• Le mois de Marie 15 mai

     
     

    Le mois de Marie

    ou méditations sur sa vie, ses gloires et sa protection

     

     Les gifs animés de la Vierge Marie page3

     

    Source : Livre "Le mois de Marie ou méditations pour chaque jour du mois sur sa vie, ses gloires et sa protection"  par Aleksander Jełowicki

     

     

    POUR LE 15ème JOUR DU MOIS.

    Cinquième douleur de la Très sainte Vierge.

    Crucifiement et mort de Jésus.

    I.

    Contemplez Jésus et Marie au haut du Calvaire. Semblable à l'agneau qu'on va égorger, Jésus ne laisse échapper aucune plainte, aucun gémissement ; il se livre à la volonté de ses bourreaux. Ils le poussent, ils le maltraitent, ils le couvrent d'injures et d'imprécations. Ils déchargent ses épaules du fardeau de la croix, mais c'est pour l'y clouer. Ils n'ôtent pas sa couronne d'épines, mais ils le dépouillent de ses vêtements avec violence. Ils déchirent en quatre parts sa robe de dessus : Jésus-Christ en couvre les quatre parties du monde : l'est, l'ouest, le sud et le nord. Ils arrachent sa robe sans couture, tissue par les mains de Marie, et maintenant collée à ses nombreuses blessures ; aussi son sang jaillit de nouveau de toutes ces plaies en présence de Marie. Une pâleur mortelle en a couvert les joues de Jésus ; une pâleur mortelle en a couvert les joues de Marie ; car le sang de Jésus c'est le sang de Marie !

    0 Jésus ! Jésus! qu'est donc devenue la beauté ravissante de votre divin visage, que les anges contemplaient avec admiration ? « Comment a-t-il changé sa couleur, qui était si belle (')? Le front livide, les yeux ternes, les lèvres brûlées, les joues meurtries, tout le corps couvert de plaies, et les os mis à nu ! Il n'y a plus qu'un souffle de vie en lui, et l'on continue de martyriser encore ce divin martyr en présence de sa mère ! On l'étend sur la croix, on attache ses mains et ses pieds avec des clous sans pointe ; à chaque coup de marteau ses veines se rompent, ses os se brisent, et son sang jaillit de nouveau par torrents. Mais d'où vient tant de sang, et pourquoi tant de sang répandu, puisqu'une seule goutte suffirait pour sauver le monde ? C'est que l'amour surabondant de Jésus offre pour nous une rançon surabondante ! Et les douleurs de Marie furent surabondantes !

    Marie voit élever la croix, elle entend les railleries et les cris forcenés du peuple. Attaché à la croix, son fils bien-aimé n'est couvert que de sang ! Ses yeux, frappés de ce sanglant spectacle, en reçoivent un plus terrible encore : lorsqu'au même instant cette croix fut rudement précipitée par sa base dans le creux du rocher préparé pour la recevoir. 0 instant terrible parmi les terribles ! Cette violente secousse rouvre toutes les blessures, disloque tous les os, brise tous les nerfs, tout le corps s'affaisse. Jésus souffre toutes ces douleurs sans laisser échapper une plainte, et Marie elle-même garde le silence.

    Au milieu de cet auguste silence s'accomplit le sacrifice immense, infini ; le sacrifice d'amour, par lequel la terre est donnée au ciel et le ciel à la terre. Au-dessus de l'océan des crimes du monde crucifiant son Sauveur, se trouve suspendu l'océan de miséricorde divine, le sang précieux de Jésus, sang versé pour la rédemption du genre humain, et que la main de Marie laisse couler sans opposition.

    « Marie s'accordait tellement avec la volonté de Dieu, dit saint Anselme, que si l'accomplissement de cette volonté l'eût exigé, elle aurait cloué elle-même son fils sur la croix ('). » — « Son amour pour nous fut si grand, dit sainte Mathilde, qu'elle a sacrifié avec joie son fils pour le salut du monde (2). »

    Qui pourrait comprendre cette lutte entre l'amour et la douleur, dans laquelle l'amour de Marie pour Dieu et pour nous n'a pas seulement vaincu son amour d'une mère comme elle pour un fils comme Jésus, mais encore l'a contrainte à accepter une si grande douleur ! Toutes les souffrances de Jésus, Marie les ressentait, et d'une manière plus terrible encore ; car tout ce que Jésus-Christ, son fils, qui est Dieu, souffre en son corps, Marie le souffre en son âme. « Autant de plaies au corps de Jésus, autant de plaies au cœur de Marie, dit Arnold (3). » — « Les plaies qui couvraient tout le corps de Jésus se réunirent dans le cœur de Marie ('), » dit saint Bonaventure. Et saint Jérôme nous dit : « Les coups, les plaies, les clous qui déchiraient le corps de Jésus déchiraient l'âme de Marie (2). » — « La croix et les clous du fils étaient la croix et les clous de la mère, et le crucifiement du Christ crucifiait Marie (3), » dit saint Augustin. Et saint Bernard s'écrie : « 0 Marie ! où étiez-vous alors ? Au pied de la croix ? Non ! sur la croix même (4), »

    Saint Bernardin de Sienne nous assure que s'il eût été possible que Marie nous sauvât par sa mort, elle se serait mille fois sacrifiée pour nous en place de son fils (5). Et comme c'était chose impossible, elle désirait au moins mourir avec son fils. « Elle désirait au sang de son âme ajouter le sang de son corps(6). » Mais Dieu n'y a point consenti, afin que le prix des douleurs et du sacrifice de Marie en devint plus grand ; car en même temps que son âme agonisait avec son fils, son corps était forcé de vivre.

    « La mère du Dieu sauveur agonisait dans l'âme, dit saint Amédée ; car la douleur, la tristesse, l'agonie, la flamme dévorante, et la mort pire que la mort se trouvent réunies, là où la vie ne cesse point, malgré les angoisses de la mort ('). »— « Ainsi Marie, selon l'expression de saint Bernard, agonisait vivante, vivait agonisante, et ne pouvait mourir, car vivante elle était morte (2); » morte de cette autre mort dont parle saint Augustin, lorsqu'il dit : « Il est une mort qui sépare forcément l'âme du corps ; il est une autre mort qui retient l'âme forcément dans le corps (3). »

    0 Marie ! vous mouriez de cette mort pour nous! et de quelle vie vivons-nous pour vous ?

    II

    « 0 merveille de la puissance divine ! s'écrie saint Amédée, ô merveille de la puissance divine dans la mort de Jésus et dans le courage de Marie ! qui, malgré l'immensité de sa douleur, ne perd rien ni de sa modestie virginale ni de la force de son âme ; elle ne succombe pas, elle reste debout, dominant par l'inconcevable force d'esprit l'inconcevable force de sa douleur ('). » — « Les disciples ont abandonné Jésus, dit saint Anselme, les hommes se sont enfuis ; Marie, seule, toute seule, pour la gloire de son sexe, forte de sa foi en Jésus, assiste à sa passion ; et seule, debout, se tenant avec la dignité qui convenait à sa modestie virginale. Au milieu d'une si grande amertume elle ne se déchirait pas le sein, elle ne prononçait aucune malédiction, aucun murmure ; elle n'appelait pas la vengeance divine, mais elle se tenait debout, digne et modeste, sublime de patience, concentrant ses douleurs, remplie de larmes, toute plongée dans sa désolation (2). »

    « Elle se tenait auprès de la croix, dit saint Ambroise : la mère de Jésus se tenait près de la croix ; les hommes l'ont abandonné, et l'intrépide Marie s'y tenait remplie de douleur et de miséricorde ; elle contemplait les blessures de son fils avec des yeux pleins de compassion, car elle y voyait le salut de tous. Mère à la hauteur d'un aussi sublime spectacle, elle s'y tenait debout, bravant la présence des bourreaux. Le fils étendu sur la croix, et la mère au pied de la croix y restait prête à mourir avec lui ('). »

    Dépouillé de tout vêtement, couvert seulement de sang et de plaies, suspendu entre le ciel et la terre, Jésus fut cloué sur la croix par les trois clous forgés par nos trois concupiscences : la concupiscence du corps, la concupiscence des yeux, et l'orgueil de la vie. Sa divinité l'unissait au ciel, et son sang coulant jusqu'à la dernière goutte l'unissait à la terre. 0 Jésus ! elle s'est accomplie sur vous cette prophétie : « Ils ont percé mes mains et mes pieds et ils ont compté tous mes os (2). » Ils les ont comptés, les assassins de Dieu ; et la mère du Dieu vivant, souffrant pour nos péchés, les a comptés aussi. Marie a compté les os de Jésus, car tous ses os s'étaient disloqués sur la croix. Le bruit des os qui se désarticulaient, des nerfs qui se brisaient sous les coups des clous et du marteau, sous le poids du corps et par la terrible secousse de la croix précipitée dans le creux du rocher, tout cela brisait, déchirait l'âme de Marie ; tout cela lui faisait endurer les souffrances de la mort, de la mort la plus cruelle, car c'était la mort de son fils, de la mort vivante, car Marie lui devait survivre !

    Marie n'a point succombé sous l'incommensurable fardeau de cette douleur ; elle se tenait debout, et d'un œil plein de désolation elle contemplait Jésus. Toutes les fois que leurs regards se rencontraient, un nouveau coup mortel perçait leurs âmes, et ce qui augmentait encore cette inconcevable douleur, c'est que Marie ne pouvait en aucune façon soulager son fils agonisant, ni l'aider en quoi que ce fût. 0 Marie ! c'est en vain que vous lui tendez vos bras ; c'est en vain que vous cherchez à l'attirer sur votre sein ! C'est principalement dans ce moment que le Fils de l'homme n'avait pas où reposer sa tête !

    Lorsque Jésus s'écria : « J'ai soif (') ! » Marie ne pouvait lui offrir que ses larmes, amères, brûlantes, qui tombaient sur le cœur de Jésus comme une pluie de feu, et qui du cœur de Jésus retombaient sur le cœur de Marie en torrent de feu. 0 Jésus ! vous avez soif de nos âmes, et Marie aussi en a soif pour vous : c'est cette soif qui lui fait unir son sacrifice au vôtre ; c'est cette soif qui la fait consentir à votre mort sur la croix, et par là même à la sienne, plus cruelle encore !

    Lorsque Marie entendit l'unique et profond gémissement de son fils : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'avez-vous abandonné (2) ? » que de gémissements retentirent dans son âme ! Ce fut le moment le plus douloureux : on dirait presque le seul moment douloureux de toute la passion de Jésus-Christ ; car, tout le long de sa passion il était demeuré muet comme un agneau, et dans ce moment sa douleur éclata par un cri si terrible ! 0 Jésus ! Jésus ! vous demandiez à votre Père, sur la montagne des Oliviers, qu'il détournât de vous le calice d'amertume, car vous y voyiez au fond ce moment d'abandon de Dieu ! 0 que sera-ce donc que l'abandon de Dieu pour l'éternité ? 0 Marie ! à cette seule pensée, mon cœur est saisi d'un effroi mortel... 0 Marie, secourez-moi ! rendez-moi Dieu que j'ai déserté, et désormais ne souffrez pas que je le déserte

     Près de Marie, au pied de la croix, se tenait saint Jean,le disciple aimé du Seigneur, aimant le Seigneur. Seul d'entre les disciples il était là, afin de recueillir, pour eux et pour nous, la dernière parole du testament, le dernier trésor de l'héritage du Sauveur. Jésus était à l'agonie, ses deux bras étendus dans toute leur grandeur, pour embrasser tous les peuples et toutes les générations, car il mourait pour tous. Sa tête, couronnée d'épines, penchée vers la terre, purifiait et faisait renaître la terre par les dernières gouttes de son sang. Sa figure pâle et endolorie, mais sereine et bienveillante, semblait se tourner vers ses bourreaux pour leur donner le baiser de paix. Mais ses yeux s'entr'ouvrent encore... sa bouche articule des sons... Que cherchent donc ces regards ?... que dira cette bouche ?... Ah ! ses yeux voulaient encore voir pour la dernière fois sa mère et son disciple bien-aimé ; sa bouche... 0 ! elle avait encore à dire une parole d'amour, du plus grand amour, pour eux et pour nous ! — « Jésus ayant donc vu sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme ! voilà votre fils ; puis il dit au disciple : Voilà votre mère ('). »

    « Femme ! voilà votre fils. » C'est la bouche de Jésus qui a prononcé ces paroles ; mais son cœur y disait : Femme promise par Dieu pour être la mère de tous les vivants dans l'ordre de la grâce et du salut éternel ! femme qui avez écrasé la tête du serpent par la mort de votre fils ! femme conçue sans tache et pleine de grâce ! femme dans laquelle la Très-Sainte Trinité s'est complue avant le commencement des siècles ! fille bien-aimée du Père éternel ! mère admirable du Fils de Dieu ! vierge épouse du Saint-Esprit ! femme attendue par les nations, dont la promesse faisait battre leur cœur de foi et d'espérance ! femme attendue dans les cieux pour être la reine des anges et des saints ! femme qui m'avez donné le sang et le corps et qui offrez avec moi en sacrifice ce sang et ce corps ! femme forte ! vous qui avez sauvé le monde avec moi, vous qui êtes la mère du genre humain, la mère des élus, la mère de l'Église : — « Femme ! voilà votre fils. » — Ainsi, dans la personne de Jean, le Christ nous donna tous pour fils à sa mère. « Puis il dit au disciple : Voilà votre mère ('). » Ainsi, dans la personne de Jean, le Christ donna sa mère à nous tous pour mère ; car toute parole de Dieu s'exécute en même temps. Et, dès ce moment, la mère du Christ a ouvert pour nous son cœur maternel ; et à l'instant même elle a obtenu pour nous cette prière de son fils agonisant, cette prière qui donne accès au pardon, même aux plus grands pécheurs : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (2). » Et à l'instant même cette prière ouvrit le ciel au larron repentant. « Vous serez aujourd'hui avec moi dans le paradis (3), » lui dit Jésus-Christ. Et, dès ce moment, le paradis est ouvert par l'intercession de Marie à tout pécheur repentant.

    « Il parut un grand prodige dans le ciel : c'était une femme qui était revêtue du soleil, et qui avait la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte et elle criait étant en travail et ressentant les douleurs de l'enfantement (4). » C'était Marie que saint Jean voyait dans l'Apocalypse, et saint Bernardin de Sienne nous dit: « Marie a souffert à la mort de son fils les douleurs les plus cruelles pour devenir la mère de tous les fidèles, et ces douleurs égalent les douleurs de toutes les mères ensemble, car les douleurs de toutes celles qui enfantent se sont concentrées dans cette mère unique (') » — « Debout sous la croix, vous enfantiez dans des douleurs atroces, dit saint Bernard. Vous avez payé au pied de la croix votre privilége de mère. Vous n'avez point souffert de douleurs en enfantant votre fils, mais vous avez souffert mille douleurs au moment de sa mort (2), » — « en devenant mère de tous les fidèles (3). »

    C'est en souffrant toutes ces douleurs que Marie est devenue notre mère ; et c'est grâce à ces douleurs que nous sommes devenus frères de Jésus-Christ. « De tout votre cœur n'oubliez point les douleurs de votre mère, afin que votre sacrifice d'expiation et votre offrande soient entièrement parfaits (4)'. »

    0 Marie ! Jésus en mourant a imploré pour nous son Père éternel ; qui est-ce qui implorera Jésus pour nous, qui ne l'avons pas crucilié une fois, mais tant de fois ? Qui serait-ce, si ce n'est vous, ô Marie, qui êtes sa mère et la nôtre ! Nous nous rappelons vos douleurs, et nous les rappelons à votre souvenir, afin que vous rappelant ce que nous vous coûtons, vous ne souffriez pas que nous périssions et que nous soyons perdus pour vous !