• Le mois des âmes du purgatoire : 14 novembre

     
     

    Le mois des âmes du purgatoire : 14 novembre

     

    Le mois des âmes du purgatoire : 14 novembre

     

    Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

     

    XIVe JOUR

    Troisième motif. L'amour et la compassion de Marie pour les saintes âmes du purgatoire.

    Et Jésus dit à sa mère : Femme voilà votre fils, et il dit au disciple : Voilà votre mère.

    Ier Point. Près de consommer le sacrifice qui réconciliait le ciel avec la terre, le Rédempteur, au milieu des horreurs de son douloureux abandon, des angoisses de sa cruelle agonie, abaissa son œil mourant au pied de sa croix, et, s'adressant à sa mère, il lui dit, en lui désignant du regard le disciple qu'il aimait : « Femme, voilà votre fils, » et il dit au disciple : « Voilà votre mère. » Dans ce moment solennel, Jésus ne pense pas seulement à donner un appui, un second fils à sa mère bien-aimée, et une mère à son disciple privilégié ; ses vues sont plus larges, plus étendues, et son cœur, toujours généreux, toujours plein d'amour et de dévouement pour nous, croit pour ainsi dire ne nous avoir rien donné tant qu'il lui reste quelque chose dont il ne nous a pas fait don. Saint Jean au pied de la croix est la personnification de l'humanité tout entière , et c'est à tous les enfants de la grande famille humaine que Jésus donne. Marie pour mère ; c'est à cette mère si tendre, si dévouée, qu'il les confie et qu'il semble dire : Aimez-les comme vous m'avez aimé.

     

    Au milieu des angoisses et des déchirements de son cœur maternel, Marie accepta le legs de son Fils ; elle le comprit, et entrant généreusement dans ses vues, dans ses desseins, elle ouvrit son cœur immaculé à chacun des membres de la grande famille que Jésus lui donnait, et nous adopta tous pour enfants au pied de cette croix sanglante où agonisait le fruit béni de ses chastes entrailles ; elle vit chacune de nos âmes couverte et comme empourprée de ce sang adorable de la Rédemption que Jésus avait puisé dans ses veines, et dont les dernières gouttes s'échappaient lentement de ses veines épuisées, et elle voua à toutes en général, et à chacune en particulier, un amour de mère et un dévouement sans bornes.

    A ces paroles : « Femme, voilà votre fils, » Jésus avait attaché la grâce et la puissance d'opérer dans le cœur de sa mère ce qu'il voulait qu'elles y opérassent, et elles avaient créé dans ce cœur maternel brisé, broyé par une incommensurable douleur, de nouvelles et immenses puissances d'amour, elles l'avaient rendu assez vaste, assez large, pour donner à chacun de nous ce qu'il voulait qu'il nous donnât. En un mot, elles avaient versé en lui des trésors de tendresse, de compassion, d'indulgence, de dévouement, incomparablement plus grands que ceux que la nature renferme dans le cœur des mères pour leurs enfants.

    Dix-huit siècles ont passé sur ce jour où la mère d'un Dieu devint la mère de l'homme, et chacun d'eux a proclamé que Marie n'avait jamais failli à la mission maternelle qu'elle avait acceptée sur le Calvaire. Les générations ont succédé aux générations en publiant tour à tour les bienfaits, l'inépuisable amour de cette incomparable mère. Oui, Marie a compati à toutes les douleurs de ses enfants, sa main maternelle s'est plu à essuyer toutes leurs larmes, et jamais son oreille n'a été sourde à leurs plaintes, à leurs soupirs, aux cris d'angoisse que leurs cœurs affligés ont fait monter vers elle. Prêtons l'oreille et écoutons, nous entendrons s'élever de toutes parts un concert de louanges et de bénédictions envers la meilleure et la plus compatissante des mères. Quand il s'agit de Marie, la reconnaissance dilate tous les cœurs, délie toutes les langues, et la voix des malades qu'elle a guéris, des mères qui lui doivent la conservation de leurs enfants, des navigateurs qu'elle a sauvés du naufrage, des pécheurs qu'elle a ramenés à Dieu, s'unissent tous pour la bénir et lui payer l'humble tribut de la reconnaissance et de l'amour.

     

    Si Marie se montre véritablement notre Mère, si nous la trouvons si constamment sensible à nos douleurs, et toujours prête à nous assister dans tous nos besoins spirituels et temporels, pourrions-nous croire, sans lui faire injure, que son amour et son dévouement pour ses enfants ne s'étendent pas au delà des bornes de cette courte vie, et qu'elle les oublie et les délaisse alors qu'ils ont le plus besoin de son secours et de ses maternelles consolations ? Ah ! si nous voyons les mères de la terre conservant toujours vivant au fond de leur cœur le souvenir des enfants que la mort a ravis à leur tendresse, arroser de leurs larmes la tombe qui recouvre leur dépouille mortelle et se plaire à l'entourer encore des témoignages de leurs regrets et de leur amour, comment supposer que l'amour de notre Mère du ciel soit moins constant, moins dévoué que celui des mères de la terre, et qu'il ne suive pas au delà de la tombe ceux qu'elle a aimés et protégés pendant le cours de leur pèlerinage ici-bas.

     

    Ce sont nos âmes qui sont chères à Marie, ce sont elles que Jésus a confiées à sa sollicitude, c'est pour elles que sa voix mourante a réclamé son maternel amour. Marie, pendant leur séjour sur la terre, est pour elles le canal de toutes les grâces, de toutes les miséricordes divines. Elle n'oublie rien, elle met tout en œuvre pour contribuer à leur sanctification, à leur salut, et quand ces âmes sont entrées dans leur éternité, quand elles sont tombées sous le domaine de la justice de Dieu, ne pensons pas qu'elle les oublie et les délaisse. C'est alors, c'est lorsqu'elle voit la main de ce Dieu vengeur s'appesantir sur les objets de sa tendresse que son amour semble redoubler, prendre de nouvelles forces, et son dévouement met tout en œuvre pour les soulager et pour hâter le moment de leur délivrance.

    IIe Point. Lorsqu'une mère voit un de ses enfants en proie à de violentes souffrances, ou gémissant sous le poids d'une grande affliction, tout l'amour de son cœur semble se concentrer sur lui. Pour lui elle garde ses plus tendres caresses, ses plus doux sourires, ses plus affectueuses paroles. On la voit en quelque sorte plus souffrante, plus affligée que celui qu'elle aime veiller sur lui avec une infatigable sollicitude, l'entourer de ses soins, prévenir ses moindres besoins, et ne plus s'occuper que de lui comme si l'enfant qui souffre lui était plus cher que ceux qui se portent bien. Il en est de même de Marie. Les douleurs, la profonde affliction des âmes du purgatoire émeuvent son cœur et semblent les lui rendre plus chères ; non contente de plaider leur cause auprès de son divin Fils, d'intercéder en leur faveur, elle descend elle-même dans leurs brûlantes prisons pour les consoler par sa céleste présence, par ses douces paroles, et les encourager dans leurs souffrances par l'espérance d'une prochaine délivrance. Ah ! si parmi ces saintes âmes il en est qui sont oubliées, délaissées de tout le monde, si leur souvenir sur la terre est effacé de tous les cœurs, il en est un au ciel qui ne les oublie pas, c'est celui de la Mère que Jésus leur a donnée sur le Calvaire ; ce cœur-là ne sait ni oublier ni délaisser ses enfants, et quand il voit l'abandon de tous peser sur eux et aggraver encore leurs tourments, touché d'une immense et maternelle pitié, il redouble les efforts de sa tendresse et de son dévouement pour adoucir leurs peines et verser sur ces âmes délaissées le baume divin de l'espérance.

     

    0ui, Marie compatit avec un cœur de mère à toutes les souffrances des âmes du purgatoire, mais elle compatit surtout à celle que leur cause la privation de Dieu. Cette peine, elle la connaît en quelque sorte par expérience, non qu'elle ait jamais eu à subir les expiations du purgatoire le dire, le penser même serait un blasphème. Celle qui a toujours été immaculée, sans tache et toute pure, n'avait rien à expier, et les flammes Vengeresses de la justice de Dieu se fussent reculées et ouvertes devant son âme bénie, comme autrefois les eaux du Jourdain s'ouvrirent devant l'arche du Seigneur. Mais je dis que Marie connaît par expérience le tourment que cause à une âme brûlante d'amour la privation de Dieu, parce qu'elle a aimé Jésus, dans lequel elle aimait à la fois et son Fils et son Dieu, non-seulement plus que toutes les âmes du purgatoire, mais plus que tous les anges, tous les saints du ciel ne pourront jamais l'aimer, et que pendant les années qui suivirent l'Ascension, Marie ne fit plus que languir sur la terre, sa vie ne fut plus qu'un long martyr d'amour et une continuelle aspiration vers le ciel.

    Si les douleurs qu'on a souffertes soi-même sont celles qu'on plaint le plus dans les autres, et qu'on se sent le plus porté à soulager, jugeons combien Marie doit éprouver de pitié, de tendre compassion pour ces âmes dont l'amour est le plus cruel tourment et qui soupirent avec une si vive ardeur après le moment qui les mettra pour jamais en possession de Dieu, et combien elle-même désire voir finir ce tourment.

    Et puis si nos âmes sont le prix du sang de Jésus, elles sont aussi celui des douleurs et des larmes de Marie, c'est là un double titre à son amour, et on peut dire sans crainte de se tromper, que si la passion dominante du cœur adorable de Jésus est la soif du salut des âmes, elle est également celle du cœur immaculé de Marie, qui a aimé les âmes jusqu'à leur sacrifier son Fils unique et bien-aimé ; mais si Marie a pour toutes, même pour celle des pécheurs, l'amour, la sollicitude, le dévouement d'une mère, si pendant le cours de notre vie, elle est, si je puis ainsi m'exprimer, dans une sorte d'inquiétude et d'angoisses, si elle tremble à la vue de notre faiblesse et des périls qui nous environnent de toutes parts comme une mère tremble à la vue d'un danger qui menace ses enfants, si enfin elle craint sans cesse de nous voir échapper à l'amour de son divin Fils et au sien, elle est rassurée sur le sort éternel des saintes âmes du purgatoire, et elle les aime d'autant plus qu'elle a la certitude qu'elles seront éternellement à Jésus et à elle ; mais de même qu'une mère qui, longtemps séparée de ses enfants et qui au moment de les revoir, de les presser sur son cœur, apprendrait qu'ils ont été à peu de distance d'elle emprisonnés pour dettes, éprouverait une douleur proportionnée à l'amour qu'elle a pour eux et au désir qu'elle éprouve de leur être réunie et n'oublierait rien pour les libérer ; de même, dis-je, notre divine Mère souffre en sentant ses enfants prisonniers pour dettes de la justice divine, et elle désire ardemment les voir libérés et libres de prendre leur essor vers elle.

    Mais on m'objectera peut-être que s'il en est ainsi, Marie étant toute-puissante sur le cœur de son divin Fils, peut aisément obtenir la délivrance de ces âmes qui lui sont si chères. A cela nous répondrons d'abord que le nombre des âmes du purgatoire qui doivent leur délivrance à cette tendre Mère est incalculable, qu'il n'est pas de jour où les portes de leur prison ne s'ouvrent pour plusieurs d'entre elles, au nom de Marie. C'est aussi une pieuse croyance que tous les samedis et le jour de ses fêtes, cette bonne mère descend dans les prisons de la justice divine pour en retirer un grand nombre d'âmes dont elle a obtenu la grâce, heureuse d'emmener ses enfants avec elle pour les associer aux joies de la fête de famille que le ciel comme la terre célèbre en son honneur. Cependant nous devons dire aussi que si Marie aime la miséricorde de Dieu, elle aime également sa justice ; tous ses attributs lui son chers, elle sait que la miséricorde doit parfois avoir des bornes, et que la justice a des droits qui doivent être respectés, et elle les respecte. Ainsi il y a dans le purgatoire une multitude d'âmes qui, par une protection spéciale de Marie, sont revenues à Dieu au moment de leur mort et lui ont dù leur salut. Ces âmes avaient passé leur vie dans le péché, dans l'oubli de Dieu, dans l'omission de tous leurs devoirs religieux, nécessairement leur expiation doit être et plus longue et plus rigoureuse que celle des âmes justes qui n'ont à expier que quelques légères fautes inhérentes à la faiblesse humaine, et Marie, malgré son amour de mère, ne peut pas faire pour les premières ce qu'elle fait pour celles-là. Par sa toute puissante protection elles ont échappé à l'enfer, c'est une immense grâce ; mais elles ne doivent pas échapper à l'expiation, et Marie la leur laisse subir. La dette de ces pauvres âmes est bien grande et notre Mère du ciel émue pour elles d'une tendre compassion, désire que ses enfants de la terre la partagent et s'efforcent de satisfaire pour leurs frères et de payer à la justice divine une partie de la dette qu'ils ont contractée envers elle.

    Satisfaire un des désirs du cœur immaculé de notre divine Mère doit être pour nous un puissant motif de redoubler de zèle et de charité pour les âmes de nos frères défunts, car qu'y a-t-il de plus doux pour des enfants bien nés, que de réjouir le cœur d'une mère chérie et de contribuer à hâter le moment où les enfants dont elle désire le bonheur avec autant d'ardeur qu'elle désire le nôtre, seront rendus à son amour. Estimons-nous donc heureux d'avoir un moyen si facile de lui prouver notre reconnaissance, notre amour, notre dévouement filial, et soyons convaincus que Marie comme Jésus, regarde comme fait à elle-même ce que l'on fait pour ses enfants.

     

    PRIÈRE.

    0 Marie ! vierge toute pleine de miséricorde, de tendresse et de clémence, vous que nous ne connaissons que par les bienfaits que vous ne cessez de répandre sur nous, vous enfin dont le cœur tout brûlant de charité est toujours ému de compassion à la vue de nos douleurs, toujours touché de nos larmes et prêt à les essuyer, souffrez que ce soit dans votre cœur de mère que nous déposions nos vœux et nos prières pour les âmes souffrantes du purgatoire, présentées par vous, offertes par vos mains à votre divin Fils, elles ne sauraient être rejetées. Il les exaucera si vous daignez y ajouter le mérite de quelques-unes des larmes que vous avez versées sur le Calvaire, plus que tout ce que nous pourrions lui offrir cette offrande satisfera sa justice, elle la désarmera et en obtiendra ce que nous désirons, comme vous le désirez vous-même, la délivrance des âmes qui vous ont été les plus dévouées, et qui vous sont les plus chères, le soulagement de celles dont l'expiation est la plus douloureuse et doit être la plus longue. Ainsi soit-il.

    EXEMPLE.

    On lit dans la vie de sœur Catherine de Saint Augustin, qu'elle avait donné quelque temps ses soins à une pauvre fille, qui était dans un état déplorable, et selon le corps et selon l'esprit. Après avoir mené une vie licencieuse et scandaleuse, Dieu l'avait frappée d'une maladie honteuse, qui la rendait un objet de dégoût et de mépris pour tout le monde. L'infection qu'elle répandait autour d'elle était telle que ses voisines l'avaient obligée d'aller chercher un gîte dans une vieille masure isolée ; son caractère était si méchant et si acariâtre, que personne ne lui eût fourni aucun secours, si sœur Catherine, surmontant le dégoût qu'elle lui inspirait, n'était venue comme un ange du ciel, lui apporter de quoi sustenter sa malheureuse existence. Toutefois ses services n'étaient payés que par des injures et des sarcasmes. Lorsque la sœur lui parlait de Dieu, l'infâme créature ne lui répondait que par des blasphèmes.

    L'infortunée se trouva subitement appelée au tribunal de Dieu.

    En présence de l'éternité, un sentiment de désespoir allait s'emparer de son âme ; mais, ô prodige de l'ineffable condescendance d'un Dieu d'amour ! elle se souvient de quelques paroles de piété qu'elle avait ouïes jadis, et, s'adressant à la sainte Vierge, elle lui dit : « 0 vous, qui n'abandonnez pas même ceux que tout le monde repousse, mère de Dieu, venez à mon secours ; si vous me délaissez, je suis perdue. »

    Et Marie, à la voix de la pécheresse, se manifeste à elle, lui fait produire des actes de contrition et emmène son âme dans le purgatoire.

    Le lendemain, on trouve le cadavre hideux étendu par terre, et tous s'écrient qu'elle est réprouvée. Sœur Catherine elle-même en était si convaincue, qu'elle l'effaça de son souvenir. Cependant, longtemps après, étant en oraison, elle s'entend appeler. Elle écoute ; la voix lui disait : « Comment, vous qui priez pour tout le monde, m'oubliez-vous ? Ehl quoi, s'écrie la sainte, vous, vous, au purgatoire ? » L'âme lui raconte le miracle de salut qui s'était opéré en elle à son agonie, la conjurant de se rendre à ses prières, car elle souffrait horriblement et souffrirait bien longtemps si elle la délaissait.

    Sœur Catherine eut recours à Marie, qui l'avait délivrée de l'enfer pour la délivrer du purgatoire. (S. Alphonse De Liguori, Salve Regina.)

    PRATIQUE.

    Prier spécialement aujourd'hui pour les âmes du purgatoire qui ont été le plus dévouées à Marie, et dont elle désire le plus vivement la délivrance.