proches (53), alors que les Grandmontains se réclamaient de leur fondateur pour n'en rien faire : aussi voit-on la Vita consacrer tout un chapitre à équilibrer les attitudes opposées de chatecturales pouvaient dater du XIIe siècle (A. D. Rhône, 48 H 3121, n° 8). Dom Boyer n'avait pu davantage identifier la Forestensis ecclesia (Ms. Paris, Bibl. Ste-Geneviève n° 1979, f° 65). Je remercie M. Sève, directeur des Archives du Puy-de-Dôme, qui a orienté mes recherches vers le fonds de Tortebesse. Les fondateurs, en donnant le beau rôle à Gaucher, sans aucun démérite pour Étienne.

    Les Grandmontains de la fin du XIIe siècle pouvaient d'autant moins se formaliser de ce rapprochement, dont l'hagiographe n'est sans doute pas l'inventeur, qu'il mettait en valeur une des caractéristiques de leur règle, approuvée dès 1156 par le pape, et que la Vita A d’Étienne mettait celui-ci à l'école de divers religieux anonymes. Il pouvait suffire au copiste de Grandmont d'« oublier », dans la Vita de Gaucher, le passage qui concurrençait par trop l'originalité contemplative de sa maison, et que la leçon liturgique a gardé. Plus tard, les historiens grandmontains admettront sans trop de peine que Gaucher ait été le maître d’Étienne, et ils l'identifieront même avec le chanoine à qui leur fondateur apparut après sa mort (54) !

    Les origines de Gaucher et la fondation d'Aureil. — L'hagiographe de Gaucher fournit, sur la prime jeunesse de son héros, des précisions topographiques assez habituelles dans les vies d'ermites limousins du XIIe siècle, malgré l'imprécision chronologique qui y règne sur le même point (55) ; notre Gaucher était de Meulan en Vexin (56). Mais le songe de la mère enceinte est ici un thème hagiographique connu, plus suspect encore sous sa forme d'un songe double à signification identique dont la répétition est voulue par Dieu, comme dans la Genèse (57). Et le fait que notre auteur se réfère expressément au témoignage de son héros (58), recueilli par son entourage, ne change rien à cette suspicion.

    En revanche, il n'y a rien que de très banal dans le fait que le jeune Gaucher soit allé en pèlerinage à Saint-Gilles avec le religieux qui l'avait formé et pris à son service ; et comme Saint-Léonard était sur sa route, il a fort bien pu s'y convertir (59), quel que fût dans cette conversion le rôle joué par maître Humbert sur lequel on reviendra. Il est seulement étonnant que l'hagiographe insiste sur l'amour de la chasteté comme motif de la conversion de Gaucher, alors qu'il lui fera gloire ensuite de ne pas éviter les responsabilités religieuses à l'égard des femmes.

    En fait, les notations de la Vita concernant les origines de Gaucher n'offrent rien qui ne corresponde à la présentation édifiante de souvenirs de jeunesse incontrôlables, transmis par les confidents respectueux d'un vieillard. Au reste, le cartulaire d'Aureil apporte une confirmation partielle à ce que dit la Vita sur les premiers compagnons de Gaucher (60). Et si le récit de la fondation d'Aureil relève vraisemblablement des mêmes sources d'information que les « enfances » du héros, il donne lieu à des contrôles plus faciles.

    Il faut d'abord admettre sans difficultés que Gaucher et son premier compagnon, après trois ans d'érémitisme, aient été empêchés de fonder un établissement durable sur des terres monastiques, car le procédé est bien attesté à l'époque (61) ; mais l'avertissement d'une colombe à cette occasion est encore un thème hagiographique connu (62). Puis, il faut écarter la date de 1071 proposée pour la fondation d'Aureil par le second quatrain du cartulaire, puisque Gaucher est mort octogénaire en 1140 (63). Cette erreur, probablement volontaire, est accompagnée d'une autre erreur, due à un scribe cette fois, en ce qui concerne la date de consécration de l'église d'Aureil : il faut lire, comme le suggère l'abbé Legros (64) :

    « Anno milleno nonageno septeno

    Quatuor ablatis, facta est dedicatio nostra »,

    ce qui donne 1093, et le 21 août, indiqué comme dédicace par le calendrier de l'ordinaire d'Aureil, est bien un dimanche cette année-là comme le même Legros l'a vu dans un « cartulaire de la cathédrale ».

    En effet, c'est dans le courant de 1093 que l'évêque de Limoges Humbaud (1086-1096) fit à Aureil une donation sur ses terres patrimoniales du Bas-Berry (65) ; le 6 novembre 1095, le prieur Gaucher (dompnus Gaucherius) signait un arrangement entre le même Humbaud et les moines de Déols, aussitôt après l'archidiacre et maître Humbert (66). En outre, une indication du cartulaire d'Aureil permet de faire remonter la fondation au temps du premier évêque « grégorien » de Limoges, Gui de Laron, prédécesseur d'Humbaud, décédé le 17 avril 1086 (67).

    Ces précisions chronologiques sont indispensables, car l'auteur de la Vita résume, sans le dater, l'acte de fondation d'Aureil qu'il dit avoir trouvé dans les chartes de la cathédrale de Limoges, et aucune des copies de cet acte ne nous fournit de date ni de noms de témoins ou de dignitaire du diocèse. Cet acte curieux semble avoir été consigné pour la première fois au dos d'une bulle de Pascal II qui, en 1105, confirmait les possessions du chapitre de Limoges, dont Aureil ; c'est de cet exemplaire que dépend l'édition actuelle (68). Tout semble indiquer que les chanoines de la cathédrale accordaient; peu de confiance aux fondations érémitiques dont ils patronnaient les débuts, mais que l'évêque de Limoges Pierre Viroald (1100-1106), le même qui imposa la régularité à Saint-Léonard, fit noter avec précision la situation d'Aureil (69).

    Cet acte, où plutôt ce règlement de fondation, fait du nouvel établissement un lieu de retraite pour les chanoines de la cathédrale qui voudraient librement renoncer au siècle et suivre désormais la régularité (regularem tramitem) ; Gaucher et son compagnon Rainaud sont seuls nommés, et le premier semble être considéré comme prieur et membre de droit du chapitre de Limoges. Or Gaucher avait au plus 24 ou 25 ans quand mourut l'évêque Gui, et la confiance que pouvait inspirer un jeune étranger ne s'explique que par des raisons fournies dans la Vita.

    L'hagiographe dit. que le chanoine de Limoges maître Humbert, qui enseignait dans les parages de Meulan, attira le jeune Gaucher dans le « désert » de son Limousin boisé et lui servit de garant auprès du chapitre cathédral. Une notice de Bernard Gui, non exempte d'erreurs, fait du même Humbert un chanoine de Limoges et un maître parisien qui, désireux de se consacrer à Dieu, obtint du chapitre remplacement nécessaire à un établissement de chanoines réguliers (70). Il est du moins prouvé que maître Humbert reprit en mains une fondation érémitique faite en 1080 sur les terres des chanoines de Limoges ; un apport de reliques italiennes et peut-être une translation firent de cette fondation le prieuré Saint-Barthélemy de Bénévent, grâce à l'évêque Gui de Laron (71).

    Tout comme l'évêque, maître Humbert avait des principes réformistes, mais son œuvre proprement canoniale nous est pratiquement inconnue. A-t-il voulu rééditer avec le jeune Gaucher et sur des bases juridiques plus solides l'expérience mal engagée par d'autres à Bénévent (72) ? Quoi qu'il en soit, on le voir contresigner, comme prieur de Bénévent, une donation faite à Aureil par un archidiacre de Limoges à une date qu'il est difficile de faire descendre après 1085. Il faut donc admettre avec la Vita que l'installation de Gaucher à Aureil eut lieu quand celui-ci avait environ 21 ans, soit entre 1081. et 1085 ; le règlement de la situation juridique de la fondation a pu suivre de peu cette seconde date et n'être mis au net, à Limoges, sans autre formalité, qu'en 1105-1106.

    On a donc comparé la copie incomplète d'une Vita du XIIe siècle avec les leçons liturgiques extraites du texte primitif et complet : on a utilisé, pour ce faire, tout ce qui pouvait actuellement éclairer les principaux évènements de cette Vita. Les explications les plus simples de certaines difficultés convergent dans l'hypothèse que la Vita a été écrite en vue de la canonisation du héros. Avant que des découvertes improbables ne viennent confirmer ou infirmer cette hypothèse, on peut la retenir comme la plus vraisemblable et résumer comme suit ce que l'on croit savoir.

    Gaucher naquit à Juziers (73), près de Meulan en Vexin, vers 1060. A l'instruction que lui firent donner ses parents, il ajouta la formation reçue d'un saint homme, un certain Rainier, qui l'emmena en pèlerinage à Saint-Gilles. Vers l'âge de 18 ans, il vint avec un compagnon, Germond, s'installer dans les bois de Chavagnac en Limousin après une nuit de prière au tombeau de Saint-Léonard de Noblat ; peut-être avait-il été attiré en ces régions par maître Humbert, chanoine écolâtre de la cathédrale Saint-Etienne de Limoges ?

    Mais les deux ermites ne purent obtenir la concession perpétuelle de leur emplacement qui appartenait aux moines de Saint-Augustin de Limoges et aux moniales de Sainte-Marie de la Règle. Au bout de trois ans, ils se transportèrent dans un bois voisin appelé les Sauvages dans la forêt d'Aureil ; ce lieu appartenait aux chanoines de Limoges et maître Humbert y facilita, entre 1081 et 1085, la création d'un établissement de chanoines réguliers avec l'appui des évêques successifs Gui de Laron (107.3-1.086) et Humbaud de Sainte-Sévère (10861096). L'église du nouveau monastère Saint-Jean-l'Evangéliste d'Aureil fut consacrée le 21 août 1093 et son prieur alla faire un stage à Saint-Ruf d'Avignon.

    Pendant un peu moins de soixante ans, Gaucher vit sa fondation se développer, notamment par l'acquisition d'une dizaine d'églises et de divers revenus. Il fonda pour les femmes un monastère tout proche d'Aureil, Sainte-Marie du Bos-las-Mongeas (74), il prêcha, il reçut de nombreux visiteurs parmi lesquels des réformateurs religieux comme Lambert de la Palud. L'un de ses disciples nommé Gérard a probablement fondé un monastère au lieu inconnu appelé Forestis en Auvergne, mais on ne peut admettre qu'Etienne de Muret se soit mis à l'école de Gaucher.

    Gaucher tomba do sa monture le 7 avril 1140 près de Feytiat (75), à l'âge de 80 ans environ, et il en mourut le surlendemain 9 avril. Sa vie et le récit de ses miracles furent probablement rédigés après 1189 et avant sa canonisation qui eut lieu le 18 septembre 1194. A cette occasion, l'évêque de Limoges Sébrand Chabot, procéda à la translation de ses restes après avoir obtenu au moins l'autorisation du pape Célestin III.

    J. BECQUET.

    Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaucher_d%27Aureil

     

    La fontaine Saint Gaucher de Brueil en Vexin

     

    Saint Gaucher d'Aureil. Abbé de Chavagnac († 1130)

     

    Gaucher, alors âgé de 80 ans, revenant de Limoges, sommeillait sur sa pauvre monture.

    Celle-ci vint à broncher et lança si rudement notre Saint contre une pierre qu'il se blessa grandement la tête.

    Gaucher fût transporté de Feytiat à Aureil et en passant près d'une fontaine, sa blessure à la tête fut lavée.

    On nomma dès lors la fontaine "Fontaine Saint Gaucher" ou "Fontaine Saint Gauthi" et les pèlerins vinrent y chercher un soulagement à leurs maux.

    En savoir plus :

    http://www.mairie-aureil.fr/pages/decouvrir/d_historique.htm

    http://grandmont.pagesperso-orange.fr/Aureil.htm

    http://es.wikipedia.org/wiki/Gauquerio

    http://fr.topic-topos.com/fontaine-saint-gaucher-brueil-en-vexin

     

     

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