• Notre-Dame de Fleury (Saint Benoît sur Loire)

     

     

     

    Notre-Dame de Fleury

    (Saint Benoît sur Loire)

     

     

     

     Mais c'est surtout à Saint-Benoit-sur-Loire que nous trouvons de magnifiques souvenirs du culte de Marie.

    Sans nous arrêter à l'église de Notre-Dame de la Conception, qui fut abattue en 1682, entrons dans la basilique de Sainte-Marie, église monumentale qui, faisant partie du monastère des bénédictins de Fleury, rappelle les grands souvenirs de cette abbaye de Saint-Benoit, non moins célèbre par la sainteté que par la science de ses membres, de cette abbaye que le pape Léon VII appelait le premier et le chef de tous les monastères.

    Sa basilique, qui nous dit dans un magnifique langage la dévotion des peuples à l'auguste Mère de Dieu, remonte jusqu'à l'origine même de l'abbaye.

    Un pieux et noble seigneur, Jean Albon, fuyant les intrigues de la cour de Brunehaut, reine d'Austrasie, s'était retiré, vers l'an 620, sur les bords de la Loire, dans une vallée que sa fécondité avait fait surnommer Val d'or ou Val fleuri : Vallis aurea floriacemis.

    Là, il avait fait construire avec un monastère, confié à la direction de l'abbé Foucault, une église sous le vocable de sainte Marie ; et Léodebolde, abbé de Saint Aignan, y avait ajouté un autre monastère qui complétait les bâtiments du premier avec une église sous le vocable de saint Pierre.

    Cette dernière église était alors plus grande que celle de Sainte-Marie, et servait aux exercices communs des religieux.

    Mais cet état de choses ne tarda pas à changer, et voici à quelle occasion.

    Saint Mummole, abbé de Fleury, ayant conçu le hardi projet d'enlever du mont Cassin, ravagé par les Lombards, le corps de saint Benoît, dont le tombeau avait été abandonné par les religieux italiens, chargea de cette lointaine et périlleuse mission Aigulphe, un de ses moines.

    L'habile et intrépide religieux réussit merveilleusement ; et le 6 des ides de juillet l'an 660, le corps du saint patriarche des moines d'Occident était arrivé à Fleury.

    Mais où déposer ces précieuses reliques ? à quelle terre confier ce riche trésor ? car alors on enterrait les corps des saints, et on ne connaissait pas l'usage de les renfermer dans des châsses.

    Mummole se préoccupait de cette pensée, lorsqu'une nuit, traversant pour se rendre à l'oraison la cour du monastère, et levant les yeux au ciel où scintillaient les étoiles, il conjura la divine bonté de lui inspirer ce qu'il avait a faire.

    Tout à coup un globe de lumière descend des régions célestes et vient se poser au frontispice de l'humble chapelle de Sainte Marie.

    Dès lors les incertitudes cessent, la vision est un oracle. Le corps du saint est solennellement inhumé à Sainte-Marie, qui devient aussitôt l'église principale du monastère.

    Les fidèles y accourent en foule pour prier tout à la fois et la bienheureuse Vierge Marie et le saint fondateur d'ordre.

    Grand nombre de prodiges sont obtenus par cette double intercession, et bientôt on s'occupe de transformer l'église et de l'agrandir, jusque-là qu'au neuvième siècle Aymoin, religieux de l'abbaye, pouvait écrire : « Notre basilique couvre une plus grande étendue de terrain, et il en est peu qui, en hauteur, lui soient comparables. »

    La basilique de Sainte-Marie ne jouit pas longtemps en paix de son trésor.

    L'abbé du Mont-Cassin, après avoir repris possession de son monastère, envoya un de ses religieux, Carloman, frère de Pépin le Bref, avec une lettre du pape Zacharie à tous les évêques, prêtres et religieux du royaume de France, pour réclamer le corps de saint Benoit ; et sur l'ordre du roi Pépin, l'archevêque de Reims se joignit à Carloman pour aller porter à Fleury la demande de l'abbé du Mont-Cassin.

    A l'arrivée de cette ambassade, Meudon, alors abbé du monastère, comprend que la résistance est impossible ; il met tous ses religieux en prière, fait ouvrir les portes de l'église, ordonne aux gens de l'abbaye de se coucher sur le seuil, et va de son côté, accompagné de tous ses religieux, se prosterner en pleurs dans l'église voisine, consacrée à saint Pierre.

    Pendant ce temps-là, l'archevêque de Reims et sa suite entrent dans la sainte basilique et déjà s'avancent vers le tombeau, quand tout à coup, par un effet merveilleux dont ils ne voient pas la cause, ils sont comme éblouis et frappés de terreur ; les uns tombent à terre, les autres s'enfuient en poussant des cris d'épouvante.

    Meudon, entendant ces cris, accourt avec ses religieux, s'efforce de les rassurer, leur propose avec douceur une décision empreinte d'un sage tempérament et qu'il croit être dans les desseins de Dieu, leur remet quelques ossements du saint fondateur dont ils se contentent, et garde pour la basilique de Sainte-Marie la portion la plus considérable du corps vénéré.

    Sous le règne de Louis le Débonnaire, qui, à l'exemple de Charlemagne son père, protégeait l'abbaye de Fleury, les miracles continuèrent de s'opérer dans la basilique de la sainte Mère de Dieu.

    Au neuvième siècle, l'abbaye ayant été, à trois fois différentes, ravagée, pillée, incendiée par les Normands, et l'église de Sainte-Marie compromise dans sa solidité, le roi Carloman, en 883, releva de ses ruines le monastère, et rendit à l'église toute la splendeur qu'elle avait eue sous les rois ses prédécesseurs.

    Au dixième siècle, les historiens de l'abbaye nous présentent les mêmes miracles et le même concours, en désignant toujours l'église sous le titre de Sainte-Marie, dans un langage où ressort leur profonde dévotion envers la très-sainte Vierge ; mais aussi ils racontent de semblables dévastations, peu d'années après.

    En 1006, un incendie, dont on ignore la cause, réduisit en cendres, dans une seule nuit, les voûtes de la basilique, qui étaient en bois, et ébranla tellement les murs qu'une restauration fut jugée impossible.

    Aussi Gauzelin, qui était alors abbé de Fleury et devint plus tard archevêque de Bourges, conçut le projet de reconstruire tout l'édifice ; et après avoir fait recouvrir provisoirement le sanctuaire et la nef, il commença, en 1026, l'exécution de son plan par la construction de la tour occidentale, appelée tour de Saint-Michel, qui forme le beau portique de l'église actuelle.

    Cette œuvre est encore aujourd'hui d'un magnifique effet, quoiqu'elle ne soit plus qu'un reste d'elle-même, François Ier l'ayant découronnée de sa belle flèche et abaissée d'un étage, parce que les gens de l'abbaye l'avaient transformée en citadelle, d'où ils repoussèrent les troupes envoyées parle cardinal Duprat, nommé abbé commendataire de Saint-Benoît.

    Le temps ou les ressources ayant manqué à l'abbé Gauzelin pour continuer son entreprise, l'abbé Guillaume, en 1080, fit reconstruire le sanctuaire, la crypte, le chœur, les transepts, et, au moins, une partie de la nef qui tombait de vétusté.

    Pendant qu'on travaillait à la voûte d'un des transepts, un des ouvriers fit un faux pas qui le précipita de cette élévation jusque sur le sol : au cri de détresse que poussent aussitôt tous les ouvriers, les religieux accourent, implorent avec gémissements et larmes, dit l'historien, le secours de la glorieuse Mère de Dieu et celui de saint Benoît, relèvent ce jeune homme à demi mort, le portent devant l'autel de la Mère de Dieu qui était proche, et, quelques jours après, l'ouvrier guéri avait repris son travail. »

    Enfin, grâce aux aumônes des rois, des seigneurs et des peuples, l'édifice fut terminé en 1218, sous l'abbé Barthélemy, dont les armoiries furent sculptées sur un des piliers de la grande nef, et les voûtes ogivales à nervures entre-croisées qui règnent au-dessus de cette nef jusqu'au péristyle, qu'elles relient au reste de l'église, attestent l'exactitude de cette date : elles sont évidemment du treizième siècle.

    Cette belle basilique est riche en glorieux souvenirs. Elle possède le tombeau de Philippe Ier, qui, renversé en 1793, a été rétabli en 1830 ; elle a reçu sous ses voûtes deux papes, Pascal II et Innocent III ; deux rois, Philippe Ier et Louis le Gros ; plusieurs reines et princesses de France, et a servi à la tenue de deux conciles, l'un en 1107 et l'autre en 1110.

    Au commencement du treizième siècle, elle reçut dans son enceinte l'archevêque de Sens avec les évêques de Paris et de Rennes, d'Orléans et d'Auxerre ; plusieurs abbés de différents monastères et diverses notabilités, tant ecclésiastiques que séculières, rassemblés pour la translation des reliques de saint Benoît, qu'on porta de la crypte, où elles étaient restées jusqu'alors, dans l'église supérieure, où elles furent toujours depuis. Et comme si on eût craint que cette translation ne fît perdre à l'église son vocable primitif, on plaça au-dessus de la châsse de saint Benoît une statue de la sainte Vierge plus grande que nature, et dans le fronton de l'attique qui la domine, l'inscription en lettres d'or : D. 0. M., beatœ Mariœ Virgini et beato Fatri Benedicto, pour apprendre à tous que Marie est toujours la première patronne de la basilique et saint Benoît le patron secondaire.

    Cette basilique fut pillée en 1793 ; mais, parmi les châsses échappées au pillage, il existe encore dans le trésor de l'église un reliquaire renfermant un morceau du voile de la sainte Vierge. — Ce reliquaire, autrefois un des plus riches, était surmonté d'une statue de Marie en vermeil et du plus grand prix.