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Notre-Dame de Boulogne (Boulogne sur Seine)
Notre-Dame de Boulogne
(Boulogne sur Seine)
Notre-Dame de Boulogne, moins remarquable par l'entrain de la piété, l'est bien davantage par son ancienneté, car elle date du quatorzième siècle.
Alors un grand nombre d'habitants de Paris étaient dans l'usage d'aller, chaque année, en pèlerinage à Boulogne-sur-Mer pour y vénérer la sainte Vierge dans un de ses sanctuaires les plus renommés.
Mais trouvant ce voyage long et pénible, quelquefois même impossible en raison des affaires, de la dépense ou de la santé, ils imaginèrent un moyen de satisfaire en tout temps, sans frais comme sans fatigue, leur dévotion a Marie ; et, semblables à ces hommes qui obligés d'abandonner leur patrie, tantôt s'en retracent l'image dans les contrées lointaines où ils se fixent, tantôt donnent a leur ville nouvelle le nom de celle dont ils ne peuvent perdre le souvenir, les pèlerins de Boulogne-sur-Mer projetèrent d'établir aux portes de Paris un pèlerinage qui eût quelque ressemblance avec celui qu'ils ne pouvaient plus visiter, et de l'appeler Boulogne-sur-Seine.
Il existait dans l'ancienne circonscription de la paroisse d'Auteuil un hameau situé sur la rive de la Seine, comme Boulogne sur les grèves de la Manche ; hameau peu éloigné de Paris, où conduisait un chemin solitaire le long d'un bois, propre au recueillement de la prière ; et dans ce hameau, deux des pèlerins dont nous parlons possédaient un terrain de cinq arpents qu'ils offrirent pour y bâtir une église.
La réunion de tant de circonstances favorables ne permit pas d'hésiter.
On demanda au roi, qui était alors Philippe le Long, l'autorisation d'élever cette église avec une confrérie et un pèlerinage.
Le prince, qui se souvenait d'avoir autrefois accompagné Philippe le Bel, son père, dans un pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, et qui d'ailleurs avait lui-même une dévotion spéciale à la sainte Vierge, donna son plein assentiment à la requête par ses lettres écrites du château de Viviers-en-Brie, et datées du mois de février 1319 ou plutôt 1320, selon la manière de compter d'aujourd'hui ; car alors l'année ne commençait qu'à Pâques.
L'abbesse du prieuré de Montmartre, de qui le hameau relevait comme fief, accorda la même autorisation sous forme de lettres d'amortissement ; et aussitôt on organisa une association sous le titre de grande confrérie de Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, se composant de pèlerins et pèlerines, fondée dans l'église de Notre-Dame de Boulogne-la-Petite, près Saint-Cloud.
La confrérie, conformément à son titre, déclara vouloir bâtir l'église en l'honneur de la glorieuse Mère de Dieu, et la rendre si semblable à l'église de Notre-Dame de Boulogne, qu'on pût l'appeler Notre-Dame de Boulogne-sur-Seine ou de Boulogne-la-Petite.
Philippe le Long posa la première pierre et on se mit aussitôt à l'œuvre ; mais, quelque célérité qu'on mît à presser les travaux, ni Philippe V, ni Charles le Bel son frère et son successeur, ne la virent terminer ; elle ne fut achevée qu'à la fin de la première année du règne de Philippe VI, vers la fin de 1329 ou le commencement de 1330.
Charles IV avait voulu, comme son frère, se faire inscrire dans la confrérie et s'en était montré le généreux et zélé protecteur.
Par lettres patentes du mois de mai 1326, il lui avait accordé la remise des deniers qu'il pouvait réclamer en vertu de ses droits seigneuriaux sur quelques acquisitions de fonds et de rentes que la confrérie avait faites.
Philippe VI ne lui témoigna pas moins de bienveillance que ses deux prédécesseurs, et obtint du pape Jean XXII l'érection en paroisse de la nouvelle église et de son territoire, en la séparant d'Auteuil.
En conséquence, au mois de juillet 1330, l'église fut bénite et solennellement érigée en paroisse, ayant, à ce titre, ses fonts baptismaux et son cimetière qui furent aussi bénits.
Les espérances qu'avaient pu concevoir les fondateurs de ce nouveau sanctuaire de Marie furent bientôt réalisées et même sans doute dépassées.
Car, moins de quinze ans après, en 1343, Foulque de Chanac, évêque de Paris, dans une transaction qu'il crut devoir conclure avec eux, rendait à leur œuvre ce magnifique témoignage :
«Par l'intercession de la Mère de Dieu, dit-il, des miracles s'opèrent journellement dans la nouvelle église paroissiale » de Notre-Dame de Boulogne.
On y voit grossir le concours des populations pieuses, et en même temps le produit des offrandes, legs et autres donations.
Les ressources et les biens de cette église croissant de jour en jour, permettent de donner plus de pompe au service divin, et font naître l'espoir qu'on pourra bientôt y fonder quelques chapellenies.»
A ces largesses la reconnaissance des fidèles joignit de nombreux ex-voto appendus aux murailles, attestant les grâces et faveurs extraordinaires ou même miraculeuses par lesquelles la sainte Vierge avait justifié la confiance de ceux qui étaient venus l'implorer ; et la plupart de ces ex-voto faisaient souvenir que l'église des bords de la Seine était en quelque sorte la fille de l'église des rivages de la Manche : car les uns représentaient comme à Boulogne la Vierge debout sur le pont d'un navire ; les autres rappelaient des hommes sauvés soit du naufrage sur les flots de la mer, soit de la submersion dans les eaux de la Seine.
Les rois s'associèrent au peuple dans les témoignages de la vénération générale pour Notre-Dame de Boulogne-sur-Seine.
Aux noms de Philippe V, de Charles IV et de Philippe VI, inscrits en lettres d'or a la tête du catalogue de la confrérie, s'ajoutèrent, dans la suite des temps, ceux du roi Jean, de Charles le Sage, de Charles VI, et une inscription qui se lit encore aujourd'hui dans cette antique église nous apprend qu'un de nos rois lui avait donné un fragment de la vénérable image de Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, qu'on y a conservé précieusement jusqu'à la révolution de 1793.
Ce fragment était sous la protection spéciale du roi.
Pour le faire sortir de l'église, il fallait une permission, en forme d'arrêt, de la Cour des comptes : encore ne l'accordait-on qu'une fois l'an, et alors c'était un grand jour de fête ; les pèlerins accouraient en foule, et l'on portait en procession la sainte relique sous un dais, pieds nus, avec flambeaux et encens, jusqu'à l'abbaye de Notre-Dame de Longchamps, qu'avait fondée, sous le vocable de l'humilité de la sainte Vierge, la bienheureuse Isabelle, sœur de saint Louis.
Hélas ! le luxe mondain, qui presque chaque jour étale en ce lieu tout ce qu'il a d'élégance et de splendeur, se doute peu que le sol sur lequel roulent ses équipages n'était guère foulé, il y a cinq siècles, que par les pas des pèlerins ; et l'unique pompe qu'on y voyait consistait dans une procession annuelle se rendant d'un sanctuaire à un autre sanctuaire, de Notre-Dame de Boulogne-la-Petite à Notre-Dame de Longchamps.
Les papes, de leur côté, honorèrent par d'abondantes indulgences le sanctuaire vénéré.
Dubreuil atteste qu'au commencement du dix-septième siècle on voyait encore, dans la nef de l'église, un tableau des indulgences accordées par le saint-siège à ceux qui y venaient prier.
Ce tableau comprenait une longue série qui commençait à Jean XXII, en 1330, pour finir à Urbain VIII, en 1631 ; et grand nombre de cardinaux et d'évêques exerçant les fonctions de légats en France, y avaient ajouté les faveurs qui étaient en leur pouvoir.
Aussi Guillaume Chartier, évêque de Paris, voyant qu'une église si mémorable n'avait été que bénite en 1330, voulut la consacrer solennellement; et le 9 juillet 1469 il en fit la dédicace, et ordonna qu'a perpétuité la fête anniversaire de cette dédicace se célébrerait le second dimanche de juillet.
Enfin, au mois de mai 1853, la confrérie établie dans cette église depuis Philippe le Long, et détruite à l'époque de la révolution, fut reconstituée par le curé de la paroisse et enrichie par Pie IX de nouvelles faveurs spirituelles, énoncées dans deux rescrits, l'un du 29 novembre et l'autre du 15 décembre de la même année.
Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 1" par André Jean Marie Hamon