• Carmélites de Compiègne. 16 religieuses martyres († 1794)

     

     

    Carmélites de Compiègne († 1794)

     16 religieuses martyres

     

    Carmélites de Compiègne. 16 religieuses martyres († 1794)

     

    Les carmélites de Compiègne sont seize religieuses carmélites (cloîtrées) condamnées à mort en juillet 1794 par le Tribunal révolutionnaire pour motif de « fanatisme et de sédition ».

    Arrêtées et condamnées sous la période dite de la Terreur, elles avaient, deux ans auparavant, fait le vœu de donner leur vie pour « apaiser la colère de Dieu et que cette divine paix que son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l'Église et à l'État ».

    Leur mort paisible sur l'échafaud impressionna les foules. Elles ont été béatifiées en 1906.

    Leur vie et leur arrestation a inspiré plusieurs œuvres (nouvelle, pièce, film, opéra) appelées pour la plupart Dialogues des carmélites.

     

    Histoire

    La Fondation du couvent

    L'Ordre du Carmel est réformé en Espagne par Thérèse d'Avila en 1562.

    Le premier carmel réformé est fondé en France en 1604 par Pierre de Bérulle avec l'aide de Barbe Acarie.

     

    Le Carmel de Compiègne est fondé le 21 avril 1641.

    Huit carmélites viennent prendre solennellement possession de la maison dite de la « Toison d’Or » à Compiègne.

    C'est le cinquante-troisième carmel fondé en France.

    Les carmélites vont déménager plusieurs fois, avant de s'installer définitivement dans le convent construit pour elles le 23 mars 1648 et dédié au mystère de l’Annonciation.

    Situé à proximité du château royal, il bénéficie jusqu'à la Révolution de la protection des reines de France, d'Anne d'Autriche jusqu'à Marie-Antoinette.

    Avant la Révolution, le carmel compte vingt et un membres. Les religieuses de chœur étant issue de la petite ou moyenne bourgeoisie ou de la petite noblesse, il ne s'en trouve aucune parmi elles qui fût issue d'une famille de la grande aristocratie.

    Au moment où débute la Révolution française, la prieure est mère Thérèse de Saint-Augustin.

     

    Le songe de sœur Élisabeth-Baptiste

    À la fin du XVIIe siècle, soit un siècle avant la Révolution, une carmélite de ce monastère, sœur Élisabeth-Baptiste, voit en songe toutes les religieuses de son couvent dans la gloire du Ciel, revêtues de leur manteau blanc et tenant une palme à la main.

    L'interrogation quant à l'éventualité d'un martyre pour les religieuses de ce couvent restera présente tout au long du siècle, jusqu'à l'arrivée de la Révolution et du début des violences.

    Aussi, en septembre 1792, lorsque la mère prieure sent dans la communauté monter le désir du martyre, elle propose aux religieuses de faire un acte de consécration par lequel « la communauté s'offrirait en holocauste pour apaiser la colère de Dieu et [pour] que cette divine paix que son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l'Église et à l'État ».

    Cette consécration est faite d'enthousiasme par toutes les religieuses, sauf deux, plus anciennes, qui expriment leurs craintes.

    Elles sont moins émues par le sacrifice lui-même que de la manière dont il devra s'accomplir (la guillotine).

    Mais quelques heures plus tard, en pleurant, elles sollicitent la faveur de prêter à leur tour le serment, et ainsi de se joindre à leurs sœurs.

    Et ainsi, chaque jour, toute la communauté, dans son ensemble – lorsque les religieuses étaient encore dans leur carmel –, puis dans les différents groupes – lorsqu'elles ont été expulsées du couvent –, renouvelait sa consécration et son engagement à mourir pour la France.

     

    Vie du couvent pendant la Révolution française

    Les spoliations

    Décret de l'Assemblée national [sic] qui supprime les ordres religieux et religieuses. Le mardi 16 février 1790. Caricature anonyme de 1790. « Que ce jour est heureux, mes sœurs. Oui, les doux noms de mère et d'épouse est bien préférable à celui de nonne, il vous rend tous les droits de la nature ainsi qu'à nous. »

     

    Le 2 novembre 1789, les biens du clergé sont confisqués et remis à la Nation, afin de résoudre la crise financière, premier motif de la convocation des États généraux de 1789, mais les religieuses peuvent rester provisoirement dans leurs bâtiments.

    Le 13 février 1790, tous les ordres monastiques et les congrégations religieuses régulières sont dissous.

    Les vœux qu'elles ont prononcés lors de leur entrée au couvent sont déclarés nuls.

    L'Assemblée nationale les invite à rentrer chez elles, mais les autorise, si elles le désirent, à rester dans leur couvent, devenu bien national.

    L'Assemblée constituante propose de servir une pension aux religieuses.

    Les carmélites de Compiègne ayant déclaré vouloir vivre et mourir dans leur « Sainte Maison », restent en communauté, et touchent leurs 7 243 livres de pension annuelle légale.

    En décembre 1789, sœur Constance de Jésus, alors novice au carmel, se trouve interdite par la loi de prononcer ses vœux (loi du 29 octobre 1789 de « Suspension des vœux dans les monastères »).

    Elle restera donc novice, accompagnant fidèlement ses sœurs carmélites.

    Le décret du 8 octobre 1790 prévoit que « les religieuses qui préféreraient la vie commune à la liberté devaient nommer entre elles, au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, une supérieure et une économe ». Mère Thérèse de Saint-Augustin est (ré)élue supérieure, et mère Henriette de Jésus est élue économe.

    Les congrégations séculières seront dissoutes le 18 août 1792.

    La veille, les autorités ont signé le décret expulsant de leurs couvents toutes les religieuses qui y étaient encore, les bâtiments devant être vendus pour financer la dépense publique.

    La date limite de l'exécution est fixée au 1er octobre.

    C'est dans les jours qui suivent que la communauté monastique prononce son vœu de martyre.

    Le 14 septembre 1792, jour de la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, les carmélites sont expulsées par les autorités civiles de leur couvent, et quittent celui-ci, privées de leurs tenues de religieuses : elles sont « rendues à la vie civile ».

     

    Le serment Liberté-Égalité

    La Convention nationale impose aux ex-religieuses, par le décret du 15 août 1792, de prêter serment devant la nation en déclarant : « Je jure d'être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en la défendant. »

    Certaines religieuses refuseront avec force, et jusqu'à la mort, de prêter ce serment, arguant qu'il est en opposition avec leurs vœux d'obéissance prononcés lors de leur entrée dans les ordres.

    Pour ne pas être parjure avec leur propre parole donnée, elles refusent donc de prêter serment.

    Ce ne sera pas le cas des carmélites de Compiègne qui, le 19 septembre 1792, prêteront toutes le serment « Liberté-Égalité » sur les conseils des autorités civiles de la commune, mais sans prêter le serment de la Constitution civile du clergé.

    Le carmel clandestin

    Requête des carmélites de Compiègne avec leurs signatures. Illustration tirée de Henri Chérot (s.j.), Figures de Martyrs, 1907

     

    Expulsées de leur couvent le 14 septembre 1792, fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, elles sont hébergées par quelques familles de Compiègne, et réparties en quatre groupes dans des maisons contiguës près de Saint-Antoine.

    Elles s’organisent pour continuer leur vie de carmélites : temps de prière, de travail, etc.

    Pendant quelques mois, elles réussissent à assister à la messe dans l’église Saint-Antoine de Compiègne, en entrant discrètement par la petite porte, du côté est de l’église.

    Elles maintiennent une vie communautaire paisible et discrète.

    Cinq jours après leur expulsion, elles ont même prêté le serment « Liberté-Égalité » exigé pour les religieux pensionnés par la République.

    Chaque jour, elles prononcent leur « vœu de consécration totale à la Volonté Divine », fût-ce au prix de leur vie, pour obtenir la fin des violences et la paix pour l'Église et l'État.

    Mais à l'automne 1793, dans le cadre de la déchristianisation, la pratique du culte catholique devient très difficile à Compiègne, tout comme dans le reste de la France.

    Arrestation et jugement

     Terreur et déchristianisation à Compiègne

    L'affaire des carmélites de Compiègne a lieu dans le contexte de la période dite de la Terreur.

    Le 10 juin 1794, une nouvelle législation répressive (la « loi du 22 prairial ») est mise en place.

    Cette loi modifie le fonctionnement du Tribunal révolutionnaire de Paris, notamment en supprimant plusieurs des garanties des accusés (dont ceux d'appeler des témoins pour la défense si le jury s'estime suffisamment éclairé par des preuves écrites, ou de nommer un défenseur officieux) et en éliminant la possibilité de rendre d'autre verdict que la condamnation à mort ou l'acquittement.

    La loi du 22 prairial est généralement rendue responsable de la forte augmentation du nombre des condamnations entre sa première application et le 9 thermidor.

    D'autres facteurs peuvent aussi être invoquées, telles que des conflits internes au gouvernement révolutionnaire et la suppression des tribunaux d'exception des départements, décrété le 8 mai 1794 (19 floréal an II).

    Les raisons de l'adoption de cette loi et de son application et les abus qu'elle a entraînés restent sujets aux controverses historiographiques.

    Durant quarante-sept jours (du 10 juin 1794 au 28 juillet) il y aura autant de condamnés à mort que durant les quatorze mois précédents. Pierre-Gaspard Chaumette, membre actif de la Terreur, dira même, en parlant de la guillotine : « Montagne sainte, devenez un volcan dont les laves dévorent nos ennemis ! Plus de quartier, plus de miséricorde aux traîtres ! Jetons entre eux et nous la barrière de l'éternité ! ».

    En mai 1794, la ville de Compiègne était en proie aux accusations de « modérantisme ».

    Afin de détourner les soupçons, les autorités locales ont inventé un « complot fanatique » ayant pour auteurs les religieuses du Carmel.

    D'après l'historien Jacques Bernet, cette affaire, qui aurait dû rester locale, est devenue nationale lorsque le Comité de Sûreté générale a décidé de l'instrumentaliser dans sa lutte contre Robespierre et le Comité de Salut public.

    Un ordre de perquisition est signé le 21 juin 1794 ; il est promptement exécuté dans les maisons occupées par les religieuses.

     

    L'arrestation

    image illustrative de l’article Carmélites de Compiègne

     

    Exécution des Carmélites, vitrail de l'église Notre-Dame du Mont-Carmel de Quidenham (Angleterre)

     

    Les seize carmélites présentes à Compiègne sont arrêtées les 22 et 23 juin 1794 et incarcérées à l'ancien couvent de la Visitation, transformé en prison.

    La supérieure, Mère Thérèse de Saint-Augustin, était en déplacement à Paris du 13 au 21 juin, et revient donc « juste à temps ».

    Quelques écrits et objets compromettants – quelques lettres imprudentes et critiquant la Révolution, qui étayeront la thèse d'un prétendu complot royaliste et fanatique –, trouvés lors de la perquisition, justifient leur arrestation.

    Bien que l'apogée du mouvement déchristianisateur soit déjà passé, les ordres religieux demeurent une cible de la répression.

    Ainsi à Arras, le 26 juin, quatre religieuses des Filles de la Charité sont exécutées et, en juillet, ce sont trente-deux religieuses (ursulines, sacramentaires et bernardines), ainsi que trente prêtres qui sont guillotinés.

    Le 12 juillet 1794, les seize carmélites sont transférées de Compiègne à la Conciergerie à Paris, où elles sont jugées le 17 juillet (29 messidor an II), pendant la période que l'historiographie désigne traditionnellement comme la "Grande Terreur".

    Les carmélites, juste avant leur transfert, remettent leurs robes blanches de carmélites, et c'est en tenue de religieuses qu'elles arrivent à Paris.

    En prison

    Paradoxalement, c'est leur arrestation et la prison qui permettent aux carmélites de toutes se retrouver ensemble.

    Elles en profitent pour vivre ensemble leur règle de vie, et chanter leurs offices. Denis Blot, témoin des faits, a déclaré « qu'on les entendait toutes les nuits, à deux heures du matin, récitant leur office ».

    Le 16 juillet, elles célèbrent la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel avec un grand enthousiasme.

    Au dire d'un détenu, ce jour, veille de leur mort, paraissait être un grand jour de fête.

     

    Les éléments d'accusation

     

    Le Sacré-Cœur, d'après la vision de Marguerite-Marie Alacoque, XVIIIe siècle. Musée du Cœur (Bruxelles)

     

    Des images du Sacré-Cœur sont retrouvées dans leurs maison, et le tribunal y voit un « caractère de ralliement des rebelles de la Vendée ».

    La dévotion au Sacré-Cœur, peu connue en France avant la Révolution, s'est répandue très vite dans les années 1789-1790.

    De nombreux prêtres l'ont recommandée.

    Elle est devenue très pratiquée dans les couvents.

    Il n'est pas étonnant d'avoir trouvé de telles images dans les maisons des religieuses.

    L'accusation de « fanatisme » est liée à la volonté des religieuses de continuer à vivre leur foi catholique, de rester fidèles à leur vœu d'obéissance qu'elles ont prononcés lors de leur entrée dans leur ordre.

    Le simple fait que les religieuses soutiennent devant le tribunal leur attachement religieux est donc, pour le tribunal, une preuve de fanatisme.

    Le terme de « fanatisme » avait été défini par Voltaire comme une « folie religieuse sombre et cruelle ».

    Il ajoutait : « pour qu'un gouvernement ne soit pas en droit de punir les erreurs des hommes, il est nécessaire que ces erreurs ne soient pas des crimes ; elles ne sont des crimes que quand elles troublent la société ; elles troublent la société dès qu'elles inspirent le fanatisme ; il faut donc que les hommes commencent par n'être pas fanatiques pour mériter la tolérance ».

    Le simple fait que les religieuses soutiennent devant le tribunal leur attachement religieux est donc, pour le tribunal, une preuve de fanatisme.

    Jean-Jacques Rousseau avait écrit en 1762 : « quiconque refusera d'obéir à la volonté générale, y sera contraint par tout le corps ; ce qui ne signifie autre chose, sinon qu'on le forcera d'être libre ».

    Pour les esprits révolutionnaires, le « fanatisme » est considéré comme un crime si grave qu'il n'est pas nécessaire de faire une loi contre lui : c'est le crime par excellence qui trouble la société.

    Les chefs de la Révolution et les juges du tribunal ne comprennent donc pas que des religieuses soient prêtes à renoncer à leur liberté et à se soumettre à une règle de vie en communauté où « elles renoncent à tous leurs biens ».

    Cet attachement à leur foi leur semble suspect. Et, par là, criminel.

    C'est pour cela que les religieuses seront parfois sorties de force de leurs couvents pour être fouettées publiquement, puis emprisonnées, et même guillotinées.

    Cette affaire ne peut être comprise en-dehors de la déchristianisation ou de la « défanatisation » révolutionnaire, et au-delà, des rapports complexes entre la Révolution et l'Église catholique depuis 1789.

    Il serait pourtant inexact de vouloir y voir une simple relation de cause à effet, car la répression du clergé réfractaire a été fort inégale.

    En l'occurrence, la lutte contre le fanatisme sert avant tout de prétexte à un procès dont les objectifs sont liés à des enjeux politiques tout autres.

     

    Le procès

     

    Fouquier-Tinville

     

    L'acte d'accusation est rédigé par Fouquier-Tinville.

    Les « ci-devant » religieuses sont accusées « d'avoir formé des conciliabules de contre-révolution et d'avoir continué à vivre soumises à leur règle et à leur supérieure » ; elles sont taxées de fanatisme. Leur correspondant épistolaire, M. Mulot, un homme marié, est qualifié de prêtre réfractaire.

    Un seul témoin est cité, mais ne comparaît pas.

    L'acte de condamnation est imprimé avant la tenue du procès, et elles n'ont pas droit à un avocat, conformément à la loi du 22 prairial.

    Sœur Marie de l’Incarnation indiquera dans son récit sur la vie des carmélites que celles-ci ont – en plus – réfuté leur serment liberté-égalité durant leur procès. Ce point sera repris par différents hagiographes.

    Ce point semble être confirmé par des historiens qui indiquent que l'acte d'accusation cite le « refus de prêter serment ».

    Toutes sont condamnées à mort et exécutées le jour même comme « fanatiques et séditieuses ».

     

    Exécution des seize carmélites

     

    Les martyres de Compiègne à la guillotine. Dessin de 1907

     

    Elles sont guillotinées le 29 messidor an II (17 juillet 1794), à la barrière de Vincennes, sur la place du Trône-Renversé (ancienne place du Trône, dénommée ainsi depuis 1792, actuellement place de la Nation).

    Les seize religieuses, conduites par leur supérieure, mère Thérèse de Saint-Augustin, quittent la prison vers 18 heures et prennent le chemin de la guillotine en chantant des cantiques tout au long du parcours (le Miserere, le Salve Regina).

    Vêtues de leurs manteaux blancs de religieuses, elles descendent des charrettes, puis se mettent à genoux et entonnent le Te Deum, prononcent le renouvellement de leurs vœux et chantent le Veni Creator.

    À 20 heures, les assistants du bourreau Charles-Henri Sanson viennent chercher la première, qui est aussi la plus jeune, sœur Constance de Jésus, une novice.

    Elle fait une génuflexion devant la mère supérieure pour lui demander la permission de mourir.

    En montant les marches de l'échafaud, elle entonne le Laudate Dominum (psaume chanté lors des fondations des carmels, avec la symbolique de fonder au Ciel une nouvelle communauté).

     

     

    Reproduction d'une aquarelle peinte par une carmélite. Illustration extraite de Louis David (o.s.b.), Les Seize Carmélites de Compiègne, [1906]

     

    Les quinze autres carmélites sont exécutées ensuite. Sœur Marie Henriette de la Providence, l'infirmière, est l'avant-dernière ; la mère supérieure, mère Thérèse de Saint-Augustin, passe en dernier.

    Les chants des religieuses, durant leur parcours jusqu'à la guillotine, puis gravissant l'échafaud, impressionnent fortement la foule qui assiste en silence au transfert des religieuses et à leur exécution.

    « On ne saurait croire l'impression de respect que commandait le dévouement de ces généreuses victimes ; toutes soupiraient après le moment de leur sacrifice, toutes s'exhortaient a rester fermes et généreuses dans le dernier combat... ; elles avaient l'air d'aller à leurs noces. » (témoignage d'un employé de la prison).

    Leurs corps et leurs têtes sont jetés de nuit dans l'une des deux fosses communes du cimetière de Picpus.

    Les dépouilles se trouvent encore dans le jardin des religieuses.

     

    Épilogue d'une tragédie

    Les religieuses sont guillotinées le 17 juillet, et l'historiographie traditionnelle, à partir de la matrice thermidorienne, fait terminer la Terreur avec le coup d'État parlementaire du 9 thermidor an II.

    L'hagiographie anti-révolutionnaire a voulu voir dans l'arrêt de la Terreur, onze jours après la mort des carmélites, une réponse positive à la prière des religieuses.

    Le monastère de Compiègne est vendu en 1795.

    Aujourd'hui, il n’en reste rien. L’emplacement du monastère est occupé par l’École d’État-major et le Théâtre impérial.

    Depuis 1994, une plaque rappelle l'ancienne présence du bâtiment religieux.

     

    Les rescapées

    Sur les vingt et une carmélites présentes à l'aube de la Révolution, deux vont mourir avant l'année 1791, et trois autres vont partir pour Rosières-en-Santerre et pour Paris.

    Elles échappent ainsi involontairement au martyre collectif.

    Les sœurs Stanislas de la Providence (Legros) et Thérèse de Jésus (Jourdain) partent s'installer à Rosières-en-Santerre, dans la Somme, chez le frère de sœur Stanislas en mars 1794, pour aider celui-ci à la suite de la mort de son épouse).

    Sœur Thérèse de Jésus meurt à Soyécourt en 1830, âgée de 82 ans. Nous n'avons pas de traces de sœur Stanislas de la Providence.

    Toujours en mars 1794, sœur Marie de l’Incarnation se rend à Paris pour la régulation d’une rente sur l’État.

    Marie de l'Incarnation va rassembler les documents et archives de la communauté, rencontrer les sœurs bénédictines anglaises de Cambrai, emprisonnées avec les carmélites et qui figureront parmi les derniers témoins.

    Après avoir voyagé en France, elle s'installe au Carmel de Sens en 1823, jusqu'à sa mort le 10 janvier 1836.

    C'est elle qui raconta le martyre de ses compagnes et qui nous laissa le récit de leur histoire.

     

    Béatification et fête

    Le procès en béatification s'ouvre en 1896.

    Mgr Roger de Teil est postulateur à la cause des béatifications.

    En septembre 1896, il se rend au Carmel de Lisieux faire une conférence sur les carmélites de Compiègne qui impressionnera beaucoup Thérèse de Lisieux.

    Le 27 mai 1906, les carmélites sont béatifiées par le pape Pie X en pleine période de séparation de l'Église et de l'État en France, alors qu'à nouveau les biens de l'Église sont saisis par l'État, et les congrégations religieuses expulsées de France.

    Leur fête est célébrée le 17 juillet. Dans l'Ordre du Carmel, celle-ci est célébrée avec rang de mémoire.

     

    Noms des seize carmélites

     Plaque en mémoire des seize carmélites de Compiègne au cimetière de Picpus

     

    L'âge moyen des condamnées est de quarante-neuf ans. La liste des carmélites est la suivante :

    • Sœur Constance de Jésus (29 ans, novice), née Marie-Geneviève Meunier le 28 mai 1765 à Saint-Denis,
    • Sœur Saint Louis (42 ans, sous-prieure), née Marie-Anne-Françoise Brideau le 7 décembre 1751 à Belfort,
    • Sœur Euphrasie de l’Immaculée Conception (58 ans, choriste), née Marie Claude Cyprienne Brard le 12 mai 1736 à Bourth (Eure),
    • Sœur Julie-Louise de Jésus (53 ans, choriste), née Rose Chrétien de Neuville le 30 décembre 1741 à Évreux (Eure),
    • Sœur Sainte Marthe (51 ans, converse), née Marie Dufour le 2 octobre 1741 à Bannes (Sarthe),
    • Sœur de Jésus Crucifié (78 ans, choriste jubilaire) née Marie-Anne Piedcourt le 9 décembre 1715 à Paris, Saints-Innocents,
    • Sœur Marie du Saint Esprit (52 ans, sœur converse), née Angélique Roussel le 3 août 1742 à Fresne-Mazancourt (Somme),
    • Sœur Saint François-Xavier (33 ans, sœur converse), née Juliette Verolot le 13 janvier 1764 à Lignières (Aube),
    • Sœur Thérèse de Saint Ignace (51 ans, choriste), née Marie-Gabrielle Trézel le 4 avril 1743 à Compiègne, Saint-Jacques,
    • Sœur Charlotte de la Résurrection (78 ans, choriste jubilaire), née Anne-Marie-Madeleine-Françoise Thouret le 16 septembre 1715 à Mouy (Oise),
    • Sœur Thérèse du Cœur de Marie (52 ans, choriste), née Marie-Anne Hanisset le 18 janvier 1742 à Reims
    • Sœur Catherine (52 ans, tourière) – non une religieuse mais « femme gagée » –, née Catherine Soiron le 2 février 1742 à Compiègne, Saint-Jacques,
    • Sœur Thérèse (49 ans, tourière) – même statut que sa sœur Catherine –, née Marie-Thérèse Soiron le 23 janvier 1748 à Compiègne, Saint-Jacques,
    • Mère Henriette de Jésus (49 ans, maîtresse des novices), née Marie Françoise Gabrielle Colbert de Croissy le 18 juin 1745 à Paris, Saint-Roch,
    • Sœur Marie-Henriette de la Providence (30 ans, choriste), née Marie-Anne Pelras le 16 juin 1760 à Cajarc (Lot)
    • Mère Thérèse de Saint-Augustin (41 ans, prieure), née Marie-Madeleine-Claudine Lidoine le 22 septembre 1752 à Paris, Saint-Sulpice.

     

    Le retour des carmélites à Compiègne

    La restauration du carmel

    À partir de 1835, les carmélites tentent de refonder un couvent à Compiègne sous l’impulsion de la mère Camille de Soyécourt, du carmel de la rue de Vaugirard à Paris (actuellement à Créteil), et de l’abbé Auger, curé de la paroisse Saint-Antoine.

    La reine Marie-Amélie donne son appui. Mais la Révolution de 1848 disperse les sœurs, qui regagnent leurs carmels d’origine.

    Le 18 janvier 1867, mère Marie-Thérèse de l’Enfant-Jésus (Marie Daignez) conduit quelques religieuses du carmel de Troyes, qui s’installent officiellement, mais provisoirement, dans une maison rue Saint-Lazare, à la périphérie de la ville.

    La construction d'un monastère est entreprise en 1872 et prend fin avec l’inauguration de la chapelle en 1888.

    L'afflux de postulantes permet à mère Marie des Anges (Olympe Anner) de fonder le carmel de Beauvais en 1892.

    En 1894, la célébration du centenaire du martyre des carmélites de Compiègne trouve un large écho dans l’opinion publique et les carmels de France.

    À Lisieux, sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus confectionne une oriflamme destiné à la décoration de la chapelle du carmel de Compiègne.

    En 1896 s’ouvre le procès de béatification, qui aboutit le 27 mai 1906.

    L'expulsion des communautés religieuses en 1906 pousse la communauté de Compiègne à partir à Statte en Belgique, où elles fondent un nouveau carmel sous la conduite de mère Marie de Saint-Joseph (Célina Wattecamps).

    Au cours du XXe siècle, plusieurs sœurs provenant du carmel de Compiègne vont fonder d’autres carmels (Betafo à Madagascar, l’actuel carmel de Tananarive, Saint-Sever dans les Landes, Mangalore et Shembaganur en Inde).

    À la fin des années 1920, quand la situation se débloque entre l'État et l'Église, les ordres religieux reviennent et les carmélites réintègrent leur monastère de Compiègne.

    En 1992, les carmélites décident de vendre le monastère et d'en construire un nouveau à Jonquières, à 10 kilomètres à l’ouest de Compiègne.

    Elles conservent, dans la crypte de l’église, les souvenirs qu'elles ont pu recueillir des carmélites martyres.

    Les reliques

    Les vêtements civils portés par les carmélites après leur expulsion du carmel et durant leur emprisonnement ont été recueillis par des religieuses anglaises, emprisonnées en même temps que les carmélites.

    Expulsées de France après de longs mois d'emprisonnement, elles sont retournées en Angleterre en ramenant précieusement ces dernières reliques des carmélites, les corps et vêtements religieux de ces dernières ayant été jetés dans la fosse commune.

    Elles ont par la suite expédié ces reliques à différents carmels dans le monde.

    Citations

    Chanson composée par sœur Julie-Louise, le jour de Notre-Dame du Mont-Carmel, à la Conciergerie sur l’air de La Marseillaise :

    Préparons-nous à la victoire
    Sous les drapeaux d'un Dieu mourant ;
    Que chacun marche en conquérant ;
    Courons tous, volons à la gloire !
    Ranimons notre ardeur :
    Nos corps sont au Seigneur.
    Montons, montons
    À l'échafaud, et Dieu sera vainqueur. »

     

    Dans l'art et la littérature

     Dans la littérature

    • En 1937, Gertrud von Le Fort publie la nouvelle La Dernière à l'échafaud (Die Letzte am Schafott). Gertrud von Le Fort s'est inspirée de La Relation du martyre des seize carmélites de Compiègne, manuscrits de sœur Marie de l'Incarnation (Françoise-Geneviève Philippe, 1761-1836), seule rescapée. Le personnage de Blanche de La Force est une création romanesque partiellement autobiographique ; son nom « de La Force » est une transcription transparente du nom de l'auteur, Gertrud « von Le Fort ».
    • En 1949, la pièce – posthume – de Georges Bernanos, Dialogues des Carmélites, inspirée de la nouvelle de Gertrud von Le Fort, immortalise cet épisode de la Révolution et, fait exceptionnel, entre dès les années suivantes au répertoire de la Comédie-Française

    En peinture

    • Thérèse de Saint Augustin et le martyre des seize carmélites de Compiègne. Tableau d’Étienne Azambre, chapelle du Saint-Sacrement de l’église Saint-Sulpice de Paris.

    En musique

    • En 1957, Francis Poulenc en tire un opéra : Dialogues des carmélites, créé en 1957.

     

    Au cinéma

    • En 1960, le père Bruckberger et Philippe Agostini réalisent le film Le Dialogue des Carmélites avec, entre autres, parmi la distribution, Madeleine Renaud, Alida Valli, Jeanne Moreau, Pascale Audret, Anne Doat, Judith Magre et Georges Wilson.
    • En 1984, Pierre Cardinal réalise le téléfilm Dialogues des Carmélites, diffusé le 15 février 1984, avec Anne Caudry, Marie-Christine Rousseau, Madeleine Robinson, Nicole Courcel et Suzanne Flon.
    • En 1987, Gildas Bourdet présente pour la première fois une version intégrale, à Lille d'abord, où le metteur en scène dirigeait un théâtre national décentralisé, puis à Paris au Théâtre de la Porte-Saint-Martin sous l'égide de la Comédie Française.

     

     
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