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Notre-Dame de Tongre (Belgique, Tongre Notre-Dame)
Notre-Dame de Tongre
(Belgique, Tongre Notre-Dame)
Tongre est un bourg, autrefois du diocèse de Cambrai, à une lieue environ de la ville d'Ath et à demi-lieue de Chièvres, où une statue miraculeuse de la Vierge reçoit un culte spécial depuis le onzième siècle.
Une tradition ancienne et consignée dans un grand nombre d'auteurs, raconte que, la veille de la Purification de l'année 1081, cette statue fut déposée, avec des circonstances qui tenaient du prodige, dans le jardin d'Hector de Tongre, seigneur distingué par son illustre naissance, allié qu'il était aux comtes de Flandre et de saint Paul, et neveu du comte de Namur : mais ce qui était un mérite bien plus réel, plein de foi et d'une solide dévotion.
On ajoute que cette précieuse Image ayant été portée solennellement dans la paroisse de Saint-Martin et posée sur le grand autel, fut retrouvée, le jour suivant, dans le jardin où elle avait d'abord apparu, prodige qui se renouvela jusqu'à trois reprises différentes.
Le bruit s'en étant répandu, on conclut que la Vierge sainte ne voulait point d'autre demeure que Je jardin du pieux seigneur.
Gérard II, évêque de Cambrai, ayant constaté la vérité du fait, se rendit en personne sur les lieux, bénit le jardin et tout le château du seigneur de Tongre, et l'on se mit aussitôt en devoir de bâtir dans ce jardin une chapelle, où la Vierge sainte a fait depuis éclater son pouvoir et sa bonté par des prodiges sans nombre.
Un des anciens historiens de ce sanctuaire nous donne une naïve idée de la statue qui en fait le principal ornement :
« L'Image de Notre-Dame de Tongre est une auguste statue de bois plâtré et peint d'un artifice plus qu'humain. Son port a je ne sais quoi de céleste que l'œil peut bien admirer, mais que la plume ne saurait dépeindre ; aussi n'en a-t-on pas encore pu connaître l'ouvrier et le peintre... Le sentiment de l'antiquité l'honore pour un chef-d'œuvre du Paradis et comme un ouvrage des mains des Anges... Aussi faudrait-il un pinceau du ciel pour la naïvement dépeindre. Elle est gravement assise avec l'image de son fils Jésus devant soi. Elle a le front large, les yeux vifs et gravement doux, les joues gracieuses, les lèvres vermeilles, la face brunette, brillante et pleine de sérénité, mais aussi pleine de majesté. »
Sa seule vue pénètre d'un sentiment de respect et de joie qui s'insinue secrètement dans le fond des âmes et y fait la plus heureuse impression.
Le lieu où se trouvaient la chapelle et le château du pieux Hector, n'était d'abord qu'un hameau de la paroisse de Tongre-Saint-Martin.
Dès que la Mère de Dieu en eut pris possession, ce hameau ajouta à son nom de Tongre celui de Sainte-Marie, ou Tongre Notre-Dame.
Le nombre des fidèles qui venaient y rendre hommage à la Vierge et implorer son secours croissant toujours, le sanctuaire vénéré fut bientôt érigé en église paroissiale, annexe de Tongre Saint-Martin.
Le pape Urbain II, qui vivait dans le onzième siècle, y érigea une confrérie sous le titre de Notre-Dame.
Cette pieuse association reçut un nouvel éclat de la protection spéciale que Marie accorda, l'an 1215, à tous ceux qui en faisaient partie, tant à Tongre que dans les villes du voisinage, contre les ravages du plus terrible des fléaux.
Longtemps après, le 24 juillet de l'année 1525, l'église du pèlerinage cessa de dépendre de Tongre Saint-Martin, et elle fut érigée en cure particulière par Mgr Robert de Croy, troisième de ce nom, évêque de Cambrai.
Avant d'aller plus loin, citons quelques traits de puissance et de miséricorde par lesquels la Mère de Dieu a daigné montrer à quel point les hommages qu'on lui rend en ce heu lui sont agréables.
On n'aura point de peine à comprendre ensuite comment il se fait que la dévotion des peuples envers Notre-Dame de Tongre n'ait rien perdu de sa ferveur, et comment, après tant de siècles, elle se maintient toujours dans son premier état.
L'an 1215, une horrible contagion désolait la province.
La ville d'Ath, en particulier, était en proie à sa fureur, et elle voyait ses habitants moissonnés tous les jours par la mort.
La consternation était générale.
Au milieu de l'épouvante qui glaçait tous les cœurs, une femme vertueuse, nommée Nicole Maufais, montrait un calme qui étonnait tout le monde.
Elle avait le bonheur de faire partie de la confrérie de Notre-Dame de Tongre, et elle espérait que Marie la préserverait du fléau.
Elle fait passer les sentiments de confiance dont elle est animée dans les personnes de sa connaissance et les exhorte à se vouer à la Consolatrice des affligés.
On se rend à son sanctuaire, on la prie avec larmes d'arrêter les progrès d'un mal qui menace de changer la province entière en solitude.
La Mère de bonté daigna s'intéresser auprès de son Fils en faveur de ceux qui venaient chercher un abri auprès du trône de sa miséricorde.
Tous ceux qui avaient fait le pèlerinage de Tongre, s'y vouant pèlerins et confrères avec leurs familles, furent préservés de la peste, et, à leur retour, ils trouvèrent tous les malades de leurs maisons guéris et en parfaite santé.
Le bruit d'une telle faveur se répand ; on se rend à Tongre avec affluence, on sollicite avec les plus vives instances le crédit de Marie.
Le dimanche après la Décollation de saint Jean-Baptiste, le pasteur de ce troupeau désolé ranime la foi, la confiance publique, en annonçant que, dès le lendemain, on se rendra d'Ath à Tongre en procession.
Tous ceux qui avaient encore assez de santé et de force pour prendre part à la pieuse cérémonie, y accoururent avec empressement.
C'était un spectacle touchant de contempler tout-à-la-fois l'affliction et la piété de ce bon peuple. Les uns marchaient pieds nuds, ajoutant, pour désarmer la colère du ciel, des peines volontaires aux châtiments que leur envoyait sa justice ; les autres, vêtus de blanc, semblaient dire par ce symbole, que Marie, apaisant la colère de Dieu et ménageant leur paix avec lui, les ferait renaître à l'innocence et à la joie. Arrivés à Tongre, les pélerins assistent au saint sacrifice, au sermon, et offrent à la Mère de miséricorde, avec les prières les plus ferventes, trois gros cierges qu'ils avaient apportés pour en faire hommage à son sanctuaire.
Leurs vœux étaient exaucés.
Dès le jour où la population d'Ath avait pris l'engagement de se rendre en procession aux pieds de Marie, la peste avait cessé de faire des ravages : personne n'y mourut plus de la contagion, et les habitants, délivrés de ce fléau terrible, ne songèrent plus qu'à rendre à celle par qui leur était venue une si grande faveur, de justes actions de grâce.
A cette fin, la ville fit célébrer, un an entier, le saint sacrifice à l'autel de Notre-Dame.
Plusieurs villes imitèrent l'exemple d'Ath, entre autres Tournai et Valenciennes, qui ressentirent, par la délivrance du fléau, le pouvoir de Marie.
Des actes authentiques en furent dressés pour perpétuer la mémoire du bienfait et exciter, dans les âges suivants, la dévotion et la confiance envers Marie.
Dans le cours du même siècle, Notre-Dame de Tongre vint au secours de deux innocents condamnés à mort, d'une manière qui fit également éclater sa puissance et sa bonté.
Laissons parler ici l'ancien historien du pèlerinage ; son langage naïf aura plus de grâce et d'onction.
L'an 1259, Matthieu le Noir et Jean Carton, natifs et habitants de Bauffe, étant probablement suspects d'avoir mis à mort leur concitoyen Pierre du Mont, le 18 avril sur le soir, au chemin de Chierves à Bauffe, furent appréhendés à Chierves, jetés dans les prisons et mis à la cadène, voire même à la question, sur pied d'injures, menaces outrageuses, querelles et débats qu'ils avaient eus à Chierves contre ledit du Mont, dans l'hôtellerie du Cerf, sur le marché : bien, toutefois, qu'ils ne fussent en rien coupables du crime qu'on leur imposait....
C'est pourquoi leur innocence les faisait nier beaucoup d'interrogats de la justice : si est-ce qu'ils furent si rigoureusement torturés, que pour mettre fin à leurs tourments et douleurs, ils aimèrent mieux que l'on mit fin à leur vie, confessant d'avoir commis le meurtre duquel ils étaient innocents.
Ensuite de la confession, ils furent condamnés de mourir par l'épée : et ayant ouï à la maison de ville leur sentence de mort qui se devait exécuter le lendemain, qui était un mardi, douzième jour de juin ; comme ils retournaient en leur prison pour y faire leur dernier gite, le son d'une cloche qu'ils ouïrent sonner à Tongre sur le soir, leur toucha si vivement le cœur et leur inspira une si grande confiance aux mérites de Notre-Dame, qu'ils changèrent leur prison en oratoire et leurs lamentations en prières jusques à minuit, dont l'officier de Mons, nommé maître Jean, le geôlier et ses sergents prenaient un extrême plaisir à les écouter.
Sur le minuit, ces innocents prisonniers s'étant endormis, ils songèrent d'être en prières dans l'église de Tongre, devant la sainte Image...
Dans leur songe, ils furent miraculeusement enlevés de leur prison et transportés comme de nouveaux Abacucs, devant le portail de l'église de Tongre, où le marguiller les ayant trouvés le matin, à l'aube du jour, couchés par terre comme des statues, pieds et mains enchaînés, et, après beaucoup de bruits et d'agitations, les ayant enfin éveillés, à la vue d'un petit monde de peuple qui admirait cet étrange spectacle, on ne peut exprimer la joie qu'ils eurent quand ils se virent à Tongre.
Ils furent conduits dans la sainte chapelle, où à l'instant leurs fers et leurs cadenas saillirent de leurs pieds et mains, qui fut un second témoignage de leur innocence, laquelle étant ainsi attestée du ciel, fut aussi homologuée et ratifiée en terre.
Les actes authentiques de ce miracle, munis des sceaux des offices de Chierves et de Tongre, reposent dans les archives de Chierves ; et l'antiquité nous en a laissé l'histoire taillée en bois à la vieille table d'autel de la chapelle.
Au siècle suivant, encore de nouveaux et d'éclatants prodiges accordés par la bonté maternelle de Marie à ceux qui venaient réclamer son secours dans le sanctuaire de Tongre.
Voici comment le naïf historien raconte les faits :
L'an 1336, entre le septième et le quinzième du mois de juin, furent faits et signalés miracles à la vue d'un peuple innombrable, et du vénérable et vertueux pasteur de Tongre, M. Jean Mousart, natif d'Ath, âgé lors de 47 ans.
Le premier fut d'un enfant âgé environ de cinq ans, natif de Baudour, nommé Jean, lequel étant mené au bois par un sien frère, âgé d'onze ans, en compagnie de sa sœur, âgée de neuf ans, et d'autres enfants, pour y cueillir des fraises, fut délaissé d'icieux et perdu dans le bois entre les hailliers et buissons qu'ils avaient traversés avec tant d'animosité, pour en trouver au plus, qu'ils n'eurent plus souvenance d'y avoir mené leur petit frère.
Sur le soir, la mère, nommée Marguerite Carpentier, ne trouvant point son petit fils, en fut extrêmement effrayée et désolée ; elle le chercha toute la nuit par les bois et villages, de maison en maison, jusqu'à Siraut et Ville, puis jusqu'en la ville de Mons, selon le conseil de Quintin Sauvage, bourgeois de Saint-Ghislain, qui disait en avoir ouï parler à Mons.
Elle continua mais en vain ses recherches jusqu'au vendredi suivant, auquel jour oyant la messe en l'église de Baudour, elle fut inspirée de faire un voyage à Tongre.
A cette inspiration, ce cœur maternel redoubla ses soupirs et sanglots pour la perte de son Benjamin, mais avec je ne sais quel sentiment de confiance mêlée de consolation intérieure, au souvenir des beaux miracles que la vierge Marie faisait à Tongre.
Elle y vint donc ce même jour habillée en pèlerine, où elle trouva une telle foule de peuple, le R. P. Mousart faisait lors la prédication, qu'elle ne put entrer dans l'église que bien tard.
Cependant l'enfant perdu de six jours arriva à Tongre sous la seule conduite de son bon Ange, et se vint rendre entre les bras de sa mère, ne sachant dire autre chose, sinon que la vierge Marie l'avait nourri, qu'il avait été à la table du petit Jésus et que c'était son camarade.
La mère le voyant et l'entendant parler, en fut tellement saisie d'étonnement et de joie, qu'elle tomba pâmée, et fut l'espace de trois heures sans aucune apparence de vie, et même délaissée pour morte.
Le pasteur et tout le peuple se mirent en oraison pour elle, la présentèrent devant la sainte Image, et à l'instant elle revint à soi, et rendit de si hautes et sublimes louanges à la Mère de Dieu, que nulle langue humaine en eût pu faire le récit, aussi lui semblait-il avoir été en gloire. »
Le second prodige, que nous nous contentons d'indiquer, pour ne pas dépasser les bornes d'une simple notice, est celui d'un enfant tombé dans l'eau bouillante, qui recouvre la vie sur l'autel de Notre-Dame, vit quarante-six ans, et devient prêtre et curé de Saint-Brixe, à Tournai.
Bornons-nous à ce peu d'exemples, parmi tant d'autres qu'on pourrait citer.
Ainsi, en 1639, une paralytique fut guérie, et en 1643 un enfant mort-né reçut la vie après avoir été exposé plusieurs jours aux pieds de la Vierge sainte ; miracles éclatants, opérés dans la chapelle de Notre-Dame de Tongre, et reconnus par Mgr François Vander-Burck, archevêque de Cambrai, qui ranimèrent la foi et la confiance des peuples, en leur montrant que Marie n'oubliait point ses serviteurs et qu'elle agréait toujours avec une affection spéciale les vœux qu'on lui rendait dans ce sanctuaire.
Aussi, la dévotion des peuples se portait-elle constamment vers ce lieu de bénédiction et avec elle voyait-on grandir sa réputation.
Parmi les personnages illustres que l'éclat des faveurs accordées par la Vierge y attira, on cite Louis XIV , qui, après la réduction de Lille, se rendit à Tongre, et y fit de riches présents.
Cette dévotion a résisté à l'orage révolutionnaire et elle a repris vie après les guerres sans nombre qui ont désolé la Belgique.
Elle s'est même répandue au loin, a produit partout des fruits merveilleux, et c'est en grande partie sans doute à cette dévotion héréditaire que les peuples de ces contrées sont redevables de leur attachement à l'antique foi et à la solide piété.
On se procure avec avidité des Images de Notre-Dame de Tongre, et on se dédommage en priant devant elles, de la peine que l'on éprouve de ne pouvoir visiter son sanctuaire, lorsque l'éloignement des lieux ou la multitude des occupations ne le permet pas.
Dès les premières années de ce siècle, en 1804, une confrérie fut solennellement érigée en l'honneur de Notre-Dame de Tongre, dans une chapelle de l'église paroissiale de Saint-Sauveur à Lille ; un nombre comme infini d'habitants de cette grande cité s'y fit inscrire.
Plus tard, en 1820, le souverain Pontife Pie VII ouvrit libéralement en sa faveur le trésor des indulgences de l'Eglise.
Nous pouvons, sur le rapport de témoins oculaires, donner une idée de ce qu'est aujourd'hui la dévotion à Notre-Dame de Tongre.
Rien de plus édifiant, rien de plus propre à remplir d'une noble émulation et d'une sainte joie les cœurs dévoués au culte de la Mère de Dieu.
L'ancienne église de Tongre Saint-Martin subsiste toujours à un quart de lieue de Tongre ; mais elle n'est plus que succursale maintenant, et la belle église bâtie sur l'emplacement où fut trouvée la statue miraculeuse et où elle fut, selon la tradition, reportée d'une manière prodigieuse de la paroisse où elle avait été d'abord déposée, est devenue paroisse et centre de réunion pour les habitants de la contrée : dès-lors elle a porté le nom de Tongre Sainte-Marie, ou Tongre Notre-Dame.
En mémoire de cette translation miraculeuse, on célèbre à Tongre la fête de la Purification, anniversaire de ce grand évènement, avec tout l'appareil et toute la ferveur que peut inspirer le saint enthousiasme d'une piété qui ne vieillit jamais.
Les pèlerins accourent en foule de six ou sept lieues ; il en vient non-seulement de l'intérieur de la Belgique, mais encore de la France, qui n'est qu'à trois lieues de Tongre.
Quinze mille personnes affluent, soit de jour, soit de nuit, à ce sanctuaire vénéré, se succédant sans interruption, encombrant sans cesse l'église de leurs flots pressés, bornant toute leur ambition à entendre la sainte messe, la grand'messe surtout, à l'autel de la Vierge, à y déposer leurs vœux et leurs hommages.
Ils se retirent ensuite , le cœur satisfait, la joie dans l'âme, assurés que Marie les a distingués parmi ses nombreux clients, qu'elle a reçu leur requête, pris acte de leurs désirs et qu'elle les exaucera en temps opportun.
Pour satisfaire la dévotion des pèlerins, il est d'usage de chanter, ce jour-là, deux messes solennelles à l'autel de Notre-Dame, l'une comme à la fête de Noël, au milieu de la nuit, en mémoire du don de la statue miraculeuse que le ciel fit à la terre, dans la nuit du 2 au 3 février ; et l'autre dans la matinée, pour servir de complément à la fête.
Ce qu'il y a de plus remarquable, ce qui nous reporte à ces siècles de foi, hélas ! si loin de nous, où la solide piété était en honneur et avec elle la pureté des mœurs la plus sévère, c'est que dans ces voyages nocturnes tout se passe avec l'ordre le plus parfait et la modestie la plus exemplaire.
Les habitants des villes et des bourgs des environs de Tongre sont réjouis et édifiés par le spectacle de ces pieuses troupes de pélerins qui passent sous leurs yeux au déclin du jour ; ils les entendent même dans la nuit réciter le Rosaire ou d'autres prières qui charment et sanctifient le voyage.
Dès qu'ils ont satisfait à leur dévotion dans l'église de Tongre, ils se retirent avec l'ordre et la décence qui régnaient dans leurs différents groupes lorsqu'ils sont venus, sans songer à reprendre haleine et moins encore à se livrer à des réjouissances profanes, abus trop fréquent des pèlerinages.
Un prédicateur appelé, ces dernières années, du pensionnat de Brugelette qui n'est qu'à une lieue et demie de Tongre, pour contribuer lui aussi à relever l'éclat de la fête en publiant les grandeurs de Marie, racontait depuis, entre autres choses de la plus grande édification, qu'il avait été singulièrement touché en rencontrant, entre neuf et dix heures du soir, de ces bons pélerins qui priaient au pied d'un arbre, le visage tourné vers Notre-Dame de Tongre, malgré le froid des nuits du mois de février.
Les pieuses populations de la Belgique ne se bornent pas à visiter Notre-Dame de Tongre en ce jour solennel.
Elles aiment aussi à s'y rendre à toutes les fêtes de Marie ; il leur semble que, célébrées dans ce sanctuaire de prédilection, elles sont plus agréables au ciel, et plus utiles à la terre. Il est une autre époque en particulier, où ce pèlerinage est très fréquenté, c'est le mois de septembre, et en particulier, l'octave de la Nativité.
En 1836 surtout l'affluence fut grande et la piété ardente.
Le zélé curé du lieu avait obtenu de Grégoire XVI une indulgence plénière et perpétuelle, en faveur de ceux qui, dans le cours de septembre, visiteraient le dévot sanctuaire.
L'indulgence publiée en forme de jubilé produisit un effet extraordinaire sur un peuple rempli d'une foi antique.
Tous les jours du mois on voyait arriver des pèlerins, surtout pendant l'octave, et les curés des environs se faisaient eux-mêmes un bonheur de conduire leurs paroissiens aux pieds de Marie.
Le jour de la Nativité et les quatre dimanches qui suivirent, on vit à Notre-Dame de Tongre de douze à quinze mille étrangers.
Les confessions et communions étaient fréquentes et présentaient le spectacle le plus édifiant, non-seulement dans ce dévot sanctuaire, mais encore dans les paroisses environnantes ; les curés ne se lassaient pas d'en bénir Dieu et de remercier la Vierge sainte qui opérait ce renouvellement de ferveur parmi leurs ouailles.
L'indulgence, promulguée alors pour la première fois, produisait l'effet d'une mission, non seulement en ce qu'elle portait une foule pieuse à se rapprocher de Dieu, mais encore parce qu'elle réveillait les pécheurs endurcis de leur profonde léthargie et les excitait efficacement à penser à leur salut.
L'année même où le pèlerinage de Tongre reçut du Vicaire de Jésus-Christ une faveur si privilégiée, le pensionnat de Brugelette voulut, par un acte solennel, se mettre sous la protection de celle qui y accorde tant de faveurs. Le dernier jour du mois de mai, toute lai maison s'y transporta en procession ; une grand'messe fut chantée : discours sur les grandeurs de Marie, cantiques pieux, douces symphonies, cérémonies pompeuses, rien ne manqua de ce qui électrise les cœurs et leur fait éprouver de religieuses émotions.
Les élèves avaient apporté un cœur d'argent qui avait été exposé durant huit jours dans l'église du pensionnat et dans lequel ils avaient tous eu la consolation d'insérer leurs noms. Ce cœur fut déposé aux pieds de la statue vénérée de Notre-Dame de Tongre, comme un pieux témoignage de l'affection filiale que lui vouaient tous les enfants de cette intéressante famille, l'expression ou le symbole du désir ardent qu'ils avaient tous de lui appartenir, et de la prière incessante qu'ils lui faisaient de se souvenir d'eux et de les porter toujours dans son cœur maternel. L'esprit qui depuis n'a cessé d'animer cette maison, est la preuve évidente qu'à cette sorte d'engagement a été religieusement observé des deux côtés.
L'année 1836 fut donc une époque de renouvellement et de ferveur pour les populations qui avoisinent Notre-Dame de Tongre.
L'élan une fois imprimé s'est soutenu depuis.
Encore aujourd'hui on visite fréquemment le pieux sanctuaire ; le concours est considérable à toutes les fêtes de la Vierge, et au mois de septembre, où l'Eglise ouvre avec plus de libéralité ses trésors en faveur des pèlerins.
Il faut, dans ces circonstances, que des confesseurs étrangers, les Pères de Brugelette pour l'ordinaire, aillent au secours du pasteur vénéré de Tongre, qui, malgré tout son zèle, serait bien éloigné de suffire aux besoins de ceux qui réclament son ministère.
Source : Livre "Histoire des principaux sanctuaires de la mère de Dieu, Volume 2" par Firmin Pouget