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Notre-Dame des Miracles (Saint-Maur-les-fossés)
Notre-Dame des Miracles
(Saint-Maur-les-fossés)
Passant de là au midi, nous trouvons dans la péninsule que forme la Marne avant de se jeter dans la Seine, Notre-Dame des Miracles a Saint-Maur-les-Fossés.
Déjà, vers le milieu du cinquième siècle, le sang des populations chrétiennes, versé par les farouches soldats d'Attila, avait sanctifié cette terre, et les noms de Félix, Agoard et Aglibert, vulgairement appelés les saints de Creteil, s'y étaient conservés dans les cœurs comme un souvenir de foi et d'héroïsme chrétien.
Vers le milieu du septième siècle, en 645, sous le règne de Clovis II, un dignitaire de l'Église de Paris, l'archidiacre Blidégésile, conçut le projet de fonder, sur une terre ainsi consacrée, un monastère avec une église dédiée à la sainte Vierge et aux apôtres saint Pierre et saint Paul.
Babolein, qui en fut le premier abbé, y fut inhumé et ne tarda pas à être mis par l'Église au nombre des saints.
Plus tard, les bénédictins y ayant apporté de la célèbre abbaye de Glanfeuille le corps de saint Maur, compagnon et disciple de saint Benoît, pour le soustraire aux mains sacrilèges des Normands, il s'y opéra grand nombre de miracles qui valurent à cette abbaye non seulement la qualification de sainte, sancta Fossatensis ecclesia, disent les chartes, mais encore le nom même de Saint-Maur, que l'érudition bénédictine devait, dans la suite des temps, environner de tant d'éclat.
Les reliques nombreuses que possédait cette église contribuèrent aussi à l'illustrer : car outre les corps des saints de Creteil, de saint Babolein et de saint Maur, elle possédait des restes précieux de saint Pierre, de saint Philippe, de saint Matthieu, et même, disait-on, des trois rois Mages.
Mais ce qui attirait surtout à Saint-Maur un grand nombre de dévots pèlerins, c'étaient les traditions merveilleuses qui se rattachaient a cette église.
D'abord, une antique tradition portait que le Sauveur était venu en personne en faire la dédicace.
En second lieu, c'était une croyance générale qu'en 1061, Guillaume, comte de Corbeil, héritier de la piété de ses ancêtres et de leur zèle pour l'abbaye de Saint-Maur, ayant voulu lui faire don d'une image qui représentât la Vierge debout au pied de la croix, cette statue se trouva toute faite sans mains d'homme, au moment où le sculpteur Rumnol s'apprêtait à dégrossir le bois dont il voulait la tirer ; ce que l'historien de Saint-Maur a exprimé par le titre suivant donné à son récit : Iconia beatœ Mariœ virginis quum ejjigiavit virtus Altissimi.
Quoiqu'il en soit de l'origine de cette statue, il est certain qu'en priant à ses pieds on y obtint des guérisons sans nombre qui firent appeler la chapelle où elle était placée du nom de Notre-Dame des Miracles et qui la rendirent si vénérable, que les religieux de Saint-Maur n'y entraient jamais que pieds nus.
Au quatorzième siècle on rebâtit presque en entier l'église qui possédait un si précieux sanctuaire ; la chapelle de Notre-Dame des Miracles fut reconstruite en dehors de la basilique, sur l'emplacement de l'église précédente, et conserva la statue miraculeuse ainsi que le cercueil en pierre de saint Babolein.
Ce renouvellement de l'édifice sembla renouveler la piété des fidèles, et le concours devint plus grand que jamais.
On y venait surtout en foule le 23 juin, parce qu'au motif de la dévotion à Marie se joignaient plusieurs autres raisons plus ou moins parfaites : on croyait qu'à pareil jour avaient été martyrisés les saints de Créteil, et on aimait à venir célébrer ce glorieux anniversaire : les reliques de saint Maur étaient exposées ce même jour à la vénération publique, et on était aise de les vénérer.
Enfin, ce jour-là avaient lieu trois cérémonies intéressantes : l'ouverture des assises de l'abbaye, l'hommage féodal rendu à l'abbé par ses vassaux, et le feu Saint-Jean ; et c'était une jouissance pour la curiosité parisienne d'assister à ces scènes diverses.
Il y avait plus de huit cents ans que la sainte Vierge était ainsi honorée dans cette chapelle, lorsque Mgr de Gondy, premier archevêque de Paris et doyenné du chapitre de Saint-Maur, autorisa l'établissement d'une confrérie sous le nom de Notre-Dame des Miracles, par ordonnance du 3 août 1624 ; et, le 13 mai 1627, le pape Urbain VIII accorda plusieurs indulgences aux fidèles de l'un et de l'autre sexe qui s'engageraient dans cette confrérie.
Peu d'années après, louché d'une dévotion spéciale pour Notre-Dame des Miracles, le père de Condren, cet homme éminent en sainteté, l'oracle et le modèle du clergé de son temps, réunit en communauté, à Saint-Maur, un certain nombre d'ecclésiastiques d'élite pour les y exercer, sous l'œil de Marie, aux vertus sacerdotales et les préparer aux travaux de l'apostolat.
M. Olier, jaloux de s'adjoindre à cette pieuse compagnie, quitta la maison maternelle, et entra dans la nouvelle communauté fondée a Saint-Maur.
Là, il aimait à aller passer de longues heures dans la chapelle de Notre-Dame des Miracles, à épancher son cœur dans le cœur de Marie sa mère, et il témoigna dans la suite qu'il avait reçu beaucoup de grâces dans ce saint lieu.
Malheureusement, en 1791, la sainte chapelle fut détruite ; mais l'image miraculeuse fut, avant l'arrivée des démolisseurs, transférée en grande pompe dans une chapelle de l'église Saint-Maur où elle est encore aujourd'hui.
La, furent rétablies, après les mauvais jours de la révolution, les pratiques et solennités en usage dans l'ancienne chapelle ; au mois de mai 1806, l'antique confrérie fut réorganisée, et Pie VII lui accorda de nombreuses indulgences.
Chaque année, le second dimanche de juillet, la fête de la dédicace de cette chapelle se célèbre avec octave, suivie du service solennel pour les confrères défunts ; et chaque mois une procession avec station à la chapelle rappelle aux fidèles la dévotion a Notre-Dame des Miracles si chère à leurs aïeux.
Le pèlerinage continue d'être fréquenté, et les paroisses des environs s'y rendent avec empressement.
Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 1" par André Jean Marie Hamon