• Le mois des âmes du purgatoire : 4 novembre

     
     

    Le mois des âmes du purgatoire : 4 novembre

     

    Le mois des âmes du purgatoire : 4 novembre

     

    Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

     

    IVe JOUR

    La privation de Dieu.

    J'ai soif.

    ler Point. J'ai soif : Ces paroles que du haut de la croix l'Homme de douleur laissait tomber de ses lèvres mourantes, et qui étaient bien plus encore l'expression de l'ardent désir qu'il avait du salut des âmes, que de la soif naturelle qui consumait sa poitrine sacrée, peuvent bien s'appliquer aux saintes âmes du purgatoire. Elles ont soif de Dieu, soif de Jésus, comme cet adorable Sauveur a eu soif de leur salut ; et cette soif qui ne peut être satisfaite avant qu'elles soient entièrement purifiées des taches que le péché a laissées en elles, devient leur plus cruel tourment.

    Loin de la terre qu'elles ont quittée pour ne plus y revenir, exilées peut-être pour longtemps encore du ciel qui leur est assuré, ces saintes âmes qui ont reçu de la bouche du souverain Juge l'assurance de leur bonheur éternel, qui se savent aimées de lui et qui sont désormais assurées de l'aimer et de le posséder éternellement, se portent et s'élancent vers Dieu avec une ardeur, une véhémence de désirs qu'il ne nous est pas possible de comprendre ici-bas. Le grand jour de l'éternité s'est levé pour elles, éclairées un instant des doux rayons du soleil de justice, tous les voiles sont tombés de leurs yeux , toutes les illusions de leur vie passée se sont évanouies, et un seul instant a suffi pour leur donner de Dieu et de ses perfections adorables, une connaissance infiniment supérieure à celle qu'en ont ici-bas les saints les plus éclairés des lumières de la grâce et les plus consommés en vertu. De cette connaissance naît naturellement un amour qui excite en elles les plus violents transports, et un ardent désir de posséder et de s'unir pour toujours à celui qu'elles savent être la source de toute beauté, de toute bonté et de tout amour.

     

    L'amour que ces pauvres âmes ont pour Dieu, ce désir incessant qui les porte vers lui avec une force qui est au-dessus de toute expression, devient leur plus cruel tourment ; leur amour est un feu qui les brûle et qui allume en elles une soif inextinguible de Dieu et les brûlantes ardeurs de ce feu divin leur causent de plus insupportables souffrances que celles du feu allumé par la justice divine pour les purifier. Séparées de leurs corps, entrées dans cette éternité qui leur a dévoilé tant de mystères, elles apprécient les choses du temps à leur juste valeur, et celles qui autrefois leur paraissaient si importantes , si dignes de leurs soins, de leur attention, leur apparaissent maintenant dans leur réalité, et ne sont plus pour elles que ce que déjà elles devraient être pour nous, moins que rien.

    Mais en comprenant le néant de toutes les choses du monde, la folie qu'il y a de s'attacher à des biens dont la mort dépouille si vite ces saintes âmes comprennent aussi que Dieu est le seul bien réel, le seul qui puisse satisfaire l'immensité de leurs désirs ; elles voient qu'elles n'ont été créées que pour lui, qu'il est leur premier principe et leur dernière fin, et qu'elles ne trouveront qu'en lui le repos, la paix et le bonheur. Que ne pouvons-nous comprendre cette vérité comme elles la comprennent aujourd'hui ! Que d'illusions s'évanouiraient pour nous. Combien de fautes seraient retranchées de notre vie et que d'amers regrets nous seraient épargnés pour plus tard. Demandons à Dieu qu'il laisse tomber dans notre âme un rayon de sa divine lumière et qu'elle nous désabuse de toutes nos fausses appréciations, nous apprenant à estimer à leur juste valeur les objets qui nous séduisent. à ne désirer que lui, à n'estimer, à ne rechercher que ce qui peut nous rapprocher de lui, nous unir à lui dans le temps et nous faire mériter le bonheur de la posséder dans l'éternité.

     

    Le désir de posséder Dieu, de s'unir à lui pour toujours presse donc incessamment ces saintes âmes, sans cesse emportées vers lui. Par l'ardeur de leur amour elles aspirent à ce bien suprême avec toute la force de leur volonté et se sentent sans cesse repoussées par l'inexorable justice de ce Dieu dont l'infinie sainteté se refusera à leurs brûlants désirs aussi longtemps que son divin regard découvrira en elles la moindre trace des souillures du péché. Elles sentent elles-mêmes qu'elles ne sont pas dignes encore de l'union divine à laquelle elles aspirent, elles prouvent contre elles-mêmes les intérêts de la justice de Dieu, elles aiment en quelque sorte leurs tourments et bénissent la main qui les frappe pour les purifier.

    IIe Point. Deux désirs contraires se combattent donc dans ces saintes âmes et viennent ajouter à la rigueur de leur expiation. Le premier de ces désirs est de satisfaire à la justice de Dieu, qu'elles aiment comme tous ses autres attributs, et dont elles adorent les inflexibles arrêts, se sentant indignes de jouir encore des embrassements de l'époux divin, elles aiment et bénissent les souffrances qui les purifient, et l'idée qu'elles ont de la sainteté de Dieu est si grande, qu'alors même qu'il leur serait libre d'entrer dans le ciel, sans être entièrement purifiées, elles se précipiteraient d'elles-mêmes jusqu'au plus profond abîme de leur prison brûlante, plutôt que de paraître devant le divin objet de leur amour souillées de la moindre tache capable de blesser l'infinie pureté de son regard.

     

    D'un autre côté, la force de l'amour les entraîne sans cesse vers Dieu ; elles se sentent en même temps attirées et repoussées par lui ; attirées par son amour, repoussées par sa justice, sûres de le voir, de le posséder un jour, elles sont impatientes de jouir de ce bonheur, elles y aspirent de toutes les forces de leur être, et cette incessante aspiration vers Dieu, unie au désir, à la volonté sincère de satisfaire, à sa justice, produisent en elles un effort contraire qui leur devient un cruel martyr.

    Quel amer, quel profond regret le souvenir de leurs péchés ne fait-il pas éprouver à ces saintes âmes. Leur amour, il est vrai, est trop pur pour qu'elles puissent, dans ce regret, s'envisager elles-mêmes, elles ne voient que le malheur qu'elles ont eu d'offenser ce Dieu, qu'elles voient même comme la sainteté, la bonté, la miséricorde même ; l'amour qu'elles ont pour lui leur cause une inexprimable douleur. Elles regrettent d'avoir offensé Dieu, parce qu'elles l'aiment, parce qu'elles lui ont déplu, bien plus qu'à cause des châtiments que le péché a attirés sur elles ; leur douleur est profonde, incessante, mais elle est pleine d'amour, et elles ne croient pas pouvoir jamais aimer assez le Dieu qui pouvait les perdre et qui les a sauvées, qui leur a pardonné avec tant de miséricorde les fautes peut-être bien grandes qui ont souillé leur vie.

     

    Il nous est difficile, pour ne pas dire impossible, de nous faire une juste idée du tourment que causent à ces saintes âmes ces deux désirs contraires qui se combattent en elles. L'amour qu'elles ont pour Dieu leur fait comprendre toutes les joies, toutes les délices dont elles seront inondées quand elles le posséderont, et elles souhaitent avec une brûlante impatience l'heureux moment où il leur sera donné de les goûter. Tandis que le regret d'avoir offensé ce Dieu qu'elles aiment si ardemment leur fait vouloir encore leur douloureux exil du ciel et les rend inconsolables jusqu'à ce que sa justice soit complétement satisfaite. L'amour de Dieu leur fait désirer le ciel, le regret de l'avoir offensé leur fait accepter avec une entière soumission les rigueurs du purgatoire. Elles ne veulent goûter les joies célestes de la patrie qu'après avoir supporté les douleurs de cet exil qui les rendent dignes d'en jouir, puisqu'elles les purifient. Le conflit de ces désirs contraires est un tourment qui ne leur laisse pas de repos. L'amour de Dieu, il est vrai, adoucit leur supplice ; mais le regret de l'avoir offensé l'augmente, l'amour les console, le regret les attriste. L'amour, dit un pieux auteur, leur montre la vraie vie, le regret les tient dans une vraie mort. Je me trompe, l'amour conspire avec le regret pour les faire souffrir davantage, car l'amour, éloigné de la jouissance, est toujours plus avide, et le regret d'avoir péché demeure implacable.

    Aucun des amours de la terre, quelque passionné qu'il soit ne peut donner une idée de l'amour que ces saintes âmes ont pour Dieu ; aucun des désirs que peut éprouver le cœur humain, quelque ardent qu'il soit, ne peut nous faire comprendre la vivacité, la force, la douloureuse anxiété du désir qu'elles ont de posséder Dieu. L'enfant, séparé de la meilleure et de la plus tendre des mères, pleure, se désole et languit loin d'elle ; il appelle de tous ses vœux le moment où il lui sera donné de revoir cette mère chérie, de jouir encore de ses caresses, de son amour ; il souffre, ce pauvre enfant, et cependant sa souffrance, ses regrets, ses désirs, ne sont rien si on les compare à la douleur de ces saintes âmes, pour lesquelles Dieu est plus qu'un père, plus qu'une mère, plus qu'un ami, plus qu'un époux. L'épouse séparée par la mort de celui qu'elle aimait uniquement, de l'époux qui était sa gloire, son protecteur, son appui, reste inconsolable. Celui qu'elle pleure et qu'elle regrette semble avoir emporté avec lui la moitié de son âme ; rien ne peut la distraire de sa douleur et de ses regrets, le monde lui semble désert, la vie lui est devenue un supplice, et la mort qui la réunira un jour à celui qu'elle pleure est l'objet de tous ses vœux. La douleur de cette épouse désolée n'est encore qu'une imparfaite image de celle des âmes du purgatoire bannies de la présence de l'époux divin, qui n'est pas seulement leur protecteur, leur gloire, leur trésor, leur vie ; mais leur fin dernière et le seul objet capable d'assurer leur bonheur. Non, non, je le répète , rien ne saurait nous donner une idée de la véhémence de leurs désirs, de l'ardeur avec laquelle elles s'élancent vers Dieu. Le cerf consumé de soif ne court pas avec autant d'ardeur vers la source d'eau vive qui doit le désaltérer, l'homme que la faim torture ne désire pas aussi vivement le morceau de pain qui peut le rassasier. On comprendra en quelque sorte cette vérité si on pense que c'est l'âme qui a faim, qui a soif de Dieu, et que l'âme, étant bien plus parfaite que le corps, est aussi capable d'endurer des souffrances bien plus intenses, surtout lorsqu'elle est séparée de son corps. On la comprendra surtout, en se rappelant que c'est Dieu lui-même qui allume dans les âmes du purgatoire la soif qu'elles ont de lui, et cette peine, comme toutes celles qui viennent directement de Dieu, a quelque chose de bien plus poignant, de plus vif que toutes celles qui viennent des créatures ou de nous-mêmes.

    Pourquoi donc ce Dieu, si passionnément aimé, si ardemment désiré par les saintes âmes du purgatoire, l'est-il si peu par nous ? Hélas ! indifférents pour celui qui est notre premier principe et notre Un dernière, nous nous passons de lui avec une étrange facilité. Loin d'avoir soif de Dieu comme les saints en avaient soif, comme une sainte Thérèse, qui, dévorée des ardeurs du divin amour, se mourait du regret de ne pouvoir mourir, Dieu ne semble être pour nous qu'un objet secondaire, qu'un bien dont nous ne voulons que le plus tard possible, et dont la possession ne saurait nous dédommager des jouissances que nous trouvons dans ceux de la vie présente. Oh ! que nous gémirons un jour de notre peu d'amour pour Dieu, de notre coupable indifférence, et que peut-être nous l'expierons chèrement. N'attendons donc pas que le grand jour de l'éternité se soit levé pour nous, pour nous désabuser des illusions qui nous séduisent, souvenons-nous que Dieu seul est le bien suprême, que seul il peut satisfaire l'immensité de nos désirs, seul assouvir le besoin de bonheur qui dévore notre âme ; que toutes les aspirations de cette âme s'élèvent donc désormais vers lui ; désirons Dieu, cherchons-le uniquement, afin qu'après l'avoir aimé, désiré et cherché sur la terre, nous le trouvions dans l'éternité, non pas dans sa justice, mais dans sa miséricorde et son amour. Ainsi soit-il.

     

    PRIÈRE.

    0 mon Dieu, Dieu si saint, mais aussi si bon, Dieu si terrible dans vos justices, mais en même temps si riche dans vos miséricordes. Ah ! laissez-vous fléchir par l'amour de ces saintes âmes, que vous aimez bien plus encore que vous n'en êtes aimé ; ne vous dérobez pas plus longtemps à l'ardeur de leurs désirs, ne les repoussez plus ; ouvrez-leur votre sein et laissez-les se perdre et s'abimer en vous. Vous êtes, ô mon Dieu, la lumière, la vérité, l'amour, souffrez que ces pauvres exilées de la terre, qui ont soif de ces biens dont vous êtes la source, viennent pour jamais s'y désaltérer. Oubliez, Seigneur, les fautes que la fragilité de notre nature leur a fait commettre, ne voyez en elles que le prix du sang de votre divin Fils. Ecoutez la voix de ce sang adorable qui vous demande encore leur grâce en coulant à toutes les heures du jour sur tous les autels du monde chrétien et au nom du sang précieux, au nom des mérites de notre miséricordieux Sauveur, que nous vous supplions de vouloir bien leur appliquer ; mettez fin à leurs peines et comblez leurs vœux en leur ouvrant les portes de la bienheureuse patrie. Ainsi soit-il.

     

    EXEMPLE.

    L'exercice continuel des plus éclatantes vertus religieuses, et plus encore les macérations et les pénitences les plus austères avaient porté frère Antoine Corso, de l'ordre des Capucins, à un degré de perfection qui le faisait considérer comme un saint. Cependant, étant venu à mourir, il ne put monter directement au ciel, mais fut retenu dans les cruelles prisons du purgatoire, d'où sortant par la permission de Dieu, il se fit voir dans le plus lamentable état à l'infirmier du couvent. Celui-ci s'étant remis de sa première surprise, lui dit : « Comment, frère Antoine, dans le purgatoire ! vous que nous croyions entré dans la gloire ; et quelle peine souffrez-vous ? — Je souffre une double peine, répondit le défunt, celle du sens est plus grave et plus cruelle qu'on ne pourrait l'exprimer ; mais celle qui n'a pas d'égale et que l'esprit ne saurait comprendre, c'est la peine du dam, qui me prive de la vision béatifique du bien suprême. Privé d'elle, tout me manque, et je serai la plus malheureuse des créatures, tant que je serai éloigné de mon Dieu. Recommandez-moi donc à tous mes frères en religion, afin qu'ils m'aident de leurs suffrages. » (Annales des H. P. Cap.)

    PRATIQUE.

    Il y a des âmes en purgatoire qui n'ont plus à supporter d'autre peine que celle de l'attente, c'est la plus cruelle, prions aujourd'hui pour elles, et efforçons-nous de gagner quelques indulgences en leur faveur.