• Marcionisme

     
     

    Marcionisme

     

    Marcionisme

     L'enseignement de Marcion

     

    Doctrine

    Selon Marcion, il existe deux dieux : le Dieu bon, extérieur au monde et à la matière, et le Démiurge, un dieu créateur ayant engendré le monde de la matière.

    Le Démiurge a créé le monde sensible et l'humanité. Il est le dieu de l'Ancien Testament, fondateur de la Loi, qui a choisi le peuple d'Israël comme peuple élu. C'est un dieu qui rend la justice au nom de sa loi, un dieu sévère, vengeur et foncièrement mauvais.

    Le Dieu bon est à l'inverse le Dieu suprême, sans les limitations du dieu de la matière. Étranger au monde, à la matière, à la Loi, à ses transgressions et donc au péché, c'est un Dieu d'amour plus que de justice. C'est lui qui a engendré Jésus-Christ, venu pour abroger l'Ancien Testament et le culte de son démiurge.

    Ce dualisme est donc fondé sur l’opposition évangile-Loi, une opposition qu'on retrouve chez l'apôtre Paul, mais qui est ici poussée à son paroxysme.

    Le dieu créateur dont parle l’Ancien Testament crée un homme faible. Ce dieu se choisit un peuple, Israël, lui donne la Loi et lui promet un Messie. L’Ancien Testament reste valable comme révélation d’un dieu juste et créateur, mais limité et étranger à l'amour.

    Le Dieu suprême, le Dieu bon a pitié des hommes et décide de les sauver, c’est-à-dire de les libérer du joug de la Loi pour qu’ils puissent faire le bien. Ce Dieu envoie son fils, qui prend un corps semblable aux hommes, mais non charnel, car la matière est mauvaise. Le dieu créateur s’aperçoit que Jésus prêche un Dieu supérieur, il le persécute et le livre à la mort de la croix. Comme la domination du créateur continue, le salut ne sera obtenu qu’à la fin des temps.

    Marcion rejetait donc radicalement l’Ancien Testament. Toutefois, les écrits chrétiens primitifs ne justifiaient pas toujours ses théories. Marcion considéra donc que les auteurs des évangiles avaient mal compris le message de Jésus de Nazareth et y avaient inclus des notions judaïsantes relatives au Démiurge. Il entreprit donc de constituer un dossier des témoignages primitifs qui justifiait sa doctrine, un Nouveau Testament.

    Il ne garda qu’un évangile, celui de Luc (un évangile très paulinien dans ses doctrines), et 10 épîtres de Paul. Et comme il considérait que ces écrits avaient été contaminés d’éléments judaïsants, il les épura, plus en vertu de ses thèses que sur la base d'une critique historique. Par exemple, il supprima le début de l’évangile selon Luc, jusqu’en 4,32 (naissance miraculeuse du Christ), ainsi que plusieurs passages de l’épître aux Romains. Il retoucha aussi des textes, en particulier ceux où Jésus de Nazareth est identifié au dieu de l’Ancien Testament.

    Marcion semble avoir été le premier à avoir rassemblé une collection d’écrits d’origine apostolique, qui comportait trois parties : l’Evangélion, les Épîtres, et les Antithèses.

    Les antithèses ont été perdues. Grâce à Tertullien, nous savons qu’elles devaient comporter deux parties : une partie historique et dogmatique, montrant comment, selon Marcion, le pur évangile s’était altéré, et une partie exégétique.

    Courant marcionite

    Après son différend avec la communauté chrétienne de Rome, Marcion fonde une église dissidente constituée de fidèles, d’un clergé et de lieux de culte.

    Ce courant reposait :

    • sur une organisation forte ;
    • sur des cérémonies simplifiées ;
    • sur l’autorité de Marcion : ses disciples croyaient qu’il était à la gauche de Dieu tandis que Paul était à droite (Orig. Hom. 25 sur Luc) ;
    • sur une morale austère : interdiction du mariage, jeûnes, préparation au martyre, fraternité… ;
    • sur une certaine ouverture : dans la secte, les femmes occupaient certains offices parce que Marcion pensait qu’il n’y avait « ni mâle ni femelle en Christ ».

    Le culte marcionite avait certaines particularités :

    • les psaumes utilisés étaient différents des psaumes de David ;
    • les marcionites de Syrie se tournaient vers le couchant pour prier Dieu (cf rag. Murator. 82-84, confirmé par Maruta) ;
    • ils employaient l’eau au lieu du vin pour l’eucharistie (Epiph. Pan. XLII, 3), ils l’accompagnaient d’une onction d’huile et offraient au nouveau baptisé un mélange de lait et de miel ;
    • ils pratiquaient, selon Jean Chrysostome, le baptême pour les morts (I Cor. 15/29) ;
    • ils jeûnaient le samedi par pure hostilité au dieu juif ;
    • « Ses disciples s’abstenaient de viande et de vin » (Rom. 14/21) qu’ils remplaçaient par du poisson et de l’eau (Luc 24/42). Le poisson constituait pour eux une nourriture sacrée (Tertullien 1/14).

    Selon Marcion, la procréation des enfants était un acte de soumission à la Loi du dieu créateur (le Démiurge), donc un acte indigne d’un chrétien. Aucun candidat n’était admis au baptême marcionite s’il n’était disposé à mener à partir de là une vie de continence absolue. Pour les marcionites, le mariage avait lieu avec le Christ, et la vie en commun des époux était considérée comme un divorce à l’égard du Christ. Sans doute ceux qui se pliaient à cette prescription ne formaient-ils pas la majorité.

    Les martyrs furent nombreux chez les marcionites ; on compte parmi eux le presbytre Métrodore de Smyrne qui subit le supplice du feu comme Polycarpe et, au cours de la même persécution, une femme qui fut tuée au temps de Valérien à Césarée de Palestine, un évêque Asclépios qui, sous Dioclétien, fut brûlé vif également à Césarée sur le même bûcher que l’orthodoxe Apselamus.

    Marcion aurait eu pour disciples Ambrosius, Apelle, Blastus, Basilicus et Potitus, Marcellina, Pithon, Prépon, Synaros, Théodotion.

    Justin de Naplouse nous dit, vers 155 (Apol. I 26) que l’influence de Marcion s’étendait sur tout l’empire ; à cette même date, les Marcionites étaient nombreux à Rome. Aux environs de 208, Tertullien confirmait que « la tradition hérétique de Marcion emplissait l’univers » (C.M. 5/19), ce qui n’était pas le cas de la Grande Église. Au IVe siècle Épiphane citait, parmi les lieux « infectés » par le marcionisme, l’Italie, l’Égypte, la Palestine, l’Arabie, la Syrie, Chypre, la Perse (Ilaer. 42.1). Le marcionisme commença à décliner dans l’Ouest au IIIe siècle tandis qu’il restait actif dans l’est. En 318-319, une église marcionite était construite à Lebaba près de Damas ; son inscription mentionnait Chrestos.

    Au Ve siècle, Théodoret, évêque de Chypre, écrivant au pape Léon Ier, déclarait : « J’ai converti au cours de ma carrière plus de mille marcionites vivant dans huit villages ».

    Quand le Marcionisme disparut, ses adeptes rejoignirent généralement les groupes manichéens ; on situe des descendances chez les Pauliciens, les Bogomiles, les Cathares.

    Marcion constitua un grave danger pour l’Église et cela explique pourquoi, à partir du troisième quart du IIe siècle, la plupart des écrivains chrétiens de Justin à Tertullien (le poète Denys de Corinthe, Philippe de Crète, Théophile d'Antioche, Philippe de Gortyne, Modeste, Irénée de Lyon, Hippolyte, Méliton de Sardes, Miltiade, Proclos, Clément d'Alexandrie, Rhodon, etc.) écrivirent des textes contre lui et contre ses doctrines. Vers la fin du IIe siècle, Bardesane d'Édesse rédigeait contre Marcion des Dialogues en syriaque qui s’ajoutaient aux critiques lancées en grec et qui, bientôt, allaient l’être en latin. Au IVe siècle, Éphrem le Syrien critiqua également cette doctrine.

    La doctrine de Marcion devait être ancienne quand elle fut combattue. Il est difficile d’en connaître les origines. Outre une lecture personnelle des épîtres pauliniennes, il pourrait y avoir des influences de la Gnose, ou d’autres ? On retrouve dans Marcion tous ces éléments, on parle d’un paulinisme exacerbé… Il est difficile de savoir s’il a voulu réunir la Gnose et les chrétiens ?

    Marcion était-il gnostique ? De fait, les Pères de l'Église l’ont assimilé aux gnostiques et ont vu en lui – après Simon le Magicien – le second grand hérésiarque du christianisme naissant.

    Marcion gardera son mystère, car les seuls textes disponibles sur lui sont ceux de ses détracteurs. Peut-être trouvera-t-on d’autres sources ?

    L’affaiblissement du marcionisme est dû à des causes conjuguées :

    • la règle de continence stricte de sa communauté : règle peu attractive pour le peuple et ne lui donnant que très peu d’enfants ;
    • les critiques de ses détracteurs ;
    • les progrès de l’Église et de l’école d’Alexandrie qui discréditèrent sa doctrine et présentèrent une nouvelle philosophie chrétienne, ne laissant plus de place à Marcion et au gnosticisme ;
    • à partir du IVe siècle, l’appui politique du gouvernement romain à l’Église censée maintenir la paix civile.

    Le tout contribua largement à la victoire de celle-ci.

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