• Notre-Dame de Villethiou (Saint-Amand Longpré)

     

     

     

    Notre-Dame de Villethiou

    (Saint-Amand Longpré)

     

     

    Là se trouve d'abord, à l'une des extrémités du Vendomois et vers les confins du diocèse de Tours, Notre-Dame de Villethion.

    Les grâces qui y ont été obtenues, à diverses époques, en ont fait depuis longtemps le sanctuaire le plus fréquenté de cette contrée : on y vient des diocèses de Blois, de Tours, du Mans, quelquefois même de pays éloignés, surtout aux fêtes de la sainte Vierge et aux lundis de Pâques et de la Pentecôte ; et de nombreuses guérisons ont été le fruit de ces pieux pèlerinages.

    La statue qu'on y vénérait avant la révolution de 93 avait été, dit-on, trouvée dans une fontaine entourée de coudriers ; transportée successivement dans plusieurs églises des environs, elle était toujours revenue d'elle-même à la même place, comme pour témoigner que la sainte Vierge voulait là un sanctuaire à elle.

    On lui en éleva un en effet, qui était du neuvième siècle selon les uns, du onzième siècle selon d'autres, et la statue y resta jusqu'à la révolution, où elle fut brisée ; mais les morceaux en ayant été recueillis précieusement, on en recomposa la statue, qui fut remise à sa place après la tourmente révolutionnaire.

    En 1842, grâce à la munificence des fidèles et au zèle de M. l'abbé des Essarts, vicaire général du diocèse et depuis évêque de Blois, la chapelle délabrée fut remplacée par le sanctuaire actuel, édifice peu considérable, mais d'une assez belle architecture.

    Cette heureuse restauration accrut l'empressement des fidèles : les pèlerins reprirent le chemin interrompu, mais non oublié, de Notre-Dame de Villethion, et les cœurs d'argent ou de bronze doré, ainsi que les béquilles appendues aux murailles, attestent les nouvelles faveurs que Marie a répandues sur eux.

     

    Parmi les guérisons merveilleuses obtenues naguère et parfaitement constatées, dont le récit se lit dans les nouvelles archives du pèlerinage, il en est deux surtout plus insignes :

    - La première, dont tout Vendôme a été témoin, et qu'a attestée le président même du tribunal civil par sa lettre en date du 25 mai 1857, est celle d'un jeune homme de Vendôme privé de l'usage de ses membres a la suite de douleurs très-vives, et qui, subitement guéri à Villethion, revint à Vendôme, où toute la ville put le voir marchant et se promenant librement.

    - La seconde est celle d'une jeune personne d'Ambloy, paroisse voisine du pèlerinage, et qui, dans les mêmes conditions d'infirmité, fut aussi subitement guérie, comme l'attesta alors la déposition des prêtres voisins et des paroissiens d'Ambloy, et comme l'attestent également ses béquilles, qu'on voit encore dans l'église.

    Aussi Pie IX, jaloux de témoigner sa vénération pour un sanctuaire si favorisé du ciel, accorda, le 9 novembre 1852, une indulgence plénière à diverses fêtes, avec de nombreuses indulgences partielles pour les pèlerins qui viendraient y prier.

     

    Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 1" par André Jean Marie Hamon

    La fontaine de Notre-Dame de Villethiou

     

    La fontaine de Notre-Dame-de-Villethiou a le privilége d'attirer de nombreux visiteurs.

    On y trempe des linges, qu'on applique religieusement sur les plaies vives et les parties malades ; on s'y lave, on y plonge les mains en y jetant des épingles ou une pièce de monnaie, offrande ingénue qui sollicite quelque faveur en échange et un don d'un ordre plus élevé.

    Nous ne garantissons pas les résultats qu'une foi simple compte obtenir de ces pratiques populaires. Toujours est-il qu'à la fontaine de Villethiou, comme à bien d'autres fontaines, une foule d'êtres souffrants ont la pieuse conviction que, pour prix de leur grande confiance au pouvoir de Marie et des saints, le Créateur attache quelquefois à ces ondes pures et fraîches plus de vertus curatives qu'aux eaux thermales les plus actives et les plus renommées.

    M. l'abbé Voisin, ancien vicaire de Saint-Nicolas de Blois, m'écrivait du Mans 8 mai 1862 : « J'atteste sous le serment le fait suivant : Lefèvre (des Granges), âgé de onze ans, suivait le catéchisme de Saint-Nicolas en 1840. Cet enfant scrofuleux et lymphatique dépérissait à vue d'œil. Sa pieuse mère le conduisit à Villethiou, le plongea dans le bassin de la fontaine en plein hiver, et me le ramena parfaitement guéri. »

    Dans la crainte qu'on ne veuille attribuer aux propriétés chimiques de la source les cures merveilleuses qui s'y opèrent, nous avons cru devoir faire passer à l'analyse les eaux de la piscine vénérée.

    M. Victor Dessaignes, de Vendôme, qui, malgré son extrême modestie, ne laisse pas que d'avoir un nom très-connu dans la science, a eu l'obligeance de se charger de cet intéressant travail. Lui-même consigne en ces termes le résultat de son opération :

    « L'eau de la fontaine de Villethiou présente la « composition des eaux de source de bonne qualité. Je n'y ai trouvé, en quantité appréciable, aucun des principes qui caractérisent les eaux médicamenteuses, tels que l'iode, le sulphure et les carbonates alcalins. Elle ne renferme qu'une trace de sel de fer. Comme les sources ordinaires de nos pays, elle contient principalement du bicarbonate de chaux. Mille grammes de cette eau évaporée à siccilé laissent un résidu de 310 milligrammes, dont voici la comte position :

     

    Carbonate de chaux 236,7

    Carbonate de magnésie 19,0

    Sulfate de chaux 8,6

    Sulfate de potasse 3,5

    Chlorure de potassium 1,2

    Chlorure de sodium 45,0

    Silice 25,0

    Total. . . . 339,0

    Il suit de ce rapport que la source de Villethiou n'a rien d'hygiénique en elle-même, et que les soulagements qu'on peut y obtenir au moyen de confiantes ablutions sont d'un ordre plus que naturel.

    La fontaine, cachée dans le fond d'un ravin couvert de broussailles, au bas d'une petite colline, vers le sud et à quelque distance de la chapelle, est aujourd'hui encadrée dans un bassin quadrangulaire de 1 mètre 80 cent, de profondeur, surmonté d'un pavillon, où se voit dans une niche la statue de la Vierge, qui semble placée là pour protéger son onde, la bénir et y répandre les grâces dont elle est la dispensatrice. Ombragée autrefois d'une large coudrière plantée sur la motte d'où s'échappait la source, la fontaine portait primitivement et porte encore le nom de fontaine de la Coudre.

    Les manuscrits des XVe, XVIe et XVIIe siècles ne lui en donnent pas d'autre.

    ORIGINE DE L 'ANCIENNE CHAPELLE.

    Construite à l'ombre et au sein de la grande forêt de Gastines, où abondaient loups carnassiers et bêtes féroces, elle datait du XIe siècle, et ainsi se trouvait contemporaine des villages de Cuchere(Crucherai), Longum pratum (Longpré), Lance (Lancé), Noereium Renai (Nourrai), Villa Episcopi ( Ville l'Evêque-Prunai), qui surgirent presque simultanément à la même époque dans les espaces demeurés vides par suite du défrichement de cette vaste forêt.

    La route que suivaient tous les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, notamment les comtes de Vendôme et les chanoines de la collégiale du château, partant pour la Galice, passait à la métairie du Grand Mars, sur les confins d'Huisseau, en Beauce, et longeait les murs de la chapelle de Villethiou.

    Cette voie antique de Tours à Chartres, longtemps désignée sous le nom de Vieux chemin de Tours à Paris, s'appelle aujourd'hui la grande route d'Espagne.

    Très-mauvaise à l'époque du premier empire, Napoléon commanda sa restauration, et de cette manière favorisa sans le savoir l'accès du pèlerinage de Villethiou.

    On nous passera de conter à ce propos, d'après Duchemin de la Ghesnaye, l'anecdote que voici :

    L'Empereur, parti de Paris pour inspecter l'armée de Bayonne, accompagné dans sa voiture du maréchal Duroc, traversait Vendôme le dimanche 30 octobre 1808, relayait au plessis Saint-Amand et soupait à trois lieues de là dans une auberge de Châteaurenaud. La voiture à huit chevaux versa non loin de Villethiou, dit la chronique locale, malgré les bourrées et branchages disposés sur la route aux endroits crevassés. Pendant le repas, l'Empereur appela le maire de Châteaurenaud pour lui demander raison du mauvais état de la voie. Le pauvre maire, tout effrayé, s'excusa sur la négligence des ingénieurs de Loir-et-Cher.

    L'Empereur donna sur-le-champ et par écrit les ordres les plus sévères. De là le chemin large, magnifique, dont les nombreux pèlerins venant à Villethiou de Vendôme et de Châteaurenaud profitent encore aujourd'hui.

    Reprenons l'histoire de l'antique sanctuaire. Autrefois la chapelle de Villethiou dépendait de l'évêché de Chartres comme chapelle, ainsi que nous l'avons dit, mais topographiquement se trouvait enclavée dans le diocèse de Tours.

    Dès l'origine, le pieux oratoire porta le nom privilégié de Notre-Dame-de- Villethiou.

    Les manuscrits des XVe et XVIe siècles ne la désignent jamais que sous ce vocable, décerné dans le Vendômois et ailleurs à une quantité de vieilles églises : Notre-Dame-d'Huisseau, en Beauce ; Notre-Dame-de-Nourrai ; d'abbayes : Notre-Dame-de Gastines ; de pèlerinages : Notre-Dame-de-Villavard, Notre-Dame-de-Pitié, à Villedieu. Quelle magnifique litanie ! quels concerts de louanges, de reconnaissance et d'amour dans ces appellations multipliées, et au fond toujours les mêmes ! Marie est Dame et Reine de la chrétienté.

    Cependant chaque population, jalouse de la posséder comme un bien propre, l'appelle sa Dame pour la distinguer de toutes les autres Madones glorifiées ailleurs.

    La Vierge de Villethiou est Notre Dame à nous, Vendômois. Le point du territoire où elle trône avec tant de grâce est le lieu de sa prédilection et de son choix.

    En quelles circonstances et à quel propos NotreDame a-t-elle fait ce don précieux d'elle-même au petit pays de Viliethiou ? La tradition, consignée dans une pieuse et poétique légende, racontée tout au long par Me Blanchard, ancien juge de paix à Saint-Amand, va nous instruire et nous édifier sur ce point :

    « À une époque très-lointaine et qu'on ne peut préciser parfaitement, un villageois, sans doute quelque pâtre, descendait au fond du ravin de la Coudre, où se cachait la source de ce nom, tout entière ombragée d'une large noisetière.

    Quel besoin où quel instinct le menait à la fontaine ?... Toujours est-il qu'au fond du bassin, et à travers le miroir de sort onde, ô surprise ! une petite vierge lui apparaît couchée sur le dos, portant un Jésus dans ses bras.

    Le bruit de cette découverte ne tarda pas à se répandre et à courir sur tous les points de la plaine.

    On crut bien faire en transférant d'églises en églises la statue si étrangement trouvée ; mais non, puisque, installée toujours avec plus de prières, d'honneurs et d'acclamations, elle revenait toujours sous le buisson de la Coudre, dans le lit de la fontaine. Que conclure de ces fuites persévérantes, sinon qu'elle voulait un sanctuaire particulier, non loin de la source bénie d'où elle sortait ?

    Voilà qu'en effet la petite population du hameau se met à l'œuvre.

    Nouveau prodige ! trois ou quatre fois l'ouvrage commencé dans le jour et sur différents points s'écroule durant la nuit, malgré le calme de l'air et la sérénité du ciel.

    Comment pénétrer la mystérieuse pensée de Notre-Dame ? Tout à coup, et sans doute inspiré d'en haut, l'un des travailleurs saisit son lourd marteau et le lance vigoureusement dans l'air, disant :

    « Bonne sainte Vierge, portez-le vous-même à l'endroit que vous aimez ! »

    L'instrument alla si loin du point de départ et franchit tant d'espace, qu'il fallut voir dans le trajet parcouru l'intervention d'une autre force que celle d'un bras ordinaire.

    Cette merveille fut pour tous un trait de lumière et l'expression clairement manifestée de la volonté de Marie.

    L'énergie des travailleurs se réveilla plus puissante : la construction, reprise de l'autre côté de la route, au lieu où s'était fixé le marteau, s'acheva quelques jours après comme par enchantement.

    La statue placée dans une niche consacra l'édifice par la stabilité de sa présence, et le territoire vendômois compta un sanctuaire de plus, dédié à la protectrice de nos religieuses contrées, sous le nom de Notre-Dame-de-Villethiou. »

    Ce n'est pas au milieu des religieuses campagnes dont Notre-Dame-de-Villethiou est le centre, la plus belle fleur et le plus légitime orgueil, non certes, ce n'est pas au sein de ces populations, dont la dévotion et la piété séculaires l'entourent comme d'un diadème et d'une garde d'honneur, qu'il sera nécessaire de justifier la merveilleuse légende.

    Quelle est dans les paroisses de Longpré, d'Huisseau, d'Ambloy, de Saint Amand, de Villechauve, de Prunai, d'Authon, dans tout le Vendômois, la famille chrétienne qui ne la sache avec toute la poésie de son détail, et ne la redise en cercle autour du foyer, sous la voûte de la cave ou dans la grange, au bruit des fuseaux et des rouets, pendant les longues veillées d'hiver ?

    Peut-être ces esprits d'entre-deux, c'est le mot de Pascal, qui se croient dans la modération et la sagesse pour se tenir en pareille matière à distance égale de la foi qui accepte et de la négation qui repousse, dont l'intelligence timide préfère se retrancher sur ce terrain neutre, sec et froid qu'on appelle le doute, peut-être ces prudents du siècle nous reprocheront-ils d'avoir conté trop franchement cette naïve histoire.

    Mais comment l'omettre quand toutes les bouches la redisent ? N'est-elle pas la cause et le principe même de la dévotion du pays ? D'ailleurs n'est-ce pas ainsi que la plupart des pèlerinages en l'honneur de la Vierge ont commencé en France ? L'uniformité de leurs débuts atteste que Dieu n'aime pas à sortir de la simplicité de ses voies et dans les choses surtout où il exige le plus la simplicité de la foi. En règle à peu près générale, une Madone est trouvée dans l'humiliation d'un lieu plus ou moins abject : au fond d'un marais, d'un puits, d'une fontaine, sous le couvert d'un buisson, dans le creux d'un sillon ou d'un vieux chêne. De là son exaltation, suivie tout à coup de l'érection d'une chapelle et d'un trône : bientôt la piété filiale de tout un pays reçoit comme stimulant et récompense la faveur d'un premier miracle. Cette grâce obtenue, la confiance est gagnée ; le flux et le reflux des multitudes s'établit ; le courant populaire ne s'arrête plus ; le pèlerinage est fondé. Ordinairement le temps enlève le premier feuillet de son histoire ; la préface ou, si vous l'aimez mieux, le premier chant de ce poème surnaturel est déchiré. Qu'importe ! les contemporains ont vérifié le fait d'origine ; le souffle toujours vivant de la tradition l'a conduit de siècle en siècle jusqu'à nous. Pourquoi révoquer en doute la puissance de Dieu, la bonté de sa Mère, et la loyauté, les lumières de ceux qui nous ont précédés et de toutes manières dépassés dans la foi ? Que la version populaire se soit plue à retoucher ou à enluminer le fond réel, quel grand malheur après tout ? est-ce que la poésie légendaire n'est pas la vérité encadrée dans l'or, la vérité en habit de fête ? est-ce qu'ici, et pour le cas proposé, la tradition ne se prouve pas elle-même par la triple démonstration permanente et matérielle du sanctuaire toujours honoré, de l'affluence publique toujours immense, des grâces toujours sollicitées et obtenues.

    L'existence de la chapelle de Notre-Dame-deVillethiou est consignée positivement dès l'an 1454, sur les documents authentiques.

    Le titre de fondation, comme nous venons de l'insinuer, a disparu. La perte de cette pièce est irréparable assurément ; mais combien d'autres établissements célèbres ont eu le même sort, et ne sont pas restés pour cela sans histoire !

    Un vieillard de Longpré, Toussaint Bourreau, élevé et instruit dans son enfance par les deux derniers Prémontrés chapelains de Villethiou, MM. Pilgrain et Brou, certifia plusieurs fois à M. le curé actuel de Saint-Amand, qu'avant 93 il avait lu et touché lui-même le titre en question. Ce parchemin, qu'il a décrit portait un sceau de plomb avec date du XIe siècle.

    Si l'on confronte cette date avec celle qu'assigne M. Margane, qui a dirigé la démolition du sanctuaire primitif et l'érection du nouveau, l'on n'aura plus de doute à cet égard. Un monument porte son âge écrit sur ses murs et accuse lui-même son époque par sa structure et son style.

    Ici donc le rapport de l'architecte est péremptoire : Je le donne intégralement.

    « Ce fut en 1841 que M. l'abbé Fabre des Essarts, vicaire général du diocèse de Blois , me confia la reconstruction de la sainte chapelle de Villethiou, lieu de pèlerinage très suivi dans le Vendômois.

    Il était grand temps de mettre à bas ce pauvre oratoire, d'un dénuement presque indécent, à la toiture percée de crevasses, aux murailles chancelantes, et qui semblait n'attendre qu'une nuit de tempête pour s'affaisser complétement. Je me suis convaincu qu'on n'eût trouvé sur l'emplacement de la chapelle, quelques années plus tard, qu'un amas informe de pierres écroulées qui ne m'eussent pas permis de préciser, comme j'ai pu le faire, l'époque de sa création.

    Je l'ai vue debout, et j'ai constaté que ses murs avaient 5 mètres 31 centimètres de largeur extérieurement, et 11 mètres de longueur, toujours extérieurement.

    Sur la façade, d'une très-grande simplicité, s'ouvrait une porte un peu ogivale avec arêtes abattues en chanfrein, accusant l'époque de transition de l'architecture romane à l'architecture gothique. Cette chapelle, assez mal éclairée au dedans, ne recevait qu'une lumière douteuse, au moyen de deux jours qui, sans révéler une époque identique à celle de la porte d'entrée, ne venaient pas la détruire.

    La voûte en petites planches était fixée (ce qui en restait du moins) sur la charpente même, agencée de manière à présenter une forme ogivale, légèrement accentuée, résultant moins d'une courbe régulière que d'un composé de lignes brisées se raccordant entre elles.

    Un seul tiran, surmonté d'une aiguille contre laquelle venaient s'appuyer deux arbalétriers, soutenaient cette charpente. Les deux arbalétiers et les deux pignons supportaient quatre piliers, deux faîtages et deux sous-faîtages. C'était certainement une construction de charpente fort simple, tout à fait primitive, et cependant, sans pouvoir trop préciser, plus récente que la porte d'entrée, qui accusait positivement le XIe siècle.

    Je pensais, mais j'ai été trompé dans mon attente, découvrir quelques traces d'anciennes fondations, qui m'eussent permis de conclure à une origine plus précieuse encore.

    Signé : Margane, architecte de Vendôme, et de la chapelle de Villethiou.

    Il ne reste plus rien qui ait appartenu à l'édifice décrit par M. Margane, excepté ;

    1° Le calice de M. de Caqueray, et un prie-Dieu sous le clocher de la nouvelle chapelle ; et dans la sacristie, un crucifix et un tableau très vieux, sur toile endommagée, représentant la Vierge Mère, qui apparaît dans les nuages à une toute petite fille agenouillée sur une touffe de gazon ; ex-voto d'un peintre de Vendôme, inconnu.

    2° Deux statues de la Vierge plus loin décrites.

    3° La cloche, Aucun souvenir merveilleux ou légendaire ne se rattache à la cloche de Villethiou. Son âge seul la recommande à l'attention des antiquaires, Le battant de fer, très aminci par l'usage et tout rouillé, dénote une grande vétusté. Quelques fragments de lettres mutilées et rongées la contournent par le sommet. Deux mots dans le haut restent lisibles, en fort beau gothique : Bonneval ma fait. Cette petite cloche, dont le diamètre est de 46 et la hauteur de 33 centimètres, sonne actuellement dans l'une des flèches de la chapelle.

     

    LA STATUE PRIMITIVE DE NOTRE-DAME-DE-VILLETHIOU.

    Aucun manuscrit que je connaisse n'a mentionné, même indirectement, la statue primitive de Notre-Dame-de-Villethiou.

    Vénérée à partir du XIe siècle, époque de sa découverte suivant la légende, elle n'existe plus qu'en souvenir.

    Les deux madones que possède la nouvelle chapelle ne parlent nullement le cachet de la sculpture du moyen âge.

    Quand et comment la statue primitive a-t-elle disparu ? question plus facile à poser qu'à résoudre. Ne pouvant rien préciser, j'expose simplement les réflexions suivantes :

    Il est incontestable que le prieuré de Notre-Dame-de-Villethiou se ressentit gravement des troubles religieux fomentés par les huguenots dans la seconde moitié du XVIe siècle.

    On sait de plus que ces hérétiques, furieux iconoclastes, s'en allaient renversant partout les croix, les autels, saccageant les églises et les chapelles consacrées par la piété populaire, détruisant les reliques et les statues miraculeuses des pèlerinages.

    De là donc à conclure que la sainte madone de Villethiou périt par leurs mains, l'induction ne serait ni improbable ni téméraire.

    Nous le penserions volontiers, d'autant que la grande statue actuelle, datant précisément de la fin des guerres civiles, donnerait lieu de croire que c'est elle qui a remplacé la première.

    Cette madone, haute de 1 mètre 52 centimètres, faite en pierre tendre de Villavard, accuse par son style le commencement du XVIIe siècle.

    LA SECONDE STATUE DE N0TRE-DAME DE VILLETHIOU (XVIIe SIÈCLE).

    La vénération traditionnelle des populations pour l'image de la Vierge anciennement découverte, s'est reportée tout entière sur celle qu'on lui a substituée au XVIIe siècle.

    Les écrivains qui depuis soixante-dix ans ont donné un souvenir pieux ou simplement historique à Notre-Dame-de Villethiou, sont unanimes à cet égard.

    Il y a souvent foule et presse nombreuse autour de ce bloc vénéré, muet symbole d'une puissance et d'une bonté supérieures. On est vraiment ému de cette foi vive des pèlerins, que leur dévotion naïve et quelque peu familière amène par centaines en un seul jour de fête jusqu'aux pieds de la madone, pour y coller leurs lèvres et appliquer sur le bord de sa robe, ou sur la pierre nue, des vêtements et des linges destinés aux malades !

    La plupart sont des mères chargées de layettes, de brassières et de cordons blancs, touchantes livrées de l'innocence et de la douleur.

    Représentée au jour de sa maternité divine dans le pieux sanctuaire, ayant elle-même son Jésus dans ses bras, comment la bonne Notre-Dame n'inspirerait-elle pas une vive confiance à toutes ces femmes chrétiennes ? Nous aimons à les voir se décharger ainsi sur elle de leurs sollicitudes, et, comprenant l'insuffisance de leur tendresse et de leurs soins, attirer sur leurs chers petits enfants le patronage et les affections d'une autre mère encore meilleure qu'elles-mêmes et bien plus puissante !

    La glorieuse image de Notre-Dame-de-Villethiou, objet de tant d'amour et d'honneur depuis le XVIIe siècle, devait tomber en 93 sous les coups du vandalisme.

    De nouveaux profanateurs, issus de ces premiers barbares du XVIe siècle dont le passage fut si désastreux, ayant comme eux la haine pour inspiratrice, le fanatisme pour guide et l'esprit de destruction pour associé, envahirent les armes à la main l'humble sanctuaire de Villethiou.

    L'histoire de l'enlèvement de la statue, histoire sinon merveilleuse, du moins assez étonnante, demande une relation un peu détaillée :

    En juin 1793, le district de Vendôme envoya deux fougueux révolutionnaires avec bonne escorte, les citoyens Lambron et Acquêt, pour dépouiller la sainte chapelle de Villethiou.

    Leur colère éclata lorsque, arrivant, ils virent les abords de l'édifice gardés par une petite troupe d'hommes décidés à les repousser bravement.

    Toutefois la résistance ne dura pas longtemps, et, la force pliant devant une force plus grande, les commissaires, sans autre obstacle, procédèrent à leur inique opération.

    Quelques objets, dont plusieurs n'étaient pas sans prix, la statue elle-même indignement détrônée de son piédestal, tout fut déposé pêle-mêle sur un charriot qui rentra le soir à Vendôme, dans la cour des bâtiments de l'abbaye où siégeait l'administration du district.

    « J'ai connu, m'écrivait M. l'abbé Mercier, curé de Saint-Amand, une pieuse femme qui conservait précieusement chez elle quelques fausses fleurs tombées de la voiture des spoliateurs. »

    Le fourgon chargé de son butin, et remis à la garde d'Antoine-Hyacinthe Mathurin Cheron, concierge du district, passa la nuit en plein air, avec beaucoup d'autres objets ravis aux différentes églises du voisinage.

    Vers les onze heures du soir, veillant à la lueur d'une lampe, le concierge eut l'oreille frappée d'une détonation effroyable partie du charriot où gisait la vierge de Villethiou.

    Surpris et craignant tout d'abord une tentative de vol, il descendit, trouva le dépôt intact, parcourut des yeux toute l'enceinte, et, au lieu d'une troupe de pillards qu'il pensait voir, il ne distingua rien que les rues solitaires et le murmure à peine sensible du vent dans les arbres des Grands-Prés, voisins de l'abbaye.

    C'est alors que, croyant à un avertissement du Ciel, le gardien courut droit au fourgon, souleva et apporta dans ses bras la statue, cette statue si pesante, dit M. l'abbé Mercier, qu'à l'époque de la démolition de l'ancienne chapelle il m'a fallu plusieurs ouvriers pour l'enlever de sa niche. 

    L'homme de bien déposa sur une table de sa chambre son fardeau si extraordinairement léger.

    Ce pieux enlèvement ne put échapper à la connaissance des membres du district : l'un d'eux en abusa pour commettre un acte odieux.

    Cet homme ayant arraché les deux têtes de la Vierge et de l'Enfant, retenues par un simple pivot, porta la violence jusqu'à les briser contre la pomme en fer des chenets de la cheminée.

    Les époux Cheron, Antoine et Marguerite Chouteau, sa femme, douloureusement affrétés, ramassèrent avec respect ces pieux débris, les joignirent au buste, et chaque soir le père et la mère avec leur fils Charles-Pierre, aujourd'hui concierge du tribunal de Vendôme, faisaient à genoux la prière en commun devant l'image mutilée.

    Mentionnons, pour accréditer encore cette histoire d'ailleurs avérée, que le même Antoine Cheron sauva, d'une manière providentielle, les nombreuses reliques de l'antique abbaye de Vendôme. Jetées au milieu d'un tas de fagots allumés sur la dalle bleue d'une grande tombe de la chapelle Saint Michel dans l'église de la Trinité, ces restes vénérables auraient péri sans le zèle de ce courageux homme de bien, qui dans la nuit les retira clandestinement du brasier, portant, par une protection surnaturelle, leurs étiquettes latines en parchemin presque intactes et à peine raccornies sous l'action de la chaleur. Antoine Cheron, frappé en 1803 de la maladie dont il mourut, confirma sous le serment, avant la réception du viatique, l'identité de ces reliques, les circonstances de leur conservation miraculeuse, et cela devant une partie du clergé de Vendôme, de sa famille et de plusieurs personnes marquantes.

    D'après ce témoignage rédigé en procès-verbal, Mr Bernier, évêque d'Orléans, présent à Vendôme (septembre, même année 1803), scella de son chiffre la châsse contenant les précieux ossements, et y apposa l'authentique. Les ayant reconnus véritables, il prononça lui-même dans la chaire de la Trinité un discours de circonstance ayant pour texte : Et exultabunt ossa humiliata.

    On le voit, l'église de la Trinité de Vendôme et la chapelle de Villethiou doivent d'égales actions de grâces au dévouement d'Antoine Cheron.

    La tempête révolutionnaire passée, l'ancien concierge du district n'oublia point que la statue cachée dans sa demeure n'était qu'un dépôt.

    Un matin donc, il la renvoya dans une caisse énorme, soigneusement couverte de paille et de hachures de papier.

    Affreusement mutilée, la madone devait subir, avant de reparaître sur son trône aux yeux des fidèles, une restauration nécessaire.

    Le bon goût demandait peut-être une substitution complète ; mais, à Villethiou et dans le Vendômois, le peuple est pour sa Notre-Dame ce que les Chartrains sont pour leur Vierge-Noire : on permit au sculpteur de rajuster ensemble les morceaux brisés pour en recomposer les deux têtes ; et c'est avec peine qu'on autorisa son ciseau, désireux de mieux faire, à dégrossir légèrement quelques traits du visage.

    La chapelle de Villethiou possède encore une autre statue de la Vierge-Mère, très-informe, composée de plâtre massif, et d'un style beaucoup plus moderne que la précédente.

    Cette petite madone, peinte, chargée de scapulaires, de médailles et de chapelets, accuse le commencement du XIXe siècle, bien qu'elle passe, dans l'opinion d'une certaine classe de pèlerins peu versés en archéologie, pour l'image découverte au XIe siècle. C'est à cette erreur innocente qu'elle doit sans doute les honneurs dont elle est l'objet. Sa taille est de 48 centimètres.


    Grâces obtenues dans l'ancien sanctuaire de Notre-Dame de Villethiou

    Ce qui frappe l'œil du chrétien, l'œil exercé de la toi dans une chapelle miraculeuse, ce n'est ni le somptueux décor de l'intérieur, ni ces pierres et ces marbres, dont le bel arrangement témoigne plus ou moins du génie de l'homme et de la puissance de l'art, c'est bien plutôt tout ce qui témoigne de la grâce et de la bonté de Marie : les inscriptions et légendes commémoratives, les ex-voto multipliés par la reconnaissance, les cierges toujours allumés, symboles de l'amour brûlant, de la foi vive et de la prière persévérante, les instruments de douleur accrochés aux murailles, laissés par des légions de manchots, de boiteux, de paralytiques, d'estropiés de toutes sortes. Souvent, disgracieux de formes, ces objets n'en sont pas moins les glorieux monuments d'insignes victoires remportées sur l'ennemi qui nous atteint tous : la souffrance.

    Jadis la sainte chapelle de Notre-Dame de Villethiou s'honora de pareilles dépouilles et de semblables trophées.

    Il ne fallait qu'ouvrir les yeux en franchissant le seuil pour juger de toutes les faveurs sollicitées et obtenues dans ce lieu béni du Ciel.

    D'innombrables béquilles attestaient la compassion de Marie et la piété filiale de ses heureux protégés.

    C'est à ce propos que Duchemin de la Chenaye donne cette bizarre étymologie de Villethiou : « VilleClou, dit-il, Villa Claudorum, village des boiteux. » Étymologie bizarre, je le répète, mais précieuse en un sens puisqu'elle vient en confirmation de l'opinion généralement répandue, que les estropiés furent de tout temps à Villethiou l'objet spécial de la prédilection et des miracles de Notre-Dame.

    Les béquilles de l'ancien sanctuaire, béquilles à main et à épaules, disent les témoins oculaires, passèrent, à la révolution, dans le grenier du prieuré, et de là, pour la plupart, sur les chenets du vieux père Brou, qui s'en chauffait avec autant d'insousiance que de bonhomie. Il y en avait de lisses et de polies par le frottement, signe irrécusable d'un long service, d'un long usage et d'une guérison surnaturelle.

    Celles qui ont échappé à l'auto-da-fé du père Brou se voient maintenant, rangées dans la nouvelle chapelle avec une vingtaine d'autres plus récentes.

    Par tous ces objets, comme par autant de voix éclatantes, le sanctuaire antique proclamait et chantait les miséricordieuses bontés de sa patronne. De ses murs noircis par la vétusté, s'exhalaient de célestes émanations, le parfum de la grâce et le parfum du miracle.

    Incontestablement, en effet, le miracle avait éclaté dans son enceinte « illustrée, dit Duchemin de la Chenaye, par beaucoup de merveilles et de prodiges. »

    Ces merveilles et prodiges expliquent en le justifiant l'empressement des fidèles, empressement qui n'a pu être, comme l'observe judicieusement Genevois, que la conséquence naturelle de faits nombreux de l'ordre surnaturel, incessamment renouvelés.

    En effet, conçoit-on un pèlerinage se soutenant toujours vif et animé dans le cours des âges sans le stimulant du miracle ? des populations continuant à venir chercher le secours sans que jamais personne le reçoive ? des malades s'obstinant de siècle en siècle à espérer, attendre, solliciter la guérison sans que jamais et pour qui que ce soit la guérison s'opère ? Un pèlerinage sans miracle, ce serait un arbre sans racines et qui monterait, une fontaine qui n'aurait pas de source et qui coulerait ! Un pèlerinage sans miracles tomberait de lui-même ou resterait le plus inexplicable des miracles.

    Que n'ai-je pu recueillir et coordonner ensemble chacune de ces grâces obtenues dans l'ancienne chapelle ! c'eût été une belle couronne à recomposer en l'honneur de Notre-Dame, et il m'eût été doux également d'en offrir le pur rayonnement à l'admiration des pèlerins.

    La feuille n° 43 du Loir,  journal de l'arrondissement de Vendôme, a cité le fait suivant :

    UN MIRACLE DE NOTRE-DAME-DE-VILLETHIOU (Lettre au directeur du Loir.)

    « Je vous prie, monsieur le rédacteur, de porter à la connaissance de vos lecteurs une grâce éclatante accordée à l'un des membres de ma famille en l'année 1757. Ma mère m'a raconté que sa propre mère, Mme Marganne de Maugas, femme du procureur du roi à Vendôme, malade de suites de couches, fut empoisonnée avec de l'arsenic par une erreur de sa garde. L'antidote, administré un peu tard, ne produisit d'autre effet que de sauver la vie à ma grand'mère, qui resta, chose singulière, estropiée des extrémités. Ses membres, crispés et contournés, ne lui permettaient ni de marcher, ni de se servir de ses mains. C'était pitié de voir cette femme, âgée de trente ans à peine, dans un tel état. Il fallait la porter comme un enfant de son lit à son fauteuil. Les remèdes n'ayant pas réussi, les médecins conseillèrent l'air de la campagne. On installa ma grand'mère dans une petite villa que son mari possédait au Vau, à huit kilomètres de Vendôme. La campagne ne produisit aucune amélioration, et les beaux jours allaient finir, lorsque Jacques, le closier de la maison, dit à sa maîtresse : « Tenez, Madame, puisque les médecins d'ici ne vous sont bons à rien, si j'étais vous, je m'adresserais au grand Médecin de là-haut. Voilà Notre-Dame-de-Villethiou qui approche, j'irais la trouver. » Mme Marganne, très-bonne chrétienne, accepta la proposition, et se prépara par une neuvaine au pieux pèlerinage. Le 8 septembre, jour de la Nativité, le closier la conduisit à Villethiou, couchée dans sa petite voiture, menant le cheval au pas, évitant les secousses avec un soin touchant. La grand'messe allait commencer au moment où l'on arriva. Jacques déposa sa maîtresse dans la chapelle près de la balustrade du sanctuaire, sur un fauteuil, où elle resta sans mouvement.

    « Cependant la communion approche. Le fidèle serviteur se lève et s'apprête à soutenir ma grand'mère à genoux pour l'aider à recevoir l'hostie. Quel est son étonnement ! la malade, s'appuyant sur les bras de son fauteuil, se lève lentement et s'avance seule vers la sainte table. Jacques, un instant stupéfié, ne peut retenir un cri de joie : Un miracle ! un miracle ! » Tout le monde répond et se précipite pour mieux voir. Le chapelain apaise la foule, s'agenouille et remercie Dieu. Les nombreux pèlerins l'imitent. Ma grand'mère reçoit la communion et revient guérie à son fauteuil. Depuis elle marcha comme tout le monde, eut plusieurs enfants et vécut sans infirmités jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans...

    « Agréez, etc..

    « Joséphine De Martonne, née Meunier. »

    La véracité de ce récit nous a été de plus confirmée par MM. de Martonne père et A. de Martonne fils, archiviste de Loir-et-Cher.

    1783. Une dame, dont la religieuse famille habite encore à Vendôme, Mme Emmanuel Debures, infirme et perdue des jambes, fit le vœu d'un pèlerinage à Villethiou, l'accomplit en 1783 et se trouva subitement guérie dans la chapelle même, où elle laissa ses béquilles portant l'inscription E. Debures. Alors messire Faucon, religieux prémontré de Saint-Georges, prieur curé de Villiersfaux, était prieur de Villethiou et desservait le pèlerinage. Mme Désirée Debures et sa sœur, dame Aimée Coëffeteau, toutes deux résidant à Vendôme, rue Poterie, se rappellent avoir vu leur grand'tante Emmanuel allant et venant, libre de ses membres et sans appuis, malgré son âge avancé. Ces deux dames recommandables déclarent en outre que le fait miraculeux en question leur fut souvent raconté dans la famille et par Mme Debures elle-même. Dame Aimée Coëffeteau certifie de plus qu'en 1803, ayant alors neuf ans, une parente la conduisit en pèlerinage à Villethiou, et qu'entrant dans la chapelle, cette parente lui montra deux béquilles en lui disant : « Voilà, mon enfant, les béquilles de votre grand'tante Emmanuel. »

    1831. Agée de cinq ans et perdue des deux jambes, la petite E. Veinier, fille de Veinier, laboureur, et de la femme Boutard, demeurant aux Malottières, paroisse de Sonnay (Touraine), est amenée par ses parents à Notre-Dame-de-Villethiou, le 15 août, fête de l'Assomption, 1831. A l'issue de la messe, la petite montre du doigt la statue de la chapelle et dit à sa mère : « Maman, je veux aller voir la bonne Dame. » Or voilà qu'à l'instant même, libre de ses membres, parfaitement guérie, l'enfant se lève, et, traversant la foule étonnée, va droit à la madone suivie de sa mère. Le jour de l'octave, Mme Veinier revenait offrir un pain bénit en action de grâces du miracle opéré en faveur de sa fille, actuellement âgée de 37 ans et mariée aux Malottières, même paroisse de Sonnay.

    1834. Depuis l'âge de six mois, l'enfant Bonnigal, de la paroisse des Montils, scrofuleux et rachitique, avait la jambe molle. Le village se rappelle encore l'avoir vu se traîner à deux ans sur des tapis déployés devant l'épicerie de sa mère. M. Égret, médecin de la commune, qui le soignait, l'avait déclaré incurable ; lorsque Marie Giraud, domestique de Mme Gonté, aux Montils, donna le conseil à la femme Bonnigal de faire un pèlerinage à Villethiou, lequel fut accompli le 15 août 1834.

    A partir de ce voyage, l'enfant alla beaucoup mieux, et quelques jours après se trouva parfaitement valide. « Le docteur Égret m'a dit positivement (paroles de la mère) qu'un médecin au-dessus de lui avait guéri mon enfant. »

    1839. Jean-Onésime Mahu, âgé de quatre ans, ne pouvait marcher tant ses jambes fléchissaient sous le poids de son corps. Sa mère, Marie-Madeleine Mahu, femme Gentil, demanda une messe à Notre-Dame-de-Villethiou, laquelle fut dite le 20 juillet 1839. Le lendemain l'enfant se leva seul de son fauteuil ; et la force revenant, ses jambes se redressèrent si bien, que huit jours après il marchait librement. Chaque année, depuis la guérison de son fils, Marie-Madeleine Mahu, fait célébrer une messe en action de grâces dans la chapelle de Villethiou.

    Lettre autographe de M. le Président du tribunal civil de Vendôme au chapelain de Villethiou.

    « Vendôme, le 25 mai 1857.

    Monsieur le chapelain,

    « Je m'empresse de vous communiquer les renseignements que vous m'avez demandés par votre lettre du 22 courant.

    En 1842 le jeune Latouche, exerçant la profession de jardinier, souffrait de douleurs très-vives, qui, le privant de l'usage de ses membres, le forçaient de garder le lit depuis douze mois. Les secours de l'art n'avaient pu le rétablir. Son oncle, boucher à Vendôme, le conduisit à Villethiou dans sa voiture. Le jeune homme y porta ses béquilles, devenues pour lui de première nécessité.

    Latouche entendit la messe dans votre chapelle ; après quoi on lui lava les jambes avec l'eau de la fontaine de la Coudre. Il fut subitement guéri, laissa ses deux béquilles au pied de la vierge de Villethiou, et le lendemain on le vit se promener librement à Vendôme, avec ses camarades surpris d'un changement si providentiel.

    Ce jeune homme reconnaissant ne manque pas chaque année de faire un pèlerinage à Notre-Dame de Villethiou.

    Deux médecins consultés sur cet événement répondirent, l'un vieillard peu chrétien, que c'était un plus habile que les docteurs qui avait opéré cette cure  ; l'autre, que la secousse de la voiture avait pu rétablir l'équilibre dans les parties malades. 

    Depuis. le jeune Latouche n'a ressenti aucune atteinte de son infirmité, bien qu'il se soit livré aux mêmes travaux de jardinage que par le passé.

    J'ai l'honneur d'être...

    Ferdinand BOUTRAIS,

    Président du tribunal civil de Vendôme. »

     

    Autre lettre à M. le chapelain de Villethiou. Fondettes, 21 juillet 1857.

    « En 1844 une fièvre typhoïde, d'une nature très-maligne, désola le collége de Vendôme, que je dirigeais alors. Le premier élève atteint succomba, et après lui la pauvre sœur de Charité qui lui avait servi de garde-malade. A partir de ce funèbre moment le mal empira. Pas un jour ne s'écoulait sans plusieurs attaques nouvelles, et bientôt l'infirmerie, quoique vaste, se trouva insuffisante.

    Dix enfants étaient au pire, et parmi eux, mais plus désespéré encore, à cause de sa chétive nature et de la violence de la fièvre, un jeune homme de la Vendée, fils unique et bien-aimé d'une veuve, qui à cent lieues de là, frappée du même mal, le même jour et presque à la même heure, ignora longtemps ce qui eût été l'objet de ses angoisses maternelles. Le pauvre enfant marchait à grands pas vers la tombe, et les hommes de l'art nous affirmèrent que son heure dernière approchant, s'il passait la nuit, à coup sûr il ne verrait pas la journée du lendemain.

    En ce moment la pensée nous vint de demander à Dieu, par l'intercession de Notre-Dame de Villethiou, ce que la médecine s'avouait impuissante à nous donner, la guérison d'un enfant sur lequel reposaient les affections de sa famille et les unanimes sympathies de ses condisciples. Une pieuse ambassade partit donc en toute hâte, chargée de nos prières et de nos vœux. A peine fut-elle rendue à la sainte chapelle de Villethiou, qu'un subit et favorable changement se manifesta dans l'état du jeune malade, dont la guérison, déclarée impossible par M. Gendron, médecin de Vendôme, et deux autres docteurs en renom venus d'ailleurs, ne fit que rendre plus merveilleux aux yeux de tous un rétablissement opéré dans de telles conditions.

    C'est de cette mémorable résurrection de l'un des nôtres que nous sommes allés, chaque année, jusqu'à notre sortie du collège, rendre de solennelles et légitimes actions de grâces dans le sanctuaire de Notre-Dame de Villethiou. La musique nous accompagnait, et la population des campagnes ne nous laissait jamais seuls. Le jeune miraculé marchait à notre tête, un cierge en main, et le déposait au pied de l'autel, en signe de sa gratitude et de celle de sa pieuse mère, qui, revenue à la vie de son côté, aimait à redire à tous d'une voix émue : «Ce fils était mort, et le voilà ressuscité. »

    En m'éloignant de Vendôme et de Villethiou, je n'ai point perdu la mémoire du bienfait : ma pensée se reporte souvent encore vers le sanctuaire confié à votre sollicitude.

    Agréez...

    Henri De BRUNIER, Ancien directeur du collège de Vendôme. »

    PROJET DE RECONSTRUCTION D'UNE NOUVELLE CHAPELLE.— TRANSLATION DE LA STATUE.

    Préservée d'une ruine sacrilège par l'énergique résolution de M. l'abbé de Caqueray, l'antique chapelle de Notre-Dame de Villethiou n'avait plus rien à craindre de la haine ou de la cupidité des hommes ; mais les hommes ne sont pas les seuls qui savent détruire.

    Le temps, plus implacable, s'y prend différemment et arrive au même but.

    Infailliblement, à quelque jour, l'édifice, légèrement bâti d'ailleurs et mal assis, devait tomber de décrépitude.

    Ce désastre inévitable préoccupait douloureusement la contrée, surtout M. l'abbé Mercier, que la persévérance de son dévouement à Notre-Dame de Villethiou placera toujours au premier rang parmi les bienfaiteurs du pèlerinage.

    Successivement vicaire de Saint-Amand, curé d'Huisseau, curé-doyen de Saint-Amand et chapelain de Villethiou, sous M. de Caqueray ; ce vénérable prêtre, qui avait toujours vécu dans le rayon de Villethiou, interrogeant et recueillant les traditions, les souvenirs légendaires, les faits relatifs au pèlerinage, méditait sérieusement le projet d'un second sanctuaire, lorsque la Providence lui envoya M. l'abbé des Essarts.

    Doyen du chapitre de la cathédrale et premier vicaire général de Mgr de Sauzin, évêque de Blois, M. l'abbé des Essarts faisait alors la visite de tous les édifices religieux du canton de Saint-Amand.

    D'après le rapport que lui adressa M. Mercier, du délabrement de la chapelle de Villethiou, le grand vicaire, accompagné de M. Mercier lui-même et du secrétaire de l'évèché, s'y transporta immédiatement, et ne put comprimer un sentiment pénible à la vue de cette masure entourée par le pied de touffes d'orties, tapissée du haut en bas de giroflées sauvages et de lierres grimpants, dont les noires tentures ne laissaient pas que de donner à tout l'ensemble une sorte de grâce austère et de majesté antique.

    L'inspection extérieure terminée, M. l'abbé des Essarts visita l'intérieur de la chapelle, et, agenouillé devant la statue, promit à Notre-Dame de Villethiou, dans le secret de son cœur, de lui ériger un nouveau sanctuaire plus digne d'elle et plus digne de la piété des pèlerins.

    L'architecte voyer de l'arrondissement de Vendôme, M. Margane, fut mandé, prit connaissance des lieux et dressa, d'après les instructions de M. l'abbé des Essarts, les plans et devis d'une seconde construction, dont le prix devait être de huit à neuf mille francs au plus, y compris la démolition et les matériaux de l'ancien édifice. »

    Le pieux restaurateur et l'architecte convinrent du style à donner au monument. Le gothique obtint la préférence, comme étant de forme plus religieuse d'abord, et parce que cette forme antique, rappelant les siècles antérieurs, rappellerait en quelque sorte aussi que le nouveau sanctuaire n'avait fait que remplacer un édifice précédent construit dans le moyen âge : double pensée toute sainte d'une part, et de l'autre pleine de tact et de bon goût.

    Par un autre sentiment exquis de convenance et d'harmonie, M. l'abbé des Essarts exigea que la seconde chapelle s'élevât sur les fondations mêmes de la première, et que surtout la statue, replacée dans sa niche, se retrouvât exactement à l'endroit qu'elle avait occupé dans l'ancien monument : points auxquels l'architecte se conforma religieusement.

    Ce fut le lundi de Pâques, 28 mars 1842, qu'on célébra pour la dernière fois et plus solennellement que jamais le saint sacrifice dans le vieil oratoire destiné à périr.

    Le soir, à l'issue des vêpres, eut lieu la translation de la statue. Un brancard d'une élégante simplicité, décoré de fleurs des champs et de violettes cueillies à la sainte fontaine, reçut l'image vénérée.

    Bientôt le pieux cortège se mit en marche, et, vers les quatre heures, l'antique madone quittait, pour ne plus la revoir, sa demeure sept fois séculaire.

    M. l'abbé Mercier, curé du canton, assisté de plusieurs prêtres du voisinage, présidait la cérémonie.

    Le ciel était clair, le beau soleil de mars donnait toute sa lumière ; des branches et des feuilles d'arbres à peine bourgeonnées, prémices du printemps, jonchaient le parcours de la procession. Jeunes filles et enfants, les unes vêtues de blanc, les autres secouant dans leurs mains des oriflammes au chiffre de Notre-Dame, relevaient la pompe de cette ovation d'une grâce toute champêtre.

    Le maire de Longpré, l'adjoint, ceints de leurs écharpes tricolores, le conseil municipal, suivaient religieusement la statue, portée par six hommes en aubes.

    Enfin, au milieu des flambeaux et des cierges, des cantiques et des hymnes, la statue, saluée sur son passage par la foule rangée en double haie depuis la chapelle, arriva au lieu désigné par M. l'abbé des Essarts pour lui servir de sanctuaire provisoire.

    L'allégresse était générale ; cependant quelques bons vieillards, regrettant le pauvre monument où avaient prié les pères de leurs pères, pleuraient d'attendrissement à la pensée de sa démolition.

    De nombreux pèlerins, venus de toutes parts, principalement de Vendôme et de Châteaurenaud, deux petites villes singulièrement pieuses envers Notre-Dame de Villethiou, assistaient à la cérémonie. M. l'abbé Mercier, l'organisateur de cette fête joyeuse et un peu triste à la fois, crut devoir la clore par une allocution cordiale et populaire. Il fut éloquent parce qu'il fut vrai : on l'écouta le front nu, silencieusement, et une acclamation en l'honneur de Notre-Dame jaillit immense, unanime, de tous ces cœurs chrétiens.

    Le lendemain, mardi de Pâques, la pioche attaquait et renversait l'ancien édifice.

    TRAVAUX DE CONSTRUCTION. — MONSEIGNEUR DES ESSART

    Les ouvriers de Vendôme, conduits par M. Margane, se mirent à l'œuvre. Les forêts et les carrières du canton de Saint-Amand fournirent le bois et la pierre ; la contrée donna tous les matériaux nécessaires, selon la volonté formelle du restaurateur.

    La construction ne demanda que deux ans, grâce à l'impulsion très-active de M. l'abbé des Essarts.

    On nous saura gré de retracer ici cette noble et intéressante figure, dont le portrait vient si naturellement s'encadrer dans les pages de ce livre.

    Issu d'une famille honorable et chrétienne de la Provence, clerc tonsuré dès l'âge de huit ans, prêtre et directeur du collège de Valence à 23 ans, nommé par Mr de Sauzin vicaire général du diocèse de Blois, en 1823, sacré lui-même évêque de Blois le 25 juillet 1844, Mr Marie-Auguste Fabre des Essarts mourut au milieu de nous, 20 octobre 1850, laissant après lui le parfum de ses vertus, le bienfait de ses œuvres, le renom d'une piété rare envers la très-sainte Vierge.

    D'autres prélats ont marqué leur passage par le prestige d'une vie plus retentissante ; mais au fond, quelle plénitude de qualités supérieures ! Administrateur éminent, homme d'organisation, d'initiative et de labeur, l'épiscopat sembla le grandir en le complétant par le cœur. Vicaire général, on l'avait admiré ; évêque, on l'admira toujours ; de plus on l'aima, et sa mémoire éveille dans plus d'un cœur des regrets attendris. Dévouement à tous dans le diocèse et à chacun, comme s'il n'eût existé que pour un seul ; sagesse dans les conseils, esprit de foi ; charité inépuisable envers tous les genres de misères, grande comme ces misères, même aux époques désastreuses des inondations et de la disette ; besoin de beaucoup faire et de bien faire ; nature toute d'élan, courageuse, dévorée d'une ardeur qui hâta sa fin : telles sont les qualités dont la réunion forme autour de sa tête une auréole impérissable.

    La Bible a tracé l'éloge d'un homme de la tribu de Juda, suscité d'en haut pour présider à la construction du tabernacle, du propitiatoire, de l'arche d'alliance. Le saint Livre ajoute que Dieu l'avait rempli de la science de son état, de la surabondance de son Esprit : Spiritu Dei, de manière à l'élever au niveau de sa tâche et à le rendre digne des suffrages publics : nous l'avons retrouvé dans la personne de Mgr des Essarts, cet homme des anciens jours. Restaurer toutes choses dans l'ordre spirituel, administratif et matériel ; bâtir sur des débris, se créer des ressources pour créer des œuvres, ce fut l'occupation de sa vie de prêtre, la gloire de sa courte vie épiscopale et le beau côté de sa mission.

    L'aspect nu et misérable de Notre-Dame de Villethiou l'émut d'une compassion indicible, et bientôt, à la place d'une ruine inconvenante, s'éleva un petit monument plein de jeunesse, de bonne grâce et d'élégance.

    Mgr des Essarts aima de prédilection cette œuvre de son cœur et de sa piété. C'est ce qui ressort de sa correspondance avec l'architecte. Les vingt-cinq lettres que M. Margane m'a communiquées, signées et écrites de sa main, révèlent, outre sa sollicitude, quelques nouveaux et piquants détails qui intéressent cette histoire.

    « Blois, ce 14 avril 1842.

    Monsieur,

    Je viens aujourd'hui appeler votre attention sur notre construction de Villethiou. Il parait que l'entrepreneur néglige déjà nos travaux. Depuis le mardi de Pâques, il n'y a que deux et même souvent qu'un seul journalier pour creuser les fondations. Aucune provision de pierre dure n'est encore faite. Un tel état de choses jette l'alarme dans la contrée, et semble annoncer un mauvais vouloir de ma part pour la construction de l'édifice. Je vous prie de vouloir bien presser l'entrepreneur, afin que les travaux aient un cours régulier, propre à calmer les inquiétudes de la population des environs.

    Je suis...

    Fabre Des Essarts, vic. gen. »

     

    Lettre du 3 juin 1842.

    « ... J'ai été moi-même hier visiter le chantier, pour me rendre compte de son approvisionnement, de la nature des matériaux, du nombre des ouvriers, que je trouve insuffisant. J'espère que ce petit monument sera de toutes manières digne de notre piété et de votre dévouement. Soyez diligent et activez l'exécution

    Fabre Des Essarts , vic. gén. »

    Blois, 24 octobre 1812.

    « Monsieur,

    « ... Je crois utile de vous recommander avec instance de vous borner aux travaux indiqués dans les plans et devis, et de ne pas faire de nouveaux embellissements, surtout en sculpture ; nos ressources sont bornées pour cette œuvre.

    Recevez

    Fabre Des Essarts, vic. gén. »

     

    « Blois, 30 octobre 1842.

    « ... Je ne pouvais pas m'attendre au surplus de dépense si exorbitante que vous m'annoncez. Tout ce qui est sculpture sera retranché, et il m'est impossible de le permettre, soit au clocher, soit aux clochetons, soit à la porte d'entrée. Ma conscience ne m'autorise pas à faire travailler des ouvriers que je suis hors d'état de payer...

    Recevez

    Fabre Des Essarts, vic. gén. »

     

    Blois, 30 mars 1843.

    « Monsieur,

    « Je compte me rendre à Villethiou pour visiter les derniers travaux de notre chapelle. J'espère trouver la statue de la Vierge entièrement réparée et sculptée, ainsi que nous en sommes convenus. Ce petit travail est le plus pressé ; car il est urgent que la statue soit convenablement disposée pour le jour de la bénédiction...

    « Agréez

    Fabre Des Essarts, vic. gén. »

     

    Lettre du 10 avril 1843.

    « D'après les recommandations que j'ai faites an sculpteur, je pense que la statue de Notre-Dame de Villethiou est entièrement réparée. Je vous prie de faire appliquer deux bonnes couches de peinture en blanc à la tête et au cou de la statue de la Vierge et de l'enfant Jésus, en employant un siccatif de manière à ce que le peintre que vous enverrez puisse exécuter son travail...

    « Je suis

    Fabre Besessahts, vic. gén. »

     

    Blois, 22juin 1843.

    « Monsieur,

    « Nous nous sommes rendus à la chapelle de Villethiou. Tous ont paru très-contents de notre petit édifice...

    J'ai vu avec inquiétude que vous persistiez dans vos projets de sculpture. Ce genre d'ornements précipite dans de si grandes dépenses que je crois devoir insister auprès de vous pour vous engager de nouveau à le modifier. Vous savez que nous étions convenus que vous vous borneriez aux moulures tracées et exécutées avec le plus grand soin. Je pense même que ce genre sévère eût été bien approprié à notre plan de construction. Au reste, je n'ai plus de ressource, et je regarde comme une obligation de vous le déclarer de la manière la plus formelle. N'appliquez pas à des ornements degoût des fonds qui doivent être employés à terminer la construction.

    Je dois vous compter, dans le courant du mois de février prochain, la somme de 9,500 francs par divers paiements. Voici la note exacte de ce que vous avez reçu :

    Le 10 mars 3,000 fr.

    Le 27 avril 1,300

    Le 14 juin 775

    Le 6 août 1,500

    Le 12 novembre. . . . 1,225

    Total. . . 8,000

    « Je vous verserai en février 1,500 francs, et tâcherai d'y ajouter une avance sur les 3,000 francs de supplément, afin de vous faciliter l'exécution des travaux...

    Agréez

    Fabre des Essarts, vic. gen. »

    On le voit, M. l'abbé des Essarts, inquiet de ses moyens et à bout d'argent, ne voulait qu'une chapelle simple, mais convenable, solidement édifiée.

    L'architecte, au contraire, s'exaltait à l'idée du décor.

    Ce fut la lutte de la prudence aux prises avec la ferveur d'un artiste au début, jaloux de ses premiers essais.

    Le zèle eut raison de la sagesse et en dépit de tout dépassa le but. Rien ne put détourner l'architecte de son idée fixe : il fit beaucoup plus et beaucoup mieux qu'on ne lui demandait, et il fallut, bon gré mal gré, se résigner à le voir fleurir tout l'édifice d'ornementations et de sculptures. Comment lui en vouloir aujourd'hui ? L'enthousiasme qui a pu créer un moment quelques embarras pécuniaires levés depuis longtemps, nous a légué en définitive un monument plus parfait et plus digne d'un grand pèlerinage.

    Cependant le jour de la bénédiction de la chapelle et de l'installation de la statue avait été fixé au 27 avril 1844.

    Déjà plusieurs fois M. l'abbé des Essarts, l'ordonnateur de la prochaine cérémonie, s'était rendu sur les lieux, portant de tous côtés son coup d'œil organisateur et intelligent.

    Lui-même avait dicté le programme d'une fête qui devait être sinon la sienne, du moins le couronnement de son entreprise, la récompense de la piété publique et le plus beau triomphe décerné à la très-sainte Vierge dans la contrée.

    Les dames de la Providence de Blois voulurent confectionner elles-mêmes la riche parure de la statue.

    M. Margane, de son côté, déblayait les abords de l'édifice, doublait le nombre des ouvriers, multipliait ses voyages. On eût dit qu'avec l'inauguration de la nouvelle chapelle se préparait une nouvelle inauguration du pèlerinage.

    Remarquons ici du reste qu'il ne fut pas un instant suspendu pendant le coure des travaux. M. Margane me contait à ce propos la visite d'un pèlerin fantasque, j'allais dire fantastique, et je la relate comme fait distrayant.

    C'était par un très-beau clair de lune, vers onze heures du soir ; une sorte de fantôme, grand de taille, drapé d'un long suaire blanc, remontait à Villethiou au moment où MM. Margane et Tremblay, le peintre, en descendaient pour regagner Vendôme. En pareil cas, à pareille heure, on s'intrigue aisément, et à défaut de peur la curiosité devient parfois indiscrète.

    Assailli de questions par ces messieurs, l'étrange personnage s'obstine à ne pas répondre : c'est en vain que la voiture de l'architecte mise en travers du chemin lui barre le passage ; il s'esquive, prend le large et poursuit sans humeur. Était-ce donc un échappé de la tombe ? non ! Toutes gens portant linceul ne sont pas revenants.

    En effet, peu de temps après le mystérieux pénitent blanc s'agenouillait sur les marches de la nouvelle chapelle, accomplissant probablement un vœu ou sollicitant quelque grand pardon.

     

    Inauguration de la chapelle. Installation de la statue

    Les solennités religieuses ont le privilège d'intéresser au plus haut degré la piété publique.

    Celle du jeudi 27 avril 1813 devait jeter un vif éclat sur le petit pays de Villethiou, et marquer par un long souvenir dans son histoire. MM. les curés, comprenant à merveille qu'une fête n'est jamais belle sans beaucoup d'élan et beaucoup de peuple, l'annoncèrent au prône dans toutes les églises du canton.

    Cependant la nuit du 26 au 27, nuit d'orage et de tempête, donna de sérieuses inquiétudes ; un fort vent du nord-ouest souffla sans discontinuer sur toute la contrée.

    La pluie tomba, une pluie assez abondante pour avarier la grande route, amollir les chemins de traverse et rendre le lendemain les petits sentiers de la plaine difficiles aux pèlerins.

    A cinq heures du matin, l'atmosphère devint plus sombre et sembla vouloir se charger encore ; mais, à six heures, les nuées se replièrent, et le soleil se leva superbe dans le ciel bien, sur une campagne étincelante, comme pour rendre hommage et prêter son concours à la gloire de Notre-Dame.

    Les populations n'ont pas manqué d'observer ce phénomène et de l'attribuer à l'intervention de la sainte Vierge.

    Rien n'allait donc attrister la fête. Embellie de toutes les grâces du printemps, la nature elle-même semblait s'être parée pour la circonstance. Les vergers voisins de la chapelle, montraient leurs enclos d'aubépines, leurs amandiers et leurs pêchers couverts d'une neige de fleurs.

    Le hameau si calme et si désert habituellement se peupla bientôt comme une petite ville.

    Par tous les abords, par toutes les voies de communication les pèlerins arrivèrent, la plupart à pied ; un bon nombre à dos d'âne et de mulet, sur des chars-à-banc ou en légères carrioles.

    Parmi les voyageurs, quelques-uns descendaient de cheval ou d'une calèche élégante à l'entrée du village.

    Ces pèlerins, toujours les bienvenus, mais transportés si vite et tout à l'aise, devaient moins intéresser que de simples paysannes parties de très-bonne heure avec leurs enfants, et dont la marche appesantie annonçait une longue route et une grande fatigue.

    A huit heures et demie du matin, le petit hameau bruyant et plein de vie offrait toute l'animation d'un grand pèlerinage.

    Rien n'y manquait, pas même l'orgue de Barbarie, cet accessoire ordinaire de toute solennité populaire.

    Des troupes de boiteux et de mendiants chantaient d'une voix monotone de pieuses complaintes, pendant que les vendeurs d'images, de médailles et de chapelets criaient leurs marchandises.

    Les différents clergés des paroisses devaient bientôt paraître : de joyeuses volées suivies de légers carillons avaient salué leur sortie des églises, et à neuf heures, comme le portait le programme de l'abbé des Essarts, tous arrivèrent, croix levées, bannières flottantes.

    Ce fut le moment de la dédicace de la chapelle : M. des Essarts eut la joie de bénir cette belle œuvre, que la sainte Vierge avait déjà bénie elle-même.

    Plus de soixante prêtres venus du Blésois, de la Touraine et du Maine assistaient l'officiant, parmi lesquels MM. de Caqueray, chapelain de Villethiou ; Duc, vicaire général ; Thoré, secrétaire de l'évèché ; Vesser et Giraud, chanoines.

    La cérémonie s'accomplit suivant le rituel diocésain, et procès-verbal en fut dressé par le célébrant, conformément à la règle.

    Le peuple resta pieusement et patiemment au dehors, jusqu'à la fin de cette inauguration sainte, pendant que les banderoles variées qui s'agitaient et se tourmentaient sous la brise semblaient appeler et presser le départ de la procession générale.

    C'est qu'en effet l'intérêt principal se concentrait sur l'intronisation de la statue dans sa nouvelle demeure.

    Parée comme une reine qui attend le triomphe et placée sur le seuil de la maison qui l'avait abritée, la madone reposait en ce moment dans l'encadrement d'une voûte de feuillages, enguirlandée de fleurs artificielles et de gracieuses légendes. Un brancard ombragé d'un baldaquin de drap d'or lui servait de pavois.

    La cérémonie de la dédicace terminée, M. l'abbé des Essarts quitta la chapelle au son de la cloche et au chant de l'Ave maris Stella.

    Les soixante prêtres assistants, portant l'étole pastorale, comme l'avait prescrit le programme, traversèrent avec lui pour rejoindre la statue toute la procession, dont les deux ligues, à partir du reposoir, s'allongeaient sur la grande route d'Espagne.

    Arrivé au lieu de la station, le célébrant, visiblement ému, s'agenouilla. L'immense peuple, témoin et spectateur, se prosterna de même. Un nuage de vapeur odorante monta jusqu'à la madone encensée trois fois ; alors les choristes d'une voix sonore entonnèrent l'Inviolata suivi des versets et oraisons analogues.

    Huit prêtres du canton  chargèrent sur leurs épaules le magnifique brancard riche de tentures d'or et de soie, riche surtout de l'image resplendissante de Notre-Dame. Deux chanoines honoraires, MM. Caille, curé de la Trinité, Breteau, curé de la Madeleine de Vendôme, et deux vicaires généraux, MM. Morisset et de Belot, tenaient les cordons. Six curés complétant cette pieuse garde d'honneur portaient de grandes torches allumées.

    Au signal donné tout s'ébranle, et le cortège, conduit par le suisse de la cathédrale, commence à défiler, sous la direction des cérémonaires. Onze paroisses, Ambloi, Sasnières, Huisseau, Saint-Amand, Lancé, Gombergean, Saint-Gourgon, Prunay, Longpré, Villeporcher, Villechauve, se trouvaient fondues en une seule paroisse, onze processions en une seule procession, onze tableaux en un même tableau général.

    Les chapes blanches des choristes, les croix d'argent aux reflets éblouissants, les robes blanches en grand nombre, les tuniques rouges des enfants de chœur, les châsses dorées, les bâtons des confréries, les surplis aux ailes flottantes, les flammes et les bannières multipliées, les graves costumes des dames de la Providence de Blois ; tout cela vu d'un coup d'œil, en rase campagne, sur un plateau dénudé, disgracié de la nature et sillonné d'une longue route, concourait à former un ensemble varié, une sorte de poème religieux et vivant, dont la statue de Notre-Dame formait le touchant épilogue.

    On n'eut pas à regretter l'absence des arcs de triomphe : le triomphe fut continuel, et l'enthousiasme religieux des populations suppléa grandement à de plus brillantes ovations.

    Il manquait un évêque à cette fête  ; mais la très-sainte Vierge en apercevait un dans le pieux officiant, l'âme et l'organisateur de la cérémonie.

    Partout où se rencontre la foule, il y a splendeur et spectacle imposant. Six mille personnes, selon l'évaluation commune, se pressaient en masse immobile et compacte des deux côtés de la route ; pendant que le cortège chantant, sur les lignes, avec l'élan du cœur, des psaumes, des litanies et des cantiques, s'écoulait au milieu de cette multitude, comme une eau vive passe entre les bords qu'elle anime et féconde.

    Dominant la foule de la haute taille des porteurs et glissant avec la grâce d'une apparition céleste au-dessus de toutes les têtes, la statue terminait la marche. C'était bien là vraiment la Vierge des cantiques, toute ravissante et toute belle ; on ne pouvait la souhaiter plus majestueuse et plus digne, debout sur son pavois, avec sa blanche robe de moire antique laminée d'or et son grand manteau bleu frangé par le bord.

    A mesure qu'elle avançait l'émotion gagnait de proche en proche, et courait d'une masse à l'autre sur les deux rangs. Les groupes qu'elle n'avait pas encore atteints l'appelaient du regard, et ceux qu'elle dépassait ne la quittaient pas des yeux.

    La statue, précédée de l'officiant et de tout le clergé, franchit bientôt le seuil du nouveau temple, et alla prendre place au fond du sanctuaire, dans une niche gothique comme tout le reste de la chapelle.

    Les ouvriers qui avaient bâti l'édifice revendiquèrent l'insigne honneur de l'installation de la madone. M. Margane dirigea l'opération, et déploya dans la circonstance autant d'adresse que d'activité.

    Une allocution, complément nécessaire de toute grande solennité religieuse, une parole émouvante devait naturellement clore cette marche triomphale ; du haut d'une estrade placée en dehors de la chapelle, l'orateur choisi pour la circonstance parla ; mais la meilleure prédication de la journée fut la cérémonie elle-même.

    Le sermon terminé, M. l'abbé des Essarts dit la sainte messe au chant des cantiques et de l'Adoro te supplex : M. de Belot, curé de la cathédrale, quêta, et, après la messe de M. l'abbé des Essarts, en célébra lui-même une seconde.

    Ainsi finit cette solennité mêlée de grandeur et de simplicité, d'enthousiasme sans délire, pleine de pensées salutaires.

    Le ciel, qui avait cessé de pleuvoir avant la cérémonie, se remit à l'eau presque immédiatement après ; de sorte que le triomphe de Notre-Dame de Villethiou put heureusement s'accomplir entre deux fortes ondées.

     

    CONSTITUTION DE L'ADMINISTRATION TEMPORELLE
    DE LA CHAPELLE DE VILLETHIOU.

    Marie-auguste Fabre Des Essarts, par la Providence divine et l'autorité du Saint-Siège apostolique, évêque de Blois.

    Vu l'acte public du 16 avril 1825, par lequel M. l'abbé de Caqueray, alors curé desservant de Villeporcher, a donné à la fabrique de Longpré la nue propriété de la chapelle de Notre-Dame de Villethiou, du presbytère et de ses dépendances ;

    Considérant que depuis l'acceptation de cette donation nous avons fait reconstruire à nos frais ladite chapelle, qui tombait en ruines ;

    Considérant qu'il importe d'assurer l'entretien, soit de la chapelle, du presbytère et de ses dépendances, soit du mobilier que la chapelle renferme,

    sans cependant grever la fabrique de Longpré, qui n'est que nu propriétaire ;

    Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

    ARTICLE PREMIER.

    L'administration temporelle de la chapelle et du domaine de Villethiou est confiée à un conseil qui prend le nom de Conseil d'administration de Villethiou.

    ARTICLE DEUXIÈME.

    Le conseil est présidé par un de nos vicaires généraux, qui désigne parmi les membres un secrétaire et un trésorier.

    (J'omets les articles suivants, jusqu'au huitième, comme peu intéressants.)

    ARTICLE HUITIÈME.

    Afin de procurer des ressources pour entretenir la chapelle et le presbytère, nous réglons ce qui suit : 1e chaque pèlerinage (salut et évangile) se rétribuera quinze centimes, sur lesquels cinq centimes seront affectés audit entretien  ; 2° l'honoraire de chaque messe sera de un franc vingt cinq, sur quoi vingt-cinq centimes seront attribués au même objet ; 3° les cierges qu'on allume devant la statue ne brûleront que jusqu'à la moitié environ de leur hauteur ; 4° il sera fait, à la diligence du chapelain, une quête dans la chapelle, tous les dimanches, fêtes et jours de pèlerinage ; 5° un tronc sera placé dans la chapelle pour son entretien.

    ARTICLE NEUVIÈME.

    Les ressources affectées à l'entretien de la chapelle, mises à la disposition du conseil d'administration, se composent donc : des cinq centimes prélevés sur chaque pèlerinage ; des vingt-cinq sur chaque honoraire de messe ; des quêtes, des offrandes du tronc ; des bénéfices obtenus sur la vente des cierges, gravures, livres, images, médailles, chapelets, lithographies et autres objets.

    Donné à Blois, en notre palais épiscopal, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre-seing de notre secrétaire, le 4 septembre 1849.

    Signé : M.A., évêque de Blois.

    Par ordonnance de Monseigneur,

    Ar. Venot, secrétaire.

     

    PÈLERINAGE DE NOTRE-DAME  DE VILLETHIOU.

    Il y aurait tout un livre intéressant à écrire sur l'influence morale, civilisatrice et religieuse des pèlerinages aux différentes époques de la société chrétienne, surtout à l'époque de ses grandes douleurs, au moyen âge par exemple.

    Rappelons, sans trop généraliser, qu'alors l'existence matérielle des populations était pénible autant qu'incertaine : les fléaux de tout genre multipliés, les inondations fréquentes, les famines répétées, les guerres meurtrières, l'anarchie incessante. Que de pauvres créatures, moralement et physiquement abaissées, auraient fléchi, désespérées sous l'esclavage à l'ombre des manoirs féodaux, si de continuels déplacements et de lointains pèlerinages, déterminés par le sentiment religieux et par le besoin de se soustraire au malaise général, n'avaient heureusement fait diversion à tant d'épreuves et de souffrances. De là ces périlleuses traversées d'outre-mer, ces longues pérégrinations de Rome et d'Espagne ; de là aussi, pour les moins aventureux, ces courses journalières sur toutes les routes de France, aux différentes chapelles renommées ou obscures du royaume, et d'où chacun revenait joyeux et consolé, rapportant, avec les insignes du pèlerin, la résignation et l'espérance.

    De nos jours, la nation chrétienne s'est ressouvenue des anciens âges et de la foi traditionnelle des ancêtres. Les pèlerinages refleurissent plus fervents que jamais, sur les monts, sous les églantiers du vallon, dans l'épaisseur des bois, au milieu des plaines, sur les grèves devant l'immensité des horizons et des flots. Et tous, riants, sévères ou grandioses, rendent ce témoignage grave et consolant, que la France n'est pas tout entière aux vains spectacles qui amusent le public mondain ; qu'il y a aussi parmi nous un peuple croyant, catholique, empressé de se rendre partout où la religion le convie ; un peuple animé, au XIXe siècle, comme aux anciens jours, de la vie de la foi.

    Certaines gens sourient au seul mot de pèlerinage. A quoi bon ? disent-ils.

    Eh bien, l'on ne persuadera jamais de leur inutilité, ni le blessé qui a confiance dans l'eau miraculeuse d'une fontaine sacrée ou dans la relique d'un martyr que Dieu veut glorifier, ni les villes consternées par un fléau, et dont le premier instinct, quand la vie s'échappe de toutes parts, est de recourir, d'un mouvement unanime, à la ferveur d'une procession solennelle ou d'un vœu.

    Combien nous paraissent vraies, sages et solidement fondées, ces manifestations touchantes ! Les habitants de nos campagnes voient dans la bonne Vierge, dans leurs saintes et dans leurs saints, auxquels ils croient si naïvement et avec tant de raisons d'y croire, de bienfaisants protecteurs. Qu'une femme, un enfant, tombent malades, ils accourent, ils intercèdent, et leur démarche est déjà pleine de consolation.

    Bénie soit l'Église qui nous permet de compter dans le ciel autant de catégories de bienheureux qu'il y a de différentes catégories de misères à soulager ici-bas ! Qui ne partagerait ces douces croyances ? Comment oser surtout blasphémer les pratiques simples et ingénues qui les rendent efficaces ?

    Grâce à Dieu, les hommes d'une intelligence vraiment supérieure ont fini par apprécier tout ce que renferment de poésie et de piquante originalité les dévotions populaires et les pèlerinages ! Que dis-je ? La science contemporaine elle-même s'y intéresse, et l'archéologie, si avide de recueillir dans le présent les débris d'un passé plus chaud, plus coloré, plus enthousiaste et meilleur que notre âge positif, en a fait l'objet d'une curieuse étude. Il y a quelques années, le ministère de l'instruction publique, par l'organe du comité des arts et monuments, proposait à tous les curés, desservants et chapelains de France, une série de trente-neuf questions, au nombre desquelles et sous le n° 33 se trouve celle-ci : « Existe-t-il dans la commune de... une chapelle isolée, fréquentée par les malades ? Y va-t-on en pèlerinage ? Ce pèlerinage a-t-il lieu surtout le jour ou la veille de la fête de la sainte ou du saint ? Quels usages locaux et cérémonial singulier y remarque-t-on ? Quel genre de malades s'y rendent particulièrement ?»

    Cette question, précieuse en ce qu'elle révèle l'importance attachée aux pèlerinages en général, obtiendra, quant à celui de Notre-Dame de Villethiou, pleine et satisfaisante réponse.

    Le pèlerinage de Villethiou remonte évidemment à la découverte de la statue ; et toutefois, les documents primitifs étant perdus, nous ne pouvons rien affirmer de positif à cet égard.

    Il est regrettable que le plus vieil historien du Vendômois, l'abbé Simon, chanoine de la collégiale du château, n'ait pas même nommé Villethiou. Tout ce qui tenait au surnaturalisme répugnait à cet esprit sceptique et frondeur, tristement imbu des doctrines de son époque.

    Ce qui est constant, c'est que les premières traces historiques du pèlerinage de Villethiou apparaissent dès les XVe et XVIe siècles.

    Laissons les procureurs-fabriciers des églises de Saint-Gourgon et de Prunay en donner la preuve.

    « Payé  en 1420 un cierge de sire jaune dun quarteron qui estoit pour porter a Nostre Dame de Villethiou en action de grace le lundy de la Pentecoste six soubz six deniers.

    « Reçu en 1551 quatre livres sept soubz a la queste de S'Gourgon pour lapchat de quatre livres et demys de cire neufve pour fr la torche portee a Villetiou, cy...

    « Payé en 1705 trente deux soubs pour dé« panse durant la neufvaine faite a Villequiou, « cy... »

    Les grands pèlerinages de France avaient leur complainte, transformée souvent et retouchée dans le cours des siècles, à la manière des anciens Gestes du moyen âge.

    Celui de Notre-Dame de Villethiou, quoique plus modeste, pourrait, il parait, se glorifier également d'avoir inspiré la muse de quelque ménestrel inconnu. De tous les couplets de cette chanson, perdue et oubliée, quatre vers seulement ont survécu :

    A la festc advenir
    Préparons la boursette
    Pour que chascun y mettre
    Selon son bon plaisir.

    Feuilletant les vieux registres des baptêmes, mariages et sépultures de Villechauve, chez M. Parrain, adjoint au maire de cette commune, j'ai recueilli cette curieuse note vers la fin du premier registre : « L'estoile apelee a la grande queue qui parusten 1679 et 1080 nous a pronostiqué une grande, prompe et longue mortalité nomée heule et geula qui estoit un mal de gorge. Dieu nous préserve d'une telle pitié. On navoit bensoin que du prestre, car on ne deuroit que 3 ou 4 jours et sans remede. »

    La fabrique de Villechauve possède un petit papier terrier où il est dit en marge qu'on se rendait de toutes parts à Villethiou pour se garier de la heule ou geula.

    C'était principalement aux jours des calamités générales, épidémies, sécheresses, intempéries des saisons, que se manifestait, par des pèlerinages publics, la confiance des populations en la bonne Nostre-Dame de Villethiou.

    L'Église, qui a des prières pour changer l'aridité des nuées en ondes rafraîchissantes, et pour modérer la trop grande abondance des pluies, approuve ces démarches de la foi, que l'espérance accompagne et que souvent le succès couronne.

    Deux vénérables octogénaires de Longpré, les époux Termault, dont l'âge n'a pas troublé la mémoire toute pleine de ressouvenirs d'enfance, m'ont conté, en chauffant leur four et devant M. Beauchesne, chapelain de Villethiou, le fait suivant :

    « Nos pères et mères nous ont dit qu'en juin 1772 (frère Ph. du Breuil étant prieur de Notre-Dame) une sécheresse effroyable désola nos contrées : hommes et bêtes languissaient sous les ardeurs d'un ciel toujours en feu. Les femmes ne savaient plus où trouver dans la Bruine tarie une flaque d'eau pour laver le linge, et la récolte brûlée tombait en poudre. Les paroisses de Longpré, d'Authon, de Prunay, de Saint-Cyr-du-Gault, de Savigny, de Saint-Etienne-des-Guérets, se transportèrent, croix en tête, à la chapelle de Villethiou, mais séparément, chacune ayant son jour. A l'issue de la messe, la pieuse députation courait plonger le bâton de la croix dans le bassin de la Coudre. La procession d'Authon, venue la dernière, devait être exaucée. Comme elle s'en retournait, n'ayant pas encore dépassé la ferme de la Chardunnerie et le ruisseau de la fontaine des Tailles, un vent léger, précurseur d'une perturbation atmosphérique, souleva doucement les feuilles des arbres ; les nuages, subitement condensés, annoncèrent qu'enfin la tempête allait succéder à une effroyable sérénité. Bientôt, en effet, la pluie tomba du ciel en telle abondance, que la procession et toutes les contrées voisines en furent inondées. »

    Je n'ai pu vérifier que par la tradition l'événement en question, et pourtant j'y crois sur la foi de mes deux narrateurs. Suis-je en droit de supposer que d'honnêtes gens me trompent ? et ces honnêtes gens supposeront-ils que leurs pères et mères, gens de bien comme eux d'ailleurs, leur ont affirmé avoir vu ce que réellement ils n'avaient point vu ? La crédulité peut être une sottise ; mais dans certains cas la négation est une injustice et un outrage.

    1772 ne fut pas la seule année calamiteuse : bien d'autres suivirent, tour à tour sèches ou pluvieuses, 1796, 1800, 1803, 1816, 1825,1828. Les habitants des paroisses précitées revinrent avec la même ferveur s'agenouiller devant la madone de Villethiou, jadis favorable aux ancêtres.

    Quel fut le résultat de ces nouveaux pèlerinages ? Nous ne saurions le dire : toujours est-il qu'en mai 1836 un événement analogue à celui de 1772 s'accomplissait sur le chemin de Prunay. Une chaleur tropicale dévorait depuis quelque temps les herbages, les céréales et les plantes. Les nuits sans rosée ramenaient invariablement dans l'espace embrasé les ardeurs de la veille. Quel autre remède qu'un pèlerinage solennel à Notre-Dame de Villetbiou ? Tout Prunay s'y rendit, malgré les pronostics des baromètres, sous la conduite de son curé, M. l'abbé Neveu. Constatons qu'au départie temps était clair, animé, le soleil vif comme à l'ordinaire ; et qu'au retour, vers le milieu de la route, l'atmosphère se chargea brusquement ; des torrents descendirent du ciel, attestant que la prière avait percé les nuages et pénétré le cœur de la protectrice du Vendômois.

    MM. Neveu et Latouche, curé actuel de Seillac, témoins oculaires, m'ont certifié véritable ce fait de notoriété publique, et le village de Prunay se lèverait encore aujourd'hui pour confirmer leur dire.

    Ces notes sont plus que suffisantes pour établir l'ancienneté du pèlerinage de Villethiou et sa persévérance pendant le cours de cinq siècles jusqu'à la fermeture des églises en 1793.

    Son histoire est moins difficile à partir de la restauration du culte, et les témoignages, quoique rares encore, sont plus abondants :

    Vers 1805, Duchemin de la Chenaye, écrivait : « Il n'est pas de jour, pas même d'heure où l'on ne rencontre un grand concours d'hommes et de femmes sur le chemin de Villethiou ; c'est le pèlerinage le plus fréquenté du Vendômois. »

    Blanchard, juge de paix à Saint-Amand, constatait en 1819 la même aftluence : « Villethiou, dit-il, lieu de dévotion extrêmement visité. Tous les jours sont témoins de nombreux pèlerinages.

    La chapelle est en très-grande réputation. 

    De Passac, en 1823, ajoutait : « Le sanctuaire de Villethiou, dans le hameau de ce nom, attire une foule considérable de dévots et pèlerins. »

    M. Dupont (de Tours), en 1841, rendait le même compte en ces termes : « Il y a peu de jours dans la belle saison et peu de semaines dans l'année où l'on ne voie de pieux visiteurs venir implorer le secours de la consolatrice des affligés. »

    Antony Génevois, en 1844, s'exprimait d'une manière non moins significative.

    M. J. de Pétigny, en 1849, écrivait : «Une foule très-considérable de pèlerins se rassemble chaque année à Villethiou le lundi de la Pentecôte. »

    L'abbé Hamon, en 1860, a dit : « On vient à Villethiou des diocèses de Blois, de Tours, du Mans, quelquefois même de pays plus éloignés ; c'est depuis longtemps le pèlerinage le plus suivi du Vendômois. »

    M. A. Dupré, en 1860, unissait son témoignage aux témoignages précédents.

    Le journal de la France centrale, n° du 7 juin 1862, clôt par quelques mots louangeurs cette courte liste des panégyristes de Notre-Dame de Villethiou. « Le 9 de ce mois, dit cette feuille, lundi de la Pentecôte, les trois sanctuaires dédiés à la sainte Vierge dans le département: Notre-Dame des Aydes, Notre-Dame de Villethiou, Notre-Dame de Nanteuil, seront envahis par une affluence immense de pèlerins. Il n'est pas rare de voir trois à quatre cents voitures amener à ces diverses chapelles des masses de visiteurs. »

    Ces notes élogieuses nous amènent à consigner les grands jours consacrés au pèlerinage de Notre-Dame de Villethiou.

    Sans cesser même en hiver, il se ralentit pendant cette morte-saison ; mais il renaît en quelque sorte avec la nature et va se développant comme elle, depuis l'Annonciation, 23 mars, où il recommence, jusque vers le milieu d'octobre, où finit le beau temps.

    Les mois chauds ou tempérés, favorables aux déplacements, mai, juin, juillet, août, septembre, sont ceux où il présente le plus de vie et d'animation.

    Dans le parcours de ces mois, certains jours ont le privilège d'une affluence plus nombreuse ; je les signale, moins selon l'ordre liturgique que suivant leur degré d'importance relative au pèlerinage : la Notre-Dame de septembre, la Pentecôte, la Fête-Dieu, l'Annonciation, le lundi de Pâques, l'Ascension, la fête de saint Jean d'été, l'Assomption, les dimanches de mai, la fête de la Trinité, le dimanche dans l'octave de la Nativité de Notre-Dame, et enfin toutes les fêtes secondaires de la Vierge.

    Les siècles passés ne nous montrent aucun personnage illustre parmi les pèlerins de Villethiou. Le présent offrira quelques glorieux souvenirs. Mgr des Essarts ne manquait pas de se rendre à Villethiou chaque année, pour renouveler l'acte de consécration par lequel, dès le début de son épiscopat, il avait voué sa personne et son diocèse au cœur immaculé de la Vierge dont il portait le nom. » Le 8 septembre 1862, Mgr Pallu du Parc célébrait à Notre-Dame de Villethiou la sainte messe et prêtait au pèlerinage l'éclat de sa présence, les encouragements de sa parole, l'exemple de sa piété.

    Le pèlerinage de Villethiou, soit en masse, soit individuellement, s'accomplit généralement avec édification et convenance.

    La dissipation et le plaisir sont éconduits de ces réunions ferventes, comme étrangers et intrus.

    Il y a trente ans, un ménétrier de village essaya de s'établir dans le hameau pour inaugurer la danse à la suite des grandes assemblées du 8 septembre et du lundi de la Pentecôte.

    Le pauvre artiste n'eut pas de succès, et le violon dut se faire entendre ailleurs.

    On se rend à Villethiou pour prier, le rosaire en main, habituellement à jeun, le plus souvent en silence ou au chant des cantiques, pédestrement et sans voiture autant que possible, malgré la longueur et les fatigues de la route.

    Le nombre des pèlerins s'élève à dix à douze mille annuellement. Un jour, le 8 septembre, fête patronale de la chapelle, on put compter plus de trois mille visiteurs à la fois.


     

    DONATIONS.

    Les chapelles miraculeuses, sources permanentes de bienfaits sans nombre, déterminaient ordinairement la reconnaissance publique à s'exprimer par de riches oblations.

    La grâce obtenue attirait le présent ; la faveur surnaturelle, le don et l'offrande : aussi que de trésors, quel luxe béni dans tous les sanctuaires de Marie que le Ciel avait favorisés de quelque sainte image extraordinairement trouvée !

    La piété des petits et des grands se plaisait à prélever pour leur décoration, sur la nature et sur l'art, tout ce que l'une donne d'elle-même, tout ce que l'autre sait produire de plus précieux.

    Moins privilégié que beaucoup d'autres oratoires, celui de Notre- Dame de Villethiou ne s'ouvrit point aux présents des rois, des reines, des cardinaux et des princes.

    On regrette, on s'attriste de n'avoir à énumérer ni calice, ni lampe d'or ou d'argent, et, pour tout dire, aucun objet de, valeur offert dans les siècles antérieurs.

    La chapelle primitive ne fut pourtant pas entièrement négligée, comme nous allons le dire.

    OFFRANDES FAITES A L'ANCIEN SANCTUAIRE.

    Vers la fin du XVe siècle je trouve un testament de Michelle Chereau, veuve Souazé, où après avoir premièrement recommande son âme à Dieu le createur, a la benoiste et tousjours vierge a Marie, a monsieur sainct Michel lange et ar~ a cange... » la veuve susnommée, entre autres articles, « veult et ordonne luy estre dict a son « instention et deffunctz ceste annee tres-passez « deux messe basse a la chapelle de Villethiou « lannee quelle descedera une foy dicte (I). »

    Le 1er septembre 1529. « En presence de Jean de Fromentiere seigneur de Meslé et de messire Nicolas Pasquier prestre et Pierre Bodin noble « homme,

    « Messire Jean de Peignay, chevalier seigneur « de Pray (2),» voulut par testament avoir à son

    obit outre « deux viquaires, son chappekin etc.. « messire le chappelain de Villeliou. »

    « Item ledict testateur a donne aux treize « pettits clercs, portant chascun un pot de terre « avec feu et encens, chascun cinq deniers... a « l'église de S' Pierre de Pray dix solz une fois « paiés... et a Noslre Dame de Villetiou deux solz « six deniers une fois paiés. » Les exécuteurs sont le sieur de Meslay et Mme de Pray. La pièce est signée : Regnault, notaire (1).

    Le 19 septembre 1632, « Jehan Challeau, tixier « en toile, estant en son lit malade.... veult et en« tand qu'il soict donne a la reparation de leglise « de Longpré cinq solz tournois une foy payé et « pareille somme de cinq solz a la reparation de « la chapelle de Viltiou aussi une foy payé et « encore....

    « Item veult et entend le dict testateur que « ses exécuteurs fassent ou fassent faire le voyage « de monsieur saint Jacques et a la nostre dame « de Mansara et en faisant l'un ils feront l'autre.

    « Item a ledict testateur donne et donne a la « chapelle de Nostre Dame de Viltiou demie boes« selee de terre en noue (2) situee au ctox'des

    « Moreaux, psse de Prunay, joignant d'un costéa « P. Fouchard d'aultre i;osté a Marin Blanchecotte « le jeune... a la charge que le prieur sera tenu « payer les debvoirs seigneuriaux, et oultre sera « tenu ledict prieur ou son viquaire chacun an « seulement a frire la priere du testateur.» Signé Bizieux, notaire.

    Le 23 mars 1535. « La veue (veuve) Jehan Gadeau demeurant prieuré de Villechauve faict et ordonne ung testament en la forme et maniere qui en suit... premierement recommande son âme... Item donne aux processions de Villece chauve et aussy a lEstoille (abbaye d'Authon) et Villetiou a chacun dix livres une foy paiés. »

    Ce présent testament est signé : Menier.

    Il se peut qu'il y ait eu d'autres legs pieux en faveur de la chapellenie de Notre-Dame de Villethiou ; nous n'avons trouvé que ceux-là, qui n'ont pas été de nature, comme on le voit, à la ranger parmi les riches prieurés de France.

    OFFRANDES FAITES AU NOUVEAU SANCTUAIRE.

    Les donateurs de la chapelle depuis sa reconstruction doivent figurer avec honneur dans les annales écrites de Notre-Dame de  Villethiou.

    La publicité n'ira pas à leur modestie, nous le savons ; mais l'histoire, dont le silence n'est pas un des éléments, nous oblige à n'en pas tenir compte, et nous fait, sur ce chapitre, une heureuse nécessité de l'indiscrétion. Enumérons sans trop décrire, pour abréger :

    La couronne de la grande statue, cuivre doré, cerclée de pierres, style XIIIe siècle et de fort bon goût ; don d'une pieuse ouvrière qui a caché son nom.

    La couronne de l'enfant Jésus, même métal, même style, même donatrice.

    Le grand voile en tulle de la Vierge ; don de Mme Debord, qui le portait à son mariage.

    Le manteau de la Vierge, velours de soie, couleur bleu de roi, frangé d'or ; la robe blanche de moire antique, émaillée d'or, brodée par feu Mme de Rancougne, supérieure de la Providence de Blois ; le tout, don des dames de la Providence de Blois.

    Un cœur vermeil appendu au cou de la statue ; don de la paroisse de Montoire.

    Une croix en or massif attachée au cou de la statue ; don de Madeleine Bury (de la chapelle Saint Martin), en action de grâces de sa guérison.

    Un cœur d'or ; don de M. Arcanger-Drouot, curé de Notre-Dame des Aydes, à Vienne-lez-Blois.

    Neuf croix d'or et huit cœurs argent et vermeil, à droite et à gauche de la statue ; donateurs anonymes.

    Le tombeau d'autel, qui sera décrit plus tard ; magnifique don de M. Le page, curé de Lanthenay (arrondissement de Romorantin).

    Chandeliers d'autel, cuivre argenté ; don de Mme Danat, de Blois.

    Très-belle lampe, cuivre doré, style XIIIe siècle ; don de Mme la comtesse de Montesquiou, propriétaire du Fresne, à Authon.

    Deux magnifiques lustres, cuivre doré et argenté, forme moyen âge ; don de Mme la vicomtesse de Cessac, née de Montesquiou.

    Les six chandeliers d'autel, même style, même métal, même donatrice. Ciboire en argent ; même donatrice.

    Précieux ostensoir en vermeil, style XIIIe siècle, cerclé d'émail, et objet de grand prix ; même donatrice.

    Burettes en argent ; plateau de cuivre argenté ; forme moyen âge ; même donatrice.

    Un voile damas blanc, avec semis de fleurs d'or, pour le saint Sacrement ; quatre chasubles ; sept aube en tulle imitant guipures ; une nappe d'autel fort riche ; deux surplis en fil ; un gracieux missel, édition de Malines, avec pupitre sculpté ; même donatrice.

    Un calice moyen âge, argent et vermeil.

    Autre calice élégant et riche, argent pur, style XIIIe siècle ; don de Mme de Belesnie, propriétaire du château de Ranay, en action de grâces de la guérison de ses deux enfants.

    Très-belle chasuble forme et façon XIIIe siècle ; don de Mme Gaillandre, de Vendôme, institutrice des enfants de Mme la vicomtesse de Cessac.

    Toile représentant la Vierge immaculée ; don de Mme Baschet, de Blois, et œuvre de sa fille, sœur Marie de l'Immaculée-Conception, religieuse ursuline, à Blois.

    Petit tableau représentant la Vierge-Mère enguirlandée de fleurs variées, et signé G. De MarTonne, 1857. Don de G. de Martonne, en action de grâces d'une guérison.

    M. le comte et Mme la comtesse de Gouvello, dont nous ne pouvons énumérer les offrandes, doivent être également comptés parmi les bienfaiteurs distingués de la chapelle.

    Ici se clôt le catalogue des oblations et des donateurs.

    La piété des générations successives ira toujours, nous n'en doutons pas, complétant et grossissant leur nombre déjà considérable.

     

    ANCIENS PÈLERINAGES DES PAROISSES SOUS FORMES DE PROCESSIONS.

    Pendant le cours des XVIe et XVIIe siècles, la dévotion publique envers la très-sainte Vierge aimait à se produire de préférence sous la forme de processions paroissiales, malgré la distance et la difficulté des chemins encore mal tracés.

    Aussi n'étaient-ce pas seulement des familles isolées, mais des masses entières qui affluaient alors à Notre-Dame de Villethiou.

    Quoi de plus charmant que ces pieux cortèges déniant, par toutes saisons et spécialement le lundi de la Pentecôte, à travers les haies en fleurs, les blés nouveaux, psalmodiant cantiques et litanies, avec croix en tête et bannière déployée, où se montrait brodée en or ou en soie la sainte Mère du Sauveur.

    Une messe à notes, célébrée dans la miraculeuse chapelle, de ferventes et confiantes prières, un repas pris sur l'herbe et quelquefois sous la tente dressée pour un jour, une visite à la fontaine, c'était là tout le programme de ces fêtes de la foi naïve et de la simplicité villageoise.

    Ces marches solennelles s'accomplissaient fréquemment chaque année.

    Toutes les campagnes circonvoisines de Villethiou, conduites par le curé, tenaient à grand honneur de figurer à ce rendez-vous de la piété vendômoise.

    Le nombre des processions montait dans certains cas jusqu'à six et huit à la fois.

    Du XVIe siècle à l'an 1747 nous en avons compté plus d'une centaine sur les cahiers de recettes et de dépenses des seules paroisses de Saint-Amand, de Saint-Gourgon, de Villechauve, de Prunay, de Saint-Cyr-du-Gault.

    Les procureurs-marguilliers de ces différentes fabriques les ont consignées avec de si pittoresques détails, qu'il nous est impossible de n'en pas relater un certain nombre comme exemple.

    Dans les papiers de la fabrique de Saint-Gourgon (chez le curé), je lis :

    « Payé (1589) la somme de deux solz à celluy qui porta la croy a la procession de Villethiou.

    « Paié (1625) au curé qui a conduit la prosessiou a Villethiou la somme de cinq solz.

    « Payé (1629) pour le disner de mons' le curé a la procession de Villethiou le lendemain de la Pentecoste la somme de huict sols.

    « Payé (1667) en faisant la prosession a lantour des bains le jour de la S' Urbain ayant dict la messe a Villethiou la somme de traize solz. »

    Dans les papiers de fabrique de Saint-Amand :

    « Item payé le lundy de la Pentecoste vingt unyesme may 1657 a Villequiou pour le disné de Monsr le curé qui y avoit mené la procession avec Jehan Lebeau fabricien, Demeureau le sonneur et le porteur de croy et d'eschelette, vingt huict sols. »

    Prend s'eschelette, si le sone...
    S'eschelette sooe trois cos.

    (Vers de la Court de Paradis. )

    « Plus a payé ledict randant compte (1632) quatre solz six deniers pour la despance qui a esté faicte par mondict sr le curé lorsqu'avez conduict la procession dudict Villechauve a Villethiou le lundy landemain de la leste de Pentecoste.

    « Plus pour les porteurs de surpeliz et es chelettes a Villethiou a payé (1637) dixhuict deniers quil requiert luy estre alloué. »

    Dans les papiers de fabrique de Prunay (Mairie).

    « Payé (1633) vingt sept soulz tournois pour la despanse faicte en procession de Villethiou et l'Esloille tant par les grands et pettits clercs que par ceux qui ont porté la croix et bannière.

    « Plus le lundy de la Pentecoste pour la procession de Villethiou vingt cinq sols a Mr le curé et Mr le viquaire, procureur marguillier et clercs (1655), cy. ...... . 25 s..

    Dans la liasse de Saint-Cyr-du-Gault (archives de Loir-et-Cher).

    « Item paie cinq sos tant aux clercs que a ceux qui ont porlé la croix et la banniere lors q la procession a esté a Villethiou en la dite année 1622.

    « Item, paie cinq sos a ceux qui ont porté la croix et banniere a la procession a Villethiou en 1623.

    « Plus aultre procession ( 1642) a Villethiou six sos six deniers. »

    Il faut observer que ces processions très-multipliées, ne doivent pas être confondues avec celles de Saint-Marc et des Rogations, toujours consignées séparément sur les comptes rendus, qu'elles n'eurent par conséquent point un caractère liturgique, mais le caractère spécial de pèlerinages ; ce qui est bien différent. Les documents en contiennent, je le répète, une centaine d'autres de même nature.

     

    GRACES OBTENUES. — MIRACLES OPÉRÉS DANS LA NOUVELLE CHAPELLE.

    Nous n'ignorons pas qu'à l'endroit du miracle beaucoup de gens ont d'étranges délicatesses.

    Les mauvais chrétiens haussent les épaules ; les âmes pieuses elles-mêmes se tiennent sur la réserve ; certains journaux, que tout pèlerinage à eux connu défraie de leurs plus indécentes plaisanteries, bafouent à outrance ; les journaux sifflent tant qu'ils peuvent. Quant à nous, qui avons la simplesse de raconter le prodige, que sommes-nous ? des entêtés, des incorrigibles, des atrophiés du cerveau, qui mourront dans le péché de leur crédulité incurable ; nous ne sommes rien que du moyen âge pur en plein XIXe siècle.

    Le miracle cependant ne se laisse pas écraser de la sorte ; il faudrait au moins de bonnes raisons pour le réduire : que lui objectera-t-on ?

    Est-ce la possibilité qui vous répugne ? Quoi ! Celui qui a dicté les lois de la nature n'aurait pas la faculté d'en suspendre çà et là le cours ? Si Rousseau vous entendait !...

    Est-ce la convenance du miracle que vous contesterez ? Il serait par trop indécent d'en remontrer à Dieu sur ce point. On prend-on qu'il soit malséant au Père céleste de condescendre jusqu'à guérir et soulager ses enfants ?

    Est-ce la difficulté de prouver le fait pur et simple qui vous arrête ? Le fait du miracle se démontre comme tout autre fait. Vous lui reprochez de ne l'avoir pas vu, et à cause de cela vous le niez.

    Cette argumentation est renversante. Interrogez alors, verbalisez, consultez. Vous acceptez le fait de cent batailles où vous auriez été meilleur soldat que vous n'êtes bon logicien, je suppose ; cependant vous n'y étiez pas. Vous n'étiez sûrement pas davantage à la création du monde, et probablement vous l'acceptez encore. Vous êtes en appétit de contradictions, cela est clair !

    Est-ce la difficulté de savoir si le fait est miraculeux ou seulement naturel qui vous embarrasse ? Voyons : un malade a dérouté la science et mis sur les dents tout le corps de la médecine ; or voilà que, par suite d'une prière ou d'un pèlerinage, instantanément la guérison s'opère. Où est le naturel ? Comment ramener au naturel le merveilleux qui éclate ici de toutes parts ? Il y a là miracle ! à moins qu'on ne veuille attribuer cette cure à une cause impossible, à un ébranlement de l'imagination, dans le cas de la prière ; aux soubresauts de la charrette ou au pas saccadé de l'âne qui a transporté l'infirme, dans le cas du voyage : ce qui mènerait à cette belle conclusion, flatteuse pour la Faculté, à savoir, que la bête de somme aurait fait mieux que le docteur et dépassé l'apothicaire. De telles explications peuvent aller au goût peu délicat de quelques esprits malsains ; mais la foule calme, rassise, en rira tout à l'aise, et ce sera justice.

    Est-ce le lieu où le miracle s'accomplit qui vous scandalise ? Je n'en disconviens pas, le miracle cherche de préférence pour s'épanouir le creux des ravins, le sommet des monts, le bord des eaux, les plateaux dépeuplés : voilà qui est intolérable ! Vous l'appelez, vous, à l'Académie ; vous le mettez au défi d'y paraître, et, comme il s'en garde, vous en concluez que votre présence l'intimide ; le miracle a peur de vous et se cache ! vous vous flattez. S'il se montre moins à Paris, où on le voit pourtant ; moins à Lyon, où il n'est pas étranger ; moins là, dis-je, qu'en basse Bretagne, à Villethiou et autres minces localités, c'est que Dieu aime à se rapprocher des humbles de toute la distance qui l'éloigne de la science impie et suffisante ; c'est que la foi vive des campagnes l'attire, et que l'orgueil mécréant des physiciens le repousse. Nous dirons plus : le miracle entrerait à l'Institut, lumineux, irrésistible, comme saint Paul à l'Aréopage, qu'il n'y obtiendrait pas un succès plus considérable.

    Est-ce la qualité des personnes, objets du miracle, qui vous formalise ? Petites gens pour la plupart, cela est vrai. Le fait est que le menu peuple figure en majorité sur la liste des faveurs divines, au lieu que les riches, les libres penseurs et les lettrés n'y apparaissent que comme exception. Qu'ils s'en prennent à eux-mêmes, à eux seuls. Chacun a sa dévotion et sa panacée pour guérir ; en cas de maladie et d'infirmité, les simples vont bonnement à Dieu et à la Vierge ; les esprits forts recourent plus volontiers à la pharmacie. Les premiers encombrent les saintes chapelles, les seconds l'antichambre du médecin ; ceux-ci se fient à la prière, ceux-là aux drogues et aux consultations. A chacun son goût. je le répète ; mais alors, trouvez naturel que quiconque n'attend rien de Dieu n'obtienne rien de lui, et que la pauvre femme, laveuse de linge ou gardeuse de vaches, soit plutôt l'objet du miracle qu'elle sollicite que le savant ou le notable qui met son espérance dans un flacon étiqueté à très-haut prix beaucoup plus que dans les neuvaines et les voyages. « Demandez, et vous recevrez. »

    Est-ce enfin le faux miracle qui vous détourne du vrai ? Qu'on ait çà et là, sans critique, étourdiment et à la légère, qualifié de merveilleux des phénomènes très-simples, nous l'accordons, cela s'est vu. On s'est trompé, rien de plus. Est-ce à dire qu'il faille partir de là pour tout rejeter impitoyablement ? voilà qui est fort mal avisé. J'aperçois nettement ici l'excès contraire, l'excès de l'incrédulité. Que faire donc ? examiner, se mettre en garde et prendre ses sûretés. Le petit peuple soit bien qu'il y a de par le monde une fausse monnaie courante, et il ne se précautionne pas contre lui-même au point de refuser toute pièce dans la crainte folle d'être dupé : il vérifie le moindre sou rouge, pour n'embourser rien qu'à bon escient. En fait de miracles, c'est le bon procédé à suivre.

    Nous ne prétendons pas vous offrir comme prodiges de premier ordre les faits ci-après mentionnés. Incontestablement quelques-uns en portent la marque, et vous les reconnaîtrez ; les autres sont grâces pour le moins, et tous, prodiges ou grâces, attestent que le surnaturel, qui remplit tous les temps, toute l'histoire, n'est point aujourd'hui, quoiqu'on dise, en train de disparaître ; que Dieu se permet encore le miracle, au grand déplaisir et sans l'autorisation préalable de l'Académie ; qu'il faut être enfin savant, borgne ou aveugle volontaire, pour n'en rien voir.

    1844 GUÉRISON DE SCHOLASTIQUE-THÉRÈSE BRETON.

    (Ce qui va suivre est l'analyse d'un procès-verbal d'enquête présenté à Mgr des Essarts, évêque de Blois. )

    Scholastique-Thérèse Breton, de la paroisse d'Ambloy, canton de Saint-Amand, fille de René Breton et de Thérèse Relin, fermiers à la bassecour de M. le comte Henri de Verthamon, fut prise d'un chaud froidi le 13 août 1843. A la suite de fièvres continues et violentes, la pauvre enfant tomba complètement percluse des bras et des jambes. Tous ses doigts, horriblement crispés, se replièrent, à l'exception de l'index et du pouce de chaque main. On ne pouvait la changer de linge et la retourner dans son lit sans lui arracher des cris aigus. Vers Pâques 1844, sa raison s'altéra sensiblement ; et, sur la fin de juillet, la malade, réduite à l'état d'agonie, reçut l'extrême-onction et le viatique.

    L'année suivante, aux fêtes de Pâques 1843, on n'avait plus à craindre sa mort, il est vrai ; même on parvint à l'établir dans un fauteuil, où elle passait de longues et tristes journées, les jambes, les bras et les doigts toujours dans le même état d'infirmité. Incapable de se transporter d'un lieu à un autre, elle se traînait péniblement sur son fauteuil, qu'elle manœuvrait à l'aide de ses poignets mutilés.

    Nous, témoins soussignés, déclarons que telle était la véritable situation de Scholastique-Thérèse avant son pèlerinage à Notre-Dame de Villethiou (8 septembre 1845).

    Marie Déro ; Rosalie Souriau ; Angélique Callu, femme Navarre ; Joséphine Ivonneau ; Jean Souriau, régisseur du château d'Ambloy ; Victor Navarre, maréchal ferrant ; Jean Grégoire, maçon ; André Bourrée, garde particulier de M. le comte de Verthamon ; Frédéric Matthieu, ouvrier maréchal ; Marie-Anne Audebert, femme Jean Souriau ; Richard, desservant d'Ambloy ; tous habitant le bourg d'Ambloy (1er octobre 1845).

    Le jour de la Nativité, 8 septembre 1845, une voiture amenait à Villethiou Scholastique Thérèse Breton. La chapelle était comble, et six prêtres vaquaient à la récitation des saluts et évangiles. On porta l'infirme sur son fauteuil jusqu'au seuil du sanctuaire et à travers la foule. M. le curé d'Ambloy célébra une messe à son intention, et la malade reçut la communion, toujours assise. Quelques minutes après, Scholastique, transférée avec son siège dans la cour de l'une des auberges du hameau, remplie de monde, dit à sa mère : « Je crois que je vais marcher. » En même temps elle se lève et marche ; ses doigts, fermés depuis Noël 1843, se rouvrent tout à coup. « Je retourne à la chapelle, s'écrie-t-elle ; allons remercier Marie. » Tous les assistants l'accompagnent, fondent en larmes. Au moment où elle entre, le cri : Miracle ! jaillit de toutes les poitrines et jette un instant la confusion parmi la foule, qui alors entendait la grand'messe de 9 heures.

    Scholastique Breton passa la journée entière au hameau de Villethiou ; plusieurs milliers de pèlerins la virent se promener librement, et tous remportèrent avec eux la conviction qu'un miracle de premier ordre s'était accompli ce jour-là par l'intervention de Notre-Dame de Villethiou. Scholastique, avant de partir, laissa ses deux béquilles en ex-voto.

    Nous, prêtres et laïques soussignés, certifions que le susdit récit de la guérison de Thérèse Scholastique Breton est véritable.

    Garapin, curé de Prunay ; Moreaii, curé d'Authon ; Pétard, curé de Saint-Gonrgon ; Buron, curé de Villechauve ; Neveu, curé de Sasnières ; Richard, curé d'Ambloy ; Bouthier, curé de Villeporcher ; Mercier, curé de Saint-Amand ; Souriau ; Audebert ; Marie Déro ; Rosalie Souriau ; Novarre ; Angélique Callu ; Grégoire Jean ; Bourrée (Ambloy, 1er octobre 1845).

     

    1846. — Zoé Graslin, couturière, âgée maintenant de trente-sept ans, demeure avec sa mère, actuellement veuve et blanchisseuse, rue Saint Claude, faubourg et paroisse de la Riche, n° 16, à Tours (où je l'ai vue et interrogée moi-même).

    En mai 1846, Zoé Graslin, n'ayant que vingt ans, eut la fantaisie de courir, un dimanche après vêpres, au vieux château du Plessis-lez-Tours, où elle s'échauffa sur l'herbe, riant et folâtrant avec ses compagnes. Une certaine quantité d'eau fraîche, qu'elle but imprudemment à la fontaine Saint François, eut pour effet presque immédiat un crachement de sang, suivi de toux continuelles, l'extinction de la voix, enfin une aphonie complète.

    Trois mois durant, MM. Leclerc, père et fils, médecins ; M. le docteur Bretonneau lui-même, soignèrent la malade, au moyen de fumigations, de mouches et d'emplâtres. N'obtenant aucun résultat, ces hommes de l'art finirent par déclarer aux époux Graslin que la voix ne reviendrait pas à leur fille.

    Cependant la poitrine, gravement affectée, se prenait de jour en jour davantage, et la jeune malade, réduite à un état désespéré, conçut dans sa foi la pensée d'un pèlerinage à Notre-Dame de Villethiou.

    Annette Buisard, lingère ; Joséphine Buisard, sœur d'Annette ; Augustine Blanvillain, couturière ; Zoé Denoux, ouvrière en soie, l'accompagnèrent. Le 13 août 1846, surveille de l'Assomption, la pieuse caravane entrait dans la chapelle vers les huit heures du matin. M. l'abbé Mercier célébrait le saint sacrifice.

    Zoé Graslin pria comme on prie en pareille circonstance, et, avant de repartir, demanda au chapelain de lui réserver sa messe pour le lendemain. Le soir, rentrant au faubourg de la Riche, toujours sans voix, et ce jour-là plus souffrante, elle se coucha, n'en pouvant plus, et dormit bien. Le matin, 14 août, comme elle se disposait à se rendre à l'église de sa paroisse pour s'unir d'intention à la sainte messe qu'on célébrait à Notre-Dame de Villethiou, elle se sentit pressée du besoin d'émettre des sons : à sa grande surprise, elle s'entendit parler, entonna l'air d'un cantique, et sa voix, éteinte pendant trois mois, sortit pure et claire. Zoé Graslin, quoique toujours un peu faible de la poitrine, a depuis repris sa place dans les chœurs chantants de Notre-Dame-de-la-Riche.

    La mère de Zoé, Marie Chesneau, qui écoute en ce moment le récit émouvant que me fait sa fille, pleure encore de reconnaissance et de bonheur.

    Le bruit de cette guérison ne tarda pas à courir la ville de Tours. M. le curé de la Riche m'a certifié l'événement véritable. Mme Lecamut, dame de charité de la Riche ; M. l'abbé Brocberieux, frère, et depuis vicaire du curé de Châteaurenaud ; le vénérable M. Dupont, de Tours, auteur de l'Année de Marie et d'une bonne page sur Notre-Dame de Villethiou ; quantité de personnes de la paroisse de la Riche ont constaté la réalité du fait. M. Leclerc père, lui-même, un des trois médecins de Zoé, n'a pu dissimuler un grand étonnement, lorsque M. Dupont, ci-dessus nommé, lui présenta la malade complétement rétabli.

    En 1849, le nommé P. G., de la ville de Beaugency, venait à Notre-Dame de Villethiou, comme tant d'autres, dans le but d'accomplir un pèlerinage, sans trop savoir cependant ce qu'il voulait. Cet homme entre, vers le soir, dans la sainte chapelle, se trouve soudainement ému, s'agenouille et verse un torrent de larmes. Bientôt le chapelain, M. l'abbé Mavré, par lui mandé, se présente, et, après avoir confessé ce pécheur, qui s'était abstenu de tout acte religieux depuis quarante ans, le quitte en bénissant Dieu de sa subite et entière conversion.

    GRACE EN FAVEUR D'UNE PETITE FILLE.

    « Nous, chapelain de Notre-Dame de Villethiou, déclarons et affirmons que Henri Lécouheux, de la paroisse de Chenonceaux, nous est venu attester :

    « Que sa fille Léontine, ne pouvant marcher depuis deux ans, fut amenée à Villethiou, le 12 septembre 1850, à la suite d'une neuvaine, et que ce même jour elle se trouva radicalement guérie.

    "Cette déposition nous a été faite l'année suivante, 8 septembre 1851, par Henri Lécouheux, père de l'enfant, en présence de Madeleine Corbion, mère de Henri Lécouheux. « Signé : Beauchesne, chapelain de Villethiou."

    1853. — Marie-Virginie Crosnier, de la paroisse de Coulommiers, en ce diocèse, âgée de dix-huit ans et paralysée de tout un côté depuis un an et demi, reçut inutilement, à l'hospice de Vendôme, les soins assidus des trois médecins de la maison : MM. Gendron, Brault et Toriau. « Tout ce que vous me faites, leur disait-elle, ne réussira pas ; je vois bien que c'est la sainte Vierge qui me guérira.»

    Sur ses instances vives et pressantes, son père et sa mère la transportèrent, le 22 juillet 1853, à Notre-Dame de Villethiou. En entrant dans le pieux sanctuaire, sa mère, qui la soutenait, s'embarrassa dans ses vêtements et roula par terre avec elle. Le chapelain confessa l'infirme et la communia lui-même. Depuis ce voyage le mieux devint sensible, à tel point que huit jours après Marie-Virginie Crosnier reprenait, libre et alerte, ses journées à Coulommiers, et faisait le vœu reconnaissant de revenir pendant sept années visiter la chapelle où Notre-Dame l'avait exaucée.

    1853. — Victorine David, âgée de cinq ans, fille de David le cloutier, résidant à Vendôme, près de l'hospice, se trouvait réduite à un état d'infirmité dont s'affligeait toute la paroisse de la Madeleine. Affectée d'un ramollissement des os, ses deux jambes se repliaient sous elle. Le jour de l'Ascension 1853, sa mère et sa sœur l'emmenèrent à Villethiou, mais beaucoup plus malade et plus souffrante. Au retour, elle se porta sur ses jambes : la guérison fut presque instantanée. M. le docteur Faton, qui la soignait, prononça, dit-on, le mot miracle. La même année 1853, le 28 août, Victorine, complétement remise, revenait avec son père, sa mère et sa sœur aînée, rendre grâces à Notre-Dame de Villethiou.

    Ce fait est de notoriété publique à Vendôme. Moi-même, qui ai préparé plus tard la jeune fille à la communion, j'atteste l'avoir alors vérifié.

    1854. Célestine Hallouin, fille de Charles Hallouin et de Madeleine Rouset, de la commune de Villemardy, canton de Selommes, n'avait pas encore fait sa première communion. Cette pauvre petite fille fut prise de ce mal affreux qu'on appelle danse de Saint-Gui. Depuis neuf mois, c'était compassion et pitié de la voir. Son corps était devenu roide comme une planche, selon l'expression de la mère. On ne pouvait la lever sans provoquer un évanouissement de la durée de deux heures environ. Des crises réitérées torturaient tous ses membres : la main droite s'était contournée sous l'action de la douleur.

    Le médecin et les remèdes n'aboutissant à rien, la jeune malade disait dans sa foi : «C'est la sainte Vierge qui me guérira. »

    Le père de Célestine, envoyé par elle à Notre-Dame de Villethiou, accomplit son pèlerinage le 25 mars 1854. Ce jour-là même, tous les accès disparurent. Le lendemain 26, les personnes pieuses du village commencèrent une neuvaine en faveur de Célestine, et le jeudi suivant, heure de midi, la main de l'enfant revint à sa position naturelle. Célestine demanda une aiguille et se mit à coudre. «La sainte Vierge achèvera ce qu'elle a commencé, » disait-elle.

    Cependant le corps était resté fort tendu et sans mouvement. «Je serai guérie par la sainte Vierge, » répétait Célestine.

    En effet, le soir même du 26 mars, à l'issue des exercices du carême, Celestine se leva d'abord sur ses genoux, puis se dressa tout entière, en s'écriant : « Je l'avais bien dit, la sainte Vierge m'a guérie. »

    En ce moment, quantité de personnes qui étaient venues la voir au sortir de l'église, après le salut, furent témoins oculaires de sa cure miraculeuse.

    Le lundi suivant, 3 avril 1884, Célestine, accompagnée de son père, de sa mère et de plusieurs voisins, allait rendre grâces à Notre-Dame de Villethiou.

    Ce fait, vérifié d'ailleurs par le chapelain, est de notoriété publique à Villemardy.

    1854. L'enfant Zéphirin Gilbert, de la paroisse de Chambon, âgé de trois ans et demi, souffrait depuis deux mois de fièvre avec obésité et diarrhée. La mort devait s'ensuivre d'après la déclaration du médecin et l'opinion générale du pays. La mère de Zéphirin, Geneviève Gilbert, le transporta, le 26 septembre 1854, à Notre-Dame de Villethiou : la guérison fut instantanée.

    Ce récit est signé : Geneviève Gilbert ; Élisabeth Guérin - Gilbert ; Beauchêne, chapelain de Villethiou.

    1855. Rosalie Coudeloup, de la paroisse de Nouzilly (Touraine), âgée de quinze ans, était depuis six mois atteinte du mal de Saint-Gui. Les remèdes n'ayant pas réussi, Rosalie fit le voyage de Villethiou, accompagnée de son père et de sa mère, le 20 mars 1855. Une amélioration considérable se manifesta durant le pèlerinage, et au bout d'une neuvaine qui le suivit, toute trace d'infirmité avait disparu.

    Ce récit est signé : J. Coudeloup ; Anne, femme Coudeloup ; Rosalie Coudeloup ; Beauchesne, chapelain de Villethiou.

    1856. La femme Revaux, Marie-Anne Poulain, demeurant à Blois et employée de temps en temps comme laveuse dans la maison de la Providence, avait une dartre vive aux deux bras et en souffrait cruellement depuis neuf mois environ.

    Tous les remèdes avaient été inutiles. Le lundi de la Pentecôte 1856, elle se rendit en pèlerinage à Notre-Dame de Villethiou.

    Animée d'une confiance extrême, cette pieuse femme avait préparé avant de partir des bras de cire, pour les laisser en ex-voto.

    « J'emporte des bras de cire, et j'espère rapporter des bras de peau, » disait-elle.

    Arrivée à la chapelle de Villethiou, elle s'agenouilla devant la statue de la sainte Vierge, et lui dit tout haut : « Ma bonne Dame, je vous apporte des bras de cire, et j'espère rapporter des bras de peau. »

    Elle se sentit soulagée dès ce matin-là même. La nuit suivante elle dormit parfaitement, ce qu'elle n'avait pas fait depuis longtemps. Dès lors, et sans aucun remède, la dartre disparut insensiblement, et au bout de quinze jours il n'en restait plus de trace.

    La femme Revaux, remplie de reconnaissance, se rend tous les ans à la même époque à Notre-Dame de Villethiou, pour remercier la sainte Vierge de sa guérison.

    Ces détails ont été recueillis, en présence de Mme Aglaé de Rancougne, supérieure de la Providence à Blois, de la bouche même de la femme Revaux, par moi, chanoine titulaire, secrétaire de l'évêché de Blois, soussigné,

    A. Venot.

    1857. Madeleine Bury, femme Pierre Tournois (du hameau de Villetrion, Chapelle-Saint-Martin, canton de Mer), dont la maladie dura seize ans, gardait le lit depuis dix-sept mois. Le docteur Arnoult, médecin de Blois, avait constaté une désorganisation interne ou squirrhe.

    Pendant le cours de ces derniers dix-sept mois, un bouleversement du système nerveux réduisit Madeleine à l'impossibilité absolue de remuer les jambes. Le docteur Arnoult déclara positivement à M. Brisset, curé de la Chapelle-Saint-Martin, « qu'il croyait sa paroissienne sans ressource aucune. 

    C'est alors que la malade, tournant ses regards vers Marie, exprima l'ardent désir d'être conduite à Notre-Dame de Villethiou.

    On la coucha, toujours immobile et impotente, dans une voiture, et le 11 juillet 1857 Madeleine Bury entrait, portée à bout de bras, dans la sainte chapelle, où elle communia. La guérison fut subite, instantanée. A l'issue de la messe, elle s'est rendue à l'auberge, sans bâton ni béquilles. De retour au hameau de Villethion, Madeleine reçut les visites et les nombreuses félicitations de ses connaissances, parents et amis. « Je tiens à constater cela, dit M. Brisset, curé de la Chapelle-Saint-Martin, pour la gloire de la Reine des anges et des hommes. »

    Une croix et une chaîne en or, ex-voto de Madeleine Bury, furent appendues, en mémoire de ce fait, au cou de la statue de Notre-Dame de Villethiou.

    Ce récit est signé : Brisset, curé de la Chapelle Saint-Martin ; Madeleine Bury ; Beaucbesne, chapelain de Villethiou.

    4859. — Une maladie de l'épigastre avait réduit M. Langlois (Orléans) à un état désespéré. Le chapelain de Villethiou commence une neuvaine le 8 janvier 1859, et, le 26 du même mois, Mme Langlois écrivait d'Orléans au chapelain : « L'estomac du malade a repris ses fonctions ; mon mari mange et digère facilement. Grâces à Marie ! mille remerciements à cette bonne Mère, qui, du fond de son sanctuaire, s'est plu à exaucer nos vœux. »

    Relation écrite et signée : L. Langlois ; femme Langlois, rue des Grands-Champs, Orléans. Vérifié par le chapelain.

    Heureux ceux qui ont foi et confiance ! Vous tous qui souffrez, souvenez-vous que Notre-Dame de Villethiou a fixé sa demeure sur le bord de la route. N'est-ce pas pour tendre la main aux voyageurs et pour les convier à venir, après tant d'autres, puiser à la source de grâces ?

     

    PRIVILÈGES SPIRITUELS DES PÈLERINS DE NOTRE-DAME DE VILLETHIOU.

    Après audience de Sa Sainteté. Notre saint-père le Pape, Pie IX, a accordé, à perpétuité et sans expédition de bref, à tous les fidèles de l'un et de l'autre sexe qui, étant vraiment pénitents, s'étant confessés et ayant reçu la sainte communion, visiteront dévotement l'église de Notre-Dame de Villethiou et y prieront pendant quelque temps, suivant l'intention de Sa Sainteté :

    Une indulgence plénière, qui pourra être gagnée aux fêtes suivantes, à savoir : de l'Ascension, du lundi de la Pentecôte, du très-saint Sacrement, de l'Assomption et de la Nativité de la bienheureuse Vierge Marie, ou pendant leurs octaves, ainsi qu'aux jours et fêtes de la Purification, de l'Annonciation, de la Visitation, de la Présentation, de l'Immaculée Conception, à la fête de la bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel et aux deux dimanches du mois de mai qui seront désignés une fois pour toutes par l'ordinaire.

    Cette indulgence pour les fêtes avec octave ne pourra être gagnée qu'une seule fois par chacun en l'espace de huit jours, depuis les premières vêpres jusqu'à la fin de l'octave de chacune de ces fêtes ; et, pour les autres fêtes, elle pourra être gagnée depuis les premières vêpres jusqu'au coucher du soleil de ces mêmes jours.

    Sa Sainteté accorde, en outre, avec bienveillance, pour tous les autres dimanches du mois de mai, une indulgence de sept ans et de sept quarantaines à tous ceux qui, avec un cœur contrit, visiteront ladite église en ces jours et y prieront aux mêmes intentions que ci-dessus.

    Donné à Rome en la Secrétairie de la sacrée congrégation des Indulgences, le 29 novembre 1852.

    Signé : Aquini, Cardinal. † Place du sceau.

    Contresigné : A.Colombo, Secrétaire.

    Nous, Évêque de Blois, après avoir vérifié les présentes, en avons permis l'exécution.

    Nous avons de plus assigné le premier et le dernier dimanche du mois de mai comme ceux auxquels, suivant la concession de Sa Sainteté, les pieux fidèles, ayant d'ailleurs rempli les conditions requises, pourront gagner l'indulgence plénière. Blois, le 8 mars 1853.

    † Place du sceau.

    Signé : L. théophile, Evêque de Blois.

    Pour traduction conforme à l'original :

    Le Secrétaire de l'évêché,

    A. Venot. † Place du sceau.

     

    CATALOGUE DES CHAPELAINS DE NOTRE-DAME
    DE VILLETHIOU.

    Nous croyons utile et intéressant de donner ici la liste des religieux desservants de la chapelle de Notre-Dame de Villethiou, dont nous avons pu retrouver les noms.

    Ière ÉPOQUE.

    Prieurs - chapelains de Villethiou, chanoines réguliers de Saint-Augustin, membres dépendants de l'abbaye de Saint Georges-du-Bois depuis l'an 1454 jusqu'à l'arrivée des Prémontrés, en 1726.

    1454. — Frère Antoine Caroust, prieur-chapelain de Villethiou et prieur-curé de Saint Jacques-de-l'Isle.

    1552. — Frère Jehan Guerin, prieur commendataire de Notre-Dame-de-Villethiou, figure dans les deux aveux transcrits page 17 et page 183 de ce livre.

    1574. — Frère Louis Fariau apparaît dans un bail du 3 mars de ladite année 1574. (Liasse de Villethiou, archives de Loir-et-Cher. )

    1611.— Frère Jehan Brossier, baschelier en droit canon, est signalé dans les documents que contient ce livre. Il se démit de son prieuré le 6 novembre 1611.

    1613 / Frère Mathurin Bigot

    à | et

    1614. Frère Jehan Bretin, simultanément.

    Mathurin Bigot, successeur de Jehan Brossier, est nommé chapelain de Villethiou le 6 novembre 1613, et se démet de son bénéfice l'an 1621 en faveur de frère Jacques Chevalier.

    Dans l'espace de 1613 à 1621, où Bigot posséda le prieuré, frère Jehan Brethin figure en même temps que lui comme chapelain, c'est-à-dire en 1615.

    1643. Frère Jacques Jousseaulme.

    Frère Jacques Chevallier succède à Mathurin Bigot l'an 1621 et apparaît encore en 1643.

    Dans l'espace de 1621 à 1643, frère Jacques Jousseaulme se montre également et simultanément comme chapelain, c'est-à-dire en 1640 et 1641.

    1695. — Houlland, « ptre chaplain de Vilthiou, » figure sur le plus ancien registre de Longpré, dans un acte d'inhumation fait et signé par lui en l'absence du prieur de Longpré, le 26 octobre 1095.

    1702 et 1703. — Gezar Frédureau, « prestre chaplain de la chappelle de Nostre Dame de Vilthiou, » figure sur les registres paroissiaux de Longpré dans deux actes de baptême faits par lui, l'un en septembre 1702 et l'autre en mars 1703.

    1714. — François Seguin, prieur de Villethiou assiste à un mariage dans l'église de Longpré et atteste son existence par sa signature du 7 août 1714.

    1724. — « Le 21 février 1724, moy, Pierre Artaud, prestre chaplain de la chappelle de Viltiou, et du consentement de Mire Moussu, prieur curé de céans, ay conjoinct religieusement pour le mariage René... » (Registre de Longpré.)

    IIe ÉPOQUE.

    Prieurs-chapelains de Villethiou, religieux de Saint-Augustin et membres dépendants de l'ordre des Prémontrés, établi à Saint-Georges-du-Bois en 1726.

    1744  Alexandre Bretonneau

    à         et

    1750. Joseph Pattard.

    Alexandre Bretonneau, prêtre, chapelain de Villethiou, est désigné sur l'un des registres de Villeporcher, le 15 juillet 1744, comme assistant à un mariage, et sur un registre de la paroisse de Nourray, où on le trouve à l'inhumation de messire Denizot, curé de cette paroisse, le 19 juillet 1750. Il desservait la chapelle de Villethiou pendant que messire Joseph Pattard, ou Pattras, en était le titulaire. Ce dernier figure sur deux déclarations d'hérittages à lui rendues par différents tenanciers : la première, le 10 juillet 1747 ; la seconde, le 17 août même année. Dans ces actes on le qualifie  chanoine régulier de Saint-Cosme, ordre de Saint-Augustin, chanoine de la noble et insigne église de Saint-Martin de Tours, prieur titulaire du prieuré de Villethiou, membre dépendant de l'abbaye de Saint-Georges-du-Bois, seigneur des fief, terre et seigneurie de Notre-Dame-de-Villethiou. » (Pièces appartenant au presbytère de Villethiou.)

    1750       Le même prieur titulaire J. Pattard

    à 1756    et Gatien-thomas Dubois, chapelain.

    Messire G.Th. Dubois, prêtre du diocèse du Mans, succéda comme chapelain de Villethiou à messire Alex. Bretonneau. Je le trouve signant en cette qualité un acte de baptême administré par lui, à Longpré, le 14 août 1750. Ce chapelain, charitable et aumônier, dont la paroisse d'Ambloy a fait l'éloge, quitta le service du pèlerinage de Villethiou, l'an 1756, par suite de ses démêlés avec le prieur titulaire Joseph Pattard. (Pièce du presbytère d'Ambloy. )

    1758. — Guillaume Miève, chapelain de Villethiou, n'est connu que par sa signature apposée à l'acte de sépulture de « discrète personne, messire L.-J. le Roy, prieur de Longpré, » inhumé le 28 août 1758. (Registre de Longpré.)

    1762. — P. Mesnier préside aux obsèques de Claude Mesnier (le 28novembre 1862), paroissien de Longpré, avec consentement du curé de Longpré, et signe : P. Mesmer, chapelain de Villethiou et curé de Pray.

     

    1771. — Inhumation à Saint-Gourgon, le 13 avril 1771, de... en présence des curés de Villeporcher, Saint-Amand, et de Père Bernardo NasSer, chapelain de Villethiou. (Registre de Saint Gourgon. )

    1772. — Frère Philippe-henri Du Breuil mena une longue carrière et ne fut prieur titulaire de Villethiou que sur la fin de sa vie. D'abord procureur de l'abbaye de l'Étoile, ordre de Prémontré, en 1753, il la quitta pour passer à l'abbaye de Saint-Georges-du-Bois (même ordre à cette époque) , obtint le prieuré-cure de Saint-Martin-du Bois, et enfin devint bénéficier de Villethiou vers 1772. Une pièce tirée des archives impériales (Paris), et signée de tous les prieurs-curés et chapelains dépendants de l'abbaye de Saint-Georges du-Bois, porte parmi les noms qui la terminent celui de : « Ph.-H. du Breuil, prieur-curé autrefois de Saint-Martin-du-Bois, et titulaire de Notre-Dame-de-Villethiou. »

    1778. — Messire Jacques De La Noue, prêtre, chanoine régulier de l'ordre de Prémontré, membre dépendant de l'abbaye de Saint-Georges-du-Bois, prieur titulaire de Notre-Dame-de-Villethiou, seigneur des fief, terre et seigneurie dudit Villethiou, figure dans plusieurs déclarations d'héritages à lui rendues par différents tenanciers, les 15 juillet et 31 décembre 1778. (Extrait des papiers que possède actuellement le presbytère de Villethiou. )

     

    1783 à 1791. — Maître Faucon, prieur-curé de Villiersfaux, religieux de Saint-Georges et prieur titulaire de Notre-Dame-de-Villethiou, apparaît en cette qualité dans le bail qu'il fit de son prieuré de Villethiou, le 30 octobre 1788, à Louis Badoire, demeurant à Villethiou. (Archives de Loir-et-Cher ; liasse de Villethiou.) Je le retrouve dans l'annuaire de 1792, non plus comme chapelain de Villethiou, mais comme curé constitutionnel de Villiersfaux, sous Grégoire, évêque de Loir-et-Cher.

    1791       Les RR. Pères J. B. Pilgrain

    à 1814.   et G. Brou, simultanément.

    Le Père Jean-Baptiste Pilgrain, né à Caen (Calvados), de J.-B. Pilgrain et de Marie Lemoine, embrassa l'état religieux et entra dans l'abbaye de l'Étoile, ordre de Prémontré, où nous le trouvons comme sous-prieur les 11 janvier et 15 mars 1756. Ce fut en 1791 qu'il racheta, concurremment avec le Père Brou, la chapelle de Villethiou, qu'ils desservirent ensemble. J.-B. Pilgrain mourut au hameau de Villethiou, le 20 frimaire an IX de la république, et fut iuhumé à Saint-Amand, suivant l'acte de sa sépulture. Ce religieux, dont les vieillards de Longpré nous ont retracé le portrait, joignait à une belle intelligence un air grave, digne, et une taille élevée. Il passa les dures années de la révolution caché aux Assis, chez la veuve Ligneau, de Longpré.

     

    Le révérend Père Gabriel Brou, plus riant, plus aimable que son confrère, et originaire comme lui de Normandie, devint également religieux de l'Étoile, racheta la chapelle de Villethiou, l'an 1791, avec M. Pilgrain, et la desservit jusqu'au 27 juillet 1814, où il mourut, âgé de soixante-dixneuf ans, ainsi que le porte l'acte de sépulture. Le Père Brou était curé de Longpré en 1812 (annuaire de Loir-et-Cher ), et habitait les bâtiments du prieuré de Villethiou.

    Un triste incident occasionna sa fin. De nombreux voleurs, masqués et armés de bâtons, infestaient depuis quelque temps la forêt de Vendôme et les grands chemins du pays, même en plein jour. Au mois de juillet 1814, le Père Brou, chapelain de Villethiou, soi-disant très-riche alors des produits de son pèlerinage, reçut nuitamment la visite de trois brigands, qui entrèrent avec effraction et déguisés dans le prieuré, maltraitèrent d'abord la servante pour lui faire dire où était caché le trésor de son maître, puis montèrent à la chambre où reposait le vieillard, inspectèrent son appartement sous ses yeux et n'emportèrent qu'une somme insignifiante. Le Père Brou, dont le grand âge avait affaibli le moral, éprouva une telle commotion que peu de jours après la mort s'ensuivit.

    Les habitants de Villethiou et des campagnes environnantes qualifiaient de curés blancs les religieux prémontrés desservant le pèlerinage et la chapelle. Cette bizarre désignation rappelle et caractérise très-bien leur costume et leur mise. Ils portaient, en leur qualité de chanoines réguliers de Saint-Augustin, la soutane en laine blanche, recouverte d'un scapulaire de même étoffe et de même couleur. C'était le vêtement que la Vierge Marie avait elle-même, dans une apparition, désigné au patriarche saint Norbert, fondateur de l'Ordre au XIIe siècle.

    IIIe ÉPOQUE. Chapelains de Notre-DaMe-de-Villethiou, prêtres séculiers.

    1814. — M. l'abbé Déro (curé d'Huisseau en 1812) desservit la chapelle de Villethiou après le Père Gabriel Brou.

    1826   M. L.-J. de Caqueray
    à         et

    1846 M. l'abbé Mercier.

    Louis-Joseph de Caqueray, issu des ducs de Normandie, curé de Villeporcher d'abord et curé de Longpré en 1820, fut, à partir de cette époque, chapelain de Villethiou jusqu'à son décès, le 11 juillet 1846. Il mourut dans l'ancien prieuré de Villethiou, âgé de quatre-vingts ans.

    Dans l'espace de 1826 à 1846, M. Mercier, curé de Saint-Amand, s'adjoignit comme auxiliaire à l'abbé de Caqueray.

    1847. — M. l'abbé Mavré, ci-devant directeur du prylanée de Menars, chanoine honoraire de la cathédrale de Blois, devint chapelain de Notre-Dame-de-Villethiou, cette même année 1847.

    1851. — M. l'abbé Beaucheïne, son successeur, en 1851, est actuellement encore chapelain de Villethiou et curé de Longpré.

     

    DESCRIPTION DE LA CHAPELLE DE NOTRE-DAME DE VILLETHIOU, ÉRIGÉE PAR MONSEIGNEUR DES ESSARTS, ÊVÊQUE DE BLOIS,

    Coquettement ornée de deux jolies flèches élancées, à la hauteur de vingt mètres, la chapelle de Villethiou regarde la route impériale par le côté de ses gracieux clochetons, contournés à leur naissance d'une galerie à jour.

    Malheureusement deux ou trois masures les coupent par le milieu et ne permettent aux voyageurs d'en mesurer les dimensions que du pied même de l'édifice.

    Dix contre-forts le soutiennent à l'extérieur et ne nuisent pas à l'ornementation. La première assise de la chapelle est en pierres dures.

    La façade, percée d'une grande fenêtre, donne sur une immense prairie semée de bois, qui va se prolongeant avec la rivière de Braine jusqu'à Longpré et au delà, Longum pratum.

    Devant la chapelle, un petit terrain, planté de quelques arbres, porte le nom de place de Villethiou,

    Sur cet espace, et à vingt pas du monument, s'élève une aubépine de la hauteur de six mètres, extrêmement vieille, tortueuse et cependant régulière et belle dans son ensemble.

    On jugera de son âge par son ampleur : sa circonférence mesure un mètre cinq centimètres.

    Nous la signalons, parce qu'un certain nombre de pèlerins ne manquent pas de détacher, avant de repartir, une petite branche ou une feuille de cet arbre symbolique dédié à la Vierge, et dont les blanches fleurs portent le nom de Mai dans les campagnes.

    L'aubépine de Villethiou nous rappelle un trait de M. de Caqueray.

    Le nommé Bordier, qui avait plusieurs fois intenté contre ce chapelain d'iniques procès, s'amusait, pour lui faire pièce, à tirer des merles dans cet arbre, au temps où la cinelle rouge attire les oiseaux.

    C'était là une profanation sacrilège aux yeux de l'abbé de Caqueray, qui un jour s'en plaignit amèrement devant M. Fleury, curé de Prunay. « Je ne vois qu'un moyen de couper court, lui dit plaisamment l'abbé Fleury, abattez l'arbre. — Non pas, répondit énergiquement M. de Caqueray, non pas ; l'aubépine est attachée au pèlerinage. » Cette réplique faisait allusion à la singulière dévotion mentionnée plus haut.

    Le style gothique flamboyant est le style dominant de l'église de Villethiou. On le retrouve au-dessus de la porte d'entrée dans la galerie à jour de la façade ; à la fenêtre de cette façade, divisée en trois parties par deux meneaux en pierre ; dans les quatre fenêtres de la nef, dont deux de chaque côté, et enfin dans les deux fenêtres du sanctuaire.

    La nef se compose de trois travées, le chœur d'une travée, le sanctuaire d'une travée droite, et se termine ensuite par une forme octogone. Au fond du sanctuaire s'ouvre la niche où repose la statue, surmontée d'un pinacle élégant. Le cul de-lampe est fort bien travaillé.

    Les sept clefs de la voûte en pierre ont toutes la forme d'un écusson sans aucun signe héraldique. Les arceaux, chargés de sculptures, sont d'une grâce luxuriante, et de petits culs-de-lampes terminent les retombées. Les piliers, à demi engagés dans les murs et saillants de moitié, sont ornés de moulures prismatiques d'un bon effet.

    Le tombeau d'autel, en bois sculpté, couleur de chêne, offert à M. l'abbé des Essarts par M. le Page, curé de Lanthenay, est un morceau remarquable.

    Sept statuettes, ciselées dans le bloc, décorent gracieusement ce magnifique bahut du XVe siècle.

    Les personnages que représentent ces statuettes sont : saint Paul, armé de son glaive ; saint Pierre, tenant ses clefs ; la sainte Vierge, en forme d'Immaculée Conception ; saint Jacques, costumé en pèlerin, portant la coquille et le bourdon ; saint Jean l'Évangéliste, ayant le calice en main ; saint Luc et l'Ange ; saint Marc et la tête du bœuf symbolique.

    Chacune des sept statuettes est posée debout sur le corps d'autant de personnages fantastiques et emblématiques.

    Le confessionnal de la chapelle est moins que modeste ; la chaire est pauvre ; la sacristie, trop étroite d'ailleurs, manque de mobilier ; les fenêtres n'ont que des verres de couleur insignifiants ; le pavage est en simple carreau de terre de Prunay. La porte d'entrée, dont la hauteur est de trois mètres quarante-neuf centimètres et la largeur de deux mètres, est en bois de chêne, mais mal confectionnée.

    La nef de la chapelle de Villethiou mesure dans œuvre neuf mètres quatre-vingt-quinze centimètres de longueur ; le chœur, trois mètres douze centimètres ; le sanctuaire, quatre mètres soixante-treize centimètres.

    La largeur de la nef est de cinq mètres quatre vingt-sept centimètres ; celle du chœur, de quatre mètres quatre-vingts contimètres ; celle du sanctuaire, également de quatre mètres quatre-vingts centimètres.

    La hauteur de la voûte dans la nef, du dallage au faîte, donne huit mètres soixante trois centimètres ; la hauteur de la voûte dans le chœur et le sanctuaire est de huit mètres.

    La chapelle de Notre-Dame deVillethiou a coûté, somme toute, avec les travaux de consolidation subséquents à la construction, de vingt-sept à trente mille francs.

    M. l'abbé Beauchesne, aujourd'hui chapelain de Villethiou, a déjà beaucoup fait pour la gloire du pèlerinage de Notre-Dame ; et ici nous croyons devoir rendre justice à son désintéressement, à son dévouement et à son zèle.

    Nous savons même qu'il se propose mieux encore ; et ses louables desseins, connus de tous, d'agrandir la chapelle en lui substituant un autre édifice plus vaste, plus en harmonie avec les nombreuses affluences des grands jours de pèlerinages, sont de nobles pensées qui honorent son cœur et manifestent sa vraie piété envers Notre-Dame.

    Le nouveau monument, plus solide et plus spacieux, serait construit dans le style gracieux du XIIe siècle.

    Que de belles choses on aimerait à y voir, dans le cas où la charité publique viendrait à favoriser ce généreux projet ! De jolies verrières, par exemple ; les plus intéressants sujets ne manqueraient pas :

    1° la légende de la découverte de la statue ;

    2° un miracle choisi dans le nombre;

    3° Mgr des Essarts, en costume d'évêque, tenant d'une main le bâton pastoral et de l'autre l'image, de sa chapelle, pour en perpétuer le souvenir ;

    4° Louis XII lui-même, qui fut le Père du peuple et l'un des bienfaiteurs de Villethiou...

     

    Notre-Dame-de-Villethiou nous est chère à tous : que de fois, dans l'effusion d'une ardente prière, nous avons épanché notre âme aux pieds de sa statue et senti notre cœur se fondre dans une émotion bien douce, hélas ! et beaucoup trop inconnue à tant d'autres !...

    Nous voulons clore cet ouvrage par une simple et courte litanie encore inédite :

    A NOTRE-DAME.

    Salut, Servante de la Trinité.

    Salut, Fille du Père étenel.

    Salut, Épouse du Saint-Esprit.

    Salut, Mère du Seigneur Jésus-Christ.

    Salut, Sœur des Anges.

    Salut, Promesse des Prophètes.

    Salut, Reine des Patriarches.

    Salut, Docteur des Apôtres.

    Salut, Confort des Martyrs.

    Salut, Source et Plénitude des Confesseurs.

    Salut, Gloire des Veuves.

    Salut , Couronne des Saintes et des Saints.

     

    Au Christ, l'alpha et l'oméga, la louange et l'honneur. Amen.

    Source : Livre "Notre-Dame de Villethiou (Diocèse de Blois)" par E Landau

     

     

    En savoir plus :

    http://www.saintamandlongpre.fr/en/association/1/17460/association-sauvegarde-dame-villethiou

    http://navbou.free.fr/index.villethiou1.htm